Le nombre croissant d’articles publiés dans la littérature urologique
sur les usages thérapeutiques des TBs, témoigne de l’intérêt suscité
par cette nouvelle approche thérapeutique. Nous proposons, après
une mise au point sur les principales propriétés des TBs, une revue
de la littérature concernant les résultats de leurs usages thérapeu-
tiques en urologie.
Propriétés des toxines botuliques
Les agents du botulisme
Les TBs comptent parmi les plus puissants des poisons naturels [1].
Ce sont des neurotoxines, produites par une bactérie Gram négati-
ve, sporulée, anaérobie stricte, naturellement présente dans l’envi-
ronnement (sol, poussière, sédiment marin) : le Clostridium Botuli-
nium (CB) [2]. Il existe 7 sérotypes de TB, selon leurs propriétés
antigéniques : A, B, C1, E, F, G. Les toxines A, B et E (exception-
nellement C et F) sont les agents des botulismes humains [3]. Les
botulismes humains résultent de l’action d’une de ces toxines, au
niveau des synapses cholinergiques périphériques, en particulier les
jonctions neuromusculaires. La toxine bloque la libération de l’acé-
tylcholine et entraînent un paralysie prolongée des organes ainsi
dénervés (muscles striés, lisses, glandes exocrines). Les formes cli-
niques du botulisme humain diffèrent par le mode d’entrée des toxi-
nes [3] : ingestion de Toxines préformées par la pullulation de CB
dans des conserves mal préparées (classique botulisme alimentaire)
;ingestion et pullulation de CB en présence d’un tractus digestif
immature ou pathologique (botulisme infantile ou cryptogénique,
actuellement la forme la plus fréquente de botulisme humain) ;
colonisation d’une plaie par le CB (botulisme des plaies); aérosoli-
sation accidentelle ou intentionnelle de toxine (rarissime botulisme
d’inhalation ou usage guerrier), injection vasculaire accidentelle
directe de toxine A ou B (botulisme iatrogène).
Mode d’action des toxines botuliques
Les TBs sont des macroprotéines formées d’une chaîne lourde
(Chaine-H 100 kD) et d’une chaîne légère (Chaine-L 50 kD) reliées
par un pont disulfide thermolabile expliquant leur inactivation par
la chaleur.Elles exercent une activité d’endopeptidase dans le cyto-
plasme des terminaisons nerveuses périphériques où elles clivent
les protéines du groupe SNAREs [Soluble NSF (N-ethylmaleimo-
de-sensitive factor) Attachment Receptors] nécessaires à la régula-
tion de l’exocytose [4] (Figures 1 et 2). Les TBs ont une forte affi-
nité pour les terminaisons nerveuses efférentes cholinergiques péri-
phériques (jonction neuro-musculaire, neurones sympathiques et
parasympathiques pré-ganglionnaires et fibres parasympathiques
post-ganglionnaires) où elles bloquent l’exocytose des vésicules
pré-synaptiques contenant l’acetylcholine [4]. Il résulte de ce mode
ARTICLE DE REVUE Progrès en Urologie (2006), 16, 263-274
Toxines botuliques : applications urologiques
Gilles KARSENTY (1, 2, 3),Jacques CORCOS (2),Brigitte SCHURCH (3)
(1) Service d’Urologie, Hôpital Salvator, Marseille, France, (2) Service d’Urologie, Hôpital Général Juif, Université McGill, Montréal, Canada,
(3) Département de Neuro-urologie, Clinique Universitaire Balgrist, Université de Zurich, Suisse
RESUME
Les toxines botuliques (TBs) sont parmi les plus puissants des poisons naturels responsables des botulismes
humains et arme chimique potentielle, elle sont pourtant utilisées comme agent thérapeutique. Des injections
sphinctériennes, vésicales et prostatiques ont été décrites dans des indications urologiques aussi diverses que la
dyssynergie vésico-sphinctérienne et l’hyperactivité détrusorienne neurogénes, les symptômes hyperactivité vési-
cale idiopathique, la cystite interstitielle, les troubles mictionnels obstructifs liés à l’hypertrophie bénigne de la
prostate ou aux prostatites chroniques, et les récidives de sténoses de l’urétre.
Cette revue de la littérature présente les résultats et le niveau de preuve soutenant l’usage des TBs dans les indi-
cations urologiques.
Les injections détrusoriennes de TB-A constituent une alternative conservatrice efficaces à court terme (6-
12 mois) à l’échec des anticholinergiques pour traiter l’hyperactivité détrusorienne neurogéne (niveau 1b).
Les injections sphinctériennes sont efficaces à court terme dans le traitement de la dyssynergie vésico-
sphinctérienne neurogène (niveau 1c), l’efficacité observée, au cours d’études cliniques préliminaires, des
injections détrusoriennes de TB-A pour symptômes d’hyperactivité vésicale idiopathique ou pour cystite
interstitielle (niveau 4) et des injections prostatiques pour obstruction liée à l’HBP (niveau 1c) justifie l’in-
térêt majeur suscité par cette nouvelle voie thérapeutique. Cependant une confirmation par des études com-
paratives, portant sur un nombre suffisant de patients avec un recul prolongé est nécessaire avant d’envisa-
ger un usage clinique courant.
Mots clés : Toxine botulique, incontinence, rétention urinaire, hypertrophie bénigne de la prostate, vessie neurologique.
263
Manuscrit reçu : septembre 2005, accepté : janvier 2006
Adresse pour correspondance : Dr. G. Karsenty, Service d’Urologie, Hôpital Salvator,
249, Bd. de Sainte-Marguerite, 13009 Marseille.
Ref : KARSENTY G., CORCOS J., SCHURCH B. Prog. Urol., 2006, 16, 263-274
d’action une chimiodénervation des organes recevant une innerva-
tion cholinergique. Les TBs bloquent également l’exocytose d’aut-
res neurotransmetteurs : noradrénaline, dopamine, serotonine,
GABA; calcitonine gene related peptide, substance P, au niveau
d’autres terminaisons nerveuses périphériques, ce qui expliquerait
leur effet de modulation des messages afférents en particulier noci-
ceptifs [5,6]. L’action des TBs est réversible après un délai qui varie
en fonction du sérotype. La récupération anatomique et fonction-
nelle des synapses est complète. Elle serait liée au renouvellement
des molécules pré-synaptiques clivées par la toxine ; le rôle de la
repousse précoce de néo-terminaisons nerveuses transitoires est
controversé [7]. Les TB n’altèrent ni la production ni le stockage
des neurotransmetteurs, elle n’entraînent ni inflammation, ni dégé-
nérescence neuronale [2].
Du poison à l’agent thérapeutique ubiquitaire
Il a fallu attendre plus de 50 ans après la découverte du Clostridium
Botulinum par Pierre Emile VAN ERMENGEM en 1895, puis l’isole-
ment et la purification de la TB (de type A) par Hermann SOMMER
au début des années 50, pour qu’un usage thérapeutique potentiel
des TBs soit envisagé [8]. C’est Vernon BROOKS qui rapporta le pre-
mier qu’une injection intramusculaire directe de TB-A dans un
muscle hyperactif ex-vivo y induisait une relaxation réversible [9].
En 1973 Alan SCOTT,ophtalmologue, rapportait l’effet d’une injec-
tion de Toxine botulique A dans un muscle oculomoteur chez le
singe [10], en 1980 il publiait la première application humaine dans
le traitement d’un strabisme [11]. Ainsi depuis le début des années
80 les TBs (type Aet B) sont couramment utilisées en clinique
humaine, sous forme d’injections focales intra-tissulaires. Injectées
sélectivement et à dose adaptée (les plus fortes doses thérapeutiques
maximales utilisées sont 30 à 40 fois plus faible que la DL50 du
singe) elles induisent une paralysie transitoire prolongée de l’orga-
ne cible hyperactif (muscle strié, lisse, glande sudoripare) avec une
remarquable innocuité pour de tels poisons [37]. Leur usage est
actuellement proposé dans plus de 50 indications [12], dernière-
ment la mise en évidence d’une action sur les voies afférentes en
particulier nociceptives à encore élargie leur champ d’application
[13-16].
L’usage de la TB-A en urologie fut rapporté pour la première fois
par DYSKTRA en 1988, qui l’injecta dans le sphincter strié urétral
pour traiter la dyssynergie vésico-sphinctérienne chez des hommes
blessés médullaires [17]. SCHURCH en 2000, décrivit l’effet des
injections intradétrusoriennes sur l’incontinence par hyperactivité
détrusorienne neurogène [18]. RAPP en 2003 utilisa la même appro-
che que Schurch pour traiter le syndrome clinique d’hyperactivité
vésicale chez des patients non neurologiques [19]. MARIA la même
année rapporte l’effet des premières injections de TB dans le paren-
chyme prostatique pour traiter les manifestations clinique de l’adé-
nome [20]. Actuellement quatre spécialités pharmaceutiques de TB
sont disponibles sur le marché Français : Botox®et Vistabel®(TB-
A, Allergan, vistabel étant réservé à l’usage cosmétique), Dysport®
(TB-A, Ipsen) et Neurobloc®(TB-B, Elan). Il est important de sou-
ligner que chaque produit commercialisé a un profil dose/efficaci-
té, une durée d’action, et une diffusibilité au sein de tissus propres.
Il n’existe pas à l’heure actuelle d’équivalence de dose fiable entre
les différents produits. Pour l’heure aucune spécialité de toxine
botulique n’a reçu d’AMM pour un usage urologique en France.
METHODOLOGIE
La base de donnée de la National Libraryof Medicine (NLM,
Bethesda, USA) a été interrogée (outil de recherche PubMed). La
phrase “Botulinum toxin” a été successivement croisée (opérateur
AND) avec les mots “urology”, “bladder”, “urethra”, “prostate”,
“incontinence”, “interstitial cystitis”, “spinal cord injury” et “ure-
thral sphincter”. Les articles en langue anglaise, publiés jusqu’en
septembre 2005, rapportant les résultats d’une étude clinique origi-
nale ont été sélectionnés sans autres limites.
Pour chaque indication les résultats de cette recherche ont été pon-
G. Karsenty et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 263-274
264
Figure 1. Mode d’action des toxines botuliques (Figure reproduite avec
l’accord d’Allergan Canada).
Les TB sont des endopeptidases zinc dépendantes formées d’une chaîne
lourde (C haîne-H 100 kD) et d’une chaîne légère (Chaîne-L 50 kD), liées
poar des ponts disulfides thermolabiles (toxines détruites par 10 minutes
à80°C). La chaîne-H de la protéine permet la pénétration de la chaîne L
dans le cytosol en se fixant à un récepteur membranaire inconnu au
niveau des terminaisons nerveuses. La chaîne-L dont la structure varie
selon le sérotype est alors internalisée dans le cytosol par endocytose.
Chaque type de chaîne-L clive spécifiqement (Figure 2) une des protéines
du complexe SNARE nécessaires à la libération par exocytose des neuro-
transmetteurs (Ach principalement) dans l’espace synaptique. Ces étapes
comportent des spécificités propres à chaque sérotype expliquant les idf-
férents profils d’actions observés d’un stérotype à l’autre.
Figure 2. Site d’action des différents sérotypes de toxines botuliques (Fig-
ure reproduite avec l’accord d’Allergan Canada).
Protéines régulatrices de l’exocytose (complexe SNARE) clivées par les
différents types de toxines. Chaque sérotype de toxine a une protéine cible
propre, ce qui explique pour partie les différentes de profls d’action obs-
ervés d’un sérotype à l’autre.
dérés par un niveau de preuve, conformément à la définition des
niveaux de preuve du “Oxford center for evidence-based medicine”
de mai 2001 [21] (Tableau I).
RESULTATS
Injection de TBs dans le sphincter strié urétral (SSU).
Principes
La TB type A (TB-A) agit au niveau du SSU comme au niveau de
tout muscle strié. Elle bloque la libération de l’Ach et stoppe la
transmission de l’influx nerveux au niveau de la jonction neuro-
musculaire. Elle provoque ainsi une chimio-dénervation transitoire
et réversible du SSU qui permettrait de diminuer les résistances uré-
trales liées à l’hypertonie du SSU ou à sa contraction paradoxale
durant les épisodes de dyssynergie vésico sphinctérienne (DVS).
Technique
Trois techniques d’injection sphinctériennes ont été décrites. Chez
l’homme, par voie trans périnéale une ponction à l’aide d’une
aiguille d'électromyogramme comportant un canal d’injection est
faite sur le raphé médian, 2 cm en avant de l’anus en direction de
l’apex prostatique repéré par un doigt intra-rectal. La détection
électromyographique de l’activité tonique caractéristique du SSU et
de ses contractions réflexes (réflexe bulbo-caverneux) assure un
repérage exact. Une injection unique est suffisante pour une disper-
sion à l’ensemble du sphincter [22]. Chez la femme l’usage du
même type d’aiguille permet une ou deux injections périuréthrales
sous guidage électromyographique par voie vaginale 2 cm environ
en arrière du méat urétral.
Par voie endoscopique chez l’homme ou la femme l’injection est
faite sous contrôle de la vue dans le SSU au cours d’une urétrosco-
pie, 2 à 4 points d’injection dans le sphincter sont situés à : 12, 3, 6
et 9h, la dose totale est divisée en 2 à 4 fractions. L’efficacité des
deux techniques semble équivalente, le choix reposant sur l’expé-
rience de l’opérateur [17, 23]. Les doses de TB-A injectées dans le
SSU varient allant de 80 à 100 unités de Botox®ou 150 à 250 uni-
tés de Dysport®diluées dans un faible volume (2 à 4 ml) de NaCl
0,9%0.L’injection est réalisable sous anesthésie locale (gel de lido-
caïne : Xylogel®ou crème de lidocaïne et prilocaïne : EMLA®)pour
des patients en consultation ou en hospitalisation de jour. Les
patients tétraplégiques ou paraplégiques hauts (>T6) nécessitent un
monitorage de la pression artérielle du fait du risque d’hyperre-
fléxie autonome.
Résultats
Quinze articles rapportent l’usage d’injections sphinctériennes (SSU)
de TB-A pour traiter la dyssynergie vésico-sphinctérienne neurogène
(DVS-n), des dysfonctions sphinctériennes obstructives non neurogè-
nes et l’hypocontractilité vésicale [17, 23-36] (Tableau II). Trois cas de
faiblesse musculaire transitoire des membres supérieurs et un cas de
fièvre inexpliquée temporaire ont été rapportés. La relation avec l’in-
jection de TB a été confirmée par électromyogramme pour l’un des cas
de faiblesse musculaire [37]. Deux équipes ont rapporté respective-
ment 4% (3/68) [31] et 5 à 10% (1/20 et 10/103) [26, 27] d’inconti-
nence urinaire de novo après injection sphinctérienne de TB.
Dyssynergie vésico-sphinctérienne neurogène (Niveau 1c)
10 articles [17, 23-26, 28, 29, 31,35, 36]. Deux populations de
patients sont majoritairement concernées : les hommes blessés
médullaires incapables de s’autosonder [17, 23-25, 28, 29, 31, 35,
36] et les patients atteints de sclérose en plaque avec atteinte uri-
naire et DVS-n [24, 29, 31]. Toutes les études concluent à une effi-
cacité de la TB-A pour améliorer la vidange vésicale sur des critè-
res variés : diminution du résidu post mictionnel, de la pression
détrusorienne maximale, de la pression urétrale maximale, du nom-
bre d’épisodes de dyssynergie, du nombre d’infections urinaires ou
d’épisodes d’hyperrefléxie autonome (Tableau II). L’effet d’une
injection débute 5 à 21 jours [36, 38] après l’injection, et dure envi-
ron 3 mois. Des injections initialement répétées augmenteraient la
durée d’action jusqu'à 12 mois [23]. Les doses totales varient de 50
à200 unités Botox®ou 150 unités Dysport®.
Dysfonction sphinctérienne obstructive non neurogène (Niveau 4)
Six articles [26, 29, 31-34]. 5 études concluent à une efficacité de
G. Karsenty et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 263-274
265
Tableau I. Niveaux de preuve (thérapeutique) simplifiés d’apres le " Oxford centre for evidence-based Medicine mai 2001 "21 et grades de
recommandation basés sur le niveau de preuve.
Niveau de preuve/Type d’étude
1 1a : Série homogéne d’essais randomisés. Ou méta-analyse concluante incluant plusieurs études 1b et/ou 1c.
1b : Un essai randomisé. (faible taux d'erreur alpha et beta, en général>20 patients/bras)
1c:Un essai randomisé avec certitude restreinte. (puissance plus faible, en général< 20 patients/bras)
2 2a : Série homogéne d’études de cohorte
2b : Une étude de cohorte de bonne qualité (Cohortes issues d’un même lieu à la même époque)
3 3a : Série homogène d’études cas/témoins.
3b:Une études cas/témoins de bonne qualité (cas et témoins issus d’un même lieu à la même époque)
4 Séries de cas sans groupe contrôle, quel que soit l’effectif, ou une étude de cohorte ou cas/témoin de plus faible qualité
(lieux et/ou époques différent d’un groupe à l’autre)
5 Opinion d’expert, avis basés sur des données fondamentales (principes physiologiques, études animales).
Grades de recommandations basés sur le niveau de preuve
A Conclusions uniformes de plusieurs études de niveau 1
BConclusion uniforme de plusieurs études de niveaux 2 ou 3 ou extrapolations à partir d’étude de niveau 1
C Basée sur études de niveau 4 ou extrapolations à partir d’étude de niveau 2 ou 3
D Basée sur niveau 5, ou conclusions contradictoire d’étude de niveau 1 à 4
Les recommandations peuvent être données pour ou contre l’usage d’un traitement selon les résultats des études sur lesquelles elles s’appuient. Dans le cas de la TB-A en France, l’usage
de recommandation semble prématuré tant qu’aucune AMM (autorisation de mise sur le marché) ou ATU (autorisation temporaire d’utilisation) de cohorte ne couvrent les indications uro-
logiques.
G. Karsenty et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 263-274
266
*Etude comportant des patients porteurs de troubles mictionnels neurogéne et non neurogène.
** Rétention sans obstacle anatomique après bandelette pubovaginale pour incontinence d’effort.
ERCR essai randomisé avec certitudes restraintes.
nc : non comparable (toxine purifiée dont la dose ne corespond pas au spécialités actuellement disponibles sur le marcher), ns non significatif.np non précisé
Dénerv.SSU : dénervation du sphincter strié urétral prouvée par EMG.
RPM : résidu post mictionnel. PUM : Pression uretrale maximale. PVM : pression vésicale maximale, PM pression mictionelle.
HRA : hyper-refléxie autonome. TMh : traumatisé médullaire,homme. SEP : sclérose en plaque. SP : spina bifida.
Tableau II. Résultats des injections sphinctériennes de TB.
la TB-A pour améliorer la vidange vésicale, en terme de résidu post
mictionnel, débit maximum ou pression per-mictionnelle, chez des
patients souffrant de troubles mictionnels obstructifs relatifs à une
hypertonie du plancher pelvien d’origine non neurogène [26, 29,
31-33]. ZERMANN rapporte en plus de l’effet sur l’obstruction, une
diminution des douleurs périnéales chez des hommes souffrant de
prostatite chronique [33]. La TB-A est par contre inefficace dans les
rétentions liées à un syndrome de Fowler [34]. L’origine myogène
dutrouble sphinctérien au cours de cette affection rare expliquerait
l’échec de la TB-A qui agit uniquement sur la transmission neuro-
musculaire.
Hypocontractilité vésicale (Niveau 4)
Deux articles [26, 27]. L’effet de l’injection de 50 unités de TB-
A(Botox
®
)dans le SSU est évalué chez 35 patients dysuriques
ou en rétention par hypocontractilité vésicale [26, 27] d’étiolo-
gies variées (8 syndromes de queue de cheval, 14 dénervation
postchirurgicale, 13 cas idiopathiques). L’objectif de l’injection
de TB était de diminuer les résistances urétrales pour faciliter
une miction par poussée abdominale. Un résultat “parfait” (dés-
ondage ou arrêt des auto-sondages) était obtenu chez 51%
(18/35) des patients, 31% étaient améliorés (diminution du rési-
du post mictionnel et du nombre d’autosondages) amélioration
du débit ou de la pression per mictionnelle. Le taux d’inconti-
nence d’effort de novo était de 10%.
Injections de TB dans la paroi vésicale
Principes
Les TB bloquent l’exocytose des neurotransmetteurs au niveau des
terminaisons nerveuses pré-synaptiques périphériques, préférentiel-
lement cholinergiques. Injectées dans un muscle strié elles bloquent
la transmission neuro-musculaire au niveau des plaques motrices et
entraînent une parésie transitoire et réversible de ce muscle (chi-
miodénervation). L’observation d’un effet semblable sur d’autres
organes sous commande parasympathique cholinergique (muscles
lisse du sphincter inférieur de l’oesophage, glandes sudoripares) au
cours de l’achalasie ou de l’hyperhydrose a justifié les premières
injections de TB-A dans le muscle lisse vésical pour traiter l’hype-
ractivité détrusorienne neurogène (HD-n). Des observations expéri-
mentales et cliniques récentes suggèrent également une action des
TB sur la voie afférente d’origine vésicale. Elles bloqueraient la
libération par l’urothelium ou le sous urothélium de différents
médiateurs (Ach, ATP etc..) en réponse à différents stimuli (disten-
sion, pression, inflammation chronique). Ces médiateurs seraient
eux mêmes impliqués dans la régulation du message afférent vési-
cal [13-15]. Ces observations constituent la base théorique des
injections détrusoriennes de TB pour traiter des symptômes liées à
des anomalies de la voie afférente vésicale tels que l’urgence mic-
tionnelle ou les douleurs observées au cours du syndrome clinique
d’hyperactivité vésicale idiopathique (regroupant incontinence par
urgence et syndrome urgence/pollakiurie non neurogène) ou de la
cystite interstitielle.
Technique
La technique initialement décrite par SCHURCH [18] consiste à injec-
ter en une seule séance un dose totale de 200 à 300 unités de TB-A
(Botox®)dans la muscle vésical, sous contrôle visuel cystoscopique
(rigide ou souple). La dose totale est distribuée à l’ensemble du
détrusor en 20-30 points (10 unités dans 1ml de NaCl 0,9% par
point d’injection. Le trigone est épargné en raison du risque théo-
rique d’induire un reflux vésico-rénal. Cette technique a été utilisée
pour la majorité des patients rapportés dans la littérature. Les doses
utilisées varient de 200 à 300 unités Botox®et 500 à 1000 unités
Dysport®dans les indications “neurogènes” et de 100 à 300 unités
Botox pour les cas “non neurogènes”. Récemment plusieurs équi-
pes ont modifié le nombre et le site des injections : 10 à 50 sites,
injections trigonales ou sous urothéliales [39, 15, 31]. Aucune de
ces modifications n’a été comparée à la technique initiale en terme
d’innocuité et de résultat. Selon le statut neurologique des patients
(sensibilité), l’injection détrusorienne de TB est réalisée sous anes-
thésie locale (instillation vésicale de lidocaïne), spinale ou généra-
lechez des patients hospitalisés 24 heures. Les patients tétraplé-
giques ou paraplégiques hauts (>T6) nécessitent un monitorage ten-
sionnel du fait du risque d’hyperrefléxie autonome à l’occasion des
ponctions ou du remplissage vésical.
Résultats
Vingt-quatre articles rapportent l’usage d’injections de TB dans la
paroi vésicale (principalement détrusor)
Aucune complication sévère n’a été rapporté, 11 cas de faiblesse
musculaire transitoire (1 à 2 mois) spontanément résolutifs, ne
nécessitant pas d’hospitalisation ont été signalés, 2 avec 300 unités
Botox®9avec 750 à 1000 unités Dysport®[37]. L’hypothèse d’une
diffusion systémique de la toxine, observée pour des usages non
urologiques de la TB a été retenue, cependant sans preuve électro-
myographique. Les conséquences des injections vésicales de TB sur
la vidange vésicale varient selon la doses utilisée, les critères d’é-
valuation et les équipes (cf infra).
Incontinence par hyperactivité détrusorienne neurogène de l’adulte
(IHDN) (Niveau 1b)
Douze articles [13, 18, 27, 30, 31, 40-46] rapportent une effica-
cité de la TB-A pour traiter l’IHDN de l’adulte, résistante aux
anticholinergiques. Les deux populations les plus représentées
sont les traumatisés médullaires et les patients souffrant de sclé-
rose en plaque. 200 à 300 unités de TB améliorent la continence
et les paramètre urodynamiques (capacité vésicale maximale,
volume à la première contraction non inhibée, pression détruso-
rienne maximale) dans 66 à 80% des cas. Dans la majorité des
études les patients vidaient exclusivement leur vessie par auto-
sondages avant l’injection de TB du fait d’une dyssynergie vési-
co-sphinctérienne associée. Le volume résiduel de ceux capables
de miction spontanée était augmenté après injection de TB et le
taux de rétention variait de 0% à 70% selon les auteurs [31, 43,
46]. L
’effet thérapeutique de la TB débute 5 à 20 jours après l’in-
jection. Il est transitoire et dure en moyenne 6 mois (3-11 mois)
nécessitant des ré-injections régulières. G
ROSSE
rapporte les
seuls résultats disponibles d’injections répétées de TB-A (4
cycles) avec un maintient du résultat au fil des réinjections. Le
délai inter-injection est stable (8 à 11 mois) et une compliance
conservée après 3 cycles [47]. L’apparition de résistance à la TB-
Aaprès injections répétées n’est pas signalée par cette équipe.
P
ISTOLESI
et R
EITZ
[30, 48] rapportent 3 cas de résistance acqui-
se après injections répétées de TB-A (5 à 7 cycles), chez 3
patients traumatisés médullaires. Les trois patients on été traités
efficacement par injection du TB type B (Myobloc
®
)dont les
effets semblent plus court. Une étude a comparé l’efficacité des
injections de TB-A à celle des instillations de résinifératoxine
pour traiter l’IHDN et conclue à la supériorité de la TB-A en
terme de continence et de capacité vésicale [49]. La résiniféra-
toxine était contre indiquée en cas de reflux vésico-rénal contrai-
rement aux injections de TB (Tableau III).
G. Karsenty et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 263-274
267
1 / 12 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!