DOSSIER
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thérapie ou les antalgiques oraux. La toxine agit de manière
constante sur les douleurs, améliore l’ouverture buccale, diminue
l’hypertrophie massétérine (13). Elle rétablit une puissance mus-
culaire normale des muscles masséters et/ou temporaux, avec
équilibration musculaire entre les muscles élévateurs et abais-
seurs de la mandibule. Nous injectons 160 à 240 U de Dysport®
dans les muscles masséters et/ou temporaux. Les injections sont
espacées de 5 à 6 mois. Les effets indésirables, très rares, sont liés
à la diffusion aux muscles de la face.
L’hypertonie du sphincter supérieur de l’œsophage (SSO)
Le muscle crico-pharyngien (CP) est le composant majeur du
sphincter supérieur de l’œsophage (SSO). Ce muscle, activé en dehors
de la déglutition, contribue à la fermeture du SSO. Ce sphincter
correspond à une zone d’hyperpression mesurable en manométrie.
Durant le temps pharyngé de la déglutition, l’ouverture du SSO est
réalisée grâce à l’élévation du larynx en haut et en avant, ce qui
dégage le chaton cricoïdien du plan vertébral (ouverture passive),
et à l’inhibition du tonus vagal qui s’exerce au niveau du CP (ouver-
ture active). Pour que le bolus alimentaire franchisse le SSO, il faut
que les forces propulsives (recul de la base de langue, péristaltisme
pharyngé) soient supérieures au tonus du SSO. Les dysphagies
hautes, à l’exception des obstacles mécaniques, sont dues soit à des
hypertonies vraies du CP (syndrome de Wallenberg, syndromes par-
kinsoniens), soit à des hypertonies relatives caractérisées par une
faiblesse des constricteurs du pharynx et un tonus normal du SSO
(SLA, myopathies oculopharyngées ou myosites pharyngées).
L’hypertonicité du muscle CP se traduit par une dysphagie aux
solides, voire une aphagie ou des fausses routes par débordement
de la stase hypopharyngée.
L’interrogatoire fait préciser le siège, l’intensité de la dysphagie,
son retentissement clinique (durée du repas, perte de poids, pneumo-
pathie d’inhalation, etc.), le mode d’alimentation actuel (per os,
gastrostomie), la présence d’une canule de trachéotomie, la patho-
logie causale. L’examen nécessite un bilan des nerfs impliqués
dans la déglutition (V, VII, IX, X, XII) et un examen nasofibro-
scopique vérifiant la normalité structurelle de la cavité buccale,
du pharynx et du larynx, et appréciant la dynamique et la sensibi-
lité du carrefour aérodigestif (recul de base de langue, tonicité du
pharynx, mobilité cordale). L’examen de la déglutition sous naso-
fibroscope met en évidence une stase salivaire et alimentaire, par-
fois des fausses routes par débordement. L’examen de la dégluti-
tion en vidéofluoroscopie permet d’apprécier le degré d’ascension
laryngée, l’importance de la stase hypopharyngée, le degré d’ouver-
ture du SSO, l’aspect du CP, qui peut bomber dans la lumière
pharyngée, la présence et le type de fausses routes. Les incidences
de face montrent une asymétrie dans les atteintes unilatérales des
nerfs mixtes. La manométrie mesure les pressions au niveau du
pharynx et du SSO au repos et durant la déglutition, la synchro-
nisation entre le péristaltisme pharyngé et la relaxation du SSO.
La fibroscopie œsogastrique élimine une autre étiologie.
L’hypertonie du SSO confirmée, l’injection de toxine est le trai-
tement de première intention avant la myotomie du CP. On décrit
trois techniques d’injection de la toxine botulique :
–sous anesthésie générale, en laryngoscopie en suspension (tech-
nique la plus employée) (15). Cette technique permet une visuali-
sation directe du muscle CP. Nous injectons 100 U de Dysport®,
réparties en trois points : deux latéraux, un médian postérieur.
Certains injectent un quatrième point médioventral, mais il existe
un risque de diffusion certain dans les muscles intrinsèques du larynx.
Les doses totales injectées sont en moyenne de 30 U de Botox®,
allant parfois jusqu’à 100 U (16), et de 100 U de Dysport®, allant
jusqu’à 360 U (15). Les doses peuvent être augmentées si le patient
est jeune et le dysfonctionnement du SSO plus invalidant (15).
Certains auteurs y ont associé l’enregistrement électromyographique
du muscle CP, mais cela ne nous semble pas nécessaire dans le
repérage du muscle (17) ;
–par voie cervicale, sous contrôle électromyographique (18).
Le patient est installé en décubitus dorsal et rotation légère de la
tête. Après repérage du cricoïde, le muscle CP est recherché en
introduisant l’aiguille de dehors en dedans et d’avant en arrière
depuis la peau à 2 ou 3 cm de la ligne médiane jusqu’au bord pos-
térieur du cricoïde et en arrière de celui-ci. L’EMG du CP montre
une activité tonique au repos qui disparaît pendant la déglutition.
Un test de reniflement est réalisé pour s’assurer de ne pas être dans
le crico-aryténoïdien postérieur. L’injection se fait d’abord dans
le CP gauche, plus aisément repérable ;
–avec un œsophagoscope souple (16, 17), technique réalisée par
les gastroentérologues, sous sédation avec des benzodiazépines et
anesthésie locale de contact. Le muscle CP est visualisé et l’injec-
tion est réalisée avec une aiguille utilisée dans les scléroses de
varices œsophagiennes.
Les effets apparaissent dans la première semaine suivant l’injec-
tion, en moyenne 48 heures, et durent 6 mois, avec des extrêmes
allant de 2 à 14 mois. Les effets sont mesurés sur l’amélioration
clinique, la visualisation d’une amélioration de l’ouverture du SSO
en vidéofluoroscopie et une diminution des pressions de repos du
SSO en manométrie. De bons résultats sont en général observés,
mais ils sont aléatoires après radiochimiothérapie, dans la SLA,
dans les accidents vasculaires cérébraux du tronc, étendus avec
atteintes multiples des paires crâniennes (18, 19).
Une bonne réponse clinique permettrait de poser l’indication d’une
myotomie du CP.
Les complications rapportées sont une paralysie récurrentielle uni-
latérale après injection par voie cervicale (18), deux aggravations
de la dysphagie, probablement par diffusion aux muscles constric-
teurs pharyngés de la toxine, injectée par voie cervicale (17) et
par voie endoscopique (20).
Le syndrome de Frey
Parmi les séquelles de la chirurgie parotidienne, le syndrome de
Frey est l’une des plus fréquentes (15 à 30 % des patients opérés).
Il est plus rarement dû à un traumatisme parotidien. Il est particu-
lièrement handicapant en raison de la gêne sociale qu’il entraîne.
Il se manifeste à distance de l’acte chirurgical (plus de 6 mois après)
par des sueurs très abondantes rétro- et préauriculaires, angulo-
mandibulaires, temporales ou de la pommette, provoquées par une
stimulation des glandes sudoripares lors d’une excitation gustative.
On observe également des flushs avec sensation de chaleur intense
dans les mêmes zones, qui sont en outre parfois douloureuses. La
pathologie reste mal comprise. On admet que le syndrome est secon-
daire à une repousse aberrante postchirurgicale des fibres para-
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no299 - juillet-août 2005