“ Q De la difficulté d’assembler les pièces du puzzle…

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ÉDITORIAL
De la difficulté d’assembler les pièces
du puzzle…
“
J.F. Morère
Rédacteur en chef
Q
u’y a-t-il de commun entre le petit “caoua”, qui semble protéger contre les cancers
du foie, et le CD47, signal “dont eat me” qui bloque la destruction des cellules
cancéreuses par les cellules macrophagiques ? Vous l’avez deviné, il s’agit de l’American
Association for Cancer Research. Seule cette réunion est aujourd’hui capable de nous proposer
un éventail allant de l’épidémiologie à la découverte de nouvelles molécules efficaces dans
le traitement du cancer. C’est la raison pour laquelle une fréquentation record a été observée
cette année, avec plus de 18 000 participants. L’étendue des connaissances abordées rend
cependant difficile une vision cohérente et complète du puzzle que représente le cancer.
Quelles ont été les pièces les plus importantes du “jigshaw” ? En voici un court aperçu.
Le palbociclib − inhibiteur des kinases cycline-dépendantes CDK4 et 6 − permet
d’améliorer significativement la survie sans progression (SSP) des patientes atteintes d’un cancer
du sein hormonosensible en première ligne métastatique. Dans cette étude, 165 patientes
postménopausées ont reçu soit du létrozole seul, soit une combinaison de létrozole
et de palbociclib. La combinaison de médicaments permet le doublement spectaculaire
de la SSP (10,2 versus 20,2 mois). Ce qui correspond à une réduction de 51 % du risque de
progression de la maladie avec la combinaison des 2 molécules. Selon l’un des investigateurs
(université de Californie) : “La voie de signalisation Rb intacte semble être un facteur critique
d’efficacité de cette molécule.” L’examen de la survie globale (critère secondaire de l’étude)
montre une tendance en faveur de la combinaison sans toutefois, à ce stade, être significative.
Une autre molécule, du savant nom de BGJ398, bloque l’activité d’une famille de protéines,
les FGFR, et montre une action tout à fait prometteuse dans une étude de phase I portant
sur différents types de cancers. Dans l’étude présentée par Sequist, 107 patients ont été inclus.
La plupart des sujets étaient atteints de cancers du poumon épidermoïdes ou de cancers
du sein, mais aussi de cholangiocarcinomes ou de cancers de la vessie. Une activité
de cette molécule a été observée chez les patients qui ont participé à la phase d’escalade de dose
et qui ont reçu 100 mg ou plus de cette molécule par jour. Une décroissance de la tumeur a
été notée dans différents types de cancers, en particulier chez les patients atteints d’un cancer
urothélial. L’effet secondaire majeur semble être un taux élevé de phosphore sanguin qui
nécessitera une prise en compte dans le développement clinique de cette molécule.
Citons encore une nouvelle immunothérapie développée dans les mélanomes avancés :
l’IMCgp100. Selon M. Dalton (université d’Oxford), cette molécule fait appel à 2 composants :
le premier reconnaît les cellules cancéreuses et se lie à elles, et le second se fixe sur les cellules T
voisines et entraîne une cascade d’activations immunitaires. Elle semble bien tolérée. Dans
l’étude de phase I présentée, sur les 16 malades qui ont reçu 135 μg/kg d’IMCgp100, 4 ont
développé une réponse partielle. Une étude de phase II vient de démarrer.
Les immunoconjugués ont également été à l’honneur avec une efficacité potentielle
du DEDN6525A dans les mélanomes cutanés, muqueux et oculaires. L’anticorps reconnaît
le récepteur de l’endothéline Bet. La chimiothérapie consiste en une monomethylauristatine
(MMAE).
On le voit, cette réunion a été particulièrement riche en nouvelles pistes thérapeutiques.
Tout ici ne résume cependant pas la richesse des travaux présentés. Il nous faudrait
aussi insister sur les nouvelles constatations épidémiologiques telles que l’irrégularité
des menstruations qui prédit un risque plus élevé de décès par cancer de l’ovaire, ou
l’obésité précédant le diagnostic qui semble être un facteur de mauvais pronostic du cancer
colorectal, ou bien encore une meilleure connaissance de l’histoire naturelle du cancer
telle qu’une modification de la plasticité de la membrane cellulaire liée à la surexpression d’Her2
qui permet d’expliquer au moins en partie une plus grande capacité métastatique.
Voici donc quelques-unes des avancées les plus prometteuses.
”
La Lettre du Cancérologue poursuivra bien entendu son assemblage des pièces du puzzle
dans ses prochains numéros. Rendez-vous pour de prochaines réunions !
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIII - n° 4 - avril 2014 | 89
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