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Aliments et politiques alimentaires
Décembre 2004 Volume 49 Numéro spécial
(
)
Les aliments et leur effet sur
la glycémie
[ Jim Mann et Alex Chisholm
Jusqu’à la découverte de l’insuline dans les années 1920, modifier
son alimentation était la seule façon de réduire les taux de glycémie
élevés pour les personnes atteintes de diabète. Désormais, une large
gamme de régimes insuliniques complexes sont disponibles ; et
pour les personnes atteintes de diabète de type 2, il existe tout un
éventail de médicaments oraux. Toutefois, il apparaît de plus en plus
qu’un choix alimentaire approprié reste un élément essentiel dans
la gestion du diabète. Bien qu’il soit important de se rappeler que la
façon dont les aliments influencent la glycémie ne constitue qu’un
aspect des choix alimentaires les plus appropriés, cet article traite
principalement des effets des aliments sur la glycémie.
>>
Certains aliments ont un effet très rapide
sur la glycémie, même pour un contenu
identique en hydrates de carbone ;
d’autres influencent moins directement
la glycémie suite à un apport excessif ou
réduit pendant une période prolongée.
Effet immédiat
Lorsqu’une personne mange du sucre, une
augmentation très rapide de la glycémie
se produit. En effet, il s’agit d’un moyen
efficace de contrôler l’hypoglycémie. La
raison est que le glucose ne nécessite pas
de digestion : il est presque immédiatement
absorbé dans le flux sanguin via le
petit intestin. Toutefois, ce phénomène
s’applique pratiquement dans la même
mesure à tous les aliments riches en
hydrates de carbone qui sont rapidement
transformés en glucose via la digestion.
Féculents
De nombreux féculents entrent dans la
catégorie d’hydrates de carbone ayant un
effet immédiat sur la glycémie, notamment
plusieurs variétés de riz, la plupart des
pains disponibles dans le commerce et
les pommes de terre, en particulier si
elles sont cuites ou servies en purée et
consommées chaudes. C’est parce que
l’amidon constitue la plus grande partie
des hydrates de carbone contenus dans
ces aliments et, sous cette forme, l’amidon
est également rapidement transformé
en glucose pendant la digestion.
Effet progressif
Hydrates de carbone complexes
D’autre part, il existe des aliments
riches en hydrates de carbone qui
entraînent une augmentation plus
progressive et globalement plus
faible de la glycémie. Ce sont :
Y les légumes secs : pois chiche,
lentilles et haricots secs cuisinés
Y certains pains : pain de seigle noir et
pains riches en céréales entières
Y les produits à base de céréales entières.
Le glucose ne nécessite pas
de digestion : il est presque
immédiatement absorbé
dans le flux sanguin
via le petit intestin.
Une caractéristique importante de ces
aliments est le fait qu’ils ne sont que
partiellement transformés en glucose
dans le petit intestin. Les composants
d’hydrates de carbone non digérés
passent dans le gros intestin où ils sont
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utilisés par l’organisme d’une façon
tout à fait différente, via un processus
de fermentation. Le résultat est la
conversion en glucose de seulement
une petite proportion des hydrates
de carbone. Le reste est transformé
en acides gras qui peuvent également
alimenter l’organisme en énergie.
Ce type d’hydrates de carbone
est le plus adapté aux personnes
atteintes de diabète. Les premières
recommandations relatives aux aliments
contenant des hydrates de carbone
se concentraient principalement sur
la quantité d’hydrates de carbone
(souvent prescrits en termes de
portions de 5 g ou de 10 g). A présent, de
nombreuses recommandations, y compris
les récentes directives européennes
pour la gestion du diabète, signalent
que le type d’hydrates de carbone est
aussi important que la quantité.1
Le type d’hydrates
de carbone est
aussi important
que la quantité.
Indice glycémique
L’indice glycémique des aliments
contenant des hydrates de carbone
constitue une méthode utile pour
déterminer la mesure dans laquelle ces
aliments provoqueront une hausse de
la glycémie. L’indice glycémique est basé
sur l’intensité de la hausse de la glycémie
après avoir consommé du pain blanc ou
bu une boisson sucrée contenant la même
quantité d’hydrates de carbone. Bien
qu’il ne soit pas demandé de ne jamais
consommer les aliments ayant un indice
glycémique élevé, les choix devraient
idéalement se porter sur ceux qui ont des
valeurs d’indice glycémique inférieures.
Fibres
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles
certains aliments ont un indice glycémique
plus faible que d’autres. Lorsque la structure
de la céréale est toujours intacte, comme
dans les produits aux céréales complètes,
l’aliment est plus susceptible de résister à
la transformation en glucose dans le petit
intestin et de passer dans le gros intestin où
il subit la fermentation. De plus, un contenu
élevé en fibres (en particulier lorsque les
fibres sont sous la forme soluble) semble
être associé à un faible indice glycémique.
Fructose
Les fruits ont un indice glycémique variable.
Cela s’explique en partie par la mesure
dans laquelle la structure du fruit reste
intacte. Par exemple, les pommes entières
ont un indice glycémique plus faible que le
jus de pomme. De plus, les fruits ont une
Certains pains contenant une
grande quantité de céréales
complètes produisent une
augmentation plus graduelle et
généralement moins élevée de
la glycémie.
© mauritius
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teneur en sucre variable. Ceux qui sont
principalement constitués de glucose (les
raisins, par exemple) auront un indice
glycémique plus élevé que ceux qui
contiennent une combinaison de glucose
et de fructose. Le fructose est utilisé
par l’organisme d’une façon différente
du glucose et ne provoque pas une
augmentation similaire de la glycémie.
Le fructose a tendance
à ne pas provoquer
une augmentation
de la glycémie.
Bien que les aliments ayant un indice
glycémique plus faible puissent être
considérés généralement comme le
meilleur choix en termes d’alimentation,
il faut souligner que l’indice glycémique
n’est pas le seul facteur à prendre en
compte. En effet, certains aliments ayant
un indice glycémique bas ne sont pas
nécessairement un bon choix, comme la
crème glacée par exemple qui est souvent
très riche en graisses. L’indice glycémique
s’explique en partie par la forte teneur en
graisses (les graisses réduisent l’absorption
du glucose) et le fait qu’une grande
partie de ces hydrates de carbone est
constituée de saccharose (sucre de table),
qui contient des molécules de glucose et
de fructose. Le fructose, tel qu’indiqué
ci-dessus, a tendance à ne pas provoquer
Tableau 1 : Petit-déjeuner occidental typique caractérisé par une faible charge glycémique
Tableau 2 : Petit-déjeuner caractérisé par une charge glycémique plus élévée
d’augmentation de la glycémie.
Pour les personnes atteintes de
diabète qui suivent une thérapie
insulinique intensive, via des injections
multiples ou une pompe à insuline,
le calcul des hydrates de carbone
est recommandé comme principale
approche nutritionnelle. Les aliments
qui ont un indice glycémique bas
peuvent être consommés pour
“optimiser” le contrôle glycémique.2
Etant donné que tant la qualité que
la quantité d’hydrates de carbone
alimentaires influencent l’impact
glycémique d’un aliment, le concept
de “charge glycémique” (indice
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glycémique x contenu en hydrates de
carbone alimentaires) a été proposé
afin de permettre des comparaisons
de l’effet glycémique prévisible de
portions habituelles d’aliments et de
repas.3,4 Puisque la taille des portions
varie d’un pays à l’autre et entre les
individus, la charge glycémique doit être
calculée en fonction du groupe cible.
Les exemples d’aliments contenant
des hydrates de carbone pour deux
petits-déjeuners (tableaux 1 et 2)
montrent que pour pratiquement le
même nombre de grammes d’hydrates
de carbone et un apport énergétique
similaire, il peut y avoir une grande
différence de charge glycémique. Notez
que le petit-déjeuner affichant la charge
glycémique la plus faible (tableau 1)
contient également plus de trois fois
plus de fibres que le petit-déjeuner
ayant une charge glycémique plus élevée.
Tant la qualité que la
quantité d’hydrates de
carbone alimentaires
influencent l’impact
glycémique d’un
aliment.
Les effets à long terme
L’indice glycémique et la teneur
en fibres sont non seulement des
déterminants importants de la glycémie
immédiatement après le repas mais
ils influencent également le contrôle
glycémique global. Les taux de HbA1c
(une mesure de la glycémie à long
terme) diminuent lorsque les personnes
atteintes de diabète suivent un régime
alimentaire caractérisé par un faible
indice glycémique et riche en fibres.
De plus, d’autres aspects du régime
alimentaire peuvent avoir un effet à
long terme sur le contrôle glycémique.
La densité énergétique est à cet
égard particulièrement importante.
Les régimes alimentaires très
énergétiques apportent une grande
quantité de calories pour un poids
donné d’aliments. Ces régimes ont
tendance à prédisposer à un gain de
poids, à moins que cet apport élevé
en calories ne soit compensé par
une activité physique intense. L’excès
de graisse corporelle est associé à
l’insensibilité à l’action de l’insuline,
ce qui conduit à son tour à une
hausse de la glycémie. Cette séquence
d’événements peut donc précipiter le
développement du diabète de type 2,
augmenter excessivement la glycémie
(hyperglycémie) lorsque la condition
s’est déjà développée et compliquer
la gestion du diabète de type 1.
Les choix
Les aliments qui doivent être limités
sont les aliments riches en graisses
et ceux riches en sucres, même si
ils peuvent avoir un faible indice
glycémique. D’autre part, les fruits
et légumes de préférence entiers,
riches en fibres et à faible indice
glycémique sont généralement riches
en nutriments, plus pauvres en calories
et apportent plus rapidement une
sensation de satiété. La consommation
de ces aliments est encouragée.
Les meilleurs choix alimentaires pour
les personnes atteintes de diabète
doivent tenir compte de leur effet sur
d’autres facteurs de risque, comme la
pression artérielle et le cholestérol
sanguin. Heureusement, les aliments
dont la consommation est encouragée
en raison de leur effet positif sur la
glycémie sont également généralement
appropriés de ce point de vue. De plus, ces
aliments aident à constituer de nombreux
schémas alimentaires recommandés pour
les personnes atteintes de diabète, leurs
familles, mais également pour l’ensemble
de la population, exposée à un risque
élevé d’être atteint d’une des épidémies
des temps modernes : l’obésité, le diabète
et les maladies cardiovasculaires.
[ Jim Mann et Alex Chisholm
Jim Mann est Professeur en nutrition et
médecine humaine et Directeur du Edgar
National Centre for Diabetes Research,
Department of Human Nutrition, University
of Otago, Dunedin, Nouvelle Zélande.
Alex Chisholm est chargée de cours en
nutrition humaine, Department of Human
Nutrition, University of Otago, Dunedin,
Nouvelle Zélande.
Références
1 Diabetes and Nutrition Study Group of the
European Association for the Study of Diabetes.
Evidence-based nutritional approaches to the
treatment and prevention of diabetes mellitus.
Nutrition, Metabolism and Cardiovascular Disease
2004; in press.
2 Gillespie SJ, Kulkarni KD, Daley AE. Using
carbohydrate counting in diabetes clinical
practice. J Am Diet Assoc 1998; 98: 897-905.
3 Foster-Powell K, Holt SHA, Brand-Miller JC.
International table of glycemic index and
glycemic load values: 2002. Am J Clin Nutrit
2002; 76: 5-56.
4 Monro J. Redefining the glycemic index for
dietary management of postprandial glycemia.
J Nutrit 2003; 133: 4256-8.
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