238 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XV - n° 6 - novembre-décembre 2012
ÉDITORIAL
”
À l’inverse, concernant la chirurgie rectale, nous ne disposons que de
très peu de données. Le fait de différencier ces 2chirurgies est perti-
nent, puisque, nous le savons tous, le risque de fistule anastomotique est
plus élevé après exérèse rectale.
Les premières études semblaient aboutir aux mêmes conclusions
quepour la chirurgie colique, mais elles avaient un faible niveau de
preuve (analyse de sous-groupes, études cas-témoins). Ainsi, nous avons
publié l’année dernière, dans le cadre du GRECCAR (groupe de
recherche enchirurgie sur le cancer du rectum), la première étude
multicentrique randomisée sur le bénéfice de la préparation colique
avant proctectomie pour cancer, étude incluant 178 patients. Nous
avons montré que les taux de morbidité globale (44 versus 27%) et de
morbidité infectieuse (34 versus 16%) étaient significativement plus
élevés chez les patients non préparés. Il n’existait pas de différence en
termes de fistule anastomotique et de morbidité majeure. Cette étude
montrait, contrairement aux résultats rapportés en chirurgie colique, la
nécessité de continuer à préparer les patients avant exérèse rectale
élective pour cancer. Bien évidemment, il faudra confirmer ces conclu-
sions par de nouvelles études randomisées spécifiques sur la chirurgie
rectale.
Ainsi, la question de la préparation colique semblait très claire: NON
avant exérèse colique, OUI avant exérèse rectale… Jusqu’au dernier
Congrès européen de coloproctologie (ESCP), à Vienne, il y a quelques
semaines, lors duquel une étude suédoise a jeté un pavé dans la mare. En
effet, L.Pahlman et al. (1) ont évalué, à partir d’une étude multicentrique
randomisée sur l’intérêt de la préparation colique avant exérèse colique
pour cancer, les taux de mortalité et de récidive (947patients). Les
auteurs ont montré, avec surprise, que, chez les patients non préparés,
les taux de mortalité (36 versus 29 % ; p=0,014) et de récidive à 5 ans
(22 versus 15 % ; p=0,009) étaient significativement plus élevés que chez
les patients ayant reçu une préparation colique. Bien évidemment, il est
encore trop tôt pour remettre en question la non-préparation dans la
chirurgie colique, car ces données méritent d’être largement précisées.
En effet, il existe plusieurs biais dans ce travail : les données exploitées
proviennent d'une étude randomisée dont l’objectif principal était la
morbidité postopératoire. Au demeurant, il pourrait exister un effet
centre dans cette étude multicentrique?…
Quoi qu’il en soit, il ne faut pas jeter trop vite aux oubliettes
lapréparation colique, car ce sujet va continuer à faire couler beaucoup
d’encre…
1. Collin A, Folkesson J, Jung B,
Nilsson E, Pahlman L. Does
mechanical bowel prepara-
tion preceding colonic cancer
surgery affect 5 year mortality
and cancer recurrence? Oral
abstract, ESCP 2012 Vienna.