informations biologiques N°47- SEPTEMBRE 2002 Quoi de neuf, Docteur ? Diagnostic biologique des polynucléoses neutrophiles non malignes DEFINITIONS mm3 La présence de plus de 7 000 polynucléaires neutrophiles (PNN) par (ou 106/l) dans le sang veineux définie la polynucléose neutrophile ou neutrophilie ou encore hyperleucocytose neutrophile. On parle de myélémie lorsqu’il y a présence dans le sang d’éléments immatures de la lignée granuleuse, le plus souvent métamyélocytes et myélocytes. VALEURS DE REFERENCE DES LEUCOCYTES (extraits de la conférence de consensus ANAES - septembre 1997) Les valeurs de la numération des différents types de leucocytes doivent être fournies par le biologiste sous forme de valeurs absolues. Les pourcentages ont peu d’intérêt clinique et sont une source de confusion. Valeurs de référence des leucocytes La signification d’une leucopénie ou d’une hyperleucocytose n’est médicalement pas claire. Il faut analyser les variations des différents types de leucocytes et non celles de la leucocytose totale. Leucocytes Neutropénie Polynucléose neutrophile Eosinophilie Basocytose Lymphopénie Lymphocytose Monocytopénie Monocytose < 1 500 x 106/l > 7 000 x 106/l > 400 x 106/l > 100 x 106/l < 1 500 x 106/l > 4 000 x 106/l < 200 x 106/l > 800 x 106/l Concernant le sujet âgé de plus de 60 ans, Il n’y a pas d’arguments dans la littérature pour remettre en cause les valeurs seuils établies pour les patients plus jeunes. Les anomalies de l’hémogramme éventuellement présentes sont à rattacher aux états pathologiques ou aux prises de médicaments plus fréquents dans cette tranche d’âge. *la race La neutropénie ethnique est bien établie chez les patients de race noire et ne devrait pas conduire à des explorations inutiles à condition que cette neutropénie, habituellement modérée (polynucléaires neutrophiles > 500 x 106/l), soit isolée cliniquement, hématologiquement et bien tolérée (pas de notion d’infections sévères ou à répétition). *la grossesse Lors de la grossesse, il existe une hyperleucocytose et une polynucléose neutrophile dont les maximums surviennent entre la 30ème et la 34ème semaine. *les rythmes nycthéméraux Les variations nycthémérales des différents types de leucocytes peuvent expliquer certaines différences constatées par exemple entre un hémogramme réalisé le matin et un hémogramme réalisé le soir. Ces données sont en faveur d’un horaire standardisé et à priori matinal pour les prélèvements. *l’effort physique Des variations significatives de la leucocytose (polynucléose et lymphocytose) ont été observées après des efforts pouvant être brefs. Dans tous les cas, le retour à des valeurs de base est obtenu après un repos de 20 minutes. ETAPE PRE-ANALYTIQUE Pour les leucocytes, les valeurs seuils définies sont applicables aux hommes comme aux femmes adultes. *l’âge A la naissance, chez le nouveau-né à terme, la numération des leucocytes se situe entre 15 et 20 000/mm3. Ce chiffre peut s’élever jusqu’à 25 ou 30 000/mm3 dans les premières heures de la vie. Il diminue vers 12 à 14 000/mm3 à la fin de la première semaine et garde ensuite des valeurs légèrement supérieures à celles de l’adulte jusqu’à l’âge de 4 ans. Au niveau de la formule leucocytaire, il existe à la naissance une neutrophilie d’environ 60% soit 9 à 12 000/mm3. Cette polynucléose neutrophile peut s’associer à une discrète myélémie (3 à 5%) qui va disparaître en quelques jours. Le chiffre des polynucléaires neutrophiles diminue rapidement pour atteindre 20 à 40% ( soit 3 à 5 000/mm3) à l’âge d’un mois. Le taux reste stable jusqu’à l’âge de 4 ans. Ensuite, il remonte progressivement pour se situer à nouveau à 60% entre 4 et 10 ans. Les repas n’affectent pas de façon cliniquement significative la numération des PNN ; mais on préfère, dans la mesure du possible, que les prélèvements soient effectués à jeun, pour une meilleure standardisation des résultats. L’analyse doit être effectuée rapidement dans les 3 heures. Remarque : L'hyperleucocytose importante peut induire une fausse hypoglycémie et/ou une fausse hyperkaliémie, si les dosages du glucose et du potassium ne sont pas réalisés immédiatement après le prélèvement sanguin. MÉCANISMES DE LA NEUTROPHILIE NON MALIGNE L'augmentation du nombre des PNN dans le sang circulant relève de plusieurs mécanismes : *La démargination des PNN : normalement le pool marginé et le pool circulant sont d’égale importance. La mobilisation du PNN marginé ne restera qu'un phénomène transitoire si le processus causal ne stimule pas la production des neutrophiles médullaires. Des agents physiologiques comme l’adrénaline provoquent une polynucléose neutrophile immédiate par ce mécanisme. Ainsi, le stress (accident de la circulation…) et toutes les circonstances qui induisent une sécrétion endogène de catécholamines provoquent une polynucléose neutrophile. La prise de stéroïdes produit le même effet. *La mobilisation des PNN à partir du pool de réserve médullaire ou du pool de réserve splénique : Cette mobilisation peut être induite par les corticoïdes et les endotoxines bactériennes. Elle est retardée de quelques heures. Elle explique la polynucléose neutrophile après splénectomie. *L'inhibition de la migration des PNN augmentera la réserve circulante des PNN (par exemple, les corticostéroïdes diminuent la diapédèse des PNN). *L'augmentation de la production résulte le plus souvent d'un processus infectieux bactérien (surtout cocci) ou viral (notamment dans sa phase initiale). Les collagénoses : lupus érythémateux disséminé polyarthrite rhumatoïde dermatopolymyosite sclérodermie L'hyperleucocytose neutrophile n'est pas un signe habituel des collagénoses. Si, dans la plupart des cas, on observe dans ces maladies une leucopénie, la neutrophilie n'est toutefois pas rare au cours du lupus érythémateux disséminé, de la polyarthrite rhumatoïde ou de la sclérodermie. La maladie de Still de l’adulte : Cette affection est évoquée devant une fièvre prolongée, vespérale, accompagnée de frissons, une polyarthrite inflammatoire et enfin une éruption cutanée fugace, faite de macules rosées apparaissant concomitamment aux pics fébriles. Des atteintes viscérales multiples sont décrites (splénomégalie, péricardite…) suscitant une symptomatologie variée (douleurs abdominales…). L’hyperleucocytose est évocatrice associée à un syndrome inflammatoire et une hypergammaglobulinémie. Les dermatoses neutrophiliques : dermatose aiguë fébrile neutrophilique (syndrome de Sweet ) psoriasis pustuleux de Zumbusch acné fulminans ÉTIOLOGIES Certaines étiologies des polynucléoses neutrophiles ne demandent pas ou peu d’investigations complémentaires, car elles surviennent dans des contextes cliniques bien déterminés dont elles sont un symptôme habituel. Elles régressent lorsque l’affection causale est traitée. Activité médullaire réactionnelle : Une polynucléose neutrophile, parfois associée à une myélémie et à une discrète érythroblastose circulante, est fréquente au décours des hémorragies, des hémolyses importantes, des sorties d’aplasies après chimiothérapie et lors de la phase de réparation d’une agranulocytose toxique. Cette polynucléose neutrophile est transitoire. Infections : Les infections bactériennes, qu'elles soient localisées, patentes ou latentes (infections sinusiennes, dentaires…) ou disséminées induisent une polynucléose neutrophile. La plupart des bactéries sont incriminées. Mais il s'agit surtout des bactéries pyogènes et essentiellement des cocci. Bien qu'il n'existe pas de parallélisme étroit entre l'importance de la polynucléose et la sévérité de la maladie infectieuse causale, on observe dans les formes sévères l'apparition dans le sang circulant de formes immatures des précurseurs des polynucléaires neutrophiles (métamyélocytes, myélocytes…). Si, en principe, les infections virales s'accompagnent d'une neutropénie, elles peuvent être accompagnées d'une neutrophilie, notamment au début de leur évolution (herpès virus, EBV, échovirus, virus influenzae). Dans de rares infections parasitaires comme la trichinose ou le paludisme, l'hyperleucocytose neutrophile peut représenter un trait biologique singulier. Si l'importance du nombre des PNN au cours d'un syndrome infectieux ne reflète pas sa gravité, on observe néanmoins des valeurs modérément augmentées (12 000 à 14 000 par mm3) au cours des infections de moyenne gravité et localisées. En revanche, des chiffres allant jusqu'à plus de 100 000 PNN par mm3 ont été rapportés au cours de septicémies, d'ostéomyélites… Par ailleurs, habituellement associées à une neutropénie, les infections telles que la fièvre typhoïde, la brucellose ou la coqueluche sont occasionnellement associées à une neutrophilie. Maladies inflammatoires : La découverte d'une hyperleucocytose au cours d'une maladie systémique fébrile doit faire évoquer, dans un premier temps, l'hypothèse d'une infection. Mais si une telle enquête est négative, la discussion devra secondairement s'orienter vers la responsabilité d'une maladie systémique (angéite, collagénose, dermatose neutrophilique). Les angéites : périartérite noueuse maladie de Horton purpura rhumatoïde maladie de Behçet maladie de Kawasaki purpura thrombotique thrombocytopénique -La dermatose aiguë fébrile neutrophilique est une affection au début brutal, souvent initiée par un épisode rhino-pharyngé ou gastro-intestinal. Elle s’accompagne de fièvre et d’une éruption de papulo-nodules cutanés, rouge sombre, légèrement infiltrés, siégeant le plus souvent au niveau des faces latérales du cou, des membres et du visage. Les critères du diagnostic sont cliniques, mais aussi biologiques (hyperleucocytose à PNN toujours présente). L’étude anatomopathologique d’une lésion cutanée permet de montrer un infiltrat à PNN dermique baignant dans un œdème sous-épidermique. -Le psoriasis pustuleux de Zumbusch est une forme rare de psoriasis caractérisé par la généralisation de pustules blanches, plates et nombreuses. Il peut s’agir d’une forme inaugurale de psoriasis ou alors d’une complication de cette affection. L’hyperleucocytose, l’accélération de la VS et l’hypocalcémie sont les signes biologiques habituels de cette affection. -L’acné fulminans représente une forme fébrile et ulcéreuse d’acné conglobata aiguë dans un contexte d’altération de l’état général et d’une hyperleucocytose à PNN. Autres affections : D’autres affections comme la maladie périodique s’accompagnent d’une hyperleucocytose neutrophile. Maladies métaboliques et endocriniennes : La neutrophilie est un signe habituel de l'hypercorticisme endogène (maladie de Cushing), du phéochromocytome, des accès de goutte et de l'acidocétose diabétique. Cancers : Les hyperleucocytoses à PNN sont souvent le fait d'une nécrose tumorale ou d'une surinfection. Dans certains cas, une hyperleucocytose peut atteindre 100 000 leucocytes par mm3 traduisant ainsi la sécrétion par la tumeur d'une substance stimulant la granulopoïèse (neutrophilie d'accompagnement des tumeurs viscérales : épithélioma spinocellulaire de la thyroïde, épithélioma spinocellulaire cutané, cancer pulmonaire, cancer de l'ovaire, cancer du rein, cancer de la vessie, carcinome hépatocellulaire, carcinoïde du colon, carcinoïde du grêle, cancer du colon, cancer du rectum, histiocytome colique, myxome de l'oreillette). L'hyperleucocytose à PNN peut être un signe d'accompagnement de diverses hémopathies malignes (polyglobulie, maladie de Hodgkin, leucémie lymphocytaire). Accidents vasculaires : Les accidents ischémiques cardiaques ou cérébraux, ou encore l'embolie pulmonaire, peuvent induire une leucocytose probablement par le biais d'une nécrose tissulaire. L'hyperleucocytose, dans ces cas, peut être responsable d'une aggravation du phénomène ischémique. Médicaments et toxiques : La capacité de certains médicaments à engendrer une hyperleucocytose est bien connue ( lithium, ranitidine, amiodarone, héparine). Certains toxiques génèrent aussi une polynucléose neutrophile : phencyclidine, marijuana, oxyde de carbone, tétrachlorure de carbone, benzène, phénylpropanolamine, huiles toxiques, histamine, plomb, mercure, alcool (dans le cadre de l’hépatite alcoolique). Tabagisme : La consommation de cigarettes est significativement associée à une augmentation des diverses lignées leucocytaires. Elle est particulièrement notable pour les PNN. Cette augmentation est proportionnelle au nombre de cigarettes fumées par jour, mais peu influencée par l’ancienneté du tabagisme. Ce fait doit être pris en compte dans l’interprétation de toute polynucléose neutrophile. Le tabagisme est également responsable d’une hyperlymphocytose qui se majore avec l’ancienneté du tabagisme. Cette augmentation du nombre des leucocytes chez les grands fumeurs peut être due à l'augmentation des catécholamines circulantes, à la nicotine ou encore à l'existence d'une infection périodontale chronique. Le tabagisme peut expliquer des neutrophilies allant jusqu’à 14 000 et des leucocytoses jusqu’à 17 000 / mm3 au maximum. D’autre part, la nicotine provoque une hémoconcentration qui élève artificiellement le taux d’hémoglobine et l’hématocrite. *La découverte de myalgies des ceintures dans ce contexte (pseudopolyarthrite rhizomélique) justifiera ainsi la réalisation d'une biopsie de l'artère temporale. *L'existence d'arthralgies et de myalgies chez un sujet plus jeune avec une hyperleucocytose à PNN évoquera une maladie de Still si des macules rosées à la racine des membres et sur le tronc sont notées, ainsi qu'une polyadénopathie ou d'autres manifestations viscérales. Le diagnostic d'une polyarthrite rhumatoïde ou d'une dermatomyosite est plus aisé. *La recherche d'un syndrome algique n'oubliera pas l'œil. En effet, une inflammation de l'uvée pourra s'exprimer par une douleur qui imposera un examen ophtalmologique. De nombreuses maladies inflammatoires systémiques s'accompagnent d'une atteinte oculaire, que se soit la maladie de Behçet, la polychondrite chronique atrophiante ou la périartérite noueuse. *Les douleurs abdominales survenant par accès aigus pseudochirurgicaux suggéreront, chez un sujet originaire de l'Est méditerranéen, une maladie périodique. Dans d'autres contextes, l'hyperleucocytose pourra être rattachée à une nécrose tumorale ou encore à une hépatite alcoolique. *L'existence de frissons : De véritables frissons pseudo-septiques peuvent être observés au cours de maladies systémiques inflammatoires. Existence de signes cutanés ou non ? Neutrophilies chroniques : L'interrogatoire doit rechercher une prise médicamenteuse prolongée (lithium, ranitidine, amiodarone…), une exposition à des toxiques ou encore des conditions environnementales particulières. Le tégument, aisément accessible à l'inspection et à la palpation, est un organe cible de choix de nombreuses affections neutrophiliques. Les dermatoses neutrophiliques telles que le syndrome de Sweet et le psoriasis pustuleux de Zumbusch sont de diagnostic facile. La plupart des maladies inflammatoires systématiques comportent des signes cutanés spécifiques ou non. Ils témoignent, la plupart du temps, de l'existence d'une vascularite qui sera démontrée par l'examen histologique de la lésion cutanée. Le purpura infiltré palpable est le maître symptôme des vascularites. Prédominant sur les membres inférieurs, évoluant par poussées, souvent déclenchées par orthostatisme, tantôt bulleux, tantôt nécrotique, il présente des caractères polymorphes. Associé à des nodules dermiques, à des macules érythémateuses ou à des maculopapules, il conduira à rechercher des manifestations tissulaires et viscérales associées dont certaines représentent un élément de pronostique (atteinte rénale, atteinte neurologique…). Le livedo peut résulter lui aussi d'une vascularite : il n'est pas spécifique d'une seule angéite. Les aphtes buccaux et génitaux de la maladie de Behçet sont plus spécifiques, comme le sont les nodules inflammatoires ou les pustules stériles au point de ponction. En présence d'une périchondrite des cartilages superficiels du pavillon de l'oreille, le diagnostic de polychondrite chronique atrophiante sera évoqué. Ces signes peuvent manquer lors de l'examen du patient et ils doivent être recherchés par l'interrogatoire. Polynucléose neutrophile fébrile infectieuse ou non ? Examen neurologique normal ou non ? Dans un contexte fébrile, le diagnostic de la maladie infectieuse doit être tout d'abord évoqué et les examens paracliniques correspondant doivent être pratiqués (hémocultures, examens bactériologiques orientés sur les données cliniques, premier prélèvement sérologique). Si cette enquête est négative, l'hyperleucocytose prendra place dans le cadre des polynucléoses fébriles non infectieuses ou encore des proliférations myéloïdes justifiant de faire appel aux examens complémentaires hématologiques. Devant une multinévrite, dans un contexte fébrile avec hyperleucocytose , il faudra penser au diagnostic de périartérite noueuse. L'amyotrophie est rapide, elle s'accompagne de myalgies spontanées et provoquées. Etiologies diverses : Les suites opératoires, l'anesthésie générale, la grossesse, la pancréatite chronique sont des étiologies classiques des neutrophilies. DIAGNOSTIC D'UNE NEUTROPHILIE Polynucléose neutrophile aiguë ou chronique ? Neutrophilies aiguës : L'interprétation d'une neutrophilie fugace doit faire soulever l'hypothèse d'un événement intercurrent susceptible de la provoquer. Ainsi, l'exercice musculaire, le changement brusque de température ou encore une émotion suffisent à induire une hyperleucocytose neutrophile dans les minutes qui suivent le stimulus ; elle est alors de courte durée. Des circonstances particulières comme une intervention chirurgicale, une anesthésie ou encore un choc électrique peuvent être en cause. Les hyperleucocytoses rencontrées dans la phase de début d'une infection virale sont le plus souvent transitoires ; elles s'intègrent dans un contexte clinique et biologique le plus souvent évocateur du diagnostic. Existence d’un syndrome algique ou non ? La douleur n'est parfois pas spontanément rapportée par le malade. Elle peut lui sembler banale dans un contexte fébrile. Qu'elle soit spontanée ou provoquée, la douleur, de par ses caractères et ses facteurs déclenchants, suffit parfois à évoquer un diagnostic. *Les céphalées chez un sujet âgé, fébrile, amaigri, seront aisément rapportées à une maladie de Horton lorsque l'interrogatoire aura précisé leur localisation temporale, leur horaire matinal, l'association à une claudication intermittente douloureuse de la mâchoire (lors des efforts de mastication), ou une douleur linguale. Examen pulmonaire normal ou non ? L'angéite granulomateuse de Churg et Strauss, de même que la maladie de Wegener réalisent une angéite systémique à tropisme pulmonaire. Cependant, de nombreuses collagénoses, ou d'autres angéites, s'accompagnent d'une symptomatologie pulmonaire clinique et radiologique. Existe-t-il des signes biologiques ? Le diagnostic biologique d’une polynucléose neutrophile requiert un certain nombre d’examens dans le but de distinguer une polynucléose réactionnelle (infection, processus inflammatoire….) d’une hémopathie maligne. Pour cela, la démarche diagnostique consiste à rechercher dans un premier temps une pathologie responsable de la polynucléose et, en cas de résultat négatif, à effectuer des investigations hématologiques pour identifier une hémopathie, notamment un syndrome myéloprolifératif. Hémogramme : Outre la neutrophilie, il permet d’apprécier : -le degré de l’hyperleucocytose, la présence éventuelle et l’importance d’une myélémie, celle d’une monocytose. -la morphologie des PNN et des autres cellules de la lignée granuleuse (dégranulation, hyposegmentaion, corps de Döhle, vacuoles, granulations très denses) -l’existence ou non d’une anémie, notamment de type inflammatoire -la numération des plaquettes, normale, diminuée ou augmentée. -une hyperéosinophilie, qui, associée à une polynucléose neutrophile, permettra, selon certains auteurs, d’orienter vers une origine non infectieuse de la symptomatologie. Exploration du syndrome infectieux : Il sera documenté par l’examen clinique et des investigations complémentaires appropriées qui rechercheront un foyer infectieux bactérien disséminé ou localisé. Exploration du syndrome inflammatoire : Le dosage des protéines inflammatoires (CRP…), de même que le taux de gammaglobulines, ne permettent pas de différencier formellement une maladie infectieuse d'une maladie systémique inflammatoire. Cependant, leur profil évolutif sera riche d'informations. Les stigmates habituels sont l’accélération de la VS, l’augmentation de la CRP, une hyperfibrinémie et une hyper-alpha 2 et ou une hypergammaglobulinémie Etude de la moelle osseuse et score des phosphatases alcalines : Le myélogramme est souvent peu informatif dans le diagnostic d’une polynucléose neutrophile. Il permet d’effectuer le prélèvement pour une éventuelle étude cytogénétique. En revanche, la biopsie médullaire est plus utile pour préciser la richesse des 3 lignées myéloïdes, pour rechercher des mégacaryocytes dystrophiques et documenter une myélofibrose. Les PNN normaux contiennent dans des granules cytoplasmiques une phosphatase alcaline (PAL) dont l’activité est mise en évidence par des techniques cytochimiques. Les variations de ce score donnent des éléments d’orientation dans le diagnostic de certaines polynucléoses neutrophiles : le score est effondré dans la LMC en phase chronique, il est en général normal dans les autres syndromes myéloprolifératifs, il est normal ou augmenté dans les autres étiologies des polynucléoses (notamment au cours des infections). Le caryotype est utile pour rechercher un chromosome Philadelphie, marqueur de la leucémie myéloïde chronique (LMC) ou des anomalies clonales (délétion, monosomie) observées dans certaines hémopathies. Les techniques de Biologie moléculaire sont maintenant applicables au diagnostic des hémopathies. Dans la LMC, elles détectent une anomalie moléculaire spécifique, le réarrangement bcr-abl. Autres analyses biologiques : La recherche d'une protéinurie apparaît être un examen intéressant au cours des polynucléoses fébriles non infectieuses. Elle sera associée à une recherche de cylindres et à la réalisation d'un compte d'Addis. Parmi les examens biologiques hépatiques, le dosage des phosphatases alcalines et des gamma GT nous apparaît utile puisque bon nombre d'angéites systémiques peuvent s'accompagner d’une cholestase anictérique. Le bilan biologique se poursuivra par la recherche d'une cryoglobulinémie, du dosage du complément total et des fractions C3 et C4, de la recherche des complexes immuns circulants. L'absence de spécificité de chacun des éléments biologiques énumérés cidessus doit inciter le clinicien à beaucoup de prudence dans la mise en route d'un traitement corticoïde. En effet, une endocardite infectieuse peut simuler une maladie inflammatoire systémique. En l'absence d'arguments cliniques et biologiques suffisamment convaincants, seule une preuve histologique montrant une lésion spécifique sinon caractéristique autorisera la mise en route du traitement. NEUTROPHILIES IDIOPATHIQUES L'existence d'une hyperleucocytose à PNN sans origine connue pose toujours un problème diagnostique. Chez certains malades, aucune pathologie ne survient, malgré une longue période d'observation. CONCLUSION Le diagnostic d’une polynucléose neutrophile demande une bonne analyse du contexte clinique. Dans la plupart des cas, elle reflète un processus réactionnel dont l’étiologie sera plus ou moins facile à identifier. Plus rarement elle témoigne d’une hémopathie maligne dont le diagnostic exact demandera des investigations plus spécialisées. Olivier Fleurquin Prochain sujet : Dépistage et diagnostic biologique du diabète gestationnel