U Uvéite associée à la maladie de Whipple Cas clinique

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Cas clinique
Uvéite associée
à la maladie de Whipple
Whipple’s disease-associated uveitis
V. Touitou, P. LeHoang, B. Bodaghi
(Service d’ophtalmologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
U
n homme, âgé de 57 ans, consulte en raison d’une baisse d’acuité visuelle
modérée évoluant depuis 2 ans, associée à une impression de corps flottants. À l’interrogatoire, il présente également une histoire d’arthralgies
diffuses évoluant depuis 3 ans, ainsi que des troubles digestifs de type diarrhée
chronique, présents depuis 4 ans.
Examen
L’acuité visuelle est à 7/10 à droite et à gauche. À la lampe à fente, il n’y a pas
d’inflammation de la chambre antérieure ; en revanche, il existe une hyalite bilatérale
(figure 1), associée à des vascularites périphériques, et des condensations vitréennes
de type “snow­balls”. Un œdème maculaire est présent du côté droit (figure 2). Le
scanner thoraco­abdominopelvien met en évidence des adénopathies mésentériques
et para­aortiques. La ponction de la chambre antérieure est négative mais la vitrec­
tomie met en évidence la présence de macrophages avec inclusions positives à l’acide
périodique Schiff (PAS) [figures 3 et 4], et la détection de Tropheryma whipplei par
PCR (Polymerase Chain Reaction) s’avère positive : le diagnostic d’uvéite associée à
la maladie de Whipple est ainsi confirmé. Une antibiothérapie associant rifampicine
et triméthoprime + sulfaméthoxazole est initiée, qui permet une amélioration rapide
de l’état général ainsi qu’une disparition des signes extra­ophtalmologiques, et de
l’uvéite en 3 mois.
Discussion
La maladie de Whipple est rarement une cause d’uvéite. Elle doit être suspectée
devant toute uvéite corticorésistante ou corticodépendante, d’évolution chronique,
et cela d’autant plus volontiers que des manifestations cliniques extra­oculaires lui
sont associées. L’atteinte est multiorganique et peut notamment entraîner une alté­
ration de l’état général (fièvre au long cours, amaigrissement, asthénie) ainsi que
des troubles digestifs, articulaires, cardiaques, neurologiques et ophtalmologiques.
Toutes les atteintes ophtalmologiques sont possibles (épisclérite, sclérite, uvéite,
papillite). Les atteintes neuro­ophtalmologiques typiques incluent un nystagmus, un
syndrome de Parinaud ou des myorythmies oculomasticatoires. Une ponction lombaire
est indispensable dans le bilan de la maladie. Le pronostic vital de ces patients est
engagé si le diagnostic n’est pas fait ; avant la découverte de son origine bactérienne
et l’utilisation des antibiotiques, la maladie de Whipple était systématiquement létale.
Actuellement, le pronostic est bon lorsqu’elle est traitée mais les rechutes oculaires ou
neurologiques ne sont pas rares à l’arrêt du traitement. La durée du traitement n’est
pas codifiée et doit toujours dépasser 1 an. De nombreux patients restent sous traite­
ment antibiotique d’entretien à faible dose pendant de nombreuses années, voire à vie.
L’uvéite associée à la maladie de Whipple est rare mais il est indispensable de
la reconnaître et de la traiter afin d’assurer non seulement le meilleur pronostic
fonctionnel des patients mais également le pronostic vital. Elle présente les caractéristiques des uvéites infectieuses avec une évolution chronique, récidivante, et
résistante à la corticothérapie.
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Images en Ophtalmologie • Vol. VII • no 4 • juillet-août 2013
Uvéite chronique • Maladie de
Whipple • PCR • Tropheryma
whipplei • Macrophages PAS
positifs.
Chronic uveitis • Whipple’s
disease • PCR • Tropheryma
whipplei • PAS positive macrophages.
Légendes
Figure 1. Aspect du vitré antérieur chez un
patient atteint d’uvéite associée à la maladie
de Whipple. Uvéite postérieure torpide avec
inflammation du segment antérieur minime
ou absente.
Figure 2. Angiographie à la fluorescéine
montrant une papillite associée à un œdème
maculaire de l’œil droit.
Figure 3. Présence de corps PAS positifs au
niveau du prélèvement vitréen.
Figure 4. Immunocytochimie permettant
le diagnostic d’infection par Tropheryma
whipplei au niveau du même prélèvement
vitréen (image fournie gracieusement par
le Pr Drancourt).
Pour en savoir plus…
• Touitou V, Fenollar F, Cassoux N et al. Ocular
Whipple’s disease: therapeutic strategy and long­
term follow­up. Ophthalmology 2012;119(7):1465­9.
• Lee AG. Ocular whipple’s disease. Ophthalmo­
logy 2002;109(11):1952­3.
• Chan RY, Yannuzzi LA, Foster CS. Ocular
Whipple’s disease: earlier definitive diagnosis.
Ophthalmology 2001;108(12):2225­31.
• Sommer S, Rozot P, Wagner M, Xenard L,
Poveda JD. [Uveitis in Whipple disease: iden­
tification of Trophyrema whippelii by PCR].
J Fr Ophtalmol 1998;21(8):588­90.
• Williams JG, Edward DP, Tessler HH et al. Ocular
manifestations of Whipple disease: an atypical
presentation. Arch Ophthalmol 1998;116(9):1232­4.
• Wechsler B, Fior R, Reux I et al. [Uveitis: late
complication of undiagnosed Whipple disease].
Rev Med Interne 1995;16(9):687­90.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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