Algèbre p-adique et ses applications en géométries algébrique et

Algèbre p-adique et ses applications en géométries
algébrique et analytique p-adiques
Ahmed Srhir
Département de Mathématiques, Faculté Polydisciplinaire, B.P.4162, Safi, Maroc
Résumé. Le but principal du présent travail est d’introduire et d’étudier, par analogie avec le cas réel
(voir [5]), la notion d’anneau p-adique ; et aussi de généraliser celle d’idéal p-adique (voir [17]) pour
un anneau commutatif unitaire quelconque. Nous expliquons ensuite comment ces notions permettent
de donner une nouvelle caractérisation des points du spectre p-adique d’un anneau ; et de fournir une
démonstration du théorème des zéros pour ce spectre.
Abstract. The main goal of this paper is to introduce and to study the notion of p-adic ring by
analogy of the real case (see [5]). This allows us to generalize the notion of p-adic ideal (see [17]) for
any commutative ring with unit. We use after that those notions to give a new characterization of the
points of the p-adic spectrum of a ring, and a prove of the Nullstellensatz of this spectrum.
MSC (2000) : 12J12 ; 14Pxx ; 13F20.
Mots-clés : Idéal p-adique, spectre p-adique, théorème des zéros p-adiques.
1 Introduction et notations
Soit pun nombre premier fixé de N. La valeur absolue p-adique sur le corps Qest définie par
xQ,|x|p=pvp(x)et |0|p= 0,
avec l’entier vp(x)Zest déterminé de manière unique par x=n
mpvp(x), et les entiers nNet
mZsont premiers avec p. Le théorème d’Ostrowski affirme que toute valeur absolue non triviale
sur Qest équivalente à la valeur absolue usuelle ou à une seule valeur absolue p-adique. Ce résultat
classique a été le point de départ dans l’introduction, par Hensel, du corps des nombres p-adiques Qp.
Rappelons que celui-ci est construit en complétant le corps Qpour la valeur absolue p-adique |.|p, et
que le corps des nombres réels Rest le complété du corps Qpour la valeur absolue usuelle. Cette forte
analogie dans la construction de Ret de Qpa donnée l’idée à plusieurs mathématiciens de transposer
des résultats connus dans le cas réel au cas p-adique. Pour ne citer que deux exemples, la notion de
corps p-adiquement clos a été introduite en axiomatisant des propriétés algébriques du corps Qppar
Kochen dans [10] pour fournir un analogue p-adique de celle de corps réel clos ; et le spectre p-adique
d’un anneau a été introduit par Robinson dans [15] pour donner un analogue p-adique du spectre réel
d’un anneau de Coste-Roy [6].
1
On s’intéresse ici à l’algèbre p-adique. Il s’agit d’introduire un objet qui jouerait un rôle analogue
à celui d’anneau réel. Rappelons d’abord la définition de cette dernière notion :
Définition 1.1 (voir aussi [5]). Soit Aun anneau commutatif unitaire. On dit que Aest un anneau
réel s’il existe un homomorphisme de Adans un corps réel clos.
La notion d’anneau réel offre un cadre adéquat en géométries algébrique et analytique réelles pour
décrire la situation de façon très concise. Nous renvoyons le lecteur à [5] pour plus de détails sur
cette notion et ses applications en géométrie réelle. L’idée fondamentale qui nous a guidée dans
tout ce travail est encore l’étroite analogie entre le cas réel et le cas p-adique et aussi de donner un
théorème des zéros pour l’anneau des séries formelles et celui des séries convergentes à coefficients
p-adiques. Notre approche est similaire à celle de [5] où Colliot-Thélène utilise des techniques et
des arguments semblables pour traiter le cas réel. Les notions introduites ici possèdent des bonnes
propriétés algébriques analogues à ceux du cas réel, et qui s’adaptent bien à la géométrie p-adique.
Signalons que ces notions peuvent être généralisées aux extensions finies de Qp.
Nous précisons maintenant les notations, et faisons quelques rappels. Dans ce travail, anneau
sera synonyme d’anneau commutatif unitaire, et corps de corps commutatif. Si Iest un idéal d’un
anneau A, on note par Ile radical de I, i.e. I={xA|rNtel que xrI}. Si de plus
Iest un idéal premier, k(I)désigne le corps résiduel de l’idéal I, c.-à-d. le corps de fractions de
l’anneau A/I. Si Kest un corps, on note par K[X] = K[X1, . . . , Xm]l’anneau des polynômes
en les indéterminées X1, . . . , Xmet à coefficients dans K, et par K(X)le corps des fractions de
l’anneau intègre K[X]. On note xle m-uplet (x1, . . . , xm). Pour tout entier ndans N, on désigne
par K(n)le sous-groupe multiplicatif des puissances n-ième de K, et par K(n)le sous-ensemble de
Kdéfini par K(n)={xK|x= 0 ou xK(n)}. On note Pn(resp. P
n) le prédicat unaire défini
par
xK, Pn(x) (resp. P
n(x)) xK(n)(resp. xK(n)).
Si vest une valuation sur un corps K, on note VK=©xK¯¯v(x)0ªl’anneau de valuation de
K,MK=©xK¯¯v(x)>0ªl’idéal maximal de VKet Kv=VK/MKle corps résiduel de VK.
Rappelons qu’une valuation vsur un corps Kest dite une p-valuation si vvérifie les deux conditions :
v(p) = min ©v(x)>0¯¯xK\ {0}ª,
Kv'Z/p Z.
Un corps de caractéristique nulle muni d’une p-valuation s’appelle un corps p-valué. Par exemple, le
corps des nombres p-adiques Qpavec son valuation p-adique vpest un corps p-valué. Soit Kun corps
p-valué, et soit Lune extension de K. L’opérateur p-adique de Kochen de Lsur Kest défini par :
γ(X) = 1
p·XpX
(XpX)21·
On désigne par VK[γ(L)] le sous-anneau de Lengendré par γ(L)et VK. On appelle anneau de Kochen
de Lsur Ket on note ΛLle sous-anneau de Ldéfini par :
ΛL=½t
1p s ¯¯¯t, s VK[γ(L)] et 1p s 6= 0¾·
Dans le cas où L=K(X), on note Λau lieu de ΛK(X). On note par K[X, γ(K(X))] le sous-anneau
de K(X)engendré par (X1, . . . , Xm)et γ(K(X)) sur K. Finalement on désigne par Λ·K[X]le
sous-anneau de K(X)engendré par Λet K[X]. Alors on a l’égalité suivante :
Λ·K[X] = ½t
1p s ¯¯¯tK[X, γ(K(X))] et sVK[γ(K(X))]¾·
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Rappelons aussi que si Kest un corps p-valué et Lune extension de K. Alors Lest dit un corps for-
mellement p-adique sur Ksi Ladmet une p-valuation prolongeant celle de K. Les corps formellement
p-adiques sont aussi caractérisés par la propriété suivante :
Proposition 1.2 (voir [13]) Soit Kun corps p-valué et Lune extension de K. Alors Lest formelle-
ment p-adique sur Ksi et seulement si on a 1
p6∈ VK[γ(L)].
Par exemple, si (K, v)est un corps p-valué alors le corps des fractions rationnelles K(X)est un corps
formellement p-adique sur K. En effet, si PK[X]tel que P=akXk+ak+1Xk+1 +··· +amXm,
avec ak6= 0 et km. On pose w0(P) = ¡k, v(ak)¢. Maintenant si f, g sont dans K[X], on pose :
w(f±g) = w0(f)w0(g). Alors west une p-valuation sur K(X)prolongeant la p-valuation de K.
Rappelons également qu’un corps p-valué est dit p-adiquement clos s’il n’admet aucune extension
algébrique p-adiquement close propre. La théorie des corps p-adiquement est l’analogue p-adique de
celle des corps réel clos d’algèbre réelle. Elle a été obtenue en axiomatisant certaines propriétés algé-
briques du corps p-adiquement clos Qp, corps des nombres p-adiques. La clôture p-adique d’un corps
p-valué est une extension algébrique p-adiquement close de ce corps.
Nous rappelons maintenant quelques éléments de la théorie des modèles des corps p-adiquement
clos qui seront utilisés ici. Nous notons L= (+,,×,0,1) le langage du premier ordre des anneaux.
Le symbole +est interprété dans un anneau comme la loi additive, ×comme la loi multiplicative, et
les constantes 0et 1comme les éléments neutres des lois +et ×respectivement. Soit Aun anneau.
Une formule du premier ordre du langage Là paramètres dans Aest une formule construite au moyen
d’un nombre fini de conjonctions, disjonctions, négation et quantifications universelles ou existen-
tielles sur des variables à partir des formules atomiques du type f(x) = 0, avec fA[X1, . . . , Xm].
Si A=Z, on dit tout simplement une formule du premier ordre du langage L.Les variables libres
d’une formule sont les variables figurant dans les polynômes qui ne sont pas quantifiées. Un énoncé
du langage Lest une formule où toutes les variables sont quantifiées. La théorie élémentaire de Qp,
notée Th(Qp), est l’ensemble des énoncés de Lqui sont vrais dans Qp. Pour plus de détails sur la
théorie des modèles des corps p-adiquement clos, nous renvoyons le lecteur à [13]. Le résultat suivant
affirme que la théorie des corps p-adiquement est modèle-complète dans le langage des anneaux L:
Théorème 1.3 (voir [13]). Soit Ket Ldeux corps p-adiquement clos tels que KLet ϕune
formule du langage L. Alors ϕest vraie dans Lsi et seulement si ϕest vraie dans K.
Les corps p-adiquement clos comme dans le théorème sont dit élémentairement équivalents. Si dans
le théorème 1.3 la formule ϕest à paramètres dans un anneau A, on dit que les corps sont élémentai-
rement équivalents sur A. Il résulte de ce résultat qu’un corps Kest p-adiquement clos si et seulement
s’il est élémentairement équivalent à Qp, et note alors K|=Th(Qp). Comme conséquence, voici le :
Corollaire 1.4 Soit Kun corps p-valué. Soit Let Mdeux extensions p-adiquement closes de K.
Alors Let Msont élémentairement équivalent sur Ksi et seulement si on a :
KL(n)=KM(n)pour tout n1.
Nous donnons aussi comme conséquence, le résultat suivant qui est l’analogue p-adique du théorème
d’homomorphisme d’Artin-Lang en géométrie algébrique réelle :
Corollaire 1.5 (voir aussi [16, corollaire 1.6]). Soit Ket Ldeux corps p-adiquement clos tels que
KLet Iun idéal de K[X]. Si Φ : K[X]/I Lest un K-homomorphisme alors il existe un
K-homomorphisme Ψ : K[X]/I K.
3
Une autre notion très utile de la théorie des modèles est celle de l’élimination des quantificateurs. La
théorie Th(Qp)n’admet pas l’élimination des quantificateurs dans le langage des anneaux L, mais
elle l’admet dans le langage de Macintyre L(Pω) = (+,,×,0,1,(Pn)n1). Les formules du langage
L(Pω)sont construites de la même manière que les formules de L, mais les formules atomiques de
L(Pω)sont du genre f(x) = 0 et P
n(g(x)), avec f, g A[X1, . . . , Xm]. On peut maintenant énoncer
le théorème d’élimination des quantificateurs de Macintyre :
Théorème 1.6 (théorème de Macintyre [11]). Soit Kun corps p-adiquement clos et Φune formule
du premier ordre de L(Pω). Alors il existe une formule sans quantificateur Ψde L(Pω)telle que Φest
vraie dans Ksi et seulement si Ψest vraie dans K.
Signalons que là où on utilise le théorème de Macintyre, on peut, dans le cas réel, utiliser son homo-
logue le principe de Tarski-Seidenberg, qui affirme que la théorie des corps réels clos admet l’élimi-
nation des quantificateurs dans le langage des corps ordonnés.
Dans le paragraphe 2 nous introduisons la notion d’anneau p-adique par analogie avec le cas réel ;
et nous utilisons ensuite cette nouvelle notion pour généraliser la notion d’idéal p-adique et celle de
radical p-adique d’un idéal pour un anneau quelconque. Le paragraphe 3 a pour but de fournir une
nouvelle caractérisation des points du spectre p-adique d’un anneau. Dans le dernier paragraphe nous
démontrons un théorème des zéros pour le spectre p-adique ; et nous énonçons des conjectures de ce
théorème pour les anneaux des séries formelles et convergentes p-adiques.
2 Anneau p-adique et généralisation d’idéal p-adique
En s’inspirant de la définition 1.1, nous donnons maintenant la définition d’un anneau p-adique :
Définition 2.1 Soit Aun anneau. On dit que Aest un anneau p-adique s’il existe un homomorphisme
de Adans un corps p-adiquement clos K.
Remarque. Un corps est un anneau p-adique si et seulement s’il est un corps formellement p-adique.
Exemples. Soit Kun corps p-adiquement clos. Alors on a :
1) L’anneau des polynômes K[X1, . . . , Xm]à coefficients dans Kest un anneau p-adique.
2) L’anneau des séries formelles K[[X1, . . . , Xm]] à coefficients dans Kest un anneau p-adique.
3) L’anneau des séries convergentes Qp{X1, . . . , Xm}à coefficients dans Qpest un anneau p-adique.
Soit Kun corps p-adiquement clos. La notion d’idéal p-adique pour l’anneau des polynômes K[X]a
été introduite et étudiée dans [17]. Elle a été ensuite utilisée avec la modèle-complétude de la théorie
Th(Qp)pour donner une nouvelle démonstration du théorème des zéros. Rappelons ici cette notion :
Définition 2.2 (voir aussi [17]). Soit Iun idéal dans K[X]engendré par les polynômes f1, . . . , fr.
On dit que Iest un idéal p-adique si pour tout gK[X], tout mNet tout λ1, . . . , λrΛ·K[X]
tels que gm=λ1f1+··· +λrfralors on a gI.
En utilisant la notion d’anneau p-adique, on a aussi la caractérisation suivante d’un idéal p-adique :
Proposition 2.3 Soit Kun corps p-adiquement clos. Alors un idéal Ide l’anneau K[X]est un idéal
p-adique si et seulement si l’anneau quotient K[X]/I est un anneau p-adique.
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Démonstration. Soit Iun idéal p-adique de l’anneau K[X]. Alors d’après la proposition 3.8 de [17],
on a I=I1I2∩ ··· ∩ Ir, avec chaque idéal Iiest un idéal premier p-adique de K[X]. D’après la
proposition 3.6 de [17], le corps résiduel k(I1)de I1est formellement p-adique. Soit Lune clôture
p-adique de ce corps. Ainsi on a un homomorphisme ϕde K[X]/I1dans L. D’autre part, on a II1.
Donc il existe un homomorphisme Ψ : K[X]/I K[X]/I1. Considérons l’application
K[X]/I Ψ
K[X]/I1
ϕ
L.
On pose Φ = ϕΨ. Il est clair que Φest bien définie. De plus, Φest un homomorphisme d’anneaux
de K[X]/I dans L. Il en résulte alors que K[X]/I est un anneau p-adique.
Réciproquement, supposons que K[X]/I soit p-adique. Montrons que Iest un idéal p-adique de
K[X]. D’après le théorème 3.9 de [17], il suffit de montrer que I=J(Z(I)), avec
Z(I) = ©xKm¯¯f(x) = 0 fIªet J(Z(I)) = ©fK[X]¯¯f(x) = 0 x∈ Z(I)ª.
Puisque K[X]/I est un anneau p-adique, il existe un homomorphisme Ψde K[X]/I dans un corps
p-adiquement clos L. D’après la modèle-complétude de Th(Qp), on peut supposer que L=K. Soit
fK[X]tel que f6∈ I. On pose
xi= Ψ(Xi)pour 1imet x= (x1, . . . , xm).
Alors on a x∈ Z(I). De plus, on a f(x)6= 0. Donc f6∈ J(Z(I)). Ainsi on a I=J(Z(I)).¤
La proposition précédente et la forte analogie avec le cas réel nous suggèrent de généraliser la notion
d’idéal p-adique pour un idéal d’un anneau quelconque de la façon suivante :
Définition 2.4 Soient Aun anneau et Iun idéal de A. On dit que Iest un idéal p-adique de Asi
l’anneau quotient A/I est un anneau p-adique.
Exemples. 1) Soit Kun corps p-adiquement clos. Alors l’idéal (X1, . . . , Xi)de K[X]engendré par
X1, . . . , Xiest un idéal p-adique, car on a :
K[X]/(X1, . . . , Xi)'K[Xi+1, . . . , Xm]pour tout 1im.
2) L’idéal (X1, . . . , Xm)engendré par X1, . . . , Xmest un idéal p-adique de K[[X1, . . . , Xm]], car
K[[X1, . . . , Xm]]/(X1, . . . , Xm)'K.
3) L’idéal (X1, . . . , Xm)engendré par X1, . . . , Xmest un idéal p-adique de Qp{X1, . . . , Xm}.
Pour les idéaux premiers, on a la caractérisation suivante en termes de corps formellement p-adiques :
Proposition 2.5 Soient Aun anneau et Iun idéal premier de A. Alors Iest un idéal p-adique si et
seulement si le corps résiduel k(I)de Iest un corps formellement p-adique.
Démonstration. Soit Iun idéal premier p-adique de A. Alors il existe un homomorphisme de Adans
un corps p-adiquement clos K. Il s’ensuit qu’il existe un homomorphisme du corps résiduel k(I)de
Idans K. Donc k(I)est un corps formellement p-adique.
Réciproquement, supposons que k(I)soit formellement p-adique. Soit Kune clôture p-adique de ce
corps. Alors Kest un corps p-adiquement clos. De plus on a un homomorphisme de A/I dans K.¤
La notion de radical p-adique d’un idéal se généralise aussi pour un anneau quelconque comme suit :
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