© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Gastroenterol Clin Biol 2007;31:975-977 OCCLUSION INTESTINALE CAS CLINIQUE Le nœud iléosigmoïde : une cause improbable d’occlusion intestinale primitive par strangulation bifocale Arthur VAROQUAUX (1), Pascal ANANIAN (2), Hubert RICHA (2), Christophe CHAGNAUD (1), Yves-Patrice LE TREUT (2) (1) Service de radiologie ; (2) Service de chirurgie générale et transplantation hépatique, CHU Conception, Marseille. RÉSUMÉ SUMMARY Le nœud iléosigmoïde est une cause rare et grave d’occlusion intestinale par strangulation bifocale. C’est une urgence chirurgicale dont le retard de prise en charge expose à des lésions de nécrose digestive étendue et à une mortalité élevée. À partir d’une observation et d’une revue des cas rapportés dans la littérature, nous précisons les circonstances diagnostiques du nœud iléosigmoïde. La présentation clinique initiale est souvent frustre et aspécifique. Le diagnostic de nœud iléosigmoïde repose surtout sur l’imagerie. La tomodensitométrie abdominopelvienne avec injection de produit de contraste et balisage digestif transanal semble être le meilleur examen pour montrer en urgence l’association pathognomonique d’une souffrance de l’intestin grêle et d’un volvulus du sigmoïde. Ileosigmoid knot is an unusual and severe cause of bifocal bowel strangulation Introduction Observation Les occlusions intestinales par strangulation sont des urgences chirurgicales dont le diagnostic précoce est difficile. Postopératoires ou primitives, ces occlusions associent les risques de l’occlusion mécanique à ceux de l’ischémie mésentérique. Elles sont le plus souvent dues au volvulus d’une anse digestive ou à son étranglement dans le collet d’une hernie. La tomodensitométrie (TDM) abdominopelvienne est l’examen de référence pour le diagnostic étiologique des occlusions et la recherche de signes de souffrance ischémique. Les performances diagnostiques de cet examen dépendent toutefois de son mode d’acquisition et de la connaissance de l’anatomie des hernies internes, qu’elles soient acquises ou congénitales. Nous rapportons le cas clinique d’une forme rare d’occlusion intestinale primitive par strangulation dénommée le nœud iléosigmoïde. Cette occlusion improbable est due à la survenue simultanée d’un volvulus du sigmoïde ou de l’iléon et de l’étranglement respectif de l’iléon ou du sigmoïde dans une hernie interne dynamique formée par le segment volvulé. Le nœud iléosigmoïde reste méconnu et les circonstances qui conduisent à son diagnostic méritent d’être précisées. Un homme de 40 ans s’est présenté aux urgences pour une douleur abdominale aiguë évoluant depuis 6 heures. L’examen clinique initial ne retrouvait pas d’antécédent notable en dehors d’un tabagisme et d’une consommation d’alcool quotidienne respectivement estimés à 20 paquets-années et à 60 grammes. Il n’y avait pas de trouble du transit, pas d’état septique et les fonctions vitales étaient normales. L’abdomen était météorisé, les orifices herniaires libres et il n’y avait pas de signe d’irritation péritonéale. Le bilan biologique était normal en dehors d’une hyperleucocytose à polynucléaire (GB = 18 000/mm3). La radiographie d’abdomen sans préparation faisait évoquer un volvulus du sigmoïde atypique (figure 1) qui n’était pas confirmé par la TDM abdominopelvienne (figure 2). Cet examen montrait en revanche des anomalies étagées de l’intestin grêle avec un épanchement liquidien intrapéritonéal de moyenne abondance. Les premières anses jéjunales étaient plates et bien rehaussées par l’injection de produit de contraste, alors que l’intestin grêle d’aval était distendu et mal rehaussé. Les segments droit, transverse et descendant du côlon, ainsi que le rectum, étaient normalement positionnés et aérés mais le côlon sigmoïde n’était pas clairement visualisé. Il n’y avait ni pneumopéritoine, ni pneumatose pariétale, ni anomalie vasculaire. Le malade a donc été hospitalisé pour surveillance et traitement médical symptomatique. Seize heures après le début des douleurs, le malade présentait un tableau de péritonite généralisée avec état de choc. La laparotomie pratiquée en urgence découvrait alors une volumineuse masse intestinale constituée d’anses grêles et de segments coliques ischémiques étroitement fixés à la paroi postérieure de l’abdomen. La ponction-exsufflation d’un segment colique distendu et nécrotique permettait de mobiliser puis de visualiser et de dénouer le nœud iléosigmoïde (figure 3). La plus grande partie de l’intestin grêle et le sigmoïde présentaient des signes de nécrose constituée. Une résection étendue du grêle, conservant les deux premiers mètres de jéjunum et les deux derniers centimètres d’iléon, et une sigmoïdectomie étaient pratiquées. La remise en continuité digestive était immédiatement réalisée par une anastomose jéjuno-iléale et une anastomose colorectale haute. Tirés à part : P. ANANIAN, Service de chirurgie générale et transplantation hépatique, CHU La Conception, 147, boulevard Baille, 13385 Marseille Cedex 5. E-mail : [email protected] Arthur VAROQUAUX, Pascal ANANIAN, Hubert RICHA, Christophe CHAGNAUD, Yves-Patrice LE TREUT (Gastroenterol Clin Biol 2007;31:975-977) Ileosigmoid knot is an unusual and severe cause of bifocal bowel strangulation. Prompt surgery is necessary to prevent widespread intestinal infarction and high mortality rate. We report a clinical case and present a litterature review to precise the features that should lead to prompt preoperative diagnosis. There are no clinical features specific for this diagnosis. Abdominal CT scan with contrast enema appears to be the fastest way to show the association of small bowel ischemia and sigmoïd volvulus that signs ileosigmoïd knotting. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 19/04/2017 Il est interdit et illégal975 de diffuser ce document. A. Varoquaux et al. pour corollaire une incidence élevée de nécrose digestive, variant entre 74 % et 100 % [3, 4, 7-9]. L’intervention consiste généralement en une procédure de Hartmann et une résection de l’iléon avec ou sans colectomie droite. La mortalité de ces interventions est élevée, variant souvent entre 15 % et 30 % [3, 10]. Trois types de nœud iléosigmoïde sont décrits [4, 6, 7] : — le volvulus mésentéricoaxial correspond soit à l’étranglement de l’iléon par le sigmoïde volvulé [4], soit à l’étranglement du sigmoïde par l’iléon volvulé. Ce dernier type est plus fréquent chez l’enfant [1, 2, 5, 11]. Dans tous les cas, le segment digestif volvulé forme une clé autour de l’autre segment digestif ; — le volvulus organoaxial correspond à l’enroulement conjoint des deux segments digestifs autour d’un même axe de rotation ; — le dernier type de nœud iléosigmoïde associe un volvulus de l’iléon ou du sigmoïde à une hernie interne fixe, acquise ou congénitale, dans laquelle le segment digestif volvulé s’incarcère pour secondairement étrangler l’autre segment digestif. La gravité respective de ces différents types de nœud n’est pas connue. Fig. 1 – Abdomen sans préparation évocateur de volvulus atypique du sigmoïde. Plain abdominal radiograph shows uncommon sigmoid volvulus. Les suites opératoires étaient simples. Quinze mois après l’intervention, le malade était en bon état général sans trouble du transit. Discussion Le nœud iléosigmoïde correspond à l’étranglement simultané de l’iléon et du côlon sigmoïde. Rare en Occident [1, 2], le nœud iléosigmoïde, comme le volvulus du sigmoïde, est plus fréquent en Asie et en Afrique où de courtes séries cliniques ont précisé l’histoire naturelle et la physiopathologie du nœud iléosigmoïde [3-8]. Il survient généralement dans la quatrième décade et prédomine chez le sujet de sexe masculin [4]. La douleur abdominale est constante, volontiers subaiguë et progressive. Les troubles du transit sont inconstants [4]. Le retard au diagnostic conduit souvent à une prise en charge chirurgicale tardive avec Notre cas clinique correspond au type 1 du nœud iléosigmoïde (figure 3) : le sigmoïde volvulé fixé à la paroi postérieure de l’abdomen par ses deux jambages encercle le mésentère puis passe sous ses propres jambages pour s’étrangler lui-même dans une hernie interne dynamique limitée par, en arrière la paroi postérieure de l’abdomen, en avant et en dehors les jambages du sigmoïde et en dedans par la face gauche du mésentère. La souffrance ischémique des segments digestifs étranglés engendre un cercle vicieux : d’une part, le sommet de la boucle sigmoïde est le siège d’une distension gazeuse qui a pour effet de serrer la clé autour de l’iléon (figure 3) ; d’autre part, le mésentère et l’intestin grêle étranglés sont le siège d’un œdème lésionnel qui tend à occuper l’espace contenu dans la clé. L’exsufflation de la boucle sigmoïde a permis de desserrer la clé puis de la défaire sans aucune section tissulaire. La nécrose constituée du sigmoïde et de l’iléon a conduit à une résection bifocale. Les deux derniers centimètres d’iléon situés en aval du sillon de striction déterminé par la clé du sigmoïde étaient parfaitement viables. Ils ont donc pu être conservés avec le côlon droit. L’état hémodynamique peropératoire satisfaisant a enfin permis de remettre en continuité le tube digestif sans stomie de décharge. La TDM montrait des signes de souffrance grêle sans préciser le mécanisme lésionnel. Le tableau clinique initialement rassurant a fait retarder l’indication opératoire. Plusieurs auteurs ont déjà souligné la faible sensibilité de la TDM injectée sans balisage Fig. 2 – TDM abdominopelvien à un temps portal de l’injection de produit de contraste : souffrance ischémique de l’iléon (1) contrastant avec un aspect normal du jéjunum (2) ; épanchement péritonéal modéré (3) ; le côlon gauche est en position normale (4) alors que le côlon sigmoïde n’est plus présent dans la fosse iliaque gauche mais sous la racine du mésentère (5). Abdominal CT scan on venous phase shows small bowel obstruction with multiple poor enhanced and dilated ileal loops (1) whereas jejunal loops are normal (2) and moderate ascitis (3). Note the normal anatomic position of descending colon (4) with medially deviated sigmoid colon (5). © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 19/04/2017 Il est interdit et illégal976 de diffuser ce document. Le nœud iléosigmoïde : une cause improbable d’occlusion intestinale primitive par strangulation bifocale urgence chirurgicale dont le retard de prise en charge explique le pronostic sévère. La TDM abdominopelvienne avec injection de produit de contraste et balisage digestif transanal semble être le meilleur examen pour montrer en urgence l’association d’une souffrance grêle et d’une obstruction du sigmoïde pathognomonique de nœud iléosigmoïde. RÉFÉRENCES 1. Meier DE, Megison SM. Ileosigmoid knotting in a 6-year-old child. Pediatr Surg Int 1999;15:407-8. 2. Wolf B, Youngson GG. A case of ileosigmoid knotting in a child. J Pediatr Surg 1997;32:1514-5. 3. Raveenthiran V.The ileosigmoid knot: new observations and changing trends. Dis Colon Rectum 2001;44:1196-200. 4. Atamanalp SS, Oren D, Basoglu M, Yildirgan MI, Balik AA, Polat KY, et al. Ileosigmoidal knotting: outcome in 63 patients. Dis Colon Rectum 2004;47:906-10. 5. Chirdan LB, Ameh EA. 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Il existait en revanche un segment de côlon ectopique sous la racine du mésentère (figure 2). Un balisage digestif transanal [15] aurait montré l’obstruction du sigmoïde et permis d’une part, de retenir le diagnostic de volvulus du sigmoïde et d’autre part, de modifier la prise en charge initiale du malade. Dis Colon Rectum 1991;34:161-6. 10. Kedir M, Kotisso B, Messele G. Ileosigmoid knotting in Gondar teaching hospital north-west Ethiopia. Ethiop Med J 1998;36:255-60. 11. Ohtsuka Y, Iino M, Okazumi S. A case of ileosigmoid knotting in a child. J Pediatr Surg 2002;37:1509-11. 12. Hirano Y, Hara T, Horichi Y, Nozawa H, Nakada K, Oyama K, et al. Ileosigmoid knot: case report and CT findings. Abdom Imaging 2005; 30:674-6. 13. Hashimoto T, Yamaguchi J, Fujioka H, Okada H, Izawa K, Kanematsu T. Two cases of ileosigmoid knot: the youngest reported patient and CT findings. Hepatogastroenterology 2004;51:771-3. 14. Lee SH, Park YH, Won YS. The ileosigmoid knot: CT findings. Conclusion Le nœud iléosigmoïde est une cause rare et grave d’occlusion intestinale primitive par strangulation bifocale. C’est une AJR Am J Roentgenol 2000;174:685-7. 15. Mullins ME, Kircher MF, Ryan DP, Doody D, Mullins TC, Rhea JT, et al. Evaluation of suspected appendicitis in children using limited helical CT and colonic contrast material. AJR Am J Roentgenol 2001; 176:37-41. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 19/04/2017 Il est interdit et illégal977 de diffuser ce document.