
Quelle prise en charge cognitive pour les schizophrénies défi citaires ? S19
Il convient de rappeler quelques défi nitions. La réadap-
tation cognitive vise à améliorer les habiletés de la personne
dans différents contextes de vie ; elle repose sur le fait que
l’addition des symptômes, des défi cits cognitifs et des biais
cognitifs conduisent à des diffi cultés de résolution de problè-
mes, qui engendrent des diffi cultés d’adaptation au quoti-
dien. Elle comprend l’ensemble des techniques sus-citées.
La remédiation cognitive vise à restaurer les défi cits
cognitifs de la personne par des exercices de mémoire,
d’attention, de fl exibilité conceptuelle ; elle repose sur le
constat que les diffi cultés de fonctionnement de la per-
sonne sont liées à des défi cits cognitifs. En remédiant aux
défi cits cognitifs, on permet un meilleur fonctionnement ;
mais ceci n’est toutefois pas vrai dans tous les domaines.
La thérapie cognitive vise la modifi cation des schémas
cognitifs dysfonctionnels de la personne ; elle repose sur le
fait que la fragilité psychologique est liée à la présence de
schémas inadéquats et à des biais cognitifs plus fréquents
que chez les sujets normaux. Ce sont des thérapies axées
sur le contenu de la pensée ; il s’agit de la thérapie person-
nalisée [7], de la réponse rationnelle de Kingdon et
Turkington [5], de la modifi cation des croyances [4], des
techniques de thérapies cognitives des psychoses chroni-
ques de Chambon, Marie-Cardine et al. [5].
Les techniques de remédiation et de réadaptation
cognitives visent à restaurer les défi cits cognitifs et à per-
mettre un meilleur fonctionnement cognitif au quotidien.
Le développement de ces techniques a vu le jour grâce à de
nombreux travaux ayant permis une meilleure identifi ca-
tion des défi cits cognitifs en jeu dans la schizophrénie :
ceux-ci touchent l’attention, la mémoire, les fonctions
exécutives, les performances motrices, les habiletés spa-
tiales, le langage, la concentration et les capacités d’abs-
traction.
Des modèles cognitifs mis en évidence par les recher-
ches en neurosciences cognitives, le trouble de la planifi ca-
tion de l’action, les diffi cultés de la prise en compte du
contexte, les troubles du monitoring ou de l’initiation de
l’action, le défi cit de motivation ou le trouble des interac-
tions sociales, rendent compte de la multitude des défi cits
cognitifs rencontrés au cours de l’évolution de la schizo-
phrénie. Les différentes techniques de réadaptation psy-
chosociale sont la mise en pratique de ces modèles cognitifs
précédemment identifi és.
Le programme IPT est un programme de réadaptation
élaboré par l’équipe de Brenner [10] ; il s’effectue en
groupe. Le programme Rehacom, validé par l’équipe de
Cochet et al. [6] à Lyon, et le programme Recos, de l’équipe
de Pascal Vianin [15, 16] à Lausanne, ont pour objectif
d’effectuer de la remédiation cognitive. Ce sont des tech-
niques individuelles.
L’Integrating Psychological Treatment
(IPT) [3, 10, 12]
L’IPT intègre toutes les approches de la réadaptation psy-
chosociale. Élaboré de façon empirique par l’équipe de
Brenner en 1995 [10], ce programme comporte 6 modules :
1. différenciation cognitive, 2. perception sociale, 3. com-
munication verbale, 4. compétence sociale, 5. gestion des
émotions et 6. résolutions de problèmes.
Les trois premiers modules sont axés sur la thérapie
cognitive et s’adressent aux patients présentant des trou-
bles cognitifs prononcés, une anxiété sociale importante,
une symptomatologie négative marquée, une faible moti-
vation, de longues hospitalisations. La forte structuration
et la charge émotionnelle minime de ses sous-programmes
donnent aux patients une première possibilité de s’engager
dans les interactions sociales, à l’intérieur d’un cadre thé-
rapeutique qui ne soit pas trop stimulant.
Les trois derniers modules sont plus axés sur l’améliora-
tion des compétences sociales ; ils concernent des patients
jeunes, ayant une bonne motivation pour la thérapie, des
diffi cultés de gestion des situations sociales et ayant ter-
miné avec succès la partie cognitive de l’IPT. Dans ces der-
niers modules, la charge émotionnelle et les interactions
de groupe sont beaucoup plus importantes.
En pratique, les groupes sont constitués de 4 à 8 patients
pouvant présenter une symptomatologie clinique hétéro-
gène. Les séances ont lieu trois fois par semaine et durent
de 60 à 90 minutes chacune ; deux soignants animent le
groupe. En général la transition d’un module à l’autre se
fait quand tous les patients ont acquis le module en cours ;
les patients sont élèves, puis modèles pour le groupe quand
ils ont acquis la compétence demandée dans le module.
Les récentes études montrent des résultats encoura-
geants pour cette technique. Briand et collaborateurs ont
suivis 90 patients ayant effectué le groupe IPT et ont réa-
lisé une évaluation clinique avant le groupe, après le groupe
et 3 mois plus tard. Ils ont rapporté une amélioration signi-
fi cative des patients sur leur symptomatologie clinique,
leurs compétences sociales, leur qualité de vie, ainsi que
sur les défi cits cognitifs, en particulier la mémoire visuo-
spatiale et la mémoire de travail. Roder et al. [12], sur une
méta-analyse portant sur 7 études IPT versus placebo, ont
montré des résultats positifs sur la symptomatologie clini-
que et cognitive chez des patients aigus et chroniques.
Le programme RECOS
Mis en place par P. Vianin au département universitaire de
Lausanne, en Suisse, c’est une technique de remédiation
cognitive individuelle. Le principe repose sur le fait que les
symptômes cliniques sont la conséquence des troubles
cognitifs observés.
Après la passation d’une importante batterie de tests
neuropsychologiques et cliniques, trois styles cognitifs sont
défi nis. Le style « appauvri », où les symptômes cliniques
comme l’alogie, l’avolition, l’apathie, l’anhédonie sont
corrélés à des défi cits cognitifs mis en évidence par le WCST
(Wisconsin card sorting test) et le test de la fl uence ver-
bale ; le style « désorganisé », où les symptômes comme
les troubles du cours de la pensée, des comportements
bizarres, des affects inappropriés sont corrélés à des ano-
malies au test de stroop ou au Degraded stimulus conti-
nuous perform test ; enfi n le style « rigide », où les
4487_10_Gut . i ndd 194487_10_Gut.indd 19 12/ 12/ 07 9: 17: 5812/12/07 9:17:58
> XPress 6 Noir