L’Encéphale (2010) 36, 285—293 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP CLINIQUE Boulomanie : entre illusion et addiction Workaholism: Between illusion and addiction J. Elowe Clinique psychiatrique, pôle de psychiatrie et de santé mentale, psychiatrie I, hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France Reçu le 17 juin 2009 ; accepté le 9 octobre 2009 Disponible sur Internet le 10 mars 2010 MOTS CLÉS Boulomanie ; Dépendance au travail ; Estime de soi ; Syndrome d’épuisement KEYWORDS Workaholism; Work addiction; Self-esteem; Burn-out syndrome Résumé La boulomanie apparaît depuis plusieurs années comme une addiction à part entière dans le large spectre des dépendances. À la différence des autres, la dépendance au travail bénéficie souvent d’une image positive dans le sens où elle donne aux autres l’illusion du bienêtre du sujet concerné, de sa motivation et de son engagement dans une activité donnée. De nombreux auteurs ont tenté au fil des 30 dernières années de définir ce concept et d’en préciser les mécanismes propres. Tous les points de vue théoriques, du modèle psychanalytique aux modèles plus contemporains, mettent la question de l’estime de soi au centre de la problématique de la boulomanie. En effet, le narcissisme, articulé à l’évolution sociologique de nos modes de vie occidentaux, permettrait de mieux cerner l’identité psychique de l’individu et ainsi de mieux comprendre cette tentative de reconstruction de soi. En caractérisant les traits de personnalité des individus boulomanes, le médecin est amené à prendre en charge le plus précocement possible cette nouvelle forme de dépendance, afin de prévenir les nombreuses complications personnelles, professionnelles, sociales, relationnelles et sanitaires. Devant la forte prévalence de la dépendance au travail, il nous semble important de rechercher une symptomatologie évocatrice d’une boulomanie afin d’envisager et de proposer aux patients boulomanes une prise en charge spécifique et adaptée. © L’Encéphale, Paris, 2009. Summary Workaholism surfaced some years ago as a veritable addiction in the wide sense of the term, dependence. It differs from other sorts of dependence in that it is very often viewed in a positive perspective in the sense that it conveys to the person concerned the illusion of well-being, as well as a motivation and dedication in their professional activity. During the past 30 years, several authors have attempted to define this concept and to determine its characteristics. Robinson believes that workaholics have an approach to life whereby their work feeds on time, energy and physical activity. This provokes consequences that affect their physical health and interpersonal relationships. They have a tendency to live in the future rather than in the present. For Scott, Moore and Micelli, the compulsion for work is not necessarily viewed Adresse e-mail : [email protected]. 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2009. doi:10.1016/j.encep.2009.12.002 286 J. Elowe as being detrimental to one’s health. Spence and Robbins highlight the notion of the pleasure experienced at work in their theoretical approach. The prevalence of the dependence on work is estimated at between 27 and 30% in the general population. It is correlated to the number of hours of work per week and tends to be higher as annual revenue increases. The sex ratio is 1, and the parents of children 5 to 18 years of age are the most susceptible to considering themselves workaholics. The physical and psychological consequences of professional exhaustion are characterized primarily by the decrease in self-esteem, symptoms of fatigue, anxiety, depression, irritability and the manifestation of physical problems including cardiovascular ailments, as evidenced by hypertension, as well as heart and kidney complications. All the theoretical point of views, from the psychoanalytical models to the contemporary models, highlight self esteem as being the centerpiece of the question regarding the problem of workaholism. In fact, the narcissism articulated from the sociological evolution of our western way of life permits us to delineate the psychic identity of the individual better, and therefore, to understand this reconstructive attempt of one’s self better. In characterizing the personality traits of workaholic individuals, the doctor/therapist is required to deal with this new form of dependence as early as possible, in order to anticipate and avert the numerous personal, professional, social, relational and sanitary complications. Faced with this large prevalence of dependence on work, it seems important to us to look for a symptomatology that would emanate a signal of workaholism so as to envisage and propose to workaholic patients a specific course of action that would be adapted to their needs. © L’Encéphale, Paris, 2009. Introduction Les dernières années ont vu fleurir tout un cortège d’entités diagnostiques dans le domaine des dépendances et la liste continue de s’allonger. Elles peuvent concerner tous les domaines de la vie quotidienne. On décrit les addictions avec drogues, qui supposent une consommation de toxiques et les addictions sans drogues. Parmi ces dernières, on retrouve la cyberdépendance, le jeu pathologique, le sport intensif, la dépendance sexuelle et affective, ou encore la boulomanie. L’addiction au travail, ou boulomanie, est un phénomène essentiellement retrouvé dans les sociétés occidentales qui valorisent une dynamique carriériste en favorisant un surinvestissement dans le travail professionnel. Les gens travaillent de plus en plus, jusqu’à occulter les autres dimensions de leur vie personnelle. L’activité, professionnelle le plus souvent, devient alors le noyau autour duquel va graviter tout le psychisme de l’individu qui en souffre. La description de cette nouvelle addiction présente néanmoins un aspect singulier ; en effet, elle bénéficie d’une image positive et « propre », dans le sens où elle donne l’illusion qu’elle n’entraîne pas de destruction de l’organisme ni de modification du comportement. Du moins, dans un premier temps ! Le terme de boulomanie, essentiellement utilisé dans les pays francophones d’Europe, a son équivalent au Canada où l’on parle d’ergomanie, littéralement « obsession du travail ». Ce néologisme est lui-même dérivé de l’anglais workaholism. Il a été utilisé la première fois en 1971 par un écrivain américain, Wayne Edward Oates, connu pour avoir beaucoup écrit sur la vie pastorale, dans un livre autobiographique intitulé Confessions of a workaholic: The facts about work addiction [27], dans lequel il témoigne de sa dépendance au travail et des répercussions sur la vie personnelle. Depuis, de nombreux auteurs nord-américains se sont penchés sur la question et ont tenté de poser les fonde- ments théoriques de la boulomanie. À ce jour, il n’existe pas de consensus sur la définition du concept et a fortiori sur ses causes et ses conséquences. Devant le nombre restreint d’études s’y étant intéressées et devant la nécessité de mieux comprendre ce phénomène nouveau, nous nous sommes proposés d’exposer les différentes théories élaborées depuis une vingtaine d’années, de décrire le tableau clinique le plus fréquemment associé à ce type particulier de dépendance et d’envisager des hypothèses épistémologiques à l’origine de ce phénomène. Aspects théoriques Les premiers travaux portant sur la boulomanie datent d’un peu moins de 20 ans et sont attribués à Robinson et al. [29—36] de l’université de Caroline du Nord aux États-Unis. À la suite de plusieurs recherches scientifiques, il est le premier à avoir proposé un cadre théorique à la boulomanie et a élaboré une grille d’évaluation, la work addiction risk test (WART) (Tableau 1), afin d’apprécier le degré de dépendance au travail. Cette grille n’a pas encore fait l’objet d’une validation en français. Il a essentiellement axé ses travaux sur les conséquences qu’entraîne la boulomanie dans la vie personnelle, professionnelle et sociale de l’individu. En effet, il a souligné le fait que les « boulomanes » laissent le travail consumer leur temps, leur énergie physique et psychique. Leurs pensées sont totalement accaparées par les habitudes excessives de travail qui viennent interférer avec leur santé, leur satisfaction personnelle et leurs relations sociales et intimes. Ils présentent également une tendance compulsive au travail avec difficulté à contrôler ces habitudes. Robinson rappelle le rôle indéniable de la société occidentale comme facteur précipitant de la boulomanie. En effet, les nouvelles technologies — la téléphonie mobile, Internet, les dictaphones — rendent le travail toujours plus accessible Boulomanie : entre illusion et addiction Tableau 1 287 Work addiction risk test (WART). 1. I prefer to do most things myself, rather than ask for help 2. I get impatient when I have to wait for someone else or when something takes too long 3. I seem to be in a hurry and racing against the clock 4. I get irritated when I am interrupted while I am in the middle of something 5. I stay busy and keep many irons in the fire 6. I find myself doing two or three things at one time, such as eating lunch, writing a memo, and talking on the telephone 7. I over commit myself by accepting more work than I can finish 8. I feel guilty when I am not working on something 9. It is more important that I see the concrete results of what I do 10. I am more interested in the final result of my work than in the process 11. Things just never seem to move fast enough or get done fast enough for me 12. I lose my temper when things do not go my way or work out to suit me 13. I ask the same question again, without realizing it, after I already have received the answer 14. I spend a lot of my time mentally planning and thinking about future events while tuning out the here and now 15. I find myself continuing to work after my co-workers have stopped 16. I get angry when people do not meet my standards of perfection 17. I get upset when I am in situations where I cannot be in control 18. I tend to put myself under pressure from self-imposed deadlines 19. It is hard for me to relax when I am not working 20. I spend more time working than socializing with friends or hobbies or leisure activities 21. I dive into projects to get a head start before all of the phases have been finalized 22. I get upset with myself for making even the smallest mistake 23. I put more thought, time, and energy into my work than I do into my relationships with loved ones and friends 24. I forget, ignore, or minimize celebrations, such as birthdays, reunions, anniversaries, or holidays 25. I make important decisions before I have all of the facts and a chance to think them through et plus présent dans notre quotidien en nous empêchant d’accéder aux sphères extérieures à lui. Robinson [36] a proposé une catégorisation des « boulomanes » basée sur la quantité de travail initié en proportion avec la quantité de travail complété (Fig. 1). Il décrit ainsi quatre types de « boulomanes » : le boulomane infatigable, le boulomane boulimique, le boulomane avec déficit d’attention et le boulomane savouring : • le boulomane infatigable porte bien son nom. Il est avide de travail ; il en initie beaucoup et mène à terme tout ce qu’il a entamé. Il est littéralement imprégné dans son travail comme peut l’être la teinture dans la laine, comparaison imaginée par Wayne Oates dans son livre. Il travaille de manière compulsive et ne connaît aucun répit, autant le jour que la nuit, autant en semaine qu’en week-end, sans s’autoriser de repos. Le travail doit être complété rapidement et n’attend aucun délai ; • le boulomane boulimique initie peu de travail mais s’applique à en terminer beaucoup. Son angoisse réside principalement dans l’initiation d’un projet où il estime ne pas être à la hauteur pour porter une telle responsabilité. Il préfère donc poursuivre un travail déjà commencé par un autre. On a décrit cette tendance pathologique à remettre certaines actions au lendemain par crainte de l’initiation sous le nom de « procrastination ». Par peur d’une frustration, de l’échec ou de ne pas pouvoir contrôler son environnement, symbolisée ici par la peur d’initier un projet, le procrastinateur préférera s’adonner à une multitude d’activités n’ayant aucun rapport direct avec la tâche redoutée, symbolisée ici par la volonté de mener à terme du travail déjà entamé. Les boulomanes boulimiques sont volontiers perfectionnistes, reflétant ainsi la peur de l’échec. Le but recherché est probablement de protéger un noyau narcissique fragile et nous verrons dans la discussion l’importance de considérer l’estime de soi du patient dans la prise en charge de la boulomanie, et a fortiori de la dépendance en général ; • le boulomane avec déficit d’attention, pour sa part, recherche la stimulation de manière quasi impulsive. La poursuite d’une activité l’ennuie très vite et il aura tendance à ne jamais mener à terme un projet initié par lui. On décrit souvent des traits de personnalité sociopathique chez ces patients qui recherchent une satisfaction immédiate et présentent souvent une difficulté à tenir des projets à long terme. C’est ainsi que ces patients entreprennent de nombreux projets sans les terminer. Il existe des troubles de l’attention importants dans la réalisation de leur travail ; • le boulomane savouring, sujet à la délectation, se caractérise par sa lenteur, sa méticulosité et son caractère méthodique. Le perfectionnisme est ici sublimé dans le sens où le travail initié n’est jamais complété du fait de l’addition constante de travail supplémentaire. Tout est minutieusement analysé à tel point qu’il lui est très difficile de respecter un échéancier. Robinson reste l’auteur à avoir le mieux étudié la question de l’addiction au travail mais de nombreux autres scientifiques ont tenté d’élaborer une typologie. Diane Fassel et al. [11,12] ont beaucoup travaillé au sein de compagnies et ont publié plusieurs ouvrages où ils proposent de 288 J. Elowe Figure 1 Typologie de la boulomanie selon Robinson (2000) [36]. nouvelles mesures pour accroître l’efficacité organisationnelle des entreprises et favoriser le changement dans leur management. Ils décrivent essentiellement quatre types de boulomanes : • le boulomane « réussite » représente le type décrit plus haut. Il donne l’image positive du bourreau du travail qui recherche le succès et la réussite. Il est sans cesse en quête de compétition. • le travailleur compulsif représente le type principal dans le sens où il est poussé malgré lui à travailler sans relâche ; • le travailleur « noceur » concentre l’essentiel de son attention en fin de projet plutôt que de manière constante ; • le travailleur « garde-robe » ou closet worker a tendance à travailler à l’abri des regards extérieurs, cachant son travail à la manière d’un alcoolique qui dissimule sa bouteille, lorsqu’il ne se sent pas surveillé ; • le travailleur anorexique qui présente une compulsion tant dans la recherche de travail que dans son évitement. Pour Spence et Robbins [38], la dimension du plaisir éprouvé au travail est importante à prendre en considération. Dans leur étude, ils ont démontré à l’aide de différentes échelles qu’ils ont réunies au sein d’une batterie et remplies par les sujets de l’échantillon (n = 291 ; hommes = 134, femmes = 157) que les boulomanes étaient plus enclins au stress professionnel, présentaient davantage des tendances perfectionnistes et avaient plus de difficultés à déléguer. Il existait plus de plaintes somatiques que dans le groupe témoin. Ils insistent également sur le caractère compulsif des boulomanes dans leur approche du travail. Dans ce contexte, ils déterminent trois types de boulomanes : Pour Scott et al. [37], la compulsion au travail n’est pas forcément envisagée de manière négative et délétère. Ils considèrent qu’une certaine catégorie de boulomanes s’investit dans le travail lorsque la décision leur revient et qu’ils ont pleine conscience de cette implication. Ces personnes sont décrites comme ambitieuses, visent la réussite et restent productives. Il existe une motivation indéniable et une haute estime de soi chez ces boulomanes. Ils relèvent sans cesse des défis et en tirent pleinement bénéfice et satisfaction. Il semble qu’ils ne rechercheraient pas de moyen de fuir un mal-être intérieur à la manière des autres boulomanes. En revanche, même en dehors du travail, ils focalisent leurs pensées sur leurs projets. Pour leur part, ces chercheurs décrivent trois types de boulomanes : • le boulomane compulsif-dépendant travaille plus longtemps que ce qu’il s’était fixé au départ. Il a pleinement conscience de ses difficultés à limiter le temps consacré au travail, malgré les répercussions que cela peut avoir dans son quotidien ; • le boulomane perfectionniste écarte toute source de loisir au profit de la productivité. Il est celui qui présente le plus les traits d’une personnalité obsessionnelle avec une rigidité, une inflexibilité et le goût du détail et du contrôle ; • le boulomane ; • le travailleur enthousiaste ; • le boulomane enthousiaste. Parallèlement à ces trois catégories, ils individualisent trois types de travailleurs non boulomanes : le travailleur non engagé, le travailleur relax et le travailleur désenchanté. Ces six groupes de patients varient selon trois critères : le plaisir éprouvé au travail, l’investissement et le caractère compulsif au travail (Tableau 2). Burke et al. [5—9] se sont beaucoup intéressés aux travaux de Spence et Robbins et ont tenté d’appliquer les critères diagnostiques proposés par ces deux auteurs dans différentes populations. Globalement, les résultats concluent à une cohérence interne et une fiabilité satisfaisantes. Une étude récente a mis en évidence une diminution importante de l’estime de soi chez ces patients [10]. Burke mentionne en revanche que les outils actuels permettant d’évaluer la boulomanie ne doivent pas être utilisés de manière alternative et ne peuvent pas se substituer l’un à l’autre. En effet, la batterie de Spence et Robbins se focalise plutôt sur les profils que présentent les patients au travail alors que la WART fait apparaître des items de répercussion négative de la boulomanie sur la vie du patient et peut faire évoquer un comportement de type A qui associe lutte Boulomanie : entre illusion et addiction Tableau 2 289 Catégories de boulomanes selon Spence et Robbins (1992) [38]. Boulomane Boulomane enthousiate Travailleur enthousiaste Travailleur non enthousiaste Travailleur relax Travailleur désenchanté Figure 2 Plaisir au travail Investissement Caractère compulsif ↑ ↑ ↑ ↓ ↓ ↓ ↑ ↑ ↓ ↓ ↓ ↑ ↓ ↑ ↑ ↓ ↑ ↓ Typologie de la boulomanie selon Naughton (1987) [26]. contre le temps, sens de la compétition et engagement dans l’action [23]. Ces deux outils, utilisés essentiellement dans le cadre de la recherche, sont donc à manier avec prudence. Naughton [26] considérait quant à lui deux facteurs principaux pour cerner le problème de la boulomanie, à savoir l’engagement au travail et l’obsession-compulsion. À partir de ces deux dimensions, il propose quatre catégories de patients représentés sur la Fig. 2. Épidémiologie Une étude canadienne réalisée en 1998 chez les plus de 15 ans révélait une prévalence de 27 % quant à la dépendance au travail. Ces résultats concordent avec les résultats d’études qui ont été réalisées aux États-Unis et selon lesquelles près de 27 % à 30 % des Américains sont des « accros » au travail [34]. Aziz et Zickar [2], dans une étude reprenant la typologie de Spence et Robbins, ont évalué l’investissement, l’énergie fournie au travail et la satisfaction professionnelle d’un échantillon de 174 employés de différentes entreprises américaines et canadiennes. La prévalence de la boulomanie est de 23 % (Tableau 3). Nous Tableau 3 [2]). Prévalence de la boulomanie (Aziz et Zicker Catégorie n (%) Boulomane enthousiaste Boulomane Travailleur enthousiaste 69 (40) 39 (23) 64 (37) n’avons pas retrouvé dans la littérature de chiffres permettant d’apprécier l’incidence de ce trouble. Contrairement à une idée reçue, on retrouve un sex-ratio de 1 [34]. Bien que la dépendance au travail soit plus fréquemment retrouvée dans le cadre d’emplois rémunérés, elle n’est pas exclusive du travail rétribué [20]. En effet, elle peut se retrouver dans le cadre d’emplois non rémunérés. Selon cette même étude canadienne, les parents d’enfants de cinq à 18 ans sont les plus susceptibles de se considérer comme des bourreaux du travail (Tableau 4). Les Canadiens dont le revenu Tableau 4 Prévalence de la boulomanie selon la situation du ménage. Situation dans le ménage Prévalence (%) Personne seule 23 Avec conjoint seulement 25 Avec conjoint et enfant(s) Âge de l’enfant le plus jeune Moins de 5 ans 5 à 14 ans 14 à 18 ans 18 ans et plus 31 34 32 31 Parent unique Âge de l’enfant le plus jeune Moins de 5 ans 5 à 14 ans 14 à 18 ans 18 ans et plus 23 35 36 26 Source : Statistique Canada, Enquête sociale générale (1998). 290 est élevé sont plus susceptibles de se voir développer une dépendance au travail avec une prévalence de 38 % pour ceux dont le revenu annuel est supérieur à 80 000 dollars [20]. La prévalence est également élevée pour les personnes ayant travaillé plus de 60 heures dans la semaine précéda l’enquête. Les boulomanes ayant répondu à l’enquête croient que leur santé est moins bonne que celle des autres répondants. Conséquences et retentissement Les risques de la boulomanie sont nombreux. Ils associent de manière variable moments d’absence, oublis et difficultés de concentration. Le risque ultime est représenté par le syndrome d’épuisement professionnel, ou burn-out syndrome, pouvant retentir de manière importante aux niveaux personnel, social et médical. Le concept d’épuisement professionnel a été introduit pour la première fois en 1974 par le psychanalyste américain Freudenberger pour décrire l’état d’épuisement et de vide intérieur observé chez le personnel d’institutions alternatives en santé mentale et résultant de demandes excessives d’énergie ou de ressources personnelles. Il a été repris en 1981 par trois médecins japonais sous le terme karoshi, désignant par là un ensemble de troubles cardiovasculaires associés à un temps de travail excessif [15]. Les travaux de recherche en psychologie sociale réalisés par Maslach et al. [24] ont par la suite contribué au développement du concept et à sa reconnaissance au plan scientifique. Ce concept peut être défini comme un processus de longue durée, cumulatif, au cours duquel agissent les facteurs de stress les plus variés, dans lequel un professionnel à l’origine engagé se retire de son travail en réaction au stress éprouvé dans l’exécution de ses tâches. Selon Maslach et Jackson [24], l’épuisement professionnel est un syndrome psychologique impliquant un épuisement émotionnel, une approche « dépersonnalisée » de la clientèle et un faible sentiment d’accomplissement personnel. L’épuisement émotionnel fait référence au sentiment d’épuisement et de vide intérieur provoqué par le travail, à l’appauvrissement des ressources émotionnelles et au sentiment de ne plus pouvoir donner à autrui au plan psychologique. La dépersonnalisation se manifeste par des sentiments négatifs et cyniques et des réponses impersonnelles aux clients et peut conduire à la déshumanisation progressive de la clientèle et des interventions. Enfin, le faible accomplissement personnel se reflète par des sentiments d’incompétence professionnelle et de manque de réalisation personnelle dans le travail. L’épuisement professionnel est associé à une variété de symptômes physiques, émotionnels, cognitifs et comportementaux. Les conséquences physiques et psychologiques de l’épuisement professionnel se caractérisent principalement par une diminution de l’estime de soi, par des symptômes de fatigue, d’anxiété, de dépression et d’irritabilité et par la présence de problèmes somatiques. Parmi ces derniers, on peut noter essentiellement des troubles cardiovasculaires représentés par l’hypertension artérielle et les complications cardiaques et rénales. Une fréquence plus élevée de maladies de l’appareil locomoteur avec des cervicalgies, des douleurs de la ceinture scapulaire, des dorsolombalgies a été notée. Des répercussions au niveau de l’appareil diges- J. Elowe tif ont été décrites comme une inflammation chronique du gros intestin. On peut enfin rappeler la présence fréquente de migraines dans cette population. L’épuisement professionnel est aussi à l’origine de problème de comportement et de performance au travail, de problèmes interpersonnels avec les clients, les membres de la famille et les amis et de sentiments négatifs envers la clientèle, le travail et la vie en général. Aucune donnée n’est actuellement disponible concernant une comorbidité avec d’autres pathologies addictives. Boulomanie et personnalité Au vu des différentes théories élaborées par les chercheurs, se pose la question de la relation potentielle entre la boulomanie et la personnalité. En effet, la plupart des auteurs considèrent la boulomanie dans son ensemble comme une variable pouvant s’intégrer de manière individuelle dans la personnalité de l’individu [25,34,39]. Il est maintenant bien établi que la plupart des mesures de personnalité peuvent être englobées dans cinq traits centraux de la personnalité appelés le Big Five [3,14]. Ces traits ont été mis en évidence empiriquement par la recherche et constituent un repère pour la description et l’étude de la personnalité. Malgré certaines limites soulignées par quelques auteurs (redondance, caractère incomplet des facteurs pris en compte, faiblesses méthodologiques), les Big Five servent de base à la recherche. On parle parfois de « modèle Ocean » selon les différentes dimensions du modèle : • l’ouverture à l’expérience (O) : curiosité, imagination, convictions peu conventionnelles, ouverture d’esprit ; • le caractère consciencieux (C) : autodiscipline, respect des obligations, organisation, orientation vers des buts, peu de spontanéité ; • l’extraversion (E) : énergie, tendance à rechercher la stimulation, émotions positives, interactions importantes avec le monde extérieur ; • l’agréabilité (A) : tendance à la compassion et à la coopération, recherche d’une harmonie sociale, cohésion avec autrui, serviabilité, générosité ; • le neuroticisme (N) : tendance à éprouver facilement des émotions désagréables, instabilité émotionnelle. Trois de ces facteurs — neuroticisme, extraversion, caractère consciencieux — semblent être particulièrement associés à l’expérience au travail et au succès professionnel [3,4]. Barrick et Ryan [4] ont apporté des arguments montrant une corrélation négative entre le neuroticisme et la satisfaction au travail alors qu’ils rapportent une corrélation négative avec le perfectionnisme. En outre, l’extraversion serait associée de manière positive avec la satisfaction au travail alors que le neuroticisme serait corrélé négativement au succès professionnel extrinsèque. Le neuroticisme était plus fréquemment associé à de mauvaises performances à la réalisation de tâches professionnelles, à des salaires plus bas et à un nombre plus faible de promotions. Le caractère consciencieux était associé de manière significative avec le sentiment d’accomplissement et le succès professionnels, sous-tendus par des bonnes Boulomanie : entre illusion et addiction 291 performances au travail. Judge et al. [19] ont étudié les relations existant entre les Big Five, les capacités mentales générales et le succès professionnel. Ils ont pris en compte deux aspects du succès professionnel : l’aspect intrinsèque, reflétant la satisfaction au travail, et l’aspect extrinsèque, reflétant les revenus et le statut occupationnel. Le caractère consciencieux prédisait de manière positive un succès tant intrinsèque qu’extrinsèque. Le neuroticisme prédisait négativement le succès extrinsèque tandis que les capacités mentales générales prédisaient positivement un succès extrinsèque. Par ces travaux, les auteurs soulignent l’importance de concilier une étude approfondie de la personnalité dans l’étude de la dépendance au travail, dans le sens où elle influe significativement l’évolution positive ou négative de la boulomanie. Ainsi, une reconnaissance, une attention ou une acceptation insuffisantes de l’entourage, en général de l’entourage familial, et ce dans l’enfance essentiellement, vont provoquer une faille narcissique. L’intensité de cette faille narcissique va correspondre à l’incapacité que présente un individu à s’aimer. Elle est ressentie comme un sentiment insupportable de vide intérieur, d’inutilité, de nullité, d’incapacité. Les mécanismes de défense mis en place par le sujet vont tenter de compenser la problématique narcissique en adoptant un comportement socialement valorisé. On peut comprendre dès lors qu’il veuille poursuivre une quête parfois désespérée de reconnaissance, d’approbation et de considération de l’autre. Les tentatives de combler cette faille narcissique sont souvent insuffisantes poussant l’individu à reporter continuellement sa recherche de reconnaissance. Discussion Estime de soi Toutes ces considérations nous poussent à nous poser la question des mécanismes pouvant être à l’origine de la dépendance au travail. En dehors d’une logique purement neurobiologique tentant d’expliquer la physiopathologie des addictions, a fortiori de la boulomanie, nous nous proposons d’étudier les aspects psychologiques permettant de mieux cerner cette notion. Le premier aspect à examiner est celui de l’identité au sens psychodynamique du terme. C’est la question du narcissisme introduite par Freud que nous tenterons d’appliquer à notre problématique. Dans la continuité directe de ce concept, l’estime de soi, chère au courant cognitivo-comportemental, reste un élément intéressant à prendre en considération. Enfin, nous reprendrons les travaux de la psychologie sociale sur la théorie de l’engagement dans la compréhension des comportements et des attitudes résultant d’un acte. Les premiers travaux sur l’estime de soi sont attribués à William James (1842—1910), médecin, psychologue et philosophe américain dans son ouvrage Psychology Briefer Course [16], traduit récemment en français, par Nathalie Ferron [17]. Il va principalement s’appuyer sur la dynamique intrapsychique du sujet pour élaborer sa théorie de l’estime de soi. Dans cette perspective, c’est l’articulation entre le Moi actuel et les prétentions du sujet qui joue un rôle fondamental. Pour James, l’estime de soi est la conscience de la valeur du soi. Le poids de cette valeur repose sur l’importance que la personne accorde à ses différents types de Moi. Parmi les trois types de Moi, que sont le Moi physique, le Moi social et le Moi mental, chaque individu privilégie un Moi, le plus fort, le plus profond et le plus vrai. Les réussites et les échecs du Moi profond vont s’expliquer par le rapport existant entre les réussites et les aspirations du sujet selon la formule : Estime de soi = Réussites (réalisations)/Aspirations (prétentions). Une personne prend donc pour mesure de sa valeur le rapport qu’il y a entre les résultats qu’elle obtient et ceux qu’elle pense pouvoir obtenir. James affirme par là que plus les réussites d’une personne s’écartent de ses aspirations, plus son estime de soi est faible. À l’inverse, plus les réalisations d’un individu rejoignent ses ambitions, plus son estime de soi est forte. On a beaucoup reproché à ce modèle de négliger les interactions sociales dans la conception de l’estime de soi. Le modèle financier de l’estime de soi a aussi été décrit pour mieux comprendre ses mécanismes. Il propose que l’estime de soi doit être régulièrement réinvestie pour ne pas se dévaluer et qu’elle est directement dépendante des risques pris au départ [1]. Pour les théoriciens actuels, l’estime de soi est le résultat à la fois d’une construction psychique et d’une activité cognitive et sociale. En effet, l’acceptation sociale semble intimement liée à l’estime qu’on se porte [1]. Narcissisme L’identité subjective est celle que l’individu ressent en luimême et par lui-même. C’est par cette forme d’identité que l’on se reconnaît comme semblable à soi-même à travers le temps et à travers le changement ; c’est également « ce par quoi on se sent exister aussi bien en ses personnages (propriétés, fonctions et rôles sociaux) qu’en ses actes de personne (significations, valeurs, orientations). L’identité [subjective], c’est ce par quoi on se connaît, ce par quoi on se sent accepté et reconnu comme tel par autrui » [40]. « Prise au sens littéral de similitude absolue, l’identité personnelle [ou subjective] (je suis je) n’existe pas ! L’identité interpersonnelle (je suis un autre) n’existe pas non plus, même dans le cas de jumeaux vrais » [40]. Ainsi, l’identité subjective n’est pas réductible à une définition simple et explicite, probablement car elle ne peut être considérée comme une simple « substance » [28]. La construction psychique de l’individu se fait donc par la confrontation à l’altérité, c’est-à-dire au regard de l’autre. Freud décrivait le concept d’identification, plus qu’un mécanisme psychologique parmi d’autres, comme l’opération par laquelle le sujet humain se constitue [22]. Le processus d’identification est d’ordre inconscient et s’effectue sans le concours de la volonté de l’individu [13]. Théorie de l’engagement En psychologie sociale, l’engagement désigne l’ensemble des conséquences d’un acte sur le comportement et les 292 attitudes. La notion d’engagement est notamment associée aux travaux de Kiesler [21] dans les années 1960 et, plus récemment à ceux de Joule et Beauvois [18]. Elle stipule que « seuls les actes nous engagent. Nous ne sommes donc pas engagés par nos idées, ou par nos sentiments, mais par nos conduites effectives ». Joule et Beauvois écrivent : « L’individu rationalise ses comportements en adoptant après coup des idées susceptibles de les justifier. Nous avons montré, par exemple, qu’une personne amenée par les circonstances à tenir un discours en contradiction avec ses opinions modifiait a posteriori celles-ci dans le sens d’un meilleur accord avec sa conduite (le fait d’avoir tenu ce discours-là) ». Le danger réside dans le fait que ce discours en contradiction avec nos opinions, adopté après coup pour justifier nos actes, va être progressivement intériorisé. L’individu finit ainsi par être intimement persuadé du bien-fondé de sa nouvelle opinion. C’est singulièrement vrai dans le domaine professionnel. On appelle « escalade d’engagement » « la tendance que manifestent les gens à s’accrocher à une décision initiale même lorsqu’elle est clairement remise en question par les faits ». L’individu se retrouve « engagé dans un processus qui se poursuivra de luimême jusqu’à ce qu’il décide activement de l’interrompre, si toutefois il le décide ». Limitations La boulomanie est un concept nouveau qui mobilise l’attention de nombreux chercheurs. Il convient de rappeler que la nosologie psychiatrique actuelle ne reconnaît pas ce trouble en tant qu’entité clinique, malgré l’effort de certains auteurs à le rattacher à un syndrome [2]. En effet, les modèles présentés décrivent la boulomanie en intégrant des facteurs différents aboutissant ainsi à des profils psychologiques et des personnalités différentes. Les typologies actuelles sont décrites en considérant alternativement les conséquences de la boulomanie, les comportements adoptés par les boulomanes, leur rapport au travail et leur personnalité. Robinson, par exemple, ne tient pas compte de l’estime de soi, qui semble être une pierre d’angle dans la compréhension de ce syndrome. De ce fait, il est difficile de recouper les données expérimentales et d’isoler une psychopathologie précise. Par ailleurs, la forte prévalence du trouble remet en cause le concept d’addiction et nécessiterait une meilleure caractérisation de la population concernée. On arrive cependant à intégrer ces différents modèles dans le cadre de la dépendance au travail afin de mieux comprendre les mécanismes d’entrée dans la boulomanie. Un point reste également à éclaircir : pourquoi l’individu développera une addiction au travail plutôt qu’une autre ? Notre hypothèse réside dans le caractère positif et « propre » accordé, du moins dans un premier temps, à la boulomanie. De nombreuses recherches restent à être réalisées dans ce domaine qui regroupe tant la psychopathologie clinique, la psychologie sociale, la médecine du travail, que les entreprises elles-mêmes et le monde du travail en général. Ce travail a fait l’objet d’une communication orale à la Société de psychiatrie de l’Est le 17 novembre 2007 sur le thème « Addictions : questions d’actualité ». J. Elowe Références [1] André C, Lelord F, editors. L’estime de soi : s’aimer pour mieux vivre avec les autres. Paris: Odile Jacob; 2007, p. 169—182. [2] Aziz S, Zickar MJ. A cluster analysis investigation of workaholism as a syndrome. J Occup Health Psychol 2006;11(1): 52—62. [3] Barrick MR, Mount MK. The Big Five personality dimensions and job performance: A meta-analysis. Personnel Psychol 1991;44(1):1—26. [4] Barrick MR, Ryan AM. Personality work: Reconsidering the role of personality in organizations. San Francisco, USA: JosseyBass; 2003. [5] Burke RJ. Workaholism and extra-work satisfactions. Int J Organ Anal 1999;7(4):352—634. [6] Burke RJ. Workaholism in organizations: Gender differences. Sex Roles 1999;41(5):333—45. [7] Burke RJ. Spence and Robbins’ measures of workaholism components: Test-retest stability. Psychol Rep 2001;88(3): 882—8. [8] Burke RJ, Richardsen AM, Martinussen M. Psychometric properties of Spence and Robbins’ measures of workaholism components. Psychol Rep 2002;91(3 Pt2):1098—104. [9] Burke RJ. Workaholism components among employees working full- and part-time. Psychol Rep 2003;93(1):84—6. [10] Burke RJ. Workaholism, self-esteem, and motives for money. Psychol Rep 2004;94(2):457—63. [11] Fassel D, Wilson A, Schaef D. The addictive organization: Why we overwork, cover up, pick up the pieces, please the boss and perpetuate sick organizations. California, USA: Harper & Row; 1988. [12] Fassel D. Working ourselves to death: The high cost of workaholism the rewards of recovery. USA: HarperOne; 1992. [13] Freud S. L’interprétation des rêves. Paris: PUF; 1967. [14] Goldberg LR. An alternative ‘‘description of personality’’: The big-five factor structure. J Pers Soc Psychol 1990;59(6):1216—29. [15] Hosokawa M. In: Karoshi, Hosokawa M, Tajiri S, Uehata T, editors. Medical opinion to Worker’s Compensation Apparatus. Tokyo, Japan: Roudou Keizai Sha; 1981. [16] James W. Psychology: Briefer Course (New Ed edition). Cambridge, USA: Havard University Press; 1985. [17] James W. Précis de psychologie. Trad. par Nathalie Ferron éd. et prés. David Lapoujade. Paris: Les Empêcheurs de penser en rond; 2003. [18] Joule RV, Beauvois JL. La soumission librement consentie. Paris: PUF; 1998. [19] Judge TA, Higgins CA, Thoreson CJ, et al. The Big Five personality traits, general mental ability, and career success across the life span. Personnel Psychol 1999;52:621—52. [20] Kemeny A. Déterminés à réussir — un portrait des bourreaux du travail au Canada. Tendances Sociales Canadiennes 2002, no 11-008. [21] Kiesler CA. The Psychology of Commitment. New York: Academic Press; 1971. [22] Laplanche J, Pontalis JB. Vocabulaire de la psychanalyse. Paris: PUF; 1967. [23] Lelord F, André C. Comment gérer les personnalités difficiles. Paris: Odile Jacob; 2000. [24] Maslach C, Jackson SE. Maslach Burnout Inventory Manual. 3rd ed. Palo Alto, California, USA: Consulting Psychologists Press; 1996. [25] McMillan LHW, O’Driscoll MP, Burke RJ. Workaholism: a review of theory, research and new directions. In: Cooper CL, Robertson IT, editors. International review of industrial and organizational psychology. New York, USA: John Wiley; 2003, p. 167—190. Boulomanie : entre illusion et addiction [26] Naughton TJ. A conceptual view of workaholism and implications for career counseling and research. Career Dev Q 1987;14:180—7. [27] Oates WE. Confessions of a workaholic: The facts about work addiction. Nashville & New York, USA: Abingdon Press; 1971. [28] Petrovic B. Éléments fondamentaux de l’identité : narcissisme, identification, sexuation : trois problématiques en clinique en psychopathologie. Thèse pour le Diplôme d’État de Docteur en Médecine. Angers, France; 2005. [29] Robinson BE, Post P, Khakee JF. Test-retest reliability of the Work addiction risk test. Percept Mot Skills 1992;74(3 Pt 1): 926. [30] Robinson BE, Post P. Validity of the Work addiction risk test. Percept Mot Skills 1994;78(1):337—8. [31] Robinson BE. Split-half reliability of the work addiction risk test: Development of a measure of workaholism. Psychol Rep 1995;76:1226. [32] Robinson BE, Phillips B. Measuring workaholism: Content validity of the work addiction risk test. Psychol Rep 1995;77:657—8. 293 [33] Robinson BE. The psychosocial and familial dimensions of work addiction: Preliminary perspectives and hypotheses. J Couns Dev 1996;74(5):447—51. [34] Robinson BE. Chained to the desk: A guidebook for workaholics their partners and children and the clinicians who treat them. New York, USA: NYU Press; 1998. [35] Robinson BE. The work addiction risk test: Development of a tentative measure of workaholism. Percept Mot Skills 1999;88(1):199—210. [36] Robinson BE. A typology of workaholics with implications for counselors. J Addict Offender Couns 2000;21(1):34—48. [37] Scott KS, Moore KS, Micelli MP. An exploration of the meaning and consequences of workaholism. Hum Relations 1997;50(3):287—314. [38] Spence JT, Robbins AS. Workaholism: Definition, measurement, and preliminary results. J Pers Assess 1992;58(1):160—78. [39] Statistique Canada « Les longues heures de travail et la santé ». Le Quotidien, no 11-001-XPF, 16 novembre 1999. [40] TAP P. « Identité » In: Encyclopaedia universalis. Paris: Ed. Encyclopaedia universalis;1995.