C. Gaillez
et al.
L’Encéphale, 2007 ;
33 :
621-8, cahier 1
622
Résumé.
L’atomoxétine (Strattera
®
) est un médicament non
stimulant ayant reçu une autorisation de mise sur le marché
dans plusieurs pays, dans l’indication du trouble déficit de
l’attention/hyperactivité (TDAH), chez l’enfant de 6 ans et
plus et chez l’adolescent. C’est un inhibiteur sélectif de la
recapture de la noradrénaline ; sa posologie recommandée
est de 1,2 mg/kg/jour par voie orale, en une ou deux prises.
L’efficacité de l’atomoxétine sur les symptômes de TDAH a
été démontrée au cours de six essais cliniques randomisés
en double aveugle
versus
placebo, par l’amélioration du
score de l’échelle de symptômes ADHD-RS (ADHD
rating
scale
) et par celle des scores d’autres échelles d’évaluation
(CGI, Conners parents/enseignant). L’efficacité s’est main-
tenue jusqu’au lendemain matin, lors d’une administration en
une prise par jour le matin. L’atomoxétine a permis également
une amélioration de la qualité de vie de l’enfant dans ses
dimensions psychosociale, comportementale et d’estime de
soi. De plus, une étude de prévention des rechutes, rando-
misée en double aveugle
versus
placebo chez des enfants
et adolescents initialement répondeurs à l’atomoxétine pen-
dant 10 semaines, a démontré le maintien d’efficacité de
l’atomoxétine à long terme. Le profil de tolérance de l’ato-
moxétine a été analysé avec un recul de plus de deux ans
d’exposition au traitement pour certains patients. Les effets
secondaires les plus fréquents sont des troubles digestifs et
une baisse de l’appétit, le plus souvent transitoires, n’entraî-
nant pas de retentissement significatif sur l’évolution staturo-
pondérale des enfants traités. Au total, l’atomoxétine repré-
sente une modalité thérapeutique médicamenteuse nouvelle
et intéressante dans le traitement du TDAH de l’enfant et de
l’adolescent, en association à une prise en charge multimo-
dale du trouble.
Mots clés :
Atomoxétine ; Données sur le long terme ; Efficacité ;
Études cliniques randomisées contrôlées ; Tolérance ; Trouble défi-
cit de l’attention/hyperactivité (TDAH).
INTRODUCTION
On estime qu’environ 3 à 5 % des enfants d’âge scolaire
souffrent du trouble déficit de l’attention/hyperactivité
(TDAH) selon les critères du DSM IV en Europe et aux
États-Unis. Celui-ci est défini par un ensemble de symptô-
mes d’inattention, d’hyperactivité et d’impulsivité entraînant
un retentissement fonctionnel dans plusieurs domaines,
scolaire, social et familial, et bien souvent une perte de
l’estime de soi et une souffrance durable de l’enfant (3, 27).
La prise en charge du TDAH repose sur une approche
multimodale intégrant des mesures éducatives, une prise
en charge psychocomportementale, et si nécessaire une
rééducation orthophonique et/ou psychomotrice des trou-
bles des apprentissages. Le traitement médicamenteux
est proposé en association aux mesures psychoéducati-
ves et de rééducation, lorsque celles-ci s’avèrent insuffi-
santes. Le méthylphénidate à libération immédiate ou
retard est actuellement le seul médicament autorisé en
France dans cette indication, disposant d’une efficacité
reconnue et d’un bon profil de tolérance. L’effet des trai-
tements psychostimulants a été principalement évalué sur
une amélioration des symptômes du TDAH et sur les per-
formances scolaires. Or le retentissement du TDAH
affecte également la qualité de vie de l’enfant et de sa
famille en altérant les relations sociofamiliales. Cependant
les psychostimulants sont contre-indiqués chez certains
patients avec comorbidité de type anxiété généralisée, tics
chroniques moteurs ou syndrome de Gilles de la Tourette,
ou dépression sévère. D’autre part, certains patients peu-
vent rencontrer des problèmes de tolérance ou d’échec
au traitement.
L’atomoxétine (Strattera
®
) est le premier médicament
non stimulant commercialisé aux États-Unis depuis 2002,
au Royaume-Uni et au Canada depuis 2004 dans l’indi-
cation du TDAH chez l’enfant de 6 ans et plus et l’adoles-
cent, dont le développement a été réalisé selon un pro-
gramme d’études cliniques particulièrement étoffé,
répondant aux exigences actuelles des autorités de santé
sur le développement de nouvelles molécules dans des
indications pédiatriques.
Ainsi, deux essais ouverts pilotes (21, 29), suivis de six
essais comparatifs randomisés en double aveugle à court
terme réalisés chez l’enfant et l’adolescent (24, 25, 26, 28,
32), constituent le cœur du dossier de développement du
produit, et ont permis d’obtenir son autorisation de mise
sur le marché américain par la
Food and Drug Adminis-
tration
(FDA), dans l’indication de TDAH chez l’enfant de
plus de 6 ans. De plus, une étude randomisée en double
aveugle chez des patients initialement répondeurs à l’ato-
moxétine, réalisée en Europe et en particulier en France,
a permis de démontrer le maintien de l’efficacité à long
terme (24). Au total, ce sont 7 études comparatives ran-
domisées, en double aveugle, publiées à ce jour, qui per-
mettent de démontrer l’efficacité et la bonne tolérance du
traitement par l’atomoxétine sur les symptômes d’hyper-
activité/impulsivité et d’inattention de l’enfant et de l’ado-
lescent
(tableau I)
.
L’objet de cet article est de décrire les aspects pharma-
cologiques, pharmacocinétiques de l’atomoxétine et les
données d’efficacité et de tolérance du produit obtenues
au cours des essais d’efficacité à court et à long termes
chez les enfants et les adolescents présentant un TDAH.
DONNÉES PHARMACOLOGIQUES
ET PHARMACOCINÉTIQUES DE L’ATOMOXÉTINE
L’atomoxétine est un inhibiteur sélectif de la recapture
de la noradrénaline (NA). La molécule agit spécifiquement
sur le transporteur présynaptique de la noradrénaline, et
présente très peu d’affinité pour les récepteurs et les trans-
porteurs des autres systèmes de neurotransmission. Par
son action inhibitrice du transporteur de la NA, l’atomoxé-
tine empêche la recapture de la NA au niveau présynap-
tique, et renforce ainsi la transmission neuronale noradré-
nergique. Sur un modèle animal de microdialyse de rat,
l’atomoxétine augmente les taux de noradrénaline et
dopamine extracellulaire au niveau préfrontal (10, 31). Or
le cortex frontal est impliqué dans des fonctions cognitives
aussi complexes que la mémoire, le contrôle de l’attention,