L’Encéphale,
33 :
2007, Mars-Avril
179
PSYCHIATRIE BIOLOGIQUE
Escitalopram et Citalopram : le rôle inattendu de l’énantiomère R
C. JACQUOT
(1)
, D.J. DAVID
(1)
, A.M. GARDIER
(1)
, C. SÁNCHEZ
(2)
(1) Univ. Paris-Sud, Fac Pharmacie, Tour D1, 2
e
étage, EA « Serotonine et Neuropharmacologie », Rue Jean-Baptiste Clément, F-92296
Châtenay Malabry cedex, France.
(2) Lundbeck Research USA, 215 College Road, Paramus, New Jersey 07652-1431, USA.
Travail reçu le 6 juin 2006 et accepté le 20 novembre 2006.
Tirés à part :
C. Jacquot (à l’adresse ci-dessus).
Résumé.
Le citalopram, inhibiteur sélectif de la recapture de
la sérotonine, est composé de 2 énantiomères, le R-citalo-
pram et le S-citalopram, 2 formes identiques mais non super-
posables de la même molécule. La séparation des
2 énantiomères a permis d’analyser séparément leurs pro-
priétés, et de montrer que seul l’énantiomère S interfère de
Escitalopram and citalopram : the unexpected role of the R-enantiomer
Summary.
Citalopram, a selective serotonin reuptake inhibitor, is composed of 2 enantiomers, R-citalopram and S-cita-
lopram, 2 different non-superimposable mirror image forms of the same molecule. Separating these 2 enantiomers has
enabled studying their individual properties. Citalopram’s pharmacologic activity is centered on the S enantiomer’s high
affinity for the serotonin transporter which is twice as high as citalopram’s and 30 to 40 times higher than R-citalopram.
This leads to an inhibition of serotonin reuptake two times higher for escitalopram compared with citalopram and confirms
that citalopram’s pharmacologic activity is due to the S-enantiomer. Contrary to what might be expected, the effect of
escitalopram (DCI of S-citalopram) is not superimposable on an equivalent dose of citalopram but is superior. Several
hypotheses could explain this superiority. First, conversions of the S-enantiomer into the R-enantiomer may occur, but
there is no reason why this phenomenon would happen more when both enantiomers are present than when escitalopram
is alone. Furthermore, pharmacokinetic studies have shown that S or R configurations are stable in vivo. Second, a par-
ticular action of R-citalopram may influence the S-enantiomer’s kinetic from intestinal absorption to blood-brain barrier.
But concentrations of both enantiomers in the frontal cortex are the same. Therefore, R-citalopram does not interfere
with escitalopram’s kinetic. Finally, interactions may appear at the synaptic level. Results of experimentation, after in situ
injection to the cortex level, confirm that an interaction between the 2 enantiomers takes place at that level. A direct
negative interaction of R-citalopram on one or several effectors that create the antidepressive effect seems justified. This
negative interaction has been studied in depth. Animal models have shown that the R-enantiomer has no antidepressive
potential and when associated with escitalopram prohedonic effects disappear. Escitalopram is more powerful than cita-
lopram in reducing anxiety but the presence of R-citalopram reduces the positive effects of escitalopram. We then may
conclude that R-citalopram antagonizes the antidepressive effects of escitalopram and that its presence limits the the-
rapeutic effect and reduces the speed of action of citalopram. The antagonism of escitalopram by R-citalopram was not
expected and one hypothesis is that a direct interaction between the 2 enantiomers may occur on a particular site of the
serotonin transporter. Results have shown that R-citalopram has a significant affinity only for the allosteric site of the
transporter, which regulates the affinity of the ligand for the active site at the origin of serotonin reuptake inhibition. Unlike
citalopram, escitalopram’s pharmacologic action is not blocked by R-citalopram explaining its greater therapeutic efficacy
and more rapid mode of action.
Key words :
Citalopram ; Depression ; Escitalopram ; R-enantiomer ; SSRI.
C. Jacquot
et al.
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façon significative avec le site actif du transporteur de la séro-
tonine. Par ailleurs, contrairement à ce qui peut être attendu,
l’effet de l’escitalopram (DCI du S-citalopram) n’est pas
superposable à une dose équivalente de citalopram : il lui est
supérieur. Plusieurs hypothèses ont été testées pour expli-
quer cette supériorité et qu’elle serait due à une interaction
négative du R-citalopram qui limite ainsi l’effet du citalopram.
Le R-citalopram antagonise les effets antidépresseurs de
l’escitalopram, par affinité pour le site allostérique du trans-
porteur de la sérotonine régulant l’activité du ligand pour le
site actif : les remaniements consécutifs à la fixation du R-
citalopram sur le site allostérique diminuent les qualités de
fixation de l’escitalopram sur le site actif de ce transporteur.
Ce mécanisme biochimique expliquerait que la présence de
R-citalopram limite l’effet thérapeutique et réduise la rapidité
d’action du citalopram. L’escitalopram, contrairement au cita-
lopram, a une action pharmacologique non entravée par le
R-citalopram, ce qui optimise son action thérapeutique.
Mots clés :
Citalopram ; Dépression ; Énantiomère R ; Escitalo-
pram ; ISRS.
ABRÉVIATIONS
5-HT Sérotonine
AUC Aire sous la courbe
COS-1 Lignée immortalisée de cellules de mammifère
(cellules rénales)
DCI Dénomination Commune Internationale
DSM
Diagnostic and Statistical Manual of Mental
Disorders
GABA Acide gamma-aminobutyrique
IC
50
Concentration inhibant 50 % de l’effet maximal
observé
ISRS Inhibiteur Sélectif de la Recapture de la Séroto-
nine
K
i
Constante de dissociation, régissant l’équilibre
entre la fixation au récepteur et la libération du
ligand
NMDA N-méthyl-D-aspartate
INTRODUCTION
Le rôle de la sérotonine dans la dépression est reconnu
depuis longtemps. L’idée de contrôler ce trouble de
l’humeur en potentialisant les effets de la sérotonine sur
le système nerveux central est devenue une stratégie de
recherche pharmacologique. De cette démarche ont
émergé les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la séro-
tonine (ISRS). Les ISRS ont comme cible principale le
transporteur « humain » de la sérotonine. Il s’agit d’une
protéine transmembranaire chargée du recyclage physio-
logique du neuromédiateur, principal mécanisme d’inac-
tivation du médiateur libéré : le transporteur recapture les
molécules de sérotonine après leur libération dans la fente
synaptique en réponse à une stimulation. En même
temps, il contrôle les effets de la sérotonine en réduisant
le temps pendant lequel elle peut activer les récepteurs
post-synaptiques. Ce mode d’action est démontré pour les
antidépresseurs. En bloquant le transporteur, les ISRS
empêchent la recapture de la sérotonine et donc augmen-
tent l’amplitude de la stimulation des récepteurs.
Le citalopram est un ISRS utilisé depuis de nombreuses
années dans le traitement des épisodes dépressifs carac-
térisés. Cependant, comme toutes les molécules de cette
classe thérapeutique, il nécessite un délai de plusieurs
semaines avant d’atteindre son effet optimal sans que la
raison en soit clairement connue. Et comme les autres
ISRS, son efficacité est plus limitée lorsqu’il s’agit d’épi-
sodes sévères.
La structure chimique du citalopram permet l’existence
de deux isomères de configuration dits isomères chiraux
ou stéréo-isomères ou encore énantiomères. Il s’agit en
fait de deux images miroir non superposables
(figure 1)
.
NOTION D’ÉNANTIOMÈRE
La capacité d’une molécule à exister sous ces deux for-
mes définit la chiralité. Une telle molécule, qui comporte
un mélange des deux énantiomères dans des proportions
égales à l’équilibre, s’appelle un racémique. La chiralité
apparaît lorsqu’un atome de carbone est lié à quatre ato-
mes, ou groupes d’atomes, différents. Il n’y a alors plus
FIG. 1. —
Représentation tridimensionnelle du citalopram.
Cette représentation fait apparaître les deux stéréo-isomères du cita-
lopram, l’énantiomère à rotation anti-horaire ou escitalopram, et l’énan-
tiomère à rotation horaire ou R-citalopram.
Escitalopram
R-citalopram
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179-87 Escitalopram et Citalopram : le rôle inattendu de l’énantiomère R
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d’axe de symétrie. Les énantiomères sont donc l’expres-
sion de la même molécule mais sous des formes tridimen-
sionnelles distinctes, par rotation autour de cet axe de dis-
symétrie
(figure 2)
. L’image la plus simple pour illustrer ce
phénomène est celui des mains : les deux mains ont la
même structure, elles ne sont pour autant pas superpo-
sables, l’une étant l’image en miroir de l’autre.
Il n’est pas facile de distinguer les deux énantiomères.
On peut utiliser la propriété qu’ils ont de dévier la lumière
polarisée : c’est la base de la nomenclature de Fischer.
Le sens de la déviation est opposé pour les deux
énantiomères : le D, dextrogyre ou (+), dévie le plan des
rayons polarisés vers la droite et le L, lévogyre ou (–), dévie
ce plan vers la gauche. Le système de classification de
Cahn-Ingold-Prelog utilise un mode d’écriture de la molé-
cule chirale plus complexe, basé sur un ordonnancement
des atomes liés à l’atome chiral selon leur masse atomi-
que. Par jeu de conventions de lecture successives, deux
sens de décroissance de masse s’observent : un dans le
sens horaire, ou R (pour droit), et un autre opposé, dans
le sens anti-horaire ou S (pour gauche).
La chiralité se rencontre autant dans la chimie de syn-
thèse que dans la chimie organique naturelle. Par exem-
ple, les acides aminés utilisés par le métabolisme humain,
à l’exception de la glycine, sont des isomères L. De même
seul l’énantiomère L de la vitamine C (acide ascorbique)
est absorbé par l’intestin.
En pharmacologie aussi, certains énantiomères peu-
vent présenter des propriétés non totalement superposa-
bles. Un des énantiomères peut être actif alors que l’autre
est neutre. Pour d’autres molécules, un des énantiomères
aura une action pharmacologique d’une telle spécificité
qu’il y aura peu d’effets indésirables alors que l’autre énan-
tiomère aura des effets plus variés et sera limité par sa
mauvaise tolérance. C’est le cas de la fluoxétine. Cet anti-
dépresseur est en fait un racémique, mélange de deux
énantiomères S et R. La R-fluoxétine a été séparée puis
développée comme antidépresseur étant donné son
avantage pharmacocinétique : une demi-vie nettement
plus courte de ses métabolites actifs que ceux de l’énan-
tiomère S, laissant augurer une plus grande flexibilité dans
l’adaptation posologique. Mais la R-fluoxétine s’est avé-
rée toxique pour le myocarde du fait de l’allongement de
la repolarisation ventriculaire qu’elle induit. Son dévelop-
pement a été suspendu. Enfin, plus rarement, un énan-
tiomère peut se révéler avoir un effet opposé à son image
miroir. Le picénadol est un analgésique morphinomiméti-
que grâce à ses propriétés agonistes des récepteurs
µ
et
δ
aux opiacés. C’est un racémique, mélange de deux iso-
mères, le (+)-picénadol et le (–)-picénadol. L’isomère (+)
est un agoniste des récepteurs opiacés, et donc un anal-
gésique puissant tandis que l’isomère (–) est antagoniste
et limite l’efficacité antinociceptive de l’isomère (+). C’est
dans cette même catégorie que se situe le citalopram avec
ses deux énantiomères, le S-citalopram (développé sous
l’appellation DCI d’escitalopram) et le R-citalopram.
H. Lundbeck A/S, le laboratoire ayant découvert et
développé le citalopram, a réussi la mise au point d’une
méthode industrielle de séparation des deux stéréo-iso-
mères, ou énantiomères, celui à rotation anti-horaire
énantiomère S ou escitalopram – et celui à rotation
horaire – énantiomère R ou R-citalopram –. Cela a permis
d’analyser les propriétés de chacun des énantiomères pris
séparément. De ces études est apparu le fait que les deux
énantiomères n’étaient pas équivalents pharmacologi-
quement, et que seul l’un d’eux détenait les propriétés anti-
dépressives. Mais, plus encore, l’autre pouvait s’avérer
néfaste à l’efficacité thérapeutique du premier. L’énantio-
mère actif a fait l’objet d’un développement propre comme
traitement de la dépression afin de déterminer s’il permet-
tait d’améliorer le bénéfice par rapport au racémique,
aussi bien en terme d’efficacité que de tolérance. Les
résultats des études précliniques et cliniques confirment
que le but est atteint (2). Des explorations précliniques
complémentaires ont été menées afin d’expliciter les rai-
sons de ce phénomène.
ACTIVITÉ ISRS DU CITALOPRAM RÉSIDE BIEN
DANS L’ÉNANTIOMÈRE S
L’effet antidépresseur du citalopram s’exerçant essen-
tiellement par l’inhibition du transporteur de la sérotonine*,
son affinité pour ce transporteur a été comparée à celle
de ses énantiomères. Les tests d’affinité établissent la pro-
pension d’une molécule à reconnaître sa cible mais ils ne
FIG. 2. —
Configuration des stéréo-isomères ou énantiomères
autour du carbone chiral : exemple de l’alanine.
H
C
COOH
CH3
NH2
D’un côté du plan déterminé par les groupes C, H et NH2
De l’autre côté du plan déterminé par les groupes C, H et NH2
* Cette affirmation doit être nuancée, selon l’article de Fabre et
Hamon (2), par l’hypothèse d’un rôle des récepteurs sigma dans
les effets antidépresseurs de certains composés. Une affinité pour
les récepteurs sigma 1 est notée avec la fluvoxamine, la sertraline
et l’escitalopram. Pour l’escitalopram, cette affinité est biochimi-
quement non négligeable, le K
i
étant de l’ordre de 0,1
µ
m (10).
C. Jacquot
et al.
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préjugent pas du sens d’un effet éventuel ni de son inten-
sité. Différents tests réalisés
in vitro
ont démontré que, des
deux énantiomères, seul l’escitalopram interfère de façon
significative avec le site actif du transporteur. Deux métho-
des expérimentales ont été utilisées : le déplacement d’un
ligand et l’inhibition de la recapture neuronale de séroto-
nine (8, 10).
Le déplacement d’un ligand radioactif, fixé de façon
réversible sur le transporteur, par un second ligand (le
compétiteur) renseigne sur l’affinité du compétiteur pour
le site de fixation. Plus elle est importante, plus le ligand
marqué sera aisément déplacé, et ce à des concentrations
de ligand compétiteur d‘autant plus faibles, évaluées par
le K
i
. L’affinité de l’escitalopram pour le transporteur
humain de la sérotonine s’avère être près de deux fois plus
élevée que celle du citalopram. Celle du R-citalopram est
30 à 40 fois plus faible que celle de l’escitalopram
(
tableau I
– partie A).
L’étude des effets des molécules sur l’activité du trans-
porteur humain de la sérotonine permet d’évaluer la fixa-
tion au transporteur de façon plus fonctionnelle. Elle a été
étudiée par la mesure de la recapture de la sérotonine
selon deux techniques : avec le transporteur humain de
la sérotonine présent dans des cellules de mammifères
(COS-1) l’exprimant à partir d’un gène importé* et avec le
transporteur présent naturellement dans des synaptoso-
mes de cerveau de rat. La recapture de la sérotonine mar-
quée a été inhibée dans les deux expériences de façon
plus importante par l’escitalopram que par le racémique
dans un rapport de potentiel inhibiteur autour de 2 en
faveur de l’escitalopram. Ce rapport suit exactement la
proportion de l’énantiomère S dans le racémique. Par con-
tre, la concentration de R-citalopram pour atteindre une
inhibition du transport de la sérotonine équivalente à celle
obtenue avec l’escitalopram est environ 40 fois supé-
rieure (
tableau I
– partie B).
Ces données confirment que l’activité pharmacologi-
que du citalopram est à mettre sur le seul compte de
l’énantiomère S.
ESCITALOPRAM EST PLUS ACTIF QU’ATTENDU
Les tests précliniques précédents renseignent sur la
facilité avec laquelle la molécule atteint sa cible (affinité)
mais ils sont peu informatifs sur la puissance de l’effet bio-
chimique. Au vu de leurs résultats, il était attendu que
l’escitalopram soit, à concentration pondérale égale, deux
fois plus actif que le racémique. Or tel n’a pas été le cas.
Pour évaluer l’efficacité potentielle d’une molécule dont
on connaît l’affinité pour un effecteur donné, il faut en plus
décrire la façon dont elle module l’action de son effecteur
(activité fonctionnelle). Cela a été fait pour le citalopram
et ses énantiomères en mesurant le niveau de sérotonine
présente dans le milieu extracellulaire cérébral
in vivo
.
Des rats évoluant librement ont reçu par voie sous-cuta-
née soit du citalopram à des doses de 2 à 8 mg/kg, soit
de l’escitalopram (de 1 à 8 mg/kg), soit du R-citalopram
(2, 8 ou 16 mg/kg). Dans le même temps, la concentration
de sérotonine extracellulaire était régulièrement mesurée
dans le cortex frontal par microdialyse (7).
En présence d’escitalopram, le contenu cortical extra-
cellulaire en sérotonine a augmenté proportionnellement
à la dose administrée, comme on peut l’attendre d’un effet
pharmacologique avéré
(figures 3 et 4)
. Le citalopram a
lui aussi induit une augmentation de la sérotonine dans
l’espace extracellulaire, mais sans réelle relation de type
dose-réponse, signe d’une action pharmacologique plus
complexe. À l’inverse, le R-citalopram n’a induit aucune
augmentation significative du contenu cérébral en séro-
TABLEAU I. —
A : Fixation du citalopram (CIT), escitalopram (ESC), et R-citalopram (R-CIT) au transporteur de la sérotonine
in vitro
;
B : inhibition de la recapture de la sérotonine (5-HT) par CIT, ESC et R-CIT.
RTI-55 2
β
-carbomethoxy-3
β
-(4-iodophenyl)tropane, hSERT transporteur humain de la sérotonine.
Résultat (unité)
a
CIT ESC R-CIT CIT/ESC R-CIT/ESC
A –
Binding
(K
i
, nM)
[
125
I]-RTI-55
COS-1 transfectées avec hSERT
a
7,6 3,9 161 1,9 41
[
3
H]-CIT
HEK-293 1 transfectées avec hSERT
b
1,6 1,1 36 1,4 33
B –
Inhibition de la recapture
[
3
H]-serotonine
Synaptosomes de cerveau de rat (IC
50
, nM)
a
3,9 2,1 275 1,9 131
Cellules COS-1 cells exprimant hSERT (K
i
, nM)
a
16,2 6,6 263 2,4 40
Cellules HEK-293 exprimant hSERT (K
i
, nM)
b
9,6 2,5 67 3,8 27
a. D’après Sánchez
et al.
, 2003a.
b. D’après Owens
et al.
, 2001.
* Il est à noter que le transporteur de la sérotonine étudié dans ces
expériences n’est pas la protéine native présente dans les neu-
rones humains mais une structure approchante obtenue par des
méthodes de biologie moléculaire, d’où une certaine prudence à
avoir dans l’extrapolation de ces résultats au vivant.
L’Encéphale, 2007 ;
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183
tonine même à une dose seize fois supérieure à la dose
d’escitalopram active la plus faible, que ce soit en con-
centration maximale ponctuelle de sérotonine
(figure 3)
ou en dose cumulée évaluée par l’aire sous la courbe (ou
AUC)
(figure 4)
.
Contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, l’effet
de l’escitalopram seul n’était pas superposable à l‘effet
d’une dose équivalente sous forme de citalopram (dont on
peut rappeler qu’elle comporte en proportions égales cha-
cun des deux énantiomères) : il lui était supérieur.
Plusieurs phénomènes pourraient se produire, expli-
quant les différences de comportement observées entre
l’escitalopram et le racémique sur les tests biochimiques
et pharmacologiques. Une interconversion de l’énantio-
mère S en forme R pourrait être envisagée. Elle pourrait
expliquer l’observation d’un effet de l’escitalopram moin-
dre qu’attendu en ce sens que la concentration finale
d’escitalopram serait alors inférieure à la concentration
théorique. D’une part, il n’y aurait
a priori
pas de raison
que ce phénomène s’exerce plus en présence des deux
énantiomères dans le racémique qu’avec l’escitalopram
administré seul. D’autre part, les études pharmacociné-
tiques réalisées chez l’animal comme chez l’homme
montrent que la forme énantiomérique, en configuration
S ou R, est stable et qu’il n’y a pas d’interconversion
in vivo
en faveur de l’une ou de l’autre (pour revue, 13).
Les concentrations sanguines, tissulaires et cérébrales
suivant une injection systémique des deux énantiomè-
res chez le rat, restent proportionnelles à la dose admi-
nistrée pour chacun, même à distance de l’administra-
tion (7).
Une autre hypothèse est celle d’une action propre du
R-citalopram influant la cinétique de l’énantiomère S en
amont de la cible, c’est-à-dire sur les différentes phases
allant de l’absorption intestinale à la barrière hémoménin-
gée. La quantité d’escitalopram effectivement délivrée au
tissu cérébral serait limitée par l’action du R-citalopram et
la concentration tissulaire ainsi atteinte serait inférieure à
celle correspondant à une action pharmacologique opti-
male. Or, les taux tissulaires d’escitalopram ont été mesu-
rés dans le cortex frontal de rat après administration sous-
cutanée de 2 mg/kg d’escitalopram seul ou conjointement
avec du R-citalopram à 8 mg/kg. Dans les deux cas, les
concentrations tissulaires d’escitalopram atteintes sont
comparables
(figure 5)
. Le R-citalopram n’interfère donc
pas avec la cinétique de l’escitalopram.
Enfin, on pourrait objecter que de nombreux événe-
ments biologiques peuvent se produire entre le point
d’absorption du médicament et son lieu d’action, la
synapse sérotoninergique. Ce qui pourrait donner lieu à
de multiples niveaux d’interaction possibles entre le R-cita-
lopram et le S-citalopram. Or l’application
in situ
d’escita-
lopram sur le cortex frontal de rat évoluant librement est
associée à un niveau de sérotonine extracellulaire équi-
valent à celui observé après une injection systémique (7).
De même l’administration couplée des deux énantiomères
in situ
sur le cortex frontal, escitalopram à la concentration
de 0,5
µ
M et R-citalopram 2
µ
M, est associée à une dimi-
nution très nette du contenu en sérotonine comparé au
escitalopram seul
(figure 6)
. Ces résultats confirment que
l’effet limitant du R-citalopram sur l’inhibition de la recap-
ture de la sérotonine induite par l’escitalopram s’exerce
directement sur l’effecteur, et que l’interaction entre les
deux énantiomères se produit à ce niveau.
FIG. 3. —
Comparaison des effets du citalopram sous-cutané
(SC) à ceux d’une dose équivalente de ses deux énantiomères
sur la libération extracellulaire de sérotonine (5-HT)
dans le cortex frontal de rat évoluant librement,
suivie en temps réel (d’après Mørk
et al.
, 2002).
FIG. 4. —
Taux cumulé (AUC) de sérotonine (5-HT)
extracellulaire dans le cortex frontal de rats évoluant librement
atteint après une injection SC d’escitalopram à doses
croissantes (ESC – colonnes pleines), de citalopram
(CIT – colonnes claires) et de R-citalopram
(R-CIT – colonne de droite) (d’après Mørk
et al.
, 2003).
La libération cumulée extracellulaire de sérotonine
in vivo
est propor-
tionnelle à la dose de escitalopram administrée et supérieure à celle
obtenue avec une dose équivalente de citalopram. Le R-citalopram est
sans effet.
100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 120 140
0
10
20
30
40
5-HT dans le dialysat (% du taux de base)
Injection
50
60 Escitalopram 2,0 mg/kg, SC
Citalopram 4,0 mg/kg, SC
R-citalopram 2,0 mg/kg, SC
Temps (min)
* P< 0,05 comparé au groupe citalopram à dose correspondante
*
Esc
1,0
Esc
2,0
Esc
4,0
Cit
2,0
Cit
4,0
Cit
8,0
R-Cit
16,0
mg/kg
0
10 000
20 000
30 000
40 000
50 000
AUC (% x min)
* P = 0,004 comparé au citalopram 4 mg/kg
** P = 0,001 comparé au citalopram 2 mg/kg
*** P < 0,001 comparé au citalopram 8 mg/kg
*
*
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