L’Encéphale
(2012)
38,
194—200
D
i
spo
nible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
j
o
ur
nal
homepage:
www.em-consulte.com/produit/ENCEP
MÉMOIRE
ORIGINAL
Les
aspects
culturels
du
trouble
bipolaire
:
résultats
d’une
étude
comparative
entre
des
patients
franc¸ais
et
tunisiens
Crosscultural
aspects
of
bipolar
disorder:
Results
of
a
comparative
study
between
French
and
Tunisian
patients
S.
Doukia,,
F.
Nacefb,
T.
Trikib,
J.
Dalerya
aCHS
Le
Vinatier,
95,
boulevard
Pinel,
69677
Bron
cedex,
France
bHôpital
Razi,
2010
La
Manouba,
Tunisie
Rec¸u
le
27
novembre
2009
;
accepté
le
5
novembre
2010
Disponible
sur
Internet
le
11
octobre
2011
MOTS
CLÉS
Trouble
bipolaire
;
Étude
comparative
transculturelle
;
Culture
;
Environnement
;
Manies
unipolaires
Résumé
Malgré
sa
gravité,
le
trouble
bipolaire
demeure
largement
sous-estimé
au
profit
des
dépressions
unipolaires
et
de
la
schizophrénie.
En
particulier,
des
facteurs
culturels
contribuent
à
modifier
le
profil
épidémiologique
et
clinique
du
trouble
et
à
induire
des
errances
diagnos-
tiques.
C’est
dans
ce
contexte
que
nous
avons
effectué
une
étude
comparative
entre
deux
groupes
de
40
patients
bipolaires
vivant
dans
des
environnements
géographiques
et
culturels
distincts
(France
et
Tunisie)
pour
tenter
d’identifier
d’éventuelles
différences
symptomatiques
ou
évolutives.
Les
résultats
retrouvent
des
différences
significatives,
en
particulier
une
prédo-
minance
des
épisodes
maniaques
aussi
bien
comme
mode
inaugural
de
la
maladie
que
comme
modalité
évolutive
dans
ce
pays
du
Sud.
Par
delà
les
biais
méthodologiques,
ces
différences
sug-
gèrent
l’influence
de
facteurs
d’environnement
tels
les
conditions
climatiques
de
température
et
d’ensoleillement.
Il
est
important
à
l’heure
de
la
mondialisation
que
les
thérapeutes
soient
sensibilisés
à
la
dimension
culturelle
du
trouble
bipolaire
afin
d’offrir
le
bénéfice
précoce
des
traitements
spécifiques
au
plus
grand
nombre.
Par
ailleurs,
la
primauté
de
la
manie
dans
les
pays
du
Sud
pourrait
fournir
une
autre
clé
de
compréhension
et
de
traitement
de
la
maladie
bipolaire.
©
L’Encéphale,
Paris,
2011.
KEYWORDS
Bipolar
disorder;
Cross-cultural
comparison;
Summary
Background.
Bipolar
disorders
are
one
of
the
most
potentially
severe
psychiatric
disorders,
implying
a
high
degree
of
morbidity
and
incapacity
for
patients.
Indeed,
the
World
Health
Orga-
nization
in
1996
ranked
them
as
the
sixth
most
disabling
condition
worldwide.
Major
advances
have
been
achieved
in
their
understanding
and
management.
However,
too
many
patients
do
not
yet
benefit
from
them.
As
a
matter
of
fact,
bipolar
disorders
are
still
underestimated
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
Saida.DOUKI@ch-le-vinatier.fr
(S.
Douki).
0013-7006/$
see
front
matter
©
L’Encéphale,
Paris,
2011.
doi:10.1016/j.encep.2011.04.003
Les
aspects
culturels
du
trouble
bipolaire
:
résultats
d’une
étude
comparative
195
and
under-recognized,
being
too
often
misdiagnosed
with
major
depression
or
schizophrenia;
the
DSM-IV
acknowledges
the
trend
of
clinicians
to
overdiagnose
schizophrenia
(rather
than
bipolar
disorder),
especially
in
ethnic
groups
and
young
people.
Indeed,
cultural
factors
may
impact
the
symptomatology
and
the
course
of
the
disease.
In
particular,
it
has
been
shown
by
many
authors
that
schizophrenia-like
features
are
more
likely
to
be
found
in
southern
countries.
Similarly,
the
same
authors
have
reported
more
manic
than
depressive
episodes
during
the
course
of
bipolar
disorder.
Objective.
We
aimed
at
comparing
individuals
with
bipolar
disorder
living
in
two
distinct
geographic
and
cultural
environments,
namely
France
and
Tunisia.
Method.
Our
study
included
two
samples
of
40
patients
each,
natives
from
the
country,
who
were
admitted
during
2007
to
the
hospitals
of
Razi
(Tunis,
Tunisia)
and
Le
Vinatier
(Lyon,
France)
and
suffering
from
a
bipolar
disorder
according
to
the
DSM-IV
criteria.
The
French
sample
was
constituted
by
all
the
patients
meeting
the
inclusion
criteria
and
the
Tunisian
one
was
selected
by
matching
the
patients
by
gender
and
duration
of
the
disorder.
Results.
Our
results
were
consistent
with
the
existing
literature,
showing
many
similarities
and
some
marked
differences
such
as
a
greater
rate
of
manic
episodes
in
the
onset
and
during
the
course
of
the
illness
as
well.
The
main
result
was
the
type
of
the
first
episode:
mania
in
three
quarter
cases
in
Tunisia
and
depressive
in
the
same
proportion
in
France.
The
same
figures
applied
to
the
recurrences.
Unipolar
mania,
in
particular,
was
three
times
more
common
in
Tunisia
than
in
France.
Discussion.
Beyond
the
methodological
biases
(in-patients
recruitment,
diagnosis
habits,
cultural
tolerance),
these
differences
are
also
probably
linked
to
climatic
factors,
such
as
temperature
and
photoperiod.
Conclusion.
The
early
detection
of
bipolar
disorder
is
of
crucial
importance
to
provide
spe-
cific
treatments
to
patients.
In
a
world
where
psychiatrists
are
more
and
more
exposed
to
meet
patients
from
various
backgrounds,
it
is
necessary
to
be
aware
of
culture-bound
features.
Besides,
the
primacy
of
mania,
in
southern
countries,
may
be
a
key
to
deepen
our
understanding
of
bipolar
disorder
and
consequently
its
management.
©
L’Encéphale,
Paris,
2011.
Cultural
issues;
Environmental
factors;
Unipolar
mania
Introduction
Le
trouble
bipolaire
est
un
des
troubles
mentaux
les
plus
sévères
que
l’OMS
situe
au
sixième
rang
des
pathologies
les
plus
invalidantes
[29].
Il
est,
en
particulier,
associé
à
un
risque
élevé
de
conduites
suicidaires
et
de
complications
psychosociales
(difficultés
professionnelles,
divorce,
pour-
suites
judiciaires)
[6,20,36].
Des
progrès
considérables
ont
été
réalisés
dans
sa
compréhension
et
son
traitement
et
pourtant
trop
nombreux
sont
encore
les
patients
qui
n’en
bénéficient
pas,
faute
d’un
diagnostic
précoce.
En
effet,
le
trouble
bipolaire
demeure
grandement
sous-estimé
au
profit
de
la
schizophrénie
et
de
la
dépression
unipolaire.
Le
retard
au
diagnostic
et
au
traitement
peut
concerner
les
deux-tiers
des
malades
et
atteindre
plus
de
dix
ans
[19],
avec
des
conséquences
parfois
dramatiques.
Plusieurs
études
ont
montré
que
des
facteurs
culturels,
notamment,
contribuent
à
modifier
le
profil
clinique
du
trouble
et
à
induire
des
errances
diagnostiques.
Dans
les
pays
du
Sud,
il
a
notamment
été
montré
que
des
caractéristiques
schi-
zophréniformes
étaient
fréquemment
observées
au
cours
des
épisodes
thymiques,
surtout
maniaques
et
surtout
chez
les
hommes.
Dans
l’étude
de
Chemingui
[9],
le
diagnostic
de
trouble
bipolaire
n’a
ainsi
été
porté
que
chez
le
tiers
des
patients
de
son
échantillon.
Mais
déjà,
Egeland
[15]
avait
constaté,
dans
son
étude
chez
les
Amish,
que
79
%
des
patients
avaient
rec¸u
un
premier
diagnostic
de
schizophré-
nie
compte
tenu
de
la
fréquence
des
troubles
du
cours
de
la
pensée
et
du
délire.
De
même,
dans
une
étude
anglaise
com-
parant
des
patients
bipolaires
caucasiens,
afro-caribéens
et
africains
noirs,
les
auteurs
ont
montré
que
les
noirs
présentaient
un
taux
plus
élevé
de
symptômes
maniaques
et
que
les
afro-caribéens
présentaient
plus
de
symptômes
psychotiques
non
congruents
à
l’humeur
que
les
patients
maniaques
d’autres
ethnies
[24].
De
même,
la
prévalence
de
la
manie
sur
la
dépression
a
été
largement
soulignée.
Dès
1967,
Diop
[12]
faisait
observer
que
«
la
psychose
maniaco-
dépressive
semble
relativement
rare
en
milieu
africain,
mais
le
fait
le
plus
frappant
et
le
moins
contestable
est
la
fré-
quence
nettement
plus
faible
des
formes
mélancoliques
par
rapport
aux
formes
maniaques.
L’unanimité
des
auteurs
sur
ce
point
mérite
d’être
soulignée
».
Ainsi,
Weissmann
et
al.
[37],
à
l’issue
d’une
étude
épi-
démiologique
transculturelle
du
trouble
bipolaire
(TB)
et
de
la
dépression
majeure
récurrente
(DMR)
menée
dans
dix
pays,
concluaient
que
«les
différences
dans
les
prévalences
du
trouble
bipolaire
suggèrent
que
des
facteurs
culturels
ou
des
facteurs
de
risque
autres
affectent
l’expression
de
la
maladie
».
C’est
dans
ce
contexte
que
nous
avons
entrepris
une
étude
comparative
entre
deux
populations
de
sujets
bipolaires
vivant
dans
des
environnements
géo-
graphiques
et
culturels
distincts,
à
savoir
la
France
et
la
Tunisie,
pour
tenter
d’identifier
les
variations
sympto-
matiques
éventuelles
de
la
maladie
afin
d’en
favoriser
la
reconnaissance.
196
S.
Douki
et
al.
Patients
et
méthodes
Il
s’agit
d’une
étude
transversale
de
tous
les
patients
hos-
pitalisés
entre
le
1er janvier
et
le
31
décembre
2007
dans
le
pavillon
Avicenne
du
CHS
Le
Vinatier
et
répondant
aux
critères
DSM-IV
de
TB
[2].
Ont
été
exclus
les
patients
pour
lesquels
un
certain
nombre
d’informations
n’a
pu
être
recueilli
(en
particulier
le
nombre
précis
d’épisodes
anté-
rieurs
ou
leur
nature)
de
même
que
les
patients
qui
n’étaient
pas
natifs
du
pays.
Le
groupe
tunisien,
recruté
parmi
les
patients
hospitalisés
durant
la
même
période
dans
le
ser-
vice
de
psychiatrie
À
de
l’hôpital
Razi,
a
été
constitué
en
sélectionnant
le
même
nombre
de
sujets
appariés
par
sexe
et
par
durée
d’évolution
de
la
maladie.
De
même
n’ont
été
inclus
que
les
sujets
d’origine
tunisienne.
Au
total,
nous
avons
obtenu
deux
échantillons
de
40
patients.
Les
données
ont
été
analysées
sur
EPI6.
Résultats
Données
épidémiologiques
Sex-ratio
Contrairement
aux
troubles
dépressifs,
le
trouble
bipolaire
semble
se
répartir
également
entre
les
genres.
C’était
le
cas
dans
le
groupe
franc¸ais
de
référence.
Âge
moyen
Les
moyennes
d’âge
des
deux
échantillons
sont
comparables
(p
=
0,1),
se
situant
à
44,58
en
France
et
40,80
en
Tunisie.
Remarquons
toutefois
les
écarts
entre
les
âges
extrêmes,
avec
un
minimum
de
18
ans
en
Tunisie
(versus
23)
et
un
maxi-
mum
de
82
en
France
(versus
66).
Cette
différence
reflète
certainement
les
pyramides
des
âges
dans
les
deux
pays
mais
pourrait
aussi
suggérer
des
débuts
(et
des
fins
?)
plus
précoces
en
Tunisie.
Statut
marital
Le
résultat
le
plus
significatif
est
un
taux
de
divorce
nette-
ment
plus
élevé
dans
le
groupe
franc¸ais
(40
%
versus
12,5
%,
p
=
0,007).
Le
faible
taux
relatif
observé
en
Tunisie
peut
être
expliqué
par
le
contexte
culturel,
des
traditions
plus
conservatrices
opposent
un
frein
important
au
divorce,
sur-
tout
quand
l’un
des
conjoints
(surtout
l’époux)
souffre
d’une
pathologie.
Il
est
également
vrai
que
les
mêmes
traditions
font
aussi
obstacle
au
mariage
des
malades
mentaux,
surtout
femmes.
De
fait,
les
patients
tunisiens
sont
plus
nombreux
à
être
célibataires
(57,5
%
versus
27,5
%)
alors
que
l’âge
moyen
est
équivalent.
Au
total,
seul
environ
un
tiers
des
patients
dans
les
deux
pays
vit
en
couple
(32,5
%
en
France
et
30
%
en
Tunisie).
Statut
professionnel
Plus
de
la
moitié
des
patients
(55
%)
en
France
est
encore
active
et
seulement
le
tiers
(30
%)
en
Tunisie
(p
=
0,002).
La
différence
s’explique
surtout
par
le
faible
taux
d’emploi
des
femmes
dans
ce
pays
(20
%
versus
44
%).
En
revanche,
elle
est
plus
réduite
concernant
les
hommes
(50
%
versus
56
%).
Tableau
1
Âges
moyens
de
début
et
antécédents
familiaux.
France
Tunisie
Antécédents
familiaux
22,40
19,29
Absence
d’antécédents
familiaux
30,32
27,42
p
0,001
0,001
Âge
de
début
Nous
avons
retenu
comme
âge
de
début
l’âge
du
premier
épisode
thymique
clairement
défini.
L’âge
moyen
semble
plus
précoce
dans
le
groupe
tunisien
(26
ans)
que
franc¸ais
(29,38
ans),
mais
la
différence
n’est
pas
statistiquement
significative
(p
=
0,175).
L’âge
moyen
de
début
est
plus
pré-
coce
dans
les
deux
groupes
et
de
fac¸on
significative
chez
les
patients
ayant
des
antécédents
familiaux
de
troubles
psychiatriques
(Tableau
1).
Événements
de
vie
Des
événements
de
vie
précoces
(carences
affectives,
sévices
physiques,
abus
sexuels,
maladies
graves
etc.)
sont
retrouvés
dans
une
proportion
équivalente
(20
%
en
France
et
24
%
en
Tunisie)
dans
les
deux
groupes.
Il
en
est
de
même
pour
les
facteurs
de
stress
récents
observés
chez
75
%
des
franc¸ais
et
70
%
des
tunisiens.
Données
cliniques
Épisode
initial
De
fac¸on
impressionnante,
l’image
en
miroir
de
la
Fig.
1
illustre
l’une
des
différences
majeures
dans
l’expression
de
la
maladie
:
l’épisode
inaugural
est,
dans
les
trois
quarts
des
cas,
dépressif
en
France
et
maniaque
en
Tunisie.
La
différence
est
hautement
significative
(p
=
0,007).
Mode
évolutif
Soixante-trois
pour
cent
des
sujets
ont
présenté
plus
de
trois
épisodes.
Le
taux
de
récurrence
annuelle
est
légère-
ment
supérieur
dans
l’échantillon
franc¸ais
(0,5
versus
0,42)
mais
sans
différence
significative
(p
=
0,785).
En
revanche,
il
existe
des
différences
notables
entre
les
deux
sous-groupes
concernant
la
nature
des
récurrences
(Fig.
2).
Enfin,
les
récurrences
exclusivement
maniaques
sont
trois
fois
plus
fréquentes
dans
le
sous-groupe
tunisien
(40
%
versus
13
%).
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
ManieDépression
France
Tunisie
Figure
1
Comparaison
entre
les
modes
d’entrée
dans
le
trouble
bipolaire.
Les
aspects
culturels
du
trouble
bipolaire
:
résultats
d’une
étude
comparative
197
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
ManieDépression
Fr ance
Tun
isie
Figure
2
Fréquence
comparée
des
modalités
de
récurrence.
Les
caractéristiques
psychotiques
Les
symptômes
psychotiques
qui
accompagnent
les
épisodes
thymiques
surtout
inauguraux
sont
une
source
majeure
d’erreur
diagnostique.
Nos
résultats
confirment
que
les
caractéristiques
psychotiques
sont
particulièrement
fré-
quentes
et
apparemment
indépendantes
de
la
culture.
On
observe
même
une
plus
grande
fréquence
dans
le
sous-
groupe
franc¸ais
(62,5
%
versus
52,5
%)
même
si
la
différence
n’est
pas
significative
(p
=
0,07).
Les
complications
Le
risque
suicidaire
encore,
les
différences
sont
hautement
significatives
entre
les
deux
groupes
(p
=
0,003),
puisque
les
patients
franc¸ais
sont
42,5
%
à
avoir
des
antécédents
de
tentative
de
suicide
(TS),
les
patients
tunisiens
sont
25
%.
Elles
sont
fort
probablement
liées
à
des
facteurs
culturels
(l’interdit
islamique
du
suicide)
et
cliniques
(la
prévalence
de
la
dépression
en
France).
Le
risque
médico-légal
Les
antécédents
judiciaires
sont
aussi
fréquents
dans
les
deux
sous-groupes
(10
%
en
France
et
12,5
%
en
Tunisie)
et
concernent
surtout
les
hommes.
Ils
sont
associés
dans
tous
les
cas
à
un
abus
de
substance.
Les
caractéristiques
psycho-
tiques
présentes
chez
100
%
des
patients
tunisiens
et
75
%
des
patients
franc¸ais
(p
=
0,4)
constituent
un
second
facteur
de
risque.
La
comorbidité
L’abus
de
substances
psychoactives
Il
est
équivalent
dans
les
deux
sous-groupes
avec
un
taux
de
près
de
40
%
(p
=
0,87).
La
différence
se
situerait
plutôt
au
niveau
de
la
nature
des
substances
utilisées.
En
Tunisie,
les
patients
ont
recours,
par
ordre
de
fréquence
décroissante,
à
l’alcool,
au
cannabis
et
aux
stimulants.
En
revanche,
chez
les
patients
franc¸ais,
la
consommation
de
drogues
illicites
devance
celle
de
l’alcool
et
des
psychotropes.
La
différence
entre
les
deux
groupes
tend
vers
la
significativité
(p
=
0,06)
et
reflète
probablement
la
disponibilité
des
produits
dans
les
deux
pays.
0
2
4
6
8
10
12
DNOSAJJMAMFJ
France
Figure
3
Répartition
mensuelle
des
hospitalisations
en
France.
Comorbidité
anxieuse
Les
troubles
anxieux
constituent
la
pathologie
comorbide
la
plus
fréquente
du
trouble
bipolaire.
Et
pourtant,
nous
n’avons
observé
de
troubles
anxieux
que
chez
30
%
des
patients
franc¸ais
et
3
%
des
patients
tunisiens.
Antécédents
familiaux
Des
antécédents
familiaux
psychiatriques
sont
retrouvés
chez
36
%
des
patients,
dont
42,5
%
des
tunisiens
et
30
%
des
franc¸ais,
sans
que
la
différence
soit
significative
(p
=
0,2).
Il
s’agit
de
troubles
de
l’humeur
dans
respectivement
17,5
%
et
12,5
%
des
cas
(p
=
0,3).
En
revanche,
les
antécédents
familiaux
de
suicide
sont
nettement
plus
importants
dans
le
groupe
franc¸ais
que
tunisien
(43
%
versus
5
%),
même
si
l’on
tient
compte
du
tabou
qui
pèse
dans
les
cultures
arabo-
islamiques
sur
le
sujet.
Saison
d’hospitalisation
Nous
retrouvons
une
répartition
strictement
bimodale
dans
les
deux
pays
mais
avec
un
décalage
de
trois
mois
:
printemps-automne
en
Tunisie,
été-hiver
en
France
(Fig.
3
et
4).
Discussion
Limites
méthodologiques
La
taille
réduite
des
échantillons
en
limite
certainement
la
portée
épidémiologique.
De
même,
le
recrutement
exclusi-
0
2
4
6
8
10
12
DNOSAJJMAMFJ
Tunisie
Figure
4
Répartition
mensuelle
des
hospitalisations
en
Tuni-
sie.
198
S.
Douki
et
al.
Tableau
2
Fréquence
des
épisodes
maniaques
inauguraux
en
Tunisie.
Premier
épisode
Khalfallah,
1987
[22]
Douki,
1994—1997
Chemingui,
1995
Maniaque
67
%
65
%
59
%
vement
hospitalier
a
probablement
contribué
à
la
sélection
des
cas
les
plus
sévères.
Par
ailleurs,
la
différence
de
fonc-
tionnement
des
deux
services
peut
donner
à
penser
que
les
deux
groupes
ne
sont
pas
forcément
représentatifs
de
l’ensemble
des
patients
bipolaires
de
leurs
pays,
notamment
en
France,
le
dense
réseau
de
soins
psychiatriques
offre
tant
d’alternatives.
Enfin,
l’étude
rétrospective
des
anté-
cédents,
fût-ce
auprès
des
patients
eux-mêmes
ou
de
leur
entourage,
doit
inciter
à
la
prudence
quant
à
l’exactitude
de
certains
paramètres
comme
l’âge
de
début,
le
mode
de
début
ou
le
nombre
précis
d’épisodes
antérieurs.
Toute-
fois,
certains
résultats
sont
suffisamment
significatifs
pour
autoriser
quelques
conclusions
et
susciter
au
moins
des
interrogations.
Les
similitudes
Il
apparaît
que
les
similitudes
sont
plus
nombreuses
que
les
différences.
En
particulier,
le
trouble
bipolaire
est
une
pathologie
grave
qui
peut
engager
le
pronostic
vital
et
compromettre
l’adaptation
psychosociale.
Dans
les
deux
groupes,
une
majorité
de
sujets
est
isolée
(célibataires
ou
divorcés)
et
sans
activité
professionnelle.
L’abus
de
sub-
stances
est
la
principale
comorbidité
et
favorise
les
passages
à
l’acte
médico-légaux,
chez
les
hommes.
Ce
résultat
est
conforme
aux
données
de
la
littérature
montrant
que
le
risque
de
passage
à
l’acte
violent
est
deux
fois
plus
impor-
tant
chez
l’homme
bipolaire
par
rapport
à
la
population
générale
mais
il
n’est
plus
que
de
1,2
en
absence
d’abus
[14].
Tandis
que
la
comorbidité
anxieuse
et
le
risque
de
ten-
tative
de
suicide
menacent
surtout
les
femmes,
notamment
en
France,
à
ce
propos,
nous
pensons
que
le
chiffre
de
3
%
retrouvé
dans
l’échantillon
tunisien
est
très
probablement
sous-estimé.
En
effet,
Trad
[35],
dans
une
étude
systéma-
tique
auprès
de
83
patients
bipolaires
avait
rapporté
un
taux
de
44,6
%
comparable
à
celui
retrouvé
par
Mc
Elroy
et
al.
[27]
dans
un
échantillon
de
288
patients.
La
charge
génétique
est
importante,
mais
la
maladie
est
également
favorisée
par
des
événements
de
vie
précoces
et
son
déclen-
chement
est
étroitement
lié
à
des
facteurs
de
stress.
Dans
une
étude
sur
61
patients
bipolaires
suivis
pendant
deux
ans,
Elliot
et
al.
[16]
ont
montré
que
le
risque
de
récidive
était
multiplié
par
4,5
en
cas
de
survenue
de
facteurs
de
stress.
Bourgeois
et
Verdoux
[5]
ont
également
noté
la
présence
chez
64
%
de
patients
bipolaires
des
évènements
de
vie
dans
les
trois
mois
qui
précèdent
leur
hospitalisation.
Sur
le
plan
séméiologique,
les
caractéristiques
psychotiques
sont
aussi
fréquentes
durant
les
épisodes
morbides.
De
fait,
Bourgeois
et
Verdoux
[5],
avaient
observé
des
idées
délirantes
chez
plus
de
la
moitié
des
bipolaires
et
des
hallucinations
chez
le
quart.
Toutefois,
la
différence
réside
dans
le
caractère
non
congruent
à
l’humeur
qui
est
retrouvé
avec
une
plus
grande
fréquence
chez
les
patients
originaires
de
pays
non
occiden-
taux
et
notamment
au
cours
des
épisodes
maniaques
le
taux
des
hallucinations
peut
atteindre
44
%
[9].
Enfin,
la
récurrence
est
pratiquement
la
règle,
même
si
la
fréquence
exacte
est
difficile
à
apprécier,
et
ce
sur
un
mode
saisonnier
bimodal.
L’évolution
saisonnière
du
trouble
bipolaire
est
amplement
argumentée
[8,17]
;
on
observe
généralement
une
prédominance
d’hospitalisations
pour
épisode
maniaque
au
printemps
et
en
été,
contrastant
avec
une
prédominance
d’admissions
pour
épisodes
dépres-
sifs
en
automne
et
en
hiver.
Les
différences
En
fait,
la
différence
majeure
qui
est
mise
en
évidence
est
celle
de
la
prévalence
de
la
dépression
dans
le
groupe
franc¸ais
et
celle
de
la
manie
dans
le
groupe
tunisien,
aussi
bien
comme
forme
d’entrée
dans
la
maladie
que
comme
modalité
de
récurrence.
La
fréquence
nettement
plus
éle-
vée
des
manies
unipolaires
au
Sud
de
la
Méditerranée
en
est
l’illustration
la
plus
marquante.
Cette
observation
est
d’autant
moins
contestable
qu’elle
confirme
la
majorité
des
études
antérieures
[1,10,28,39].
L’épisode
initial
Les
études
réalisées
dans
les
pays
occidentaux
tendent
à
montrer
que
les
épisodes
dépressifs
précédent
habituel-
lement
le
premier
épisode
maniaque
[4,11,32].
Roy-Byrne
et
al.
[34]
estiment
à
60
%
les
modes
de
début
dépres-
sifs
et
Canceil
et
al.
[7],
à
66
%
sur
une
population
de
224
patients
franc¸ais.
C’est,
entre
autres,
ce
qui
explique
le
retard
au
diagnostic
de
bipolarité
qui
s’impose
souvent
en
France
devant
des
virages
iatrogènes
(13
%
versus
2
%).
À
l’inverse,
dans
les
pays
du
Sud,
les
épisodes
maniaques
semblent
être
le
mode
le
plus
fréquent
d’entrée
dans
la
maladie
(Tableau
2).
Le
mode
évolutif
Une
étude
de
la
fondation
Stanley
portant
sur
le
suivi
de
258
patients
a
montré
que
ces
sujets
étaient
déprimés
trois
fois
plus
de
temps
que
maniaques
[33].
De
même,
Judd
et
al.
[21],
après
un
suivi
hebdomadaire
de
146
patients
TBI
sur
une
moyenne
de
12,8
ans
(2
à
20
ans),
ont
rapporté
que
ces
sujets
étaient
symptomatiques
pendant
47,3
%
du
temps
;
ils
présentaient,
en
particulier,
des
symptômes
dépressifs
pendant
32
%
du
temps,
des
symptômes
maniaques
pen-
dant
seulement
9,3
%
du
temps
et
des
épisodes
mixtes
durant
6
%
du
temps.
Au
contraire,
la
manie
semble,
en
dehors
de
l’Occident,
la
modalité
prévalente
de
récur-
rence.
Hensi
[18],
Leff
et
al.
[26]
ont
également
observé
une
sur-représentation
de
sujets
originaires
de
l’Inde
dans
une
population
de
patients
bipolaires
en
Grande-Bretagne,
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