L’Encéphale (2011) 37, 1-2

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L’Encéphale (2011) 37, 1-2
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
Éditorial
H. Lôo
Centre hospitalier Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, 75014 Paris, France
Il me revient l’honneur, le privilège et le plaisir d’introduire cette réunion consacrée aux psychoses à travers les
âges. Après les schizophrénies, les troubles bipolaires,
bipolarité et psychose puis psychose et troubles de l’humeur, ce thème vient compléter, parfaire, peut-être couronner ces cycles de relais experts.
Le sujet est vaste, diversifié, aux contours imprécis.
Toutes les tranches d’âge peuvent être envisagées avec
leurs spécificités, sculptées par les données biologiques,
les conditions émotionnelles, affectives, cognitives, environnementales et sociales. On peut envisager le nourrisson,
l’enfant à ses divers stades, l’adolescence, l’adulte jeune,
la maturité, la ménopause chez la femme, l’âge mur, l’involution, le vieillissement puis la vieillesse.
Le Comité scientifique formé avec Jean Daléry, JeanPierre Olié et Pierre Thomas a souhaité privilégier l’enfant,
l’adolescent et le sujet âgé. Ce choix peut légitimement être
contesté et critiqué dans ses chapitres et leur découpage mais
la qualité des orateurs, leur savoir et leur talent pédagogique
sauront être les efficaces avocats de ce programme.
L’expression somatique prévalente des oscillations thymiques chez l’enfant ne suggère pas toujours explicitement
le trouble de l’humeur. Les anomalies du comportement,
mouvantes et les troubles des fonctions vitales, sommeil
notamment, diversement intriqués, doivent évoquer de
parti pris la détresse émotionnelle qui peut parfois être
perceptible comme telle chez l’enfant.
Chez l’adolescent la dépression peut se manifester
par une agitation ou un ralentissement. L’agitation est plus
fréquente que chez l’adulte et masque souvent le fléchissement thymique. L’agitation chez l’adolescent doit impé-
Correspondance.
Adresse e-mail : [email protected] (H. Lôo).
© L’Encéphale, Paris, 2011. Tous droits réservés.
rativement commander la recherche d’une intoxication
exogène avant d’envisager les deux causes psychiques
essentielles : l’anxiété et la dépression, deux entités si
souvent intriquées.
Avant l’éclosion de la psychose, de petits signes non
spécifiques peuvent précéder et suggérer la transition psychotique, sans négliger le rôle possible d’une intoxication
cannabique : instabilité, affect inapproprié, dépression
atypique, difficultés relationnelles. La palette sémiologique de la transition psychotique est riche, diversement
colorée et parfois fallacieuse : troubles du sommeil, du
caractère, pseudophobies sociales, isolement et peut être
plus suggestifs de la réalité pathologique : automatisme
mental et distorsions perceptives.
La prescription des psychotropes chez l’adolescent est
toujours l’objet de questions, de débats, de contradictions, d’opposition sinon de polémiques passionnelles et
idéologiques. La véritable question éthique est : quels
enjeux pour les antipsychotiques chez l’adolescent ? Si les
nouveaux composés atypiques sont pour la plupart, mais
non tous, dépourvus d’effets extrapyramidaux, chaque
molécule a néanmoins son profil d’effets secondaires qui
concerne notamment la sédation, la prise de poids et les
constituants biologiques, glycémie, lipides, prolactine et
leur incidence sur un organisme en voie de construction.
Le sujet bipolaire est souvent reconnu tardivement,
particulièrement si la maladie débute par des épisodes
dépressifs : c’est souligner implicitement le rôle essentiel
qui doit être dévolu au médecin généraliste et à l’information. Deux caractéristiques auréolent cruellement le vécu
du bipolaire : la carence de soutien et la stigmatisation.
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Les troubles de l’humeur tardifs revêtent souvent une
tournure originale. Environ un tiers des dérèglements de
l’humeur chez le sujet âgé arborerait un masque délirant :
délire plutôt interprétatif, aux thèmes prépondérants de
préjudice, de persécution, hypochondriaques mais aussi de
jalousie. Un délire à priori isolé peut recouvrir une dépression qui exige alors un traitement antidépresseur et non
antipsychotique.
Les troubles psycho-comportementaux du sujet âgé
sont, selon l’expression imagée de Thierry Gallarda, un
kaléidoscope clinique qui suggère la complexité du repérage diagnostique. Que recouvrent ces troubles ? Avec la
question cruciale : dépression, anxiété, psychose ou
démence ? Cette multitude de possibilités exige une
approche clinique fine et approfondie et la pratique de tous
les examens complémentaires qui paraissent nécessaires
pour cerner, circonscrire, authentifier au plus près le diagnostic clinique dont découlera la thérapeutique adaptée.
Le rôle de l’entourage, surtout la famille et le conjoint,
est capital et leur souffrance est permanente, imprévisible, inévitable, fluctuant au gré des épisodes. L’entourage
subit le pessimisme contagieux, la détresse meurtrière du
mélancolique quand il n’est confronté au suicide si culpabilisateur.
H. Lôo
Les épisodes d’excitation sont encore plus intolérables
par l’exacerbation incontrôlable des débordements comportementaux et émotionnels, leur imprévisibilité, leur
irréductibilité, leur incongruité provocante, façonnant une
véritable image de la folie.
Mais quelle souffrance aussi et quel rôle avoir face à
l’hyperactivité émotionnelle persistante et aux complexités relationnelles pendant les périodes dites de rémission,
toujours submergée par la permanente et invincible terreur de la rechute.
Voici les quelques axes de réflexion proposés par le
Comité Scientifique, qui peuvent être élargis pendant la
discussion qui sera réfléchie, rigoureuse, riche et toujours
empreinte de la cordialité chaleureuse qui a toujours présidé aux précédentes éditions.
Conflits d’intérêts
H. Lôo : essais cliniques : en qualité d’investigateur principal,
coordonnateur ou expérimentateur principal (Euthérapie) ;
interventions ponctuelles : activités de conseil (Euthérapie,
Pierre Fabre) ; conférences : invitations en qualité d’intervenant (Euthérapie)
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