Solidarité financière – l’expérience allemande Isabelle Bourgeois

FEDERALISME FINANCIER
15
REGARDS
SUR
LÉCONOM IE
ALLEMANDE
BULLETI N
ÉCONOMI QUE
DU
CIRAC N° 102/2011
Solidarité financière
l’expérience allemande
Isabelle Bourgeois
« Solidarité ». Voilà le premier leitmotiv de tous les débats actuels sur la crise
de la dette au sein de la zone Euro. Dans ce contexte, il est souvent reproché à
l’Allemagne de « ne pas se montrer solidaire ». De son côté, l’Allemagne ré-
cuse cette allégation en rappelant l’importance comparée de sa contribution aux
divers mécanismes d’aide européens, soulignant que, dans la situation d’ur-
gence actuelle, son effort de solidarité est « sans alternative » (A. Merkel). Mais
un nombre croissant d’opposants critiquent le soutien financier à la Grèce et les
dispositifs d’aide d’urgence dans la zone Euro car ils redoutent que leur quasi-
automatisme de fait ne transforme l’UE et la zone Euro en une « union de trans-
ferts » (Transferunion). C’est le deuxième leitmotiv de la controverse, articu-
lant la crainte de voir se constituer dans la praxis un précédent à l’avenir du-
rable, mais sans règles clairement définies concernant ses objectifs, son mode
de fonctionnement et les responsabilités respectives dans une Union écono-
mique et monétaire restée pour l’heure inachevée. Ces interrogations sous-
jacentes au débat sur l’avenir de l’UE et de la zone Euro, tout comme la crainte
des risques pour la soutenabilité des finances publiques, sont communes aux
Etats membres et amplement discutées.
Or la controverse Solidarité versus Transferunion renvoie aussi, en filigrane, à
un bat interne à l’Allemagne qui nourrit certaines dissensions observées à
propos de la meilleure réponse à apporter au niveau de la zone Euro (ou de
l’UE). Nombre d’experts et politiques redoutent de voir se reproduire à l’échelle
de l’Union des effets pervers comparables à ceux qui s’observent aujourd’hui,
et depuis un certain temps déjà, dans le fonctionnement du fédéralisme finan-
cier (et budgétaire) allemand. Car ce système de péréquation et de transferts,
fondé sur le principe de solidarité (et celui de cohésion), a subi au fil des décen-
nies des dérives qui brident aujourd’hui la compétitivité globale de l’Allemagne
comme des 16 Länder qui la composent. Certes, au cours des dix dernières an-
nées, ce ‘modèle’ a connu divers ajustements, dont le dernier en date est l’intro-
duction dans la Loi fondamentale d’une ‘règle d’or (Schuldenbremse). Une
réforme de fond n’est prévue qu’à l’horizon 2019/20. Or l’actualité européenne
rappelle combien il est urgent de moderniser aussi la Constitution financière
allemande. Et inversement, l’expérience allemande éclaire les exigences de
rigueur qui doivent présider à toute solidarité financière européenne…
RFA : un fédéralisme coopératif et solidaire…
Quelques chiffres (année 2010) montrent l’importance des transferts financiers
internes à la République fédérale entre les ‘Etats membres’ que sont les n-
der, entre ceux-ci et la Fédération. Au niveau horizontal, les Länder redistri-
buent entre eux près de 7 milliards €. Au niveau vertical, le Bund verse en outre
aux bénéficiaires de ces transferts 2,6 milliards € de dotations destinées à
couvrir leurs besoins financiers généraux ou à soutenir certains Länder lourde-
ment endettés. S’ajoutent à cela les aides versées aux nouveaux Länder au
titre du Pacte de solidariII (Solidarpakt II) : 8,74 milliards €. Si, bien qu’ils se
distinguent par leur nature et leur justification, on voulait additionner ces trois
seuls types de transferts, on s’apercevrait que plus de 18 milliards € sont redis-
tribués en interne entre les diverses collectivités territoriales en 2010. Alors
IsabelleBourgeois,
chargée de recherche
au CIRAC,
Rédactrice en chef de
Regards sur l’économie
allemande
FEDERALISME FINANCIER
16
N° 102/2011 REGARD S
SUR
LÉCONOM IE
ALL EMANDE
BULLETI N
ÉCONOMI QUE
DU
CI RAC
qu’au plan économique prévaut le principe de concurrence entre les 16 Länder
et leurs économies, au plan financier prévaut celui de solidarité. Considérée
sous cet angle, l’Allemagne est bel et bien aujourd’hui une « union de trans-
ferts ».
Ses finances publiques sont organisées selon un schéma fixé par la Loi fonda-
mentale (LF) : la « Constitution financière » (Finanzverfassung ; articles 104a à
115 LF). Elle régit la répartition des moyens nécessaires au Bund et aux 16
Länder constitutifs de la République fédérale d’Allemagne (les communes ont
un régime particulier que nous n’aborderons pas ici) pour assumer les tâches et
missions qui leur reviennent dans le partage des compétences prévu par le fé-
déralisme politique : « La Fédération et les nder supportent chacun pour leur
part les dépenses résultant de l’accomplissement de leurs tâches respectives »
(art. 104a, § 1 LF). Chacun des 16 Länder et le Bund sont donc autonomes et
indépendants au plan budgétaire ; il y a 17 budgets en Allemagne.
Or les moyens (capacité financière) à la disposition de chacun des Länder va-
rient du fait de leur taille (nombre d’habitants) et de leur performance (ou struc-
ture) économique. Mais l’Allemagne est un ensemble solidaire. De même que
l’articulation co-décisionnelle des institutions politiques (entre Bundestag et
Bundesrat par exemple) vise à sceller l’unité politique de la République fédé-
rale, le partage et la (re)distribution des ressources fiscales visent à assurer la
cohésion de cet ensemble en garantissant un certain degré de convergence
des capacités financières (budgétaires) des ‘Etats-membres’ de la RFA que
sont les Länder. Et tout comme le fédéralisme politique garantit leur souveraine-
té dans les domaines relevant de leur compétence mais les lie par l’obligation
de respecter un comportement visant à préserver l’unité fédérale (bundes-
freundliches Verhalten) –, le fédéralisme financier respecte l’autonomie des
Länder en matière budgétaire (dépenses) tout en garantissant leur participation
aux ressources communes. Ce qui distingue le fédéralisme allemand du mo-
dèle américain (ou européen), c’est qu’il est coopératif, et non pas concur-
rentiel.
L’unité étatique repose ainsi sur une répartition des pouvoirs qui confère aux
Länder l’essentiel du pouvoir administratif (l’administration fédérale se limite aux
affaires étrangères, à l’armée et aux douanes), c’est-à-dire le pouvoir de donner
corps sur leur territoire à la législation fédérale, avec ce que cela implique en
matière financière : en tout premier lieu la rémunération des personnels publics
(salariés et fonctionnaires) qu’ils emploient sur leur territoire et dont la gestion
leur incombe. « Les Länder exécutent les lois dérales à titre de compétence
propre » (art. 83 LF). Mais bien que la Constitution n’accorde au Bund qu’un
catalogue restreint de « compétences législatives exclusives » (art. 73 LF), en
matière économique et fiscale notamment, le Bund est devenu au fil du temps
le législateur prédominant dans le cadre du vaste domaine de la « konkur-
rierende Gesetzgebung » (législation concurrente ; voir Bourgeois, 2007b).
La Constitution prévoit en effet un certain nombre de compétences gislatives
« concurrentes » conférant aux Länder « le pouvoir de légiférer aussi longtemps
et pour autant que la Fédération n’a pas fait par une loi usage de sa
compétence législative » (art. 72, § 1 LF). Ce pouvoir des Länder souffre une
exception : « la Fédération a le droit de giférer lorsque et pour autant que la
réalisation de conditions de vie équivalentes sur le territoire fédéral ou la sauve-
garde de l’unité juridique ou économique dans l’intérêt de l’ensemble de l’Etat
rendent nécessaire une réglementation législative fédérale » (art. 72, § 2 LF).
A ce partage de compétences pas toujours très clairement défini s’ajoutent des
« tâches communes » (Gemeinschaftsaufgaben) liant Bund et Länder. Ainsi,
« la Fédération concourt à l’accomplissement des tâches des Länder dans les
secteurs suivants, si ces tâches sont importantes pour l’ensemble et si ce con-
cours de la Fédération est nécessaire à l’amélioration des conditions de vie »
(art. 91a, § 1 LF). Ces secteurs sont aujourd’hui au nombre de deux : « amé-
Partage des tâches
et des dépenses…
… au sein d’un
ensemble solidaire
Länder
:
pouvoir administratif
Quelques compétences
concurrentes
Des tâches commun
es
FEDERALISME FINANCIER
17
REGARDS
SUR
LÉCONOM IE
ALL EMANDE
BULLETI N
ÉCONOMI QUE
DU
CI RAC N° 102/2011
lioration de la structure économique régionale » et « amélioration des structures
agricoles et de la protection des côtes ». Le Bund supporte dans le premier cas
la moitié des dépenses afférentes dans chaque Land, et au moins la moitié
dans le second.
Au total, cette partition fonctionnelle et sectorielle des pouvoirs et compé-
tences, bien que soucieuse à l’origine de l’autonomie de chacune des parties,
n’en aboutit pas moins aujourd’hui à une multitude de liens étroits d’interdé-
pendance et à une centralisation rampante des pouvoirs à l’échelon fédéral.
Pourtant, le début de l’art. 30 de la Loi fondamentale semble clair : « L’exercice
des pouvoirs étatiques et l’accomplissement des missions de l’Etat relèvent des
Länder », mais la phrase se termine ainsi : « à moins que la présente Loi fonda-
mentale n’en dispose autrement ou n’admette un autre règlement ». Or, au fil
des révisions de la Constitution, ce principe s’est quelque peu dilué, accordant
une place de plus en plus large au pouvoir fédéral, la primauté du droit fédéral
(art. 31 LF) gagnant de facto en importance notamment via le jeu des compé-
tences gislatives concurrentes et, plus encore, de ces « tâches communes »
vouées à la cohésion territoriale et justifiés par la solidarité intra- et inter-
étatique. Ces glissements successifs ont des implications non négligeables sur
les finances publiques des entités respectives. Ils sont à l’origine du développe-
ment d’un véritable ‘maquis’ de « financements mixtes » (Mischfinanzierung)
qui s’attire de vives critiques car il est démocratiquement peu transparent, peu
congruant en droit constitutionnel et contreproductif au plan économique.
… qui a besoin d’être modernisé
Le néfice financier et/ou économique escompté des mécanismes de solida-
rité budgétaire liés à cette répartition des pouvoirs étatiques s’est révélé somme
toute réduit au fil du temps, et leur bien fondé est de ce fait régulièrement remis
en question. Mais jamais il faut le souligner –, les discussions ne prennent
pour objet les principes constitutionnels mêmes qui fondent le fédéralisme fi-
nancier coopératif. La partition des moyens budgétaires entre les différentes
collectivités est impérative : elle a pour but de permettre à celles-ci de répondre
aux missions qui leur reviennent dans le jeu collectif, et de le faire malgré les
grandes disparités qui existent entre les Länder. Le fédéralisme financier alle-
mand est le mode de fonctionnement budgétaire organisant l’articulation et
l’équilibre entre le principe de subsidiarité (autonomie de chaque entité) et celui
de solidarité collective, c’est-à-dire à la fois horizontale (liant les Länder entre
eux) et verticale (liant le Bund envers les Länder et ceux-ci envers le Bund). La
République fédérale d’Allemagne est une « communauté solidaire » (Tribunal
constitutionnel fédéral, 2 BvF, 2/98). Les règles de la « Constitution financière »
visent à assurer un certain degré de convergence au sein de la RFA. En ce
sens aussi, le fédéralisme allemand est coopératif.
/
Les critiques formulées à intervalles réguliers outre-Rhin visent donc toujours
les modalités concrètes de la mise en œuvre de ces grands principes d’organi-
sation et les dérives apparues au fil du temps dans l’appréciation de la notion
de solidarité. Et quand certaines voix, comme celles des riches Länder du Sud,
ou également celles de nombreux experts, s’élèvent pour revendiquer un fédé-
ralisme financier plus « concurrentiel », elles ne revendiquent pas un nouveau
modèle, mais simplement une révision des règles d’organisation actuelles afin
de réduire leurs effets pervers et donc de rendre à terme le fédéralisme
allemand plus efficient et plus congruent en termes de droit constitutionnel.
Car presque toujours, les révisions apportées à ce modèle de fédéralisme fi-
nancier, institué en 1969 sous la première Grande coalition dans la foulée de
l’adoption de la Loi pour la promotion de la stabilité et de la croissance (1967)
qui instaurait un « pilotage global » de l’économie et reste la loi de référence
pour la politique économique et sociale allemande, quel que soit le gouverne-
ment (voir REA 73/2005), répondent à l’injonction du Tribunal constitutionnel fé-
Mais centralisation rampante
Vives critiques
du fédéralisme financier
– non pas sur le principe,…
… mais sur les dérives observées
dans sa mise en œuvre
M
anque de
transparence démocratique et
de congruité constitutionnelle
FEDERALISME FINANCIER
18
N° 102/2011 REGARD S
SUR
LÉCONOM IE
ALL EMANDE
BULLETI N
ÉCONOMI QUE
DU
CI RAC
déral. Celui-ci exige régulièrement une plus grande transparence démocratique
(par exemple une définition plus précise des critères selon lesquels s’effectuent
les transferts) et un équilibre plus approprié entre autonomie et solidarité. Un
argument de son arrêt de novembre 1999 à propos du Länderfinanzausgleich
peut être considéré comme le fil conducteur de tous ses jugements, quel que
soit l’aspect particulier considéré (y compris l’intégration de l’Allemagne dans
l’UE ; voir dans ce numéro l’analyse de l’arrêt du 07-09-2011 sur les aides à la
Grèce). Il convient de « trouver le juste milieu entre d’un côté l’indépendance, la
responsabilité et la préservation de l’individualité des Länder et, de l’autre, leur
co-responsabilité, dans un collectif solidaire, pour l’existence et l’autonomie de
leurs partenaires dans la fédération » (2 BvF 2/98, al. 291).
Bien que cette quête du « juste milieu » soit le grand principe fondateur du fé-
déralisme coopératif allemand, il a perdu quelque peu de sa consistance dans
la praxis. La raison tient essentiellement au fait que cette union fiscale et bud-
gétaire qu’est l’Allemagne est incomplète en ce sens qu’elle porte exclusive-
ment sur les dépenses liées aux missions et le partage requis de l’encours
fiscal, sans tenir compte de la totalité des recettes nécessaires (ou présumées
nécessaires) aux besoins liés à l’indépendance budgétaire et à l’autonomie des
politiques régionales. Bund et Länder sont totalement indépendants et auto-
nomes en matière de recours au déficit et à l’endettement ; aucune gle ne
régit les responsabilités respectives en la matière. Cette lacune a été partielle-
ment comblée par les deux dernières réformes du fédéralisme : l’adoption d’un
Pacte de stabilité interne en 2006 qui met à contribution les Länder (35 %) pour
le versement des amendes prévues en cas de dépassement du seuil des 3 %
de déficit ; et celle de la ‘règle d’or’ introduite dans la Loi fondamentale en 2010,
qui leur interdit tout recours au déficit à partir de 2020 (et limite le déficit struc-
turel du Bund à 0,35 % du PIB dès 2016). Mais ces réformes elles aussi ne
considèrent que le poste dépenses’ du budget des Länder ; elles ne tiennent
pas compte de l’ensemble des facteurs entrant en jeu dans l’équilibre budgé-
taire d’un Land, soulevant la délicate question d’une plus grande autonomie en
matière de politique économique, et donc de politique fiscale.
Se pose de même la question de la responsabilité budgétaire ‘individuelle’ et
collective de chaque Land. Car les mécanismes de solidarité inter- et intra-
étatique ont aussi un effet largement déresponsabilisant. Deux points surtout se
sont révélés problématiques : la dérive observée dans la pratique des « tâches
communes » et dans le recours aux dotations compensatoires versées par le
Bund. L’objectif de « l’amélioration de la structure économique régionale », qui
était à l’origine un soutien temporaire du Bund à la reconversion de quelques
régions en restructuration, s’est perverti en une contribution généralisée. Or
celle-ci nourrit chez les bénéficiaires une logique d’assistance, entraîne une
hausse des dépenses du fait de la mutualisation des coûts, entretient un certain
immobilisme, et se révèle de fait peu incitatif à l’amélioration de la compétitivité
territoriale. Aujourd’hui, les pouvoirs publics « se servent volontiers de la
politique structurelle pour en faire une mesure de politique redistributive au bé-
néfice de Länder ou régions à capacité financière réduite. L’intervention de
l’Etat a alors souvent pour conséquence de freiner ou d’orienter sur une mau-
vaise voie les indispensables mutations structurelles » (Kitterer, 2007).
Quant au mécanisme des dotations compensatoires versées par le Bund (Bun-
desergänzungszuweisungen), sa pratique a été pervertie au point que le Con-
seil scientifique auprès du ministère fédéral de l’Economie explique : « Un
risque moral n’est pas à exclure étant donné l’existence du ‘principe confédéral
qui fait que l’Etat fédéral, donc dans les faits le Bund, peut être amené à
boucher les trous budgétaires des Länder endettés » (Wissenschaftlicher Beirat
beim BMWA, 2005 ; p. 8). Pour sa part, le Tribunal constitutionnel fédéral con-
sidère que la praxis entre aujourd’hui ouvertement en conflit « avec le principe
selon lequel l’autonomie politique des Länder implique que ceux-ci en gèrent,
de manière autonome et responsable, les conséquences budgétaires » (2 BvF
Une définition réductrice de
ce qu’est le budget d’un Land
Les tâches communes
freinent les réformes structurelle
Les aides du Bund devraient
obéir au principe de l’ultima ratio
FEDERALISME FINANCIER
19
REGARDS
SUR
LÉCONOM IE
ALL EMANDE
BULLETI N
ÉCONOMI QUE
DU
CI RAC N° 102/2011
3/03). La Cour avait été amenée à statuer à plusieurs reprises sur ce devoir fait
au Bund de venir en aide aux Länder « en situation de crise budgétaire ex-
trême » (extreme Haushaltsnotlage). Le dernier arrêt, en date du 19-10-2006 (2
BvF 3/03), déboutait le Land de Berlin qui revendiquait le soutien du Bund (voir
Bourgeois, 2006). Les juges y avaient rappelé que, bien qu’il existe des précé-
dents (Brême et la Sarre bénéficient d’une telle aide), ce devoir de soutien du
Bund comme le droit à soutien d’un Land en difficulté sont « des corps étran-
gers au sein de la péréquation financière en vigueur » et que le versement de
« dotations compensatoires dans l’objectif d’assainir le budget d’un Land en
difficulté est soumis au strict respect du principe de l’ultima ratio ». En effet, un
tel soutien « est conditionau fait que ce Land a épuisé toutes les possibilités
dont il dispose pour remédier à sa situation, de sorte que l’aide du Bund se pré-
sente comme la seule issue possible ».
Les 4 étages du fédéralisme financier
Les deux réformes entrées en vigueur en 2006 (fédéralisme politique) et 2010
(fédéralisme financier) ont aussi mieux clarifié la partition des compétences,
réduisant notablement le périmètre des compétences partagées et des respon-
sabilités budgétaires afférentes. Elles ont également mis en conformité la Cons-
titution financière allemande avec le Traité de Maastricht et le Pacte de stabilité
et de croissance. Le « frein à la dette » (Schuldenbremse) ou ‘règle d’or’ rétablit
quelque peu l’équilibre entre l’autonomie en matière de dépenses (autonomie
budgétaire) et la responsabilité collective qu’engage cette liberté (vis-à-vis de
l’ensemble de la RFA comme vis-à-vis de la zone Euro et de l’UE). A également
été institué un Conseil de la stabilité (Stabilitätsrat) chard’évaluer la politique
budgétaire des Länder, de les conseiller dans leurs efforts de consolidation et
d’éviter les crises budgétaires (www.stabilitaetsrat.de).
Mais ces ajustements n’ont pas modifié substantiellement l’architecture né-
rale du fédéralisme financier, éludant des points essentiels, faute de consen-
sus. La réforme de fond, qui portera sur le cœur à savoir la péréquation hori-
zontale entre les Länder (Länderfinanzausgleich), a ainsi été repoussée à
2019, c’est-à-dire à l’année d’expiration du Pacte de Solidarité II pour les nou-
veaux Länder. Les législateurs et les chefs de gouvernement s’étaient conten-
tés, suite à l’injonction du Tribunal constitutionnel fédéral (arrêt de 1999),
d’adopter en 2001 une Loi sur les critères (Maßstäbegesetz) codifiant mieux les
règles de distribution des recettes fiscales, mais sans les clarifier réellement.
Concrètement, le fédéralisme financier se présente donc toujours aujourd’hui
comme un système de partage des ressources à quatre étages.
L’art. 109, § 1 de la Loi fondamentale (LF) stipule : « La Fédération et les Län-
der sont autonomes et indépendants les uns des autres dans leur gestion bud-
gétaire ». Rappelons que le Bund maîtrise moins de la moitié du budget global
allemand. Chaque Land dispose de son propre budget, qu’il gère en pleine au-
tonomie. Mais s’il est souverain en matière de dépenses, il n’a guère d’autono-
mie pour prélever des impôts. La liste des impôts relevant des prérogatives
respectivement du Bund et des nder (inscrite à l’art. 106 LF) ne prévoit en
effet pour eux que peu d’impôts leur revenant en propre (pour l’essentiel impôt
sur les successions ou sur le patrimoine). Une grande partie revient au Bund,
ou alors relève de la catégorie des « impôts communs » (Gemeinschafts-
steuern) que sont la TVA, ainsi que l’impôt sur le revenu et sur les sociétés.
Le budget d’un Land se nourrit donc principalement de la quote-part qui lui
revient dans la répartition de ces ressources fiscales collectives que sont les
impôts communs (environ 70 % des recettes fiscales totales), à quoi s’ajoutent
quelques impôts perçus en propre. Dans un premier temps, le produit des
impôts communs est réparti verticalement entre Bund, Länder et communes. La
finalité de cette répartition verticale est de garantir à chacune des collectivités
« le droit à la capacité à couvrir les dépenses nécessaires, et non pas à couvrir
4 niveaux de répartition
des impôts communs
1
er
étage
: répartition
verticale
de l’IR, de l’IS et de la TVA
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans l'interface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer l'interface utilisateur de StudyLib ? N'hésitez pas à envoyer vos suggestions. C'est très important pour nous!