20 ans d`unité allemande – succès d`un processus non achevé

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20 ans d’unité allemande – succès d’un processus non achevé
Date 01.10.2010
En entrant dans le Palais du Prince Héritier à Berlin-Est le 31 août 1990 vers 12 heures 30 pour y signer le traité
d’unification, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que ma dernière visite dans ce bâtiment remontait à deux ans
auparavant, lors d’une rencontre avec le ministre des Affaires étrangères est-allemand de l’époque, Oskar Fischer.
J’avais convenu avec lui que la RDA et la République fédérale entameraient des négociations visant à réduire la
pollution de l’Elbe, mais nous n’avions pas pu trouver d’entente sur la question litigieuse de la frontière de l’Elbe qui
opposait nos deux pays depuis des décennies. Et voilà que deux ans plus tard exactement, j’entrais dans ce bâtiment en
ayant en poche le traité d’unification déjà négocié et prêt à être signé. La question de la frontière était désormais
obsolète. A ce moment précis, tout comme pendant les mois qui ont précédé, j’ai eu conscience du fait que nous avions
la chance d’assister à l’événement le plus heureux de l’histoire allemande : l’unification des Allemands dans la paix et la
liberté.
Tout cela remonte maintenant à plus de 20 ans, mais il est essentiel de célébrer ces événements historiques. Le regard
sur le passé nous permet de nous replacer dans notre propre présent, de trouver des repères, de nous arrêter un moment
et de prendre nos distances par rapport au quotidien, autant de conditions indispensables à une construction avisée et
solide de l’avenir - aussi bien en ce qui concerne l’unité allemande que l’intégration européenne. L’une et l’autre ne
seront jamais achevées, ce sont des processus en perpétuelle évolution.
Ce furent des négociations difficiles et complexes que le gouvernement fédéral et moi-même, en tant que membre de
celui-ci, avons dû mener dans le but de parvenir à l’unité. Il n’existait aucun document stratégique, aucune recette sur la
manière d’atteindre ce but. Nous avons sûrement fait des erreurs, il n’y a aucun doute à ce sujet. Cependant, l’honnêteté
intellectuelle nous impose d’évaluer les décisions en nous remplaçant dans le contexte de l’époque. Nous avons atteint
ce grand objectif et nous pouvons en être fiers.
Une des particularités de l’époque résidait dans le fait que les événements de l’actualité étaient au moins autant le fruit
des décisions politiques que leur moteur. L’évolution de l’Union soviétique semblait suggérer que le créneau du
calendrier qui permettrait de réaliser l’unification dans la paix serait de courte durée. Peut-être aurions-nous raté
l’occasion de l’unité si nous avions alors hésité. En même temps, le flot d’Allemands de l’Est passant à l’Ouest ne
diminuait pas. Nous savions que de plus en plus d’hommes décideraient « avec leurs pieds » si nous ne leur offrions pas
la possibilité de vivre dans une Allemagne unifiée et de mener une existence dans la paix, la liberté et la prospérité.
En ce qui concerne le développement de l’économie est-allemande après la réunification et la reconstruction de l’Est, la
question a souvent été de savoir si l’on n’aurait pas pu réaliser lentement et progressivement au moins le processus
d’alignement économique. Pour être franc, je n’ai jamais pensé que cela représentait une alternative réaliste. Après plus
de 40 ans d’économie centrale planifiée, l’économie est-allemande était, à l’automne 1990, dans un état désastreux.
Elle était marquée par des failles structurelles et par l’absence d’une classe moyenne performante. Un stock de capitaux
fortement vieillissant, l’insuffisance de produits compétitifs au niveau international et un fort chômage caché étaient les
principales causes d’une productivité économique globalement faible. Et, pour finir, une infrastructure désastreuse,
laissée à l’abandon depuis des années, ainsi que des dégâts environnementaux considérables pesaient fortement sur le
développement économique. Face à cette situation de départ et à la rupture soudaine des débouchés dans les autres Etats
membres du Conseil d’assistance économique mutuelle, le choc de la modernisation était inévitable.
Bien sûr, l’insatisfaction initiale manifestée par certains au sujet de la reconstruction de l’Est provenait également du
fait que les problèmes des deux Etats et des deux économies avaient été sous-estimés au début du processus. Le bilan de
la Treuhand, l’agence chargée de la privatisation des biens de la République démocratique allemande, montre
clairement, à lui-seul, à quel point l’idée que l’on se faisait en 1990 dans la politique et dans le public de l’état de
l’économie est-allemande était irréaliste. En octobre 1990, on s’attendait encore à ce que les bénéfices de la
privatisation réalisée par la Treuhand atteignent environ 600 milliards de marks, alors que celle-ci enregistrait en fait un
déficit de 230 milliards de marks à la fin du processus.
C’est en prenant conscience d’une situation économique initiale particulièrement désastreuse que l’on met clairement en
évidence ce qui a déjà été réalisé au cours des deux dernières décennies. Avec le soutien actif de l’Etat fédéral, des
länder et de l’Union européenne et grâce à la solidarité financière de tous les Allemands et à la politique de privatisation
systématique de la Treuhand, nous avons réussi, au cours des deux dernières décennies, à réaliser une transformation
remarquable et à passer à un système économique de marché moderne et performant.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : de 1991 à 2009, le produit intérieur brut par habitant dans les länder de l’Est est
passé de 43 à 73 pourcent de celui de son équivalent dans les länder de l’Ouest. Le nombre de chômeurs en Allemagne
de l’Est a baissé d’environ un demi-million entre 2005 et 2009. Il diminue par ailleurs plus fortement dans les nouveaux
länder que dans les anciens.
Parallèlement, le taux d’emploi a augmenté, passant à 68 pour cent en 2008 ; il dépasse désormais le niveau moyen de
l’Union européenne. Différents autres indicateurs, comme l’augmentation de la productivité et celle du taux du secteur
manufacturier dans la valeur ajoutée brute de l’économie, reflètent eux aussi le processus de convergence. Il y a
maintenant presque autant de créations d’entreprises pour 1 000 habitants dans les nouveaux et dans les anciens länder.
La rapidité de l’intégration des concitoyennes et concitoyens est-allemands dans les systèmes de protection sociale de la
République fédérale, qui a permis de reconnaître les années de travail des citoyens de la RDA, a elle aussi apporté une
contribution importante à l’unité intérieure. Grâce au transfert du droit à la retraite, la retraite de référence mensuelle
d’un travailleur touchant un salaire moyen et ayant cotisé pendant 45 ans se monte désormais à 88,7 pour cent, alors
qu’elle atteignait 40,3 pour cent du niveau de l’ouest le 1er juillet 1990.
Tout cela montre que nous avons, en 20 ans de réunification, bien plus progressé que beaucoup ne l’avaient escompté au
milieu des années 90. Comme le remarquait Marianne Birthler l’an dernier dans le cadre d’un débat public à la
Paulskirche de Francfort/Main, nombreux, parmi les contrastes que l’on peut constater, sont ceux qui ne sont plus des
contrastes Est-Ouest. Le Mur dans les têtes ne sépare donc plus l’Est de l’Ouest, mais les hommes qui apprécient la
liberté de ceux qui la craignent.
Il existe un autre effet que l’on a souvent tendance à oublier dans l’analyse de l’état de l’unité allemande : nous vivons à
une époque de changements toujours plus rapides et plus complexes – des changements craints par beaucoup de nos
concitoyens et pour lesquels on trouve volontiers un coupable ou une explication aussi monocausale que possible. C’est
alors trop souvent la réunification qui est mise en cause, alors que ces changements n’ont rien à voir avec l’Allemagne
de l’Ouest et l’Allemagne de l’Est, mais avec les progrès fulgurants de l’économie et de la technique qui, dans le cadre
de la globalisation, modifient notre société.
L’objectif du gouvernement fédéral reste d’établir des conditions de vie identiques dans l’ensemble de l’Allemagne.
Grâce au pacte de solidarité en vigueur jusqu’en 2019, nous disposons des moyens financiers qui nous permettront de
faire face aux défis structurels qui restent à maîtriser. La volonté de la société allemande de fournir d’immenses efforts –
qui auront alors duré 30 ans – pour établir un niveau de vie équivalent des deux côtés montre à quel point les citoyens
de notre pays veulent effacer les plaies laissées par 40 ans de séparation et de dictature. Cette volonté est essentielle. La
cohésion sociale intérieure, la conscience d’un destin commun sont au moins aussi importantes pour la fusion de
l’Allemagne que le rapprochement des niveaux de vie économique et sociale. Ce sont tous deux des processus qui ne
sont pas encore achevés, qui ne le seront peut-être jamais, mais qui ont largement progressé en vingt ans.
Article du ministre fédéral des Finances Wolfgang Schäuble paru dans le Handelsblatt du 01.10.2010
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