L’Allemagne constitue désormais un seul Etat, doté s’une
seule Constitution, de la même organisation fédérale, de la
même représentation internationale ; elle est membre de la
même alliance militaire ( l’OTAN). Mais si la partie
orientale a adopté le modèle de l’ancienne République
fédérale, les nouveaux Länder peinent encore à intégrer
pleinement la culture politique d’une démocratie
parlementaire et d’un Etat fédéral.
Deux générations ont vécu sous un régime communiste
extrêmement répressif qui ne bénéficiait certes pas d’un fort
soutien populaire. La chute du Mur et du régime a été
accueillie dans la joie et l’adhésion à la RFA a été
globalement acceptée. Pourtant, quarante cinq ans de
dictature ont forgé des mentalités, des réflexes, des
attitudes. Les anciens « Ossis » se sentent incompris,
méprisés par les « Wessis ». Si le mur et les barbelés ont
disparu du paysage, ils n’ont pas encore été chassés des
esprits. Ainsi, l’ancien parti unique, rebaptisé Parti du
Socialisme Démocratique (PDS) jouit paradoxalement
d’une assez forte popularité, non parce les habitants des
Länder de l’Est voudrait retrouver l’ancien régime, mais
parce qu’ils considèrent ce parti comme un moyen qui leur
permet d’exprimer leur différence et leur aspiration à la
dignité. Plus généralement, on remarque des tendances de
repli sur soi et des réflexes identitaires qui s’articulent à
travers des votes protestataires et des mouvements
extrémistes.
Ces phénomènes s’expliquent peut-être en partie par le
complexe de culpabilité qui marque la société allemande.
La dictature cherchait à corrompre les esprits en faisant de
toute personne un collaborateur potentiel. Sous la menace
permanente de la dénonciation, il est difficile de se tenir
entièrement à l’écart. Les Allemands des nouveaux Länders
sont partagés entre le désir de retrouver leur innocence et
celui de faire toute la lumière sur la période communiste.
Encore bien des années seront sans doute nécessaire avant
que ne disparaissent les différences de perception par
rapport aux plaies du passé.
Les conséquences de décennies de séparation se retrouvent
dans tous les domaines. Alors que les Allemands de la RFA
ont fait l’apprentissage d’une « économie sociale du
marché », les Allemands de la RDA ont été contraints à se
plier aux rigidités d’une économie planifiée. Or,
l’unification impose le modèle de l’économie occidentale,
exige, plus qu’une discipline formelle, l’esprit d’initiative et
le sens de la responsabilité personnelle. L’introduction de
ce système dans l’ancien environnement exige des
adaptations et produit des inégalités.
Dans le domaine industriel comme dans le domaine
agricole, des pans entiers sont soumis à une reconversion
totale. Les anciennes entreprises étatiques ont été
privatisées et revendues, souvent démantelées. Il faut
accompagner ces mesures, déjà très coûteuses d’un système
d’aides, complexe et parfois peu transparent. Certaines
entreprises se sont rapidement soumises aux nouvelles
exigences et donnent des résultats satisfaisants, mais la
plupart sont encore sur le chemin de l’apprentissage forcé.
Afin de regagner une certaine productivité, elles ont eu