MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE. Prof. Moustapha Kassé

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MÉTHODOLOGIE DE LA
RECHERCHE.
Prof. Moustapha Kassé
Membre des Académies des Sciences et Technique
www.mkasse.com
www.mkasse.net
[email protected]
Année académique 2010/2011
PLAN DU COURS
Introduction:
Généralités sur la méthodologie et son
importance dans la production scientifique et l’analyse. Peut-on
l’enseigner?
Chapitre 1
: Existe-t-il une méthode propre à la science
économique ?
Chapitre 2 : Le conflit des méthodes en sciences économiques et
ses conséquences
Chapitre 3
: Le processus de formation de la connaissance en
sciences: la production des normes en sciences économiques.
Chapitre 4
: Les techniques d’élaboration d’une recherche
académique.
Chapitre 5 : La question de la recherche économique en Afrique
INTRODUCTION
Les questions de méthode prennent une très grande consistance dans
l’analyse économique contemporaine. Il est observé, un retour de
débats et de controverses autour de la méthodologie dans la science
économique et cela en relation avec la crise de cette discipline.
Certains auteurs vont jusqu’à imputer cette crise à celle de la
méthodologie. Le problème est devenu tellement important que
désormais les auteurs et les divers chercheurs croient devoir
commencer leurs réflexions ou recherches par délimiter avec clarté
et précision le champ méthodologique comme si celui-ci doit
conditionner à la fois la qualité des démarches et la pertinence des
résultats. Alors qu’est ce que la méthodologie?
 La méthode scientifique est acceptée comme étant l'ensemble des
procédés raisonnés pour atteindre un but pouvant être la conduite
d’un raisonnement selon des règles de rectitude logique, de résoudre
un problème de mathématique, de mener une expérimentation pour
tester une hypothèse scientifique.
Schéma
THEORIE
Spéculatio
Observation
DEDUCTION
NDUCTION
I
METHODESM
Production
Traitement des
données
n
Hypothéticodéductive
Hypothèses
et
Modélisatio
n
Validation / Justification
 MINGA et al (1978, p.142) définissent la méthodologie
économique comme l’est l’étude des principes qui guident les
économistes dans le choix du statut qu’ils attribuent aux
propositions produites par leurs analyses(ou plus vaguement
encore, du sort qu’ils leur réservent).
 Pour d’autres auteurs, par méthodologie, il faut entendre
généralement une réflexion et une analyse des grandes
controverses qui ont fait avancer les théories scientifiques,
notamment économiques alors que l’épistémologie s’attarderait
particulièrement sur les conclusions auxquelles ces théories ont
permis d’aboutir.
 Toutes ces controverses font dire à Marc BLAUG, que la
méthodologie ne fournit aucune algorithme mécanique
permettant de construire ou de valider une théorie. Elle est alors
plus proche d'un art que d'une science. Dès lors, BLAUG estime
que les théories économiques doivent à un moment ou à un autre
se conformer à la réalité qui est l'arbitre finale de la vérité.
 En définitive, la méthodologie n'est pas seulement un mot
savant pour désigner méthode de recherche, mais une
étude de la relation entre les concepts théoriques et les
conclusions qui s'appliquent au monde réel. Elle devient
alors une branche de 1'économie où on examine la façon
dont les économistes justifient leurs théories et les raisons
qu'ils évoquent pour préférer une théorie à une autre.
 Trois interrogations vont alors se poser concernant la
méthode, son champ d’application et sa capacité à être
apprise, donc à être enseignée. D’abord, existe-t-il en
économie une méthode ? Ensuite, cette méthode (ou ces
méthodes selon la réponse fournie à la question
précédente) est-elle (sont-elles) spécifique (s) à la science
économique et dans ce cas, comment définir cette
science ? Enfin, comment acquérir, conserver, développer
et améliorer cette méthode ?
Propos d’étape et synthèse
La méthodologie en sciences économiques recouvre une série d’objectifs
différents qui lui confèrent son caractère pluriel :
 Elle est, d’abord, instrument d’examen du réel.
 Elle est, aussi, compréhension et prise de recul par rapport aux
productions des économistes.
 Elle est de plus, instrument fondamental de présentation de ses propres
travaux et réflexions et ce, quel qu’en soit le niveau.
 Elle est enfin instrument de communication dans la mesure où elle permet
le débat, la discussion et surtout l’utilisation des travaux des « autres »
qu’ils soient auteurs anciens et « classiques » (au sens d’être étudiés en
« classe ») ou auteurs contemporains confrontés aux problèmes actuels.
Les deux premiers points font référence aux évènements et aux idées : avoir
de la méthode en économie c’est aussi comprendre les faits, en voir la
portée, les limites et les contradictions ; c’est aussi comprendre les
analyses et les pensées, en voir aussi la portée, les limites et les
contradictions et peut-être plus, les liens avec l’évolution des faits.
Deux idées importantes de Michel VIGEZZI:
1°) Savoir lire et comprendre et 2°) Savoir écouter, écrire et communiquer.
 Savoir lire et comprendre ce titre peut-être provocateur
Un texte économique, quel qu’il soit, ne se lit pas de la même manière qu’un roman, un article de presse, une
revue artistique ou culturelle… il y a tout des différences de formes (principe de rigueur) : ces textes sont
de nature aride car utulisant des concepts et des outils précis, faisant souvent référence à des langages
spécifiques (mathématiques, statistiques), se situant aussi souvent à des niveaux d’abstraction élevés et
refusant les démonstrations « médiatiques ». Il y a ensuite des différences d’objectifs (principe
d’efficacité) : un texte économique répond le plus efficacement possible à des buts précis la plupart du
temps liés à des contraintes ou des demandes professionnelles. Il y a enfin des différences de
« situations » (principe de débats) : un texte économique se situe toujours dans un champ d’analyse
défriché (à quelques exceptions près) où cohabitent déjà d’autres écrits, d’autres contributions qu’il faut
connaître. Ces principes de base (rigueur / efficacité / débat) ont des conséquences importantes sur la
manière d’apprendre à lire et à comprendre un texte économique.
L’utilisation d’un texte mathématique ajoutera alors un quatrième principe : celui de la compréhension et de la
reconstruction du raisonnement. Certes, on peut dans un premier temps faire confiance à l’auteur dans le
maniement des outils auxquels il fait référence, et laisser à ceux qui possèdent au moins aussi bien ces
mathématiques le soin d’en vérifier la justesse. Mais il est important de ne pas alors se laisser « piéger »
par ces instruments et oublier les hypothèses de base sur lesquelles repose cet écrit. Un économiste doit
connaître les mathématiques mais il n’est pas mathématicien : il doit garder en tête les ponts qui
permettent à ces deux domaines scientifiques de se rejoindre. Or ces ponts sont la plupart du temps des
hypothèses souvent d’ailleurs posées en début du texte (combien de textes d’inspiration néo-classique
débutent par l’expression anglaise célèbre : Let us suppose a pure ans perfect competition… » ou
s’appuient sur l’hypothèse de convexité des fonctions …).rendre compte des phénomènes endogènes de
crise.
L’utilisation d’un texte à dominante factuelle ou statistique ajoutera, elle, un cinquième principe : celui de la
compréhension et de la reconstruction des données. Certes, là encore on peut dans un premier temps
faire confiance à l’auteur dans le maniement des outils auxquels il fait référence et laisser à ceux qui
possèdent au moins aussi bien ces connaissances statistiques ou factuelles le soin d’en vérifier la précision
et la construction. Mais il est important ici aussi de ne pas alors se laisser « piéger » par ces instruments et
oublier les conceptions de base sur lesquels repose par écrit.
 Savoir écouter, écrire et communiquer
Après la lecture, l’écoute est aussi un élément important de la formation d’un
économiste et de la création de ses savoirs. La plupart du temps cette écoute repose
sur des formes assez spécifiques : l’enseignement (qu’il soit magistral ou en petits
groupes), les débats et conférences, sans oublier l’écoute des grands médias
audiovisuels.
Les règles d’écoute sont souvent les mêmes que les règles de lecture. Elles obéissent
elles aussi aux « principes » cités ci-dessus : rigueur, efficacité, débats et
reconstruction.
Un économiste doit acquérir quatre attitudes indispensables: La première attitude est
celle de la prise permanente de recul du rapport au discours. La seconde attitude est
celle du repérage des différents temps du propos. La troisième attitude est celle du
repérage des idées importantes : il faut être capable de repérer très rapidement les
idées fortes émises par l’auteur et les noter de manière très précise. La quatrième
attitude est celle de l’expression de sa propre analyse : l’écoute d’un discours
provoque des réactions et génère des réflexions qu’il faut noter immédiatement
pour ne pas les oublier bien sûr, et surtout pour les lier aux différents temps du
discours.
Ajoutons une troisième idée: Savoir compter et anticiper. Savoir compter en économie
revient à savoir utiliser de manière intelligente et maîtrisée des outils de
quantification, outils pouvant avoir trois utilisations principales : illustrer, analyser,
prévoir. Les chiffres peuvent donc servir tout d’abord à illustrer un texte. Ils sont alors
éléments de démonstration et le problème posé est celui de leur maîtrise, de leur
compréhension et de leur intégration correcte au sein du raisonnement.
Chapitre 1:
Existe-t-il une méthode permanente s'appliquant à la
Science Economique?
 La connaissance économique est perçue comme un produit qu'il convient de
tester ou de valider. Dans ce sens, la méthodologie serait généralement
comprise comme 1'ensemble des idées directrices qui orientent l'investigation
empirique.
 Dans la littérature économique on observe une compréhension multiples de la
méthodologie dont trois méritent d’être soulignées:
– D'abord, elle peut être comprise comme des outils et des techniques d'une discipline, c'est-àdire des instruments d'examen du réel
– Ensuite, elle peut être comprise comme les concepts, les théories et les principes de base
d'une discipline et la manière dont ils sont articulés et justifiés,
– Enfin, elle est un instrument de communication, c'est-à-dire un instrument de présentation de
ses propres travaux qui rend possible le débat, la discussion et surtout l'utilisation des
théories.
 De nos jours, la science économique est devenue une vaste entreprise
scientifique : d'abord, par les ressources humaines qu'elle mobilise et qui
permettent la formation d'une communauté scientifique prestigieuse ;
ensuite, par l'importance des recherches et des publications et enfin, par
l’irruption des problèmes économiques dans la vie sociale. La réussite
économique mesure la valeur des individus, des politiques et même des
nations. Quant au discours scientifique en économie, il part de l'observation
de faits économiques et de l'observation des cadres dans lesquels ils se
déroulent.
 Le discours économique a un double souci : d'abord de dégager des concepts et des théories (économie
positive) et de formuler des politiques économiques (économie normative). La science économique dans
ce contexte émet des hypothèses, construit des théories et des modèles, dégage des lois, utilise
nécessairement une démarche, une méthode hypothético-déductive, inductive et déductive.
 Sous ce rapport, la science économique, ces dernières années a énormément évoluée par l'utilisation de la
formalisation. Les techniques quantitatives l’ont tellement envahi au point de soulever aujourd'hui une
sorte de crise d'identité de 1'économie politique. Le premier volet de cette crise est la tendance
dominante à réduire la science économique à I'analyse néoclassique. Cela est principalement du au fait
qu'elle est le référentiel de l’économie libérale qui régente toute la vie économique et qui diffuse la
pensée unique. Pourtant, le noyau théorique est fortement contestable à à plusieurs niveaux dont 3 au
moins peuvent retenir I' attention:
– Ce modèle constitue-t-il le descriptif de la réalité, cela revient à critiquer le réalisme des
hypothèses?
– On peut s’interroger sur la valeur normative de la théorie, cela revient à savoir si en
particulier elle permet de démontrer la supériorité d'un type de théorie économique sur
un autre.
– On peut s'interroger pour savoir s'il s'agit bien d'une théorie explicative des faits
économiques et dans ce cas, c'est sur 1'ensemble de la théorie qu'il faut réfléchir.
Le deuxième volet de cette crise d’identité concerne l’utilisation abusive de la
formalisation. La science économique a connu une percée significative concernant la
généralisation de l'utilisation des méthodes quantitatives, c'est-à-dire 1'ensemble des
méthodes d’évaluation, d'estimation et de test qui permettent de préciser les valeurs des
relations suggérées par la théorie économique. Il est aujourd'hui souligné que si
1'économie a acquis un statut particulier dans les sciences sociales, c'est parce qu'elle se
rapproche des sciences dures grâce à l'incorporation des techniques quantitatives dont
l'usage est considéré comme une condition nécessaire et parfois suffisante de
scientificité.
 Cette formalisation soulève aujourd'hui certaines questions :
– Quels réels progrès ont-elles permis ?
– Quels sont les rapports entre la forme mathématique et le fond ?
– Comment distinguer les techniques quantitatives comme outils et les techniques quantitatives
comme fins ?
– Les concepts et les idées?
 Selon le mot de HURIOT, on est amené à apposer 1'efficacité de la question de la
méthode mathématique comme forme rhétorique. Si bien que la formalisation
sortie de son rôle subordonné d'outil à usage limité est alors accusé de créer
l'illusion et de n'être qu'un moyen de persuasion. Nous sommes alors renvoyés à la
crise de méthode et des doutes sur I'apport de la formalisation.
 L'utilisation abusive de la formalisation conduit à courir 4 sortes dangers :
–
–
–
–
des excès de langage,
des illusions sur la vertu explicative d'un raisonnement porté au paroxysme de la logique
une domination excessive du critère de mesurabilité des phénomènes,
un divorce menaçant entre théories scientifiques et compréhension de la réalité.
 Ni SCHUMPETER, ni HAYEK, ni SIMON, ni COASE, ni même WILLIAMSON n'ont eu
besoin de mathématiques compliquées pour faire accomplir à la science
économiques des progrès décisifs. Il faut être conscient que l'usage optimal des
mathématiques à 1'échelle de la profession des économistes implique 1'éclectisme
des approches, la reconnaissance du fait que le progrès de la connaissance est un
processus partagé. L'économie n'est pas une science dure et ne le sera jamais.
Seulement, elle doit utiliser une démarche scientifique qui repose sur la
construction et le test de modèles explicatifs. Mais bien des raisons font que les
énoncés dans les sciences économiques n'auront jamais le degré de solidité des lois
physiques. Il faut en convenir, car 1'économiste a un contrôle trop imparfait des
conditions d'observation des phénomènes qu'il étudie.
Chapitre 2:
Les conflits de méthode et sciences économiques.
 Nous avons d'abord une première querelle méthodologique entre méthode
déductive et méthode inductive. Déduire c'est essentiellement tirer par une
chaîne de raisonnement logique, les conséquences d'un principe. En revanche,
induire, c'est remonter de l'observation des faits à une proposition générale.
L'induction va du particulier au général tandis que la déduction va du général au
particulier. Les Ecoles économiques ont souvent eu recours au raisonnement
abstrait et déductif et ont construit, pour les besoins de cette analyses
l'HOMOECONOMICUS qui n'obéit qu’à 2 lois: la loi de l'intérêt personnel et la loi
de 1'économie des forces. A partir de cette abstraction, 1'école classique et néoclassique pense avoir découvert des caractères généraux et universels qui
exercent sur I' activité économique une influence fondamentale. La science
économique devient donc essentiellement hypothétique et prend comme donnée
le fait que I' homme agit et ne peut agir que rationnellement sous ]'impulsion de
son seul intérêt personnel. Cette science hypothétique prend comme cadre
société de concurrence pure et parfaite qui suppose qu'il n'y a pas de monopole,
ni d'asymétrie d'informations et enfin qu'elle néglige I' action possible de I' Etat.
 A cette méthode déductive s'oppose une méthode inductive qui est fondée sur
minimum d'observation, car les individus ont des mobiles économiques qui les
font agir.
 Ce conflit de méthode se cristallise aujourd'hui entre l'Individualisme
méthodologique et le holisme méthodologique.
Holisme
méthodologique
Individualisme
méthodologique
La société forme un tout
qui est plus que ses
parties
Seuls les individus ont des
buts et des intérêts
La société affecte le choix
des individus
L’individu agit selon ses
intérêts dans un contexte
fixé
La
structure
influence
comportement
individus
La structure sociale est
modifiable par les individus
sociale
le
des
 Les conflits de méthodes ont tout de même eu des résultats
appréciables dans la recherche en science économique. ils ont permis :
– d'abord, 1'élaboration de 1'économie pure qui est le domaine
exclusif de la déduction,
– ensuite, 1'économie appliquée qui se fonde sur 1'expérimentation
des lois économiques, qui est le domaine privilégié de la méthode
inductive,
– enfin, ]'art économique qui se réfère aux recommandations de
politique économique.
 Le conflit des méthodes en sciences économiques a permis la
consolidation de I' économie positive et la nécessité de 1'économie
normative. Et c'est ce qui explique qu'aujourd'hui, I'ancienne théorie
classique doit être améliorée; car elle n'envisageait que l'individu. Or, la
réalité est infiniment plus complexes puisqu'elle se compose de groupes
qui subissent de multiples influences et que la réalité ne saurait ignorer.
On ne peut plus rester fidèle seulement à I'analyse traditionnelle des
choix individuels sans le prolonger vers une analyse macroéconomique.
Comme également, on ne peut faire impasse sur des variables non
économiques qui revêtent une importance toute particulière dans la
compréhension des phénomènes même strictement économique.
Chapitre3:
Le processus de formation de la connaissance en sciences:
la production des normes en sciences économiques.
 Selon le mot de Gaston BACHELARD, "le fait scientifique est conquis, il est
construit et constaté
– d'abord, il est conquis sur les préjugés,
– ensuite, il est construit par la raison,
– puis, il est constaté par les faits.
 On peut se poser la question de savoir comment les économistes
é1aborent-ils leurs normes scientifiques ? La pratique scientifique pour
1'économiste se déroule à peu près à 4 niveaux ou 4 pôles principaux
– le pôle théorique
– le pôle morphologique
– le pôle technique
– et le pôle épistémologique
 Les 3 premiers pôles préparent le 4ème qui est le pôle épistémologique,
c'est-à-dire la réflexion sur la scientificité de 1'économie.
SC
Typologie
Études de cas
Type idéal
Études
comparatives
Systèmes
Expérimentations
Modèles
structuraux
Cadres d’analyse
Cadre de
référence
Positivisme
Compréhension
Fonctionnalisme
Structuralisme
Simulation
Pôle
Morpholo
gique
POLE
THEORIQUE
POLE
TECHNIQUE
Mode
d’investigation
Méthode
POLE
EPISTEMOLOGIQUE
Dialectique
Phénoménologie
Quantification
Logique
hypothéticodéductive
Le pôle théorique ou le cadre de référence
En sciences économiques, la théorie est une nécessité. Pour
paraphraser BUNGE, "pas de théorie pas de science". Dès lors, se
pose la question de savoir ce qu'est la théorie. Plusieurs
définitions peuvent dû être proposées de la théorie
 Une première définition est que la théorie est 1'ensemble des
énoncés qui permettent l'interprétation des données, la
généralisation des résultats et 1'encadrement de la recherche. On
peut aussi considérer comme un mode de reconstruction de
l'objet de la connaissance scientifique
 On peut aussi considérer comme un mode de reconstruction de
l'objet de la connaissance scientifique. A ce titre, elle apparaît
comme une condition nécessaire bien que non suffisante de la
rupture d'avec les explications pré-scientifiques.
 Enfin, on peut comprendre la théorie comme un ensemble de
propositions logiquement reliées encadrant un plus ou moins
grand nombre de faits observés et formant un réseau de
généralisation dont on peut dériver des explications pour un
certain nombre de phénomènes scientifiques
 C'est pourquoi, la théorie est architecturée : d'abord, en un
ensemble de concepts qui sont des invariants fonctionnels et des
opérations sous le double rapport de la qualité et de la quantité et
ensuite, des hypothèses qui sont testables dans un sujet inductif et
déductibles dans un système déductif. Ces hypothèses doivent être
validées et devraient pourtant aboutir à des théorèmes
 Les concepts et les hypothèses sont articulés à divers types de
raisonnement dont au moins 3 sont très fortement utilisés en
sciences économiques : le raisonnement déductif, le raisonnement
inductif et le raisonnement hypothético-déductif.
 L’hypothèse est une supposition à partir de laquelle on construit
le raisonnement admis comme étant l’argumentation visant à
établir une conclusion. Egalement, elle peut être comprise comme
une réponse anticipée que le chercheur formule à sa question
spécifique de recherche. C’est un énoncé déclaratif qui précise une
relation anticipée et plausible entre les phénomènes observés ou
imaginés. Constituant le nœud mais aussi le pivot de tout travail de
recherche l’hypothèse établit de ce fait une relation que le
chercheur doit vérifier en la confrontant aux faits.
 Les concepts et les hypothèses sont reliés à divers types de
raisonnement : le raisonnement déductif, le raisonnement inductif, le
raisonnement hypothético-déductif, le raisonnement herméneutique
le raisonnement par analogie, le raisonnement par l'absurde. Dans
cette constellation ce sont les trois premiers qui sont usuellement
utilisés en sciences économiques (le raisonnement déductif, le
raisonnement inductif, le raisonnement hypothético-déductif).
 Globalement, la valeur des théories repose sur 3 exigences que lui
imposent les 3 pôles de la pratique scientifique :
– d'abord, une exigence de cohérence imposée par le pô1e morphologique,
– ensuite, une exigence de pertinence imposée par le pôle épistémologique,
– et enfin, une exigence de testabilité et de falsifiabilité qu'impose le pôle
technique.
 C'est pour cette raison qu'on dit que la théorie doit être à la fois
testable ou falsifiable, cohérente et pertinente.
Le pôle morphologique ou de la science des formes
 On dit souvent que la forme est aussi importante que le fond et que la plupart
du temps la qualité d'une recherche apparaît d'abord dans ses formes
extérieures. Le pôle morphologique se caractérise par 3 traits principaux qui
sont l'exposition, la causation et l'objectivation
 D'abord 1'expression : elle permet de déterminer les différents styles cognitifs
c'est-à-dire les modes d'exposition et d'expressions dont se sert le savant, le
chercheur pour restituer sa pensée scientifique ou ses recherches
 Ensuite la causation qui est l'opération qui permet qu'un événement se produise
sous certaines conditions. C'est une opération qui permet de répondre à la
question qu'est-ce qui explique tel phénomène ? Quelle en est la cause ? C'est le
souci majeur de tout chercheur.
 En outre l'objectivation qui se résume dans la copie ou la simulation du réel. La
simulation se présente comme un construit. Le modèle est un exemple de
simulation ou de construction
 Enfin, il y a les modèles qui prennent aujourd'hui une importance prééminente
dans la recherche scientifique. A la limite, toute recherche doit avoir pour point
de départ un modèle. On peut le définir comme étant une schématisation du
réel ou encore un ensemble de propositions d'où il est possible de déduire de
manière mécanique des conséquences directes liées au phénomène soumis à
investigation.
 Il y a 3 phases dans 1'é1aboration d'un modèle :
– la première phase est celle de la théorisation : sous ce rapport, on peut
choisir, en toute liberté, sa théorie de référence : keynésienne, néoclassique, marxiste, structuraliste. Cette théorie est celle qui inspire les
démarches du chercheur, précise ses finalités et guide sa démarche.
– La deuxième phase est celle de l'estimation numérique qui peut se faire
soit en utilisant 1'économie, soit à I' aide de logiciels adéquats pour
déterminer les variables paramètres retenus.
– La troisième phase est alors celle de l'utilisation des méthodes de
simulation reposant sur des scénarios tendanciels et les variantes.
 Ainsi, ces 3 démarches devraient alors permettre 1'é1aboration
d'un modèle répondant aux conditions suivantes :
– offrir un caractère de système,
– appartenir à un groupe de transformation dont chacun
correspond à un modèle de même famille ;
– offrir la possibilité de prévoir de quelle façon le modèle réagira
en cas de modification de l'un de ses éléments ;
– rendre compte, par son fonctionnement de tous les faits
observés.
Il est important d’observer face à l’utilisation incontrôlée
de la modélisation: Des éléments à savoir.
•
•
•
•
•
De la même façon, il ne sert à rien d’essayer d’introduire dans un texte des chiffres
ou des données quantitatives qui n’y soient pas correctement intégrables compte
tenu du contenu de l’analyse développée. On rencontre en effet, très souvent des
documents dans lesquels ces données sont fournies sans que leur utilité soit bien
évidente. Pour éviter ces erreurs deux règles doivent être respectées.
La première règle est la même que celle portant sur la lecture de travaux effectués
par d’autres auteurs : il faut toujours donner la possibilité à votre lecteur de
retrouver les données que vous allez utiliser, afin qu’il puisse lui-même tester votre
analyse
La seconde règle peut être formulée ainsi : on ne doit utiliser les données
quantitatives pour illustrer une analyse que si l’on est capable d’en reconstruire la
logique et que si l’on est sûr que leur utilisation est indispensable au discours que
l’on est en train de produire.
Ce n’est pas parce qu’un outil mathématique a des caractéristiques précises qu’il
faut introduire des contraintes supplémentaires irréalistes sur le plan de l’explication
des réalités économiques
ce « débat éternel » est celle de la place des outils utilisés par les économistes : ce
n’est pas parce que l’ont utilise des outils mathématiques, informatiques,
philosophiques, sociologiques ou technologiques que l’on devient mathématicien,
informaticien, philosophe, sociologue ou ingénieur !
Le pô1e technique
• Ce pôle traite essentiellement des procédés ou procédures de recueil des
informations et de transformation de ces informations en données pertinentes
et en faits. Donc le pôle technique comprendra essentiellement
• Les techniques de collecte des informations et des données. Bien entendu, ces
techniques sont multiples.
• Les techniques de transformation des informations en données pertinentes. Ces
techniques sont également multiples. En effet, on peut observer les techniques
de quantification qui permettent de mesurer, les techniques de codification et
les techniques de description.
• Le pôle technique privilégie 4 procédés ou procédures principales :
– les études de cas, repose sur la conviction que la simple accumulation des
faits apportera une explication plus exhaustive de la réalité. C'est une
démarche de type inductif.
– les études comparatives, elles visent par la comparaison à avoir une
meilleure connaissance des mécanismes et des réalités ; ainsi que leur
fonctionnement.
– les expérimentations, elles obéissent à plusieurs stratégies dans la mesure
où elle peut se faire en laboratoire ou sur le terrain
– ou la simulation est un procédé qui vise à constater et à manipuler un
modèle opératoire.
Le pôle épistémologique
 Ce pôle est sans doute le plus controversé, mais également le plus analysé
aujourd'hui avec en référence quatre auteurs qui ont fortement marqué cette
discipline : POPPER, KUHN, LAKATOS et FAYERABEND. En fait, l'épistémologie est
revenue en force dans la préoccupation des scientifiques de tous ordres. En effet, ce
qui caractérise toutes les sciences, c’est le travail des praticiens, le développement
d’outils intellectuels et les résultats tangibles des investigations qui permettent de
comprendre pour mieux agir.
 Karl Popper a particulièrement relancé l'intérêt qui s'attache à 1'épistémologie dans
les sciences sociales comme économiques. La science est considérée par I'auteur
comme une et indivisible. Elle est problématiste, elle est faillibiliste et surtout elle est
objectiviste. C'est à partir de ces 3 considérations que Popper redonne un regain à
1'épistémologie car on observe I'apparition d'une double tendance recoupante
quelque peu la césure entre science pure et science appliquée ou entre positivisme
expérimental et normalisme théorique
 La première tendance, par crainte du subjectivisme, s'est repliée sur la théorie
expérimentale prétendant par réaction l'identifier avec l'objectivité et jetant du
même coup, le soupçon, voire le discrédit sur toute autre démarche quels que soient
les champs du savoir. Du vrai que du vérifiable.
 La seconde tendance a développé l'idée quelque peu contradictoire au fond du
caractère purement conventionnel et interne à 1'esprit humain pensant et la réalité
observée assez impénétrable, qui est une matière première façonnable aux grés des
interprétations de 1'esprit humain.
• On comprend alors 1'effervescence pour 1'épistémologie comprise à travers les
3 moments soulignés par Popper à savoir:
– une épistémologie problématiste et qui est issue du fait que la science naît dans les problèmes
et finit dans les problèmes.
– une épistémologie faillibiliste. Selon lui, le critère de la scientificité d'une théorie réside dans la
possibilité de l'invalider, de la réfuter ou encore de la tester. Popper souligne que "Réfutation,
c'est le maître mot, c'est le point nodal de la théorie et de la découverte scientifique".
– une épistémologie objectiviste. Ici, on oppose radicalement la subjectivité de I' homme de
science à l'objectivité de la science, c'est-à-dire le rejet de l'idée selon laquelle l'intime conviction
de I' homme de science suffirait à établir la vérité d'une proposition ou d'une théorie.
• A partir de ces considérations on peut dégager 5 fonctions majeures de
1'épistémologie:
– Etablir les conditions de l'objectivité des connaissances scientifiques, c'est-à-dire les conditions
d'objectivité des modes d'observations et d'expérimentation qu'exige la connaissance
scientifique.
– Permettre d'examiner, d'apprécier la pertinence des relations que les sciences établissent entre
les théories et les faits.
– Soumettre toute science à une étude critique, c'est-à-dire à une réflexion sur ses résultats, sur
ses fondements et sur ses instruments de connaissance de rnanière à pouvoir réviser elle-même
ses concepts, ses théories et ses méthodes.
– Exercer une fonction de vigilance critique, une fonction socratique ou encore une fonction
polémique par opposition à la forme ARCHITECTONIQUE
– S'efforcer de saisir la logique de 1'erreur pour construire la logique de la découverte.
Chapitre 4 :
Les techniques d’élaboration d’une recherche académique.
 La distinction entre étude et recherche
– Les études partent d’un problème de décision. Les informations recueillies et les
analyses permettent de répondre de précisément au problème posé et que l’on ait
confiance aux résultats.
– Pour la recherche, le caractère cumulatif et reproductible est plus poussé et porte sur
les théories, les concepts, les méthodes
 Les composantes d’un projet de mémoire ou de thèse
1)
La problématique
- Nécessité de la problématique
- Question générale de recherche
- Problème spécifique de recherche
2) Méthodologie de la recherche
- Choix d’un modèle
- Hypothèses de la recherche
- Les variables
- Population cible
- Stratégie, vérification,
- Collecte et traitement des données
3) Echéancier ou programme de travail
Elaboration d’un projet de mémoire.
11 faut rappeler que la recherche au 3èrne Cycle et au-delà doit aboutir à
1'émergence d'un discours scientifique dont les caractéristiques se résument
dans les enjeux de l'objectivité à savoir : assurer le caractère purement
théorique, éthiquement neutre, politiquement et même socialement impartial.
Pour ce faire, il faut clarifier le mode de construction de l'objet de 1'étude. 11 ne
viendra jamais à l'idée d'un constructeur de bâtir une maison sans avoir au
préalable tracé les plans. Egalement, en tant qu'économiste, nous savons que les
investissements les plus prospères sont généralement ceux qui sont appuyés par
une stratégie d'investissement ou de commercialisation ou alors une planification
rigoureuse.
2) Choix du sujet: 11 importe de souligner que le choix d'un sujet est libre.
Cependant, 1'étudiant peut être aidé par un encadreur ou un directeur de
recherche pour 1'éIaboration de son sujet de recherche.
- intérêt à l’égard du sujet ;
- étendu du traitement antérieur du sujet ;
- disponibilité information nécessaire ;
- disponibilité instruments d’analyse.
3) Définition et délimitation du sujet
Les objectifs
 Les objectifs doivent être présentés sous
forme de
réalisations concrètes en rapport avec le sujet de la
recherche.
 on a une formulation des questions auxquelles le chercheur
tentera de répondre et le type de résultats attendus.
 Il convient de distinguer deux types d’objectifs:
- Les objectifs généraux: qui portent sur les questions
principales.
- Les objectifs spécifiques: qui traitent plutôt des
objectifs concrets qui doivent être atteints pour
réaliser les objectifs généraux.
Revue de la littérature
 Cette partie permet d’évoquer la littérature empirique et théorique qui a été
menée dans le domaine du sujet de l’étude.
 «Pour faire une investigation scientifique, il faut être savant; autrement dit il est
impératif à l’investigateur de savoir la théorie du moment, de connaître ce qui
s’est réalisé sur le sujet d’étude et ce qui se fait actuellement dans ce
domaine. » On fait souvent la distinction entre la revue de la littérature
théorique et la revue de la littérature empirique
 Revue de la littérature théorique est l’épine dorsale même de l’investigation
dans le sens où elle est répond aux hypothèses à vérifier et permet de savoir
les outils qui vont participer à la résolution des questions que cherche à
comprendre la recherche.
 Il faut faire les notations conventionnelles des références bibliographiques et
des tableaux.
- Pour les ouvrages: nom de l’auteur, titre de la référence, édition et année
- Les numéroter et indiquer les sources
 Revue de la littérature empirique. Il s’agit de faire le survol des études menées
dans ce domaine ou bien dans des domaines connexes. Cela permet
- d’avoir un aperçu sur les solutions que les autres chercheurs ont proposé
pour ce type de sujet
- de savoir les difficultés rencontrées lors de cet exercice.
Cadre d’analyse ou modèle
Une fois que la revue de la littérature est effectuée, l’on
est en mesure de proposer un cadre permettant de
répondre aux questions posées.
Cette section doit
être l’occasion de faire une
description des méthodes de recherches proposées pour
chacun des objectifs de la recherche.
Ces méthodes peuvent être économiques et /ou
statistiques ou tout autre
instrument permettant
d’obtenir des résultats d’une scientificité reconnue .
Cette partie doit contenir non seulement cette brève
description des méthodes générales qui seront
employées mais également elle fera une analyse des
variables ou facteurs à mesurer ou à étudier.
Analyse des résultats
Cette section est l’endroit ou l’on doit faire
apparaitre les résultats et les effets de la
recherche.
Un intérêt particulier est à porter sur la
contribution de l’étude à travers les solutions
aux problèmes
posés, ainsi qu’à
l’avancement, si possible, des connaissances
dans le domaine d’étude.
Enfin, cette partie permet d’aboutir à une
formulation des recommandations de
politiques.
Conclusion
Elle doit revenir sur la problématique
du sujet d’étude
le cadre proposé pour apporter
solution aux problèmes posés
la contribution majeure de l’investigation et
de futures perspectives de recherche.
Recommandations finales
 La rédaction de toute thèse, de toute étude scientifique implique que
soit surmontées 2 contradictions :
– la première est qu'on doit, avec un discours linéaire et unidimensionnel
rendre compte d'une réalité multiple, complexe et agissant à plusieurs
niveaux; d'où l'importance d'avoir un plan de rédaction bien construit et
permettant de rendre compte d'une réalité dans toute son "épaisseur";
– la deuxième est qu'il est difficile d'écrire régulièrement plus de 5 ou 6
pages par jour et pourtant qu'il est souhaitable que 1'ensemble du mémoire
ou de la thèse soit cohérent et donne l'impression de "couler de source" ;
d'où l'importance d'avoir une idée directrice et du mouvement de la pensée
qui doit porter 1'ensemble de la thèse'.
C'est dire que tout au long de la rédaction, on aura à éviter des dérives, des
digressions, à éviter de développer des aspects importants mais
secondaires par rapport à sa thèse. Pour cela, il faut se raccrocher à tout
moment à l'idée directrice, au mouvement de la pensée, au
raisonnement qu'on a choisi de développer. M. BEAUD estime que "le
chercheur doit laisser de côté, tous les développements qui n'apportent
rien à son raisonnement pour pouvoir le garder dans le sens du sujet".
 Enfin, après ces contradictions, il importe de rédiger. C'est ici que le pôle
morphologique doit être d'un grand secours au chercheur. Mais il ne faut
pas oublier qu'un mémoire ou une thèse ou un travail académique
s'articule généralement en 2 parties bien équilibrées et bien articulées.
Bibliographie sommaire
1.
2.
3.
4.
5.
6.
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8.
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