Au boulot citoyens, pour une croissance soutenable et durable.
Professeur Moustapha Kassé, Doyen Honoraire de la FASEG, www.mkasse.com
L’intermède politique a été longue, trop longue : plus d’une année de palabres et de multiples
tensions sociales dont la facture financière sociale risque d’être très salée. Sans doute, diront certains,
la démocratie a un coût, qu’il faut le solder au plus vite en relançant l’économie nationale. Les
programmes de gouvernement ainsi que les promesses électorales de la Coalition victorieuse indiquent
à suffisance les visions stratégiques. Depuis 2008, la machine économique est en hibernation malgré
quelques projets phares dont les effets d’entrainement sont restés limités. La panne interviendra à partir
de 2010 avec la détérioration des indicateurs économiques (ralentissement de la croissance, montée
des déficits macroéconomiques et de l’inflation) et celle des indicateurs sociaux (faible niveau de
l’Indice du Développement Humain, accroissement du couple pauvreté/chômage, dégradation du
pouvoir d’achat, crise du système éducatif et de formation).
La campagne présidentielle est intervenue dans ce contexte. Les discours économiques ont
oscillé entre d’une part, un technocratisme de pacotille consistant à proposer un rythme de croissance
accélérée sans spécifier ni les facteurs, ni les mécanismes, ni même les moyens financiers et d’autre
part, un vaste catalogue d’éléments constitutifs d’un bonheur national dans lequel on trouve pêle-mêle
le plein emploi, la santé et l’éducation pour tous, l’amélioration du niveau de vie etc. Chacun pensait
que les vertus de la croissance pouvaient offrir une chance inespérée de gagner en crédibilité technique
et de décider l’électorat. Lorsque les clameurs électorales se sont tues, le retour à la vie quotidienne du
pays se charge progressivement d’effacer le trop plein de promesses et des espérances qui ne se
réaliseront pas de sitôt. Tout n’étant pas possible tout de suite, il convient d’analyser les éléments des
projets et programmes qui peuvent mettre le Sénégal en marche vers la croissance en vue de l’emploi
et du pouvoir d’achat.
Les facteurs de succès sont disponibles, il importe de les pister, pour établir leur articulation
fonctionnelle, à travers des politiques économiques et sociales appropriées. C’est l’objet de cette
réflexion qui, au niveau méthodologique, a été dépouillée des données quantitatives et des relations
économétriques qui compliquaient, parfois inutilement, la compréhension du texte.
I/ Les priorités du moment : relancer la croissance contre le chômage et la
pauvreté
La lecture des différents projets de société et programmes de gouvernement des parties
constitutives de la coalition Benno Book Yakaar (Yoonu yokute, Projet des Assises nationales,
Document Stratégique de Réduction de la Pauvreté, Stratégie de la Croissance Accélérée, 12ème Plan
de développement économique et social), montre clairement une ambition de construire un pays
émergent à l’horizon 2017 et de réaliser, à court terme, les principales promesses électorales à savoir
améliorer le pouvoir d’achat et les niveaux de vie, procurer un emploi au plus grand nombre, résoudre la
crise du système éducatif et universitaire en vue de former des ressources humaines de qualité, assurer
l’accès pour tous aux services publics de santé, pourvoir un logement décent aux populations et agir sur les
loyers, et promouvoir les biens culturels. Seule une croissance économique forte, soutenable et durable
est capable de donner aux pouvoirs publics les moyens et les marges de manœuvre pour atteindre de
tels objectifs. Elle est la boîte de pandore du développement. Dès lors, la priorité des priorités est la
relance d’un vaste processus vertueux de croissance.
Lorsqu’on interroge les économistes sur les voies et moyens pour accélérer les rythmes de
croissance, ils vous rétorquent de façon abrupte, quelles que soient leurs chapelles idéologiques, qu’il
faut mettre les citoyens au travail, massifier les investissements dans les secteurs productifs et élargir
les gains de productivité pour rendre l’économie plus compétitive. Ces trois composantes constituent les
déterminants de l’offre de production. Pour accélérer les rythmes de croissance dans les prochaines
années, un cadre macroéconomique pertinent ou assaini ne suffit pas, il faut impérativement