Traitement du diabète de type 2 : retour aux bases ! dossier thématique Prise en charge nutritionnelle du diabète de type 2 : certitudes et controverses Nutritional management of type 2 diabetes: evidences and controversies Jean-Michel Lecerf* »»La diététique du diabète a toujours évolué au gré des modes Dietary recommendations in type 2 diabetes change with time, fashion and knowledges. So consensus and debates alternate. »»Souvent négligée devant l’efficacité des traitements médicamenteux, elle joue cependant un rôle majeur dans l’équilibre glycémique au début de l’affection et dans les complications cardiovasculaires. Nutritional management is often neglected due to the efficacy of drug therapy. However it plays a major role in glycemic control at the beginning of the disease and in cardiovascular complications. »»La perte de poids en cas d’obésité viscérale joue un rôle majeur When there is an abdominal obesity weight loss is essential in order to decrease glycemia, at the onset of the disease, whereas glycemic index is mainly important for postprandial glycemia. pour réduire la glycémie à jeun au début de la maladie, tandis que l’index glycémique intervient davantage sur la glycémie postprandiale. »»La réduction du risque cardiovasculaire passe par l’amélioration du profil lipidique grâce à une réduction modérée de l’apport glucidique. La lutte contre le stress oxydant, des apports élevés en acides gras ω3, des conseils sur la cuisson, un apport élevé en fibres et modéré en sel sont les autres mesures prioritaires. Highlights P o i nt s f o rt s et des connaissances. De ce fait, consensus et controverses se succèdent. Mots-clés : Diabète – Prise en charge nutritionnelle – Glucides – Index glycémique – Risque cardiovasculaire. L * Service de nutrition, institut Pasteur de Lille ; service de médecine interne, CHRU de Lille. 56 a diététique du diabétique est souvent négligée par les patients, peut-être en partie parce que la nutrition en tant que discipline scientifique n’est pas assez prise en considération par… les diabéto­ logues. En effet, la thérapeutique du diabète a fait tellement de progrès depuis quelques années que patients comme praticiens perdent parfois le sens de l’utilité d’une prise en charge nutritionnelle adaptée. Enfin, la nutrition est encore souvent source de controverses, y compris en ce qui concerne le diabète, ce qui jette le trouble et conduit à l’inaction. Or, la nutrition joue un rôle majeur aussi bien dans la prévention du diabète – avec la lutte contre la sédentarité – que dans son traitement et ses complications. Decrease of the cardiovascular risk needs the improvement of plasma lipid profile, through a reduction of carbohydrates intake. Fight against oxidative stress, high omega 3 fatty acids intakes, cooking advices, high fiber and low salt intakes are other good recommendations. Keywords : Diabetes – Dietary management – Carbohydrates – Glycemic index – Cardiovascular risk. Bref historique La diététique du diabétique a connu différentes modes au gré de l’évolution des concepts. Alors que Claude Bernard avait déjà montré le rôle du foie dans la production de glucose, les médecins de la fin du XIXe siècle et du début du XXe considéraient encore que, pour réduire la glycémie, et donc la glycosurie, il suffisait de supprimer les entrées de glucides. À une époque où ni les sulfonylurées ni l’insuline n’existaient, on précipitait ainsi l’acidocétose et la mort du patient. Jusqu’aux années 1960-1970, la seule mesure diététique qui a prévalu était la chasse aux glucides. Les patients en avaient retenu “chasse au saccharose”. Ce qui est resté. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 3 - mars 2012 Prise en charge nutritionnelle du diabète de type 2 : certitudes et controverses Dans les années 1970-2000, on a pris conscience que les patients diabétiques mouraient à la suite d’infarctus en partie parce qu’ils mangeaient plus gras, mangeant moins glucidique. C’est à cette époque que l’on a commencé à faire la chasse aux lipides, et particulièrement aux acides gras saturés, accusés de tous les maux : les patients ont recommencé à manger des glucides. En 1981, D.J. Jenkins a développé le concept d’index glycémique, qui avait, au moins en théorie, une application chez le patient diabétique : il permettait de nuancer l’élargissement de la ration glucidique grâce à la prise en compte de l’aspect qualitatif de l’apport en glucides. En réalité, on a assisté à une inflation démagogique de l’apport glucidique, sous prétexte que l’index glycémique du glucide considéré était bas : les patients se sont remis à manger gâteaux, sucre et fructose ! C’est aussi l’époque où l’on disait que les patients diabétiques devaient avoir une alimentation normale, comme les gens “normaux”. Mais qu’est-ce qu’une alimentation normale ? Des sujets “normaux” mangent-ils normalement ? Les patients en ont conclu qu’ils devaient manger comme tout le monde, ce qui est sans doute une erreur sur le plan de l’équilibre entre les glucides et les lipides. Sommes-nous, depuis 10 à 12 ans, entrés dans la période de la sagesse et de l’équilibre bien compris ? Objectifs Les objectifs de la nutrition chez le patient diabétique sont doubles : ✓✓ d’une part, contribuer à l’équilibre glycémique à jeun et en postprandial : pour cela, la réduction du poids et l’activité physique sont primordiales, mais pas suffisantes. Un choix “éclairé” du type de glucides et de la quantité consommée semble essentiel ; ✓✓ d’autre part, limiter les complications qui ne relèvent pas strictement de l’hyperglycémie : c’est le cas de l’athérosclérose, mais aussi de l’hypertension artérielle (HTA), de l’insuffisance rénale et des complications neuro­ logiques et ophtalmologiques. Pour chacun des objectifs, nous essaierons d’analyser si les recommandations nutritionnelles relèvent de certitudes ou si elles font encore l’objet de discussions. Réduire la glycémie La glycémie à jeun La glycémie à jeun dépend de la production hépatique de glucose, laquelle est modulée par l’insuline (qui l’inhibe). En cas d’insulinorésistance, la production hépatique de glucose est principalement liée à l’obésité abdominale via la production d’acides gras libres qui proviennent du tissu adipeux périviscéral et qui stimulent la production de glucose par le foie. D’autres facteurs que le surpoids abdominal contribuent à l’insulinorésistance, notamment l’inflammation bas-grade. La perte de poids est le meilleur moyen de diminuer l’insulinorésistance chez le patient diabétique – c'est une certitude –, à condition, toutefois, que l’insulinopénie ne soit pas trop installée. Il faut ajouter également que, dans toutes les études, les patients diabétiques perdent moins de poids que les patients non diabétiques, peut-être du fait de leur sédentarité, de leur âge, de leur moindre masse maigre ou de l’infiltration lipidique de celle-ci conduisant à la lipotoxicité… Cependant, une étude récente suggère une rémission très rapide du diabète après une restriction calorique drastique (régime à 600 Kcal), qui engendre une perte de poids rapide et sévère (1). Perdre du poids signifie réduire l’apport énergétique et non pas l’apport lipidique seul, car cela équivaudrait à trop accroître l’apport glucidique (en valeur relative et/ou absolue). L'un des paradoxes diététiques chez les patients diabétiques pourrait être représenté par l’impact de la prise du petit déjeuner sur la glycémie et sa variabilité. Une étude préliminaire randomisée, dans le cadre d’une alimentation relativement hyperglucidique (55 %), montre une diminution de la glycémie moyenne (p < 0,06), à la limite de la significativité, ainsi qu'une forte réduction de la variabilité glycémique (p < 0,0001), soit – 32 %, sur l’ensemble de la journée en l’absence de petit déjeuner (2) ! Des pistes de recherche qui visent à modifier la flore intestinale par des pré- ou des probiotiques, afin de réduire l’inflammation bas-grade liée à la production de cytokines stimulée par le lipopolysaccharide (LPS), sont à l’étude. Nous avons pu montrer récemment que, chez des sujets sains, la prise de prébiotiques réduisait le LPS et les cytokines inflammatoires (3). Le rôle des fibres (et des prébiotiques, ceux-ci étant des fibres) ne se limite pas à cet effet. On sait qu’elles peuvent, en modulant la fermentation colique, stimuler la production de peptides intestinaux, notamment de GIP, PYY et GLP-1, entérohormones produites par les cellules endocrines de l’intestin. Or, le GLP-1 peut ralentir la vidange gastrique, inhiber la ghréline et donc réduire l’appétit, inhiber la production de glucagon et stimuler celle d’insuline : cela rendrait compte, notamment, de l’effet dit “second repas”, qui conduit à ce qu’un repas riche en fibres diminue la glycémie à jeun avant le repas suivant : cet effet “second repas” est bien documenté (4). Enfin, il existe un champ d’investigations sur le rôle du chrome dans l’insulinosécrétion, et donc dans l’équilibre glycémique. Aujourd’hui, la synthèse des études de la Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 3 - mars 2012 57 Traitement du diabète de type 2 : retour aux bases ! dossier thématique littérature ne permet pas de considérer qu’il existe un bénéfice du chrome dans la prise en charge du diabète de type 2 (DT2) [5]. La glycémie postprandiale Réduire la glycémie postprandiale dépend essentiellement de l’index glycémique des aliments, et peut-être plus précisément encore de la charge glycémique, c’està-dire du produit de l'index glycémique par l'apport glucidique. Un repas avec un index glycémique bas peut entraîner une glycémie postprandiale plus basse. Or, celle-ci est aussi un facteur de risque cardio­vasculaire (CV). Malheureusement, l’index glycémique pose plus de problèmes qu’il n’apporte de solutions (6). Il faut d’abord rappeler que l’index glycémique est un paramètre métabolique, et non un paramètre nutritionnel : il n’est pas “garanti”, c’est pourquoi son étiquetage ne doit pas être autorisé. Il résulte en effet de facteurs propres à l’aliment (nature des glucides, composition, texture, granulométrie, cuisson, teneur en protéines, en lipides, acidité, etc.) et à l’individu (vidange gastrique, mais aussi bien sûr utilisation du glucose et donc insulinorésistance et insulinopénie). En conséquence, il ne peut s’appréhender que pour l’ensemble de l’alimentation et donc la somme des aliments, et, en théorie, l’index glycémique des aliments pourrait être différent chez les sujets sains et chez les sujets diabétiques. Une étude récente sur 5 aliments testés indique toutefois qu’il n’y aurait pas de différence pour l’index glycémique, mais qu'en revanche, l’index insulinémique serait différent chez les patients diabétiques et les patients non diabétiques (7). Alors que les études montrant l’intérêt d’une alimentation avec un index glycémique bas pour la prévention du DT2 abondent (8), celles montrant son intérêt dans la prise en charge du DT2 sont peu nombreuses, surtout sur le long terme. Les effets des légumes secs ont cependant été étudiés dans une méta-analyse (9), ainsi qu’un mode alimentaire global, le régime méditerranéen, qui a fait l’objet de plusieurs études prouvant qu’il pouvait entraîner une baisse de l’HbA1c (10). Très récemment, l’étude Melbourne Collaborative Cohort Study a montré que l’alimentation méditerranéenne était associée à une réduction de la mortalité chez les sujets diabétiques (11). On peut donc recommander certains aliments tels que les légumineuses, qui ont un index glycémique toujours bas, ainsi que les fruits, sans excès cependant. La rétrogradation de l’amidon telle qu’elle est obtenue avec le refroidissement (ou la congélation du pain) diminue aussi l’index glycémique en augmentant l’amidon résistant (12) : c’est le cas avec les pommes de terre, le riz, les pâtes en salade. 58 Le vinaigre ralentit la vidange gastrique et donc l’index glycémique, ce que plusieurs études ont bien montré. Enfin, malgré un index insulinémique élevé, les produits laitiers ont un index glycémique bas. Réduire les complications Les complications cardiovasculaires •Équilibre glucides/lipides On s’est longtemps exclusivement focalisé sur le cholestérol LDL dans la prise en compte des lipides plasmatiques pour le risque CV. Or, si l’élévation du cholestérol LDL est indéniablement un facteur du risque CV, elle ne peut le résumer, d’autant que, chez le diabétique de type 2, le profil lipidique est très différent de celui du sujet à risque non diabétique, avec une élévation des triglycérides, une baisse du cholestérol HDL du fait de l’hypertriglycéridémie, et un cholestérol LDL souvent normal sur le plan quantitatif, mais avec des LDL petites et denses, athérogènes. Or, les études sont très claires à ce sujet : la taille des LDL est inversement corrélée aux triglycérides plasmatiques et à l’apport lipidique (13, 14) ; ce qui signifie que plus l’apport lipidique est bas (et l’apport glucidique élevé), plus les LDL sont de petite taille. À l’inverse, lorsque l’apport lipidique est plus élevé, y compris l’apport en acides gras saturés, les LDL sont de grande taille (15). Il a même été montré, dans une population de femmes coronariennes, que la progression de l’athérosclérose était plus grande chez celles ayant des apports lipidiques plus faibles et des apports glucidiques plus élevés (16). On sait que les LDL petites et denses sont plus oxydables, ce qui rendrait compte de leur athérogénicité et du fait de leur passage accru par transcytose dans l’espace sous-endothélial. En cas de syndrome métabolique, de DT2 ou d’obésité abdominale, l’afflux d’acides gras provenant du tissu adipeux viscéral stimule la production de triglycérides au niveau hépatique ; ceux-ci s’incorporent dans les VLDL, devenant des VLDL très riches en triglycérides : du fait de l’insulinorésistance et donc du déficit d’activité de la lipoprotéine-lipase, la cascade lipolytique conduisant des VLDL aux LDL induit, dans ce cas, des LDL petites et denses (17). S’il existe simultanément un apport élevé en glucides (et un faible apport en lipides), les glucides stimulent la synthèse hépatique d’acides gras saturés jusqu’au C16 :0. Ces acides gras saturés seront incorporés dans les VLDL et les LDL, devenant riches en acides gras saturés endogènes et athérogènes (18)… Globalement, un apport glucidique compris entre 40 et 45 % de la ration est souhaitable, avec un apport lipidique compris entre 35 et 40 % de l’apport énergétique non alcoolique. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 3 - mars 2012 Prise en charge nutritionnelle du diabète de type 2 : certitudes et controverses Parmi les glucides les plus hypertriglycéridémiants, il faut citer le fructose, qui, en cas d’apport élevé et isolé (en dehors du contexte complexe des fruits), est hypertriglycéridémiant (19), hyperuricémiant et hyperglycémiant, et accroît le stress oxydatif. Le cholestérol alimentaire est peu hypercholestérolémiant, sauf dans des conditions particulières, car il existe un équilibre entre l’absorption et la synthèse du cholestérol d’une part, et entre les apports et l’absorption d’autre part (quand les apports sont élevés, l’absorption baisse) [20]. L’organisme régule parfaitement le pool de cholestérol grâce à de nombreux systèmes sous contrôle génétique. Il n’existe pas de lien formel entre le cholestérol alimentaire et le risque CV, sauf chez les sujets diabétiques, ainsi que l’ont montré plusieurs études épidémiologiques (21). Il faut donc limiter son apport. •Accroître les facteurs protecteurs Compte tenu du risque cardiovasculaire élevé des patients diabétiques, il est indispensable de mettre en place des mesures de prévention précoces et efficaces, d’où l’utilisation de statines chez la plupart des diabétiques. Mais ce n’est pas suffisant. La nutrition est très importante, et tout ce qui peut y contribuer est utile. ✓✓ L’accroissement des systèmes de défense antioxydante : le zinc, le sélénium, les vitamines E et C, les caroténoïdes et les polyphénols sont les principaux nutriments considérés comme ayant des effets antioxydants. Les études montrant leur bénéfice isolément au cours du DT2 ne sont pas assez convaincantes, mais en accroître les sources par une alimentation riche en fruits et légumes (vitamine C, caroténoïdes, polyphénols), en huile végétale (vitamine E) et en produits laitiers (zinc, sélénium) est de bon sens (22). Les aliments naturellement les plus riches en polyphénols sont les fruits, les légumes (oignons, etc.), le vin rouge, le thé, les épices, le cacao, l'huile d’olive vierge, les noix, le soja, etc. L’apport en fer, et donc en viande rouge, ne doit pas être excessif dans la mesure où il existe souvent une hépatopathie métabolique de surcharge avec hyperferritinémie, et où l’excès de fer peut induire un stress oxydatif et peut-être exercer un effet diabétogène et athérogène (23, 24). ✓✓ L’augmentation des apports en acides gras ω3 est une mesure importante. L’apport en acide alphalinolénique n’est pas suffisant en cas de diabète déséquilibré pour obtenir une production suffisante d’acides gras ω3 à longue chaîne, car la delta 6 désaturase est insulinodépendante. Il faut accroître l’apport en EPA et en DHA, qui ne peuvent provenir efficacement, pour l’instant, que du poisson (gras), conseillé 2 fois par semaine. Les ω3 (acide α-linolénique et ω3 à longue chaîne) ont des effets protecteurs sur le plan des événements CV et des troubles du rythme chez le patient diabétique, ainsi que le suggère fortement l’étude Alpha Omega Trial publiée en 2010 (25). Toutefois si les ω3 à longue chaîne (EPA + DHA) peuvent, à forte dose, réduire les triglycérides et augmenter le cholestérol HDL (tout en élevant le cholestérol LDL, en induisant des LDL de plus grande taille moins athérogènes), ils peuvent altérer très modestement l’équilibre glycémique en augmentant de façon non significative l’HbA1c (26). ✓✓ La cuisson est un aspect trop rarement évoqué. Or, elle induit la production de composés de Maillard qui vont s’ajouter aux Advanced Glycated End products (AGE) endogènes résultant de l’hyperglycémie chronique. Ces composés néoformés, en particulier la carboxyméthyllysine (CML) issue du chauffage excessif de nombreux aliments céréaliers, exercent des effets pro-oxydants et pro-inflammatoires, modifient le profil métabolique dans un sens diabétogène et athérogène, et altèrent le profil plasmatique des acides gras, ainsi que nous avons pu le montrer chez des sujets sains (27). Chez les patients diabétiques, leur taux élevé serait associé aux complications vasculaires (28). ✓✓ Risque rénal : l’apport en protéines ne doit être ni trop faible, pour éviter l’aggravation d’une sarcopénie très fréquente chez le patient diabétique âgé, ni trop élevé, car cela conduirait à un état d’hyperfiltration glomérulaire. Or, les enquêtes alimentaires montrent que les patients diabétiques ont une alimentation hyperprotidique. Cependant, une méta-analyse a montré qu’un faible apport en protéines, s’il réduisait la protéinurie, ne semblait pas améliorer la fonction rénale de patients diabétiques (29). Mais ces conclusions sont discutées (30). La nature des protéines pourrait jouer un rôle important ; une étude chez des patients diabétiques ayant une néphropathie et utilisant des protéines de soja a montré des résultats intéressants sur le profil lipidique et la fonction rénale (31). Globalement, on peut recommander sans inconvénient un apport protidique à 0,8 g/kg/j. ✓✓ Hypertension artérielle : la majorité des sujets diabétiques est hypertendue. La réduction du poids est la mesure essentielle permettant de réduire la quantité d’angiotensinogène produit par le tissu adipeux. Les apports en chlorure de sodium et la consommation d'alcool doivent également être réduits. À l’inverse, des apports suffisamment importants en magnésium sont souhaitables du fait de son effet favorable sur la pression artérielle et de son rôle dans la glycorégulation, et du fait de l’hypermagnésurie Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 3 - mars 2012 59 Traitement du diabète de type 2 : retour aux bases ! dossier thématique observée dans quelques études en cas de déséquilibre du diabète. Enfin, des apports suffisamment élevés en calcium et en produits laitiers sont requis en raison de la relation inverse entre ces apports et plusieurs composantes du syndrome métabolique, et notamment de l’HTA (32). ✓✓ Complications ophtalmologiques et neurologiques : le facteur principal dans la survenue des lésions de microangiopathie est représenté par l’importance et la durée de l’hyperglycémie. Cependant, le rôle des apports en acides gras essentiels est souligné par plusieurs études concernant la neuropathie diabétique, notamment à propos de l’intérêt de l’acide γ-linolénique (C18 : 3n-6) et des acides gras ω3 à longue chaîne (C20 : 5n-3 et C22 : 6n-3) [33]. Toutefois, des apports élevés de ces acides gras ne peuvent pas être obtenus par l'alimentation, mais par des suppléments. De même, la vitamine B1 à forte dose ou un de ses dérivés, la benfotiamine, exercent des effets favorables sur la rétinopathie diabétique, mais il s’agit là aussi d’effets médicamenteux (34). D’un point de vue pratique : conseils de fréquence •• Viande : 4 fois/semaine, dont 1 ou 2 fois de la viande rouge •• Charcuterie : 1 ou 2 fois/semaine •• Œufs : 2 ou 3 fois/semaine •• Poisson : 2 ou 3 fois/semaine, dont 1 ou 2 fois du poisson gras •• Produits laitiers : 3 portions/jour, dont 1 de fromage (30 à 40 g) •• Pain complet, pommes de terre, pâtes, riz, céréales : à chaque repas en petite quantité – selon le poids •• Légumes secs : 2 fois/semaine •• Légumes crus et/ou cuits : 2 à 3 portions/jour •• Fruits : 2 fois/jour •• Huile de colza ou de noix riche en acide α-linolénique pour l’assaisonnement •• Huile d’olive pour la cuisson •• Un peu de beurre et/ou de margarine riche en ω3 pour tartiner •• Noix, amandes en petite quantité •• Vin en petite quantité Encadré. 60 Conclusion La nutrition du patient diabétique a des particularités liées à la physiopathologie de la maladie et aux objectifs recherchés. Il n’est pas exact de dire qu’elle devrait être celle d’un sujet normal, parce que l’on ne sait pas ce qu’est un sujet normal, ni ce qu’est une alimentation normale. Un sujet non diabétique, actif, de poids normal, peut consommer beaucoup de glucides, car ses triglycérides sont normaux, son tissu adipeux adapté sur le plan quantitatif et fonctionnel, son oxydation lipidique normale, son stress oxydatif modéré. Un sujet diabétique doit souvent réduire un peu ses apports caloriques, et doit limiter son apport glucidique à 40-45 %, en choisissant des aliments d’index glycémique bas ; son apport lipidique peut répondre aux apports nutritionnels conseillés en lipides tels que définis en 2010, à savoir 35-40 %, avec un apport élevé en acides gras ω3 (provenant du poisson). Les apports en nutriments antioxydants, en magnésium et en fibres doivent être élevés. Il faut limiter l’apport en fructose s’il est isolé. L’apport protidique doit être limité à 0,8 g/kg/j s’il existe une atteinte rénale ; dans le cas contraire, il peut représenter 1 g/kg/j, soit 15 à 20 % de l’apport énergétique total. Les protéines végétales doivent avoir une place privilégiée, notamment les légumes secs et le soja. La cuisson ne doit pas être trop appuyée, et il faut limiter les aliments grillés (pain et pomme de terre). Les produits laitiers ont une place significative. Le vin, en quantité modérée, peut être maintenu, car il exerce des effets antioxydants et a un effet favorable sur l’insulinosensibilité (35). Il est évident qu’un sujet normal peut, sans inconvénient, adopter l’alimentation d’un patient diabétique. C’est dans ce sens que nos conseils peuvent s’exercer plutôt que dans le sens inverse. L’alimentation du patient diabétique peut alors ressembler au régime méditerranéen (encadré), à la nuance près que ce dernier est traditionnellement plus riche en glucides et moins riche en protéines, car il a davantage recours aux aliments sources de protéines végétales et de glucides complexes. ■ Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 3 - mars 2012 Prise en charge nutritionnelle du diabète de type 2 : certitudes et controverses Références 1. Lim EL, Hollingsworth KG, Aribisala BS et al. Reversal of type 12. Lecerf JM, Borgies B, Boukandoura B, Cayzeele A, Robin J, 2 diabetes: normalisation of beta cell function in association with decreased pancreas and liver triacylglycerol. Diabetologia 2011;54:2506-14. Grivet D. Influence du procédé de fabrication sur la qualité nutritionnelle du pain de campagne. Sciences des Aliments 2008;28:431-49. 2. Parkner T, Nielsen JK, Sandahl TD, Bibby BM, Jensen BS, 13. Christiansen JS. Do all patients with type 2 diabetes need breakfast? Eur J Clin Nutr 2011;65:761-3. 3. Lecerf JM, Dépeint F, Clerc E et al. Xylo-oligosaccharide (XOS) in combination with inulin modulate both the intestinal environment and immune status in healthy subjects, whilst XOS alone only shows prebiotic properties. Br J Nutr 2012:1-12 [Epub ahead of print]. 4. Priebe MG, Wang H, Weening D, Schepers M, Preston T, Vonk RJ. Factors related to colonic fermentation of nondigestible carbohydrates of a previous evening meal increase tissue glucose uptake and moderate glucose-associated inflammation. Am J Clin Nutr 2010;91:90-7. 5. Althuis MD, Jordan NE, Ludington EA, Wittes JT. Glucose and insulin responses to dietary chromium supplements: a meta-analysis. Am J Clin Nutr 2002;76:148-55. 6. Lecerf JM. La signification et l’intérêt de l’index glycémique. Sciences des Aliments 2007;27:317-33. 7. Lan-Pidhainy X, Wolever TM. Are the glycemic and insuli- Dreon DM, Fernstrom HA, Campos H, Blanche P, Williams PT, Krauss RM. Change in dietary saturated fat intake is correlated with change in mass of large low-density-lipoprotein particles in men. Am J Clin Nutr 1998;67:828-36. 14. Dreon DM, Fernstrom HA, Williams PT, Krauss RM. A very low-fat diet is not associated with improved lipoprotein profiles in men with a predominance of large, low-density lipoproteins. Am J Clin Nutr 1999;69:411-8. 15. Krauss RM, Blanche PJ, Rawlings RS, Fernstrom HS, Williams PT. Separate effects of reduced carbohydrate intake and weight loss on atherogenic dyslipidemia. Am J Clin Nutr 2006;83:1025-31; quiz 1205. 16. Mozaffarian D, Rimm EB, Herrington DM. Dietary fats, carbohydrate, and progression of coronary atherosclerosis in postmenopausal women. Am J Clin Nutr 2004;80:1175-84. 17. Lefevre M, Champagne CM, Tulley RT, Rood JC, Most MM. Individual variability in cardiovascular disease risk factor responses to low-fat and low-saturated-fat diets in men: body mass index, adiposity, and insulin resistance predict changes in LDL cholesterol. Am J Clin Nutr 2005;82:957-63; quiz 1145-6. nemic index values of carbohydrate foods similar in healthy control, hyperinsulinemic and type 2 diabetic patients? Eur J Clin Nutr 2011;65:727-34. 18. Volek JS, Phinney SD, Forsythe CE et al. Carbohydrate 8. Salas-Salvadó J, Martinez-González MÁ, Bulló M, Ros E. The 19. Lê K, Ith M, Kreis R et al. Fructose overconsumption causes role of diet in the prevention of type 2 diabetes. Nutr Metab Cardiovasc Dis 2011;21(Suppl.2):B32-48. 9. Sievenpiper JL, Kendall CW, Esfahani A et al. Effect of nonoil-seed pulses on glycaemic control: a systematic review and meta-analysis of randomised controlled experimental trials in people with and without diabetes. Diabetologia 2009;52:1479-95. 10. Itsiopoulos C, Brazionis L, Kaimakamis M et al. Can the Mediterranean diet lower HbA1c in type 2 diabetes? Results from a randomized cross-over study. Nutr Metab Cardiovasc Dis 2011;21:740-7. restriction has a more favorable impact on the metabolic syndrome than a low fat diet. Lipids 2009;44:297-309. dyslipidemia and ectopic lipid deposition in healthy subjects with and without a family history of type 2 diabetes. Am J Clin Nutr 2009;89:1760-5. 20. Lecerf JM, de Lorgeril M. Dietary cholesterol: from physiology to cardiovascular risk. Br J Nutr 2011;106:6-14. 21. Houston DK, Ding J, Lee JS et al. Dietary fat and cholesterol and risk of cardiovascular disease in older adults: the Health ABC Study. Nutr Metab Cardiovasc Dis 2011;21:430-7. 22. Czernichow S, Vergnaud AC, Galan P et al. Effects of long- 11. Hodge AM, English DR, Itsiopoulos C et al. Does a term antioxidant supplementation and association of serum antioxidant concentrations with risk of metabolic syndrome in adults. Am J Clin Nutr 2009;90:329-35. Mediterranean diet reduce the mortality risk associated with diabetes: evidence from the Melbourne Collaborative Cohort Study. Nutr Metab Cardiovasc Dis 2011;21:733-9. and risk of type 2 diabetes: 3 cohorts of US adults and an updated meta-analysis. Am J Clin Nutr 2011;94:1088-96. 23. Pan A, Sun Q, Bernstein AM et al. Red meat consumption 24. Fumeron F, Péan F, Driss F et al. Ferritin and transferrin are both predictive of the onset of hyperglycemia in men and women over 3 years: the data from an epidemiological study on the Insulin Resistance Syndrome (DESIR) study. Diabetes Care 2006;29:2090-4. 25. Kromhout D, Giltay EJ, Geleijnse JM. n-3 fatty acids and cardiovascular events after myocardial infarction. N Engl J Med 2010;363:2015-26. 26. MacLean CH, Mojica WA, Morton SC et al. Effects of omega-3 fatty acids on lipids and glycemic control in type II diabetes and the metabolic syndrome and on inflammatory bowel disease, rheumatoid arthritis, renal disease, systemic lupus erythematosus, and osteoporosis. Evid Rep Technol Assess (Summ) 2004;(89):1-4. 27. Birlouez-Aragon I, Saavedra G, Tessier FJ et al. A diet based on high-heat-treated foods promotes risk factors for diabetes mellitus and cardiovascular diseases. Am J Clin Nutr 2010;91:1220-6. 28. Vlassara H, Cai W, Crandall J et al. Inflammatory mediators are induced by dietary glycotoxins, a major risk factor for diabetic angiopathy. Proc Natl Acad Sci USA 2002;99:15596-601. 29. Pan Y, Guo LL, Jin HM. Low-protein diet for diabetic nephropathy: a meta-analysis of randomized controlled trials. Am J Clin Nutr 2008;88:660-6. 30. Kopple JD. Do low-protein diets retard the loss of kidney function in patients with diabetic nephropathy? Am J Clin Nutr 2008;88:593-4. 31. Azadbakht L, Shakerhosseini R, Atabak S, Jamshidian M, Mehrabi Y, Esmaill-Zadeh A. Beneficiary effect of dietary soy protein on lowering plasma levels of lipid and improving kidney function in type II diabetes with nephropathy. Eur J Clin Nutr 2003;57:1292-4. 32. Fumeron F, Lamri A, Emery N et al. Dairy products and the metabolic syndrome in a prospective study, DESIR. J Am Coll Nutr 2011;30(5 Suppl.1):454S-63S. 33. Lecerf JM. Acides gras essentiels. Encycl Med Chir 2000;Endocrinologie-Nutrition, 10-542-F-10. 34. Hammes HP, Du X, Edelstein D et al. Benfotiamine blocks three major pathways of hyperglycemic damage and prevents experimental diabetic retinopathy. Nat Med 2003;9:294-9. 35. Pietraszek A, Gregersen S, Hermansen K. Alcohol and type 2 diabetes. A review. Nutr Metab Cardiovasc Dis 2010;20:366-75. bloc-NoTes Les 14es entretiens de nutrition Responsable scientifique : Dr J.-M. Lecerf Organisation : M.-F. Tahon Tél. 03.20.87.71.88 Fax : 03.20.87.72.96 E-mail : [email protected] de l’Institut Pasteur de Lille auront lieu à Lille, les 14 et 15 juin 2012 sur les thèmes : •• La fin des régimes •• Autour de la cuisson et des épices Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 3 - mars 2012 61