Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 3 - mars 2012
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Prise en charge nutritionnelle du diabète de type 2 : certitudes et controverses
Parmi les glucides les plus hypertriglycéridémiants,
il faut citer le fructose, qui, en cas d’apport élevé et
isolé (en dehors du contexte complexe des fruits), est
hypertriglycéridémiant (19), hyperuricémiant et hyper-
glycémiant, et accroît le stress oxydatif.
Le cholestérol alimentaire est peu hypercholestérolé-
miant, sauf dans des conditions particulières, car il existe
un équilibre entre l’absorption et la synthèse du cho-
lestérol d’une part, et entre les apports et l’absorption
d’autre part (quand les apports sont élevés, l’absorption
baisse) [20]. L’organisme régule parfaitement le pool de
cholestérol grâce à de nombreux systèmes sous contrôle
génétique. Il n’existe pas de lien formel entre le cho-
lestérol alimentaire et le risque CV, sauf chez les sujets
diabétiques, ainsi que l’ont montré plusieurs études
épidémiologiques (21). Il faut donc limiter son apport.
•Accroîtrelesfacteursprotecteurs
Compte tenu du risque cardiovasculaire élevé des
patients diabétiques, il est indispensable de mettre en
place des mesures de prévention précoces et efficaces,
d’où l’utilisation de statines chez la plupart des diabé-
tiques. Mais ce n’est pas suffisant. La nutrition est très
importante, et tout ce qui peut y contribuer est utile.
✓
L’accroissement des systèmes de défense antioxy-
dante : le zinc, le sélénium, les vitamines E et C, les
caroténoïdes et les polyphénols sont les principaux
nutriments considérés comme ayant des effets antioxy-
dants. Les études montrant leur bénéfice isolément au
cours du DT2 ne sont pas assez convaincantes, mais
en accroître les sources par une alimentation riche
en fruits et légumes (vitamine C, caroténoïdes, poly-
phénols), en huile végétale (vitamine E) et en produits
laitiers (zinc, sélénium) est de bon sens (22). Les ali-
ments naturellement les plus riches en polyphénols
sont les fruits, les légumes (oignons, etc.), le vin rouge,
le thé, les épices, le cacao, l'huile d’olive vierge, les
noix, le soja, etc.
L’apport en fer, et donc en viande rouge, ne doit pas
être excessif dans la mesure où il existe souvent une
hépatopathie métabolique de surcharge avec hyper-
ferritinémie, et où l’excès de fer peut induire un stress
oxydatif et peut-être exercer un effet diabétogène et
athérogène (23, 24).
✓
L’augmentation des apports en acides gras ω3 est
une mesure importante. L’apport en acide alphalinolé-
nique n’est pas suffisant en cas de diabète déséquilibré
pour obtenir une production suffisante d’acides gras ω3
à longue chaîne, car la delta 6 désaturase est insulino-
dépendante. Il faut accroître l’apport en EPA et en DHA,
qui ne peuvent provenir efficacement, pour l’instant,
que du poisson (gras), conseillé 2 fois par semaine. Les
ω3 (acide α-linolénique et ω3 à longue chaîne) ont
des effets protecteurs sur le plan des événements CV
et des troubles du rythme chez le patient diabétique,
ainsi que le suggère fortement l’étude Alpha Omega
Trial publiée en 2010 (25).
Toutefois si les ω3 à longue chaîne (EPA + DHA) peuvent,
à forte dose, réduire les triglycérides et augmenter le
cholestérol HDL (tout en élevant le cholestérol LDL, en
induisant des LDL de plus grande taille moins athéro-
gènes), ils peuvent altérer très modestement l’équilibre
glycémique en augmentant de façon non significative
l’HbA1c (26).
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La cuisson est un aspect trop rarement évoqué. Or,
elle induit la production de composés de Maillard qui
vont s’ajouter aux Advanced Glycated End products (AGE)
endogènes résultant de l’hyperglycémie chronique. Ces
composés néoformés, en particulier la carboxyméthyl-
lysine (CML) issue du chauffage excessif de nombreux
aliments céréaliers, exercent des effets pro-oxydants
et pro-inflammatoires, modifient le profil métabolique
dans un sens diabétogène et athérogène, et altèrent
le profil plasmatique des acides gras, ainsi que nous
avons pu le montrer chez des sujets sains (27). Chez
les patients diabétiques, leur taux élevé serait associé
aux complications vasculaires (28).
✓
Risque rénal : l’apport en protéines ne doit être ni
trop faible, pour éviter l’aggravation d’une sarcopénie
très fréquente chez le patient diabétique âgé, ni trop
élevé, car cela conduirait à un état d’hyperfiltration glo-
mérulaire. Or, les enquêtes alimentaires montrent que
les patients diabétiques ont une alimentation hyperpro-
tidique. Cependant, une méta-analyse a montré qu’un
faible apport en protéines, s’il réduisait la protéinurie,
ne semblait pas améliorer la fonction rénale de patients
diabétiques (29). Mais ces conclusions sont discutées
(30). La nature des protéines pourrait jouer un rôle
important ; une étude chez des patients diabétiques
ayant une néphropathie et utilisant des protéines de
soja a montré des résultats intéressants sur le profil
lipidique et la fonction rénale (31). Globalement, on
peut recommander sans inconvénient un apport pro-
tidique à 0,8 g/kg/j.
✓
Hypertension artérielle : la majorité des sujets dia-
bétiques est hypertendue. La réduction du poids est
la mesure essentielle permettant de réduire la quan-
tité d’angiotensinogène produit par le tissu adipeux.
Les apports en chlorure de sodium et la consom-
mation d'alcool doivent également être réduits. À
l’inverse, des apports suffisamment importants en
magnésium sont souhaitables du fait de son effet
favorable sur la pression artérielle et de son rôle dans
la glycorégulation, et du fait de l’hypermagnésurie