Cancer de l’œsophage résécable : chimiothérapie préopératoire ou radio-chimiothérapie préopératoire ?

40 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XII - nos 1-2 - janvier-février/mars-avril 2009
Cancérologie
Cancer de l’œsophage résécable :
chimiothérapie préopératoire
ou radio-chimiothérapie préopératoire ?
D
epuis plusieurs années, l’exérèse chirurgicale,
comme seul traitement des tumeurs locale-
ment avancées de l’œsophage thoracique, est
remise en question du fait des mauvais résultats obtenus
et d’une survie équivalente à celle de la radiochimio-
thérapie exclusive (option qui ne sera pas discutée ici).
Plusieurs essais thérapeutiques de chimiothérapie, de
radiothérapie ou de leur association avant une exérèse
chirurgicale ont été publiés. Le but de ces associations
est d’améliorer le contrôle local et de retarder l’appa-
rition des métastases par la chimiothérapie.
Quelle place pour la
chimiothérapie préopératoire ?
Plusieurs essais randomisés ont comparé la chimio-
thérapie préopératoire suivie d’une chirurgie à la
chirurgie seule pour les cancers de l’œsophage.
Il s’agissait d’adénocarcinomes et de cancers
épidermoïdes. Les résultats d’une série américaine
(440 patients évaluables) n’étaient pas en faveur
d’une chimiothérapie préopératoire (1). La chimiothé-
rapie consistait en une association 5-FU + cisplatine
(trois cycles préopératoires + deux cycles postopéra-
toires en cas de résection complète R0). La mortalité
et la morbidité opératoires étaient similaires dans
les deux groupes. Aucune différence significative en
termes de médiane de survie (14,9 mois en cas de
chimiothérapie préopératoire versus 16,1 mois en
cas de chirurgie seule) et de taux de survie à 2 ans
(35 % versus 37 %) nétait signalée.
La chimiothérapie préopératoire a connu un regain
d’intérêt avec les résultats de la série britannique du
MRC. Cette étude randomisée réalisée entre 1992
et 1998 chez 802 patients suggère, contrairement
à l’étude américaine, l’intérêt d’une telle stratégie
(2). Ces malades avaient un cancer de l’œsophage
jugé résécable (stade TNM non précisé) : environ
deux tiers, un adénocarcinome, et un tiers, un carci-
nome épidermoïde. Ils étaient randomisés entre
deux cycles de chimiothérapie préopératoire (5-FU
+ cisplatine) ou une chirurgie d’emblée. La chimio-
thérapie n’augmentait pas significativement la
morbidité périopératoire. Elle était significativement
associée à un pourcentage plus élevé de résection
complète R0 (60 % versus 54 %), à une médiane de
survie supérieure (16,8 versus 13,3 mois) et à une
meilleure survie à 2 ans (43 % versus 34 %). Le type
histologique ne semblait pas avoir d’influence sur
l’efficacité du traitement préopératoire.
Cette chimiothérapie préopératoire est donc devenue
pour certains un traitement de référence dans les
adénocarcinomes et une alternative pour les cancers
épidermoïdes de l’œsophage, malgré la négativité
de la plupart des autres essais (3). Dans une méta-
analyse récente (4), huit essais (1 729 patients)
étaient retenus. La chimiothérapie préopératoire
était associée à une meilleure survie (mais sans que
la différence soit significative [HR: 0,88 ; IC
95
: 0,75-
1,04]), mais pas à un taux plus élevé de résection
R0 ou à un taux plus faible de récidive.
Dans une autre méta-analyse (5), la chimiothérapie
préopératoire était associée à une meilleure survie
(HR : 0,9 ; IC
95
: 0,81-1,00), avec un bénéfice estimé à
7 % à 2 ans. Le bénéfice nétait cependant significatif
que dans les adénocarcinomes (p = 0,014), et non
pas dans les carcinomes épidermoïdes (p = 0,12).
De plus, il était inférieur à celui observé avec une
radiochimiothérapie néoadjuvante. La place de la
chimiothérapie préopératoire est donc difficile à
établir actuellement avec certitude.
EVIDENCE-BASED MEDICINE
Les résultats de la chirurgie seule sont décevants dès lors qu’il ne
s’agit pas d’une tumeur uT1-T2 N0.
Les places respectives de la chimiothérapie et de la radiochimio-
thérapie préopératoires sont difficiles à définir.
Le niveau de preuve est actuellement plus élevé pour la radio-
chimiothérapie préopératoire, mais il s’agit d’un traitement plus
lourd.
Ce qu’il faut retenir
niveau
de preuve
1b
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XII - nos 1-2 - janvier-février/mars-avril 2009 | 41
Cancérologie
Le retour des associations
radiochimiothérapie et chirurgie ?
Il est établi depuis plusieurs années que la radiothé-
rapie seule, pré- ou postopératoire, n’a pas d’indica-
tion. L’utilité de la radiochimiothérapie néoadjuvante
a été beaucoup discutée ; plusieurs essais de taille
limitée étaient négatifs, alors que les essais positifs
étaient souvent critiquables. Elle était pour certains
passée au second plan à la suite des résultats de la
série britannique de chimiothérapie préopératoire
du MRC. En fait, plusieurs méta-analyses concor-
dantes ont désormais clairement montré son intérêt
(5, 6).
La plus récente a analysé dix essais randomisés
(1 209 patients) [5]. La radiochimiothérapie
néo adjuvante est associée à une meilleure survie
(HR : 0,81 ; IC
95
: 0,70-0,93 ; p = 0,002) que la
chirurgie seule, avec un bénéfice estimé à 13 % à
2 ans. Ce bénéfice concerne aussi bien les adénocar-
cinomes que les carcinomes épidermoïdes. Le degré
de preuve est donc mieux établi pour la radiochimio-
thérapie néoadjuvante que pour la chimiothérapie
préopératoire.
Quelles recommandations ?
Les indications thérapeutiques dans le cancer de
l’œsophage thoracique résécable sont actuellement
discutées, car plusieurs traitements d’efficacité simi-
laire sont possibles (3). Pour les tumeurs uT1- T2 N0,
l’œsophagectomie reste le traitement de référence.
Pour les tumeurs uT1 N1, T2 N1, T3 N0, il est difficile
d’établir un standard, mais les recommandations
actuelles préconisent soit une chirurgie associée à
un traitement préopératoire (radiochimiothérapie
ou chimiothérapie, mais avec un niveau de preuve
moins élevé), soit une radiochimiothérapie exclu-
sive, en particulier en cas de contre-indication à
la chirurgie. Pour les tumeurs estimées T3 N1, T4
N0-N1, sont plutôt privilégiées la radiochimiothé-
rapie exclusive en cas de carcinome épidermoïde,
et la chirurgie associée à une chimiothérapie ou
à une radiochimiothérapie préopératoires, en cas
d’adénocarcinome.
Références bibliographiques
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by surgery compared with surgery alone for localized esophageal
cancer. N Engl J Med 1998;339:1979-84.
2. Medical Research Council Œsophageal Working Party.
Surgical resection with or without preoperative chemotherapy
in œsophageal cancer: a randomized controlled trial. Lancet
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4. Malthaner RA, Collin S, Fenlon D. Preoperative chemotherapy
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2008, issue 3.
5. Gebski V, Burmeister B, Smithers BM et al. Survival benefits from
neoadjuvant chemoradiotherapy or chemotherapy in oesophageal
carcinoma: a meta-analysis. Lancet Oncol 2007;8:226-34.
6. Fiorica F, Di Bona D, Schepis F et al. Preoperative radiochemo-
therapy for œsophageal cancer: a systematic review and meta-
analysis. Gut 2004;53:925-30.
Lab’infos
Ces données proviennent de l’analyse de l’essai CHARM,
qui a reposé sur une période de 4 semaines de traitement
en ouvert par Humira
®
, puis, après randomisation entre
Humira
®
40 mg toutes les deux semaines et placebo, sur un
suivi de 48 semaines. Il s’agit d’une analyse du sous-groupe
Des données encourageantes pour Humira®
dans les fistules de la maladie de Crohn
de patients avec fistule (50 malades, l’essai CHARM ayant
inclus 854 malades). Le taux de cicatrisation des fistules
était de 58 % à un an et de 59 % à deux ans. Ces résultats
encourageants méritent d’être confirmés par une étude
spécifique dans les fistules de la maladie de Crohn.
EVIDENCE-BASED MEDICINE
Questions
non résolues
Quelle est la place
»
respective de la
chimiothérapie et de
la radiochimiothérapie
préopératoires ?
Les modalités théra-
»
peutiques doivent-elles
être différer entre carci-
nome épidermoïde et
adénocarcinome ?
Quelles sont les
»
modalités optimales de
la chimiothérapie et de
la radiochimiothérapie
préopératoires ?
42 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XII - nos 1-2 - janvier-février/mars-avril 2009
Cancérologie
L
a résection endoscopique des petits cancers
épidermoïdes de l’œsophage concerne les
lésions néoplasiques superficielles associées
à un risque d’envahissement ganglionnaire nul ou
faible. Les tumeurs superficielles (T1) sont définies
par une extension de la tumeur à la muqueuse ou la
sous-muqueuse sans atteinte de la musculaire propre
mais sans préjuger de l’envahissement ganglion-
naire. On diagnostique désormais plus souvent des
lésions potentiellement accessibles à un traitement
endoscopique dont la morbidité et la mortalité sont
faibles en comparaison d’une œsophagectomie
(1). Il nexiste cependant pas d’essai thérapeutique
randomisé comparant résection endoscopique et
chirurgie.
Quelles méthodes
de traitement endoscopique ?
La résection muqueuse endoscopique (muco-
sectomie) doit être préférée aux méthodes de
destruction (photothérapie et électrocoagulation
au plasma argon). En effet, elle permet une analyse
histologique de la lésion et, donc, la confirmation
du caractère potentiellement curatif du geste. Elle
doit être précédée systématiquement d’une chromo-
endoscopie (Lugol à 2 % en muqueuse épidermoïde)
permettant de préciser les limites de la lésion, et en
outre de dépister d’autres lésions méconnues. Les
colorations virtuelles (FICE, NBI) pourraient être
une alternative. Certains auteurs recommandent la
réalisation d’une injection sous-muqueuse de sérum
physiologique permettant de soulever la lésion et de
limiter le risque de perforation. Léchec du soulève-
ment de la lésion lors de l’injection peut témoigner
d’une extension en profondeur et contre-indique le
geste. Plusieurs techniques de mucosectomie sont
possibles, sans qu’il soit démontré une supériorité
de l’une d’entre elles. L’aspiration section est la tech-
nique la plus utilisée. En cas de résection incom-
plète confirmée en histologie, une seconde séance
de mucosectomie peut être réalisée dans les deux
semaines avant rétraction cicatricielle des tissus.
La dissection sous-muqueuse est une technique
plus récente encore peu évaluée dans l’œsophage.
Dans tous les cas, après résection endoscopique, une
surveillance régulière à trois mois, puis tous les six
mois, est recommandée, associée à une coloration
systématique.
Quelles indications ?
Les indications d’une résection endoscopique d’un
carcinome épidermoïde de l’œsophage dépendent
de plusieurs facteurs :
Du caractère très superficiel de la lésion néopla-
sique. La tumeur doit être au maximum T1 dans la
classification TNM, c’est-à-dire limitée à la muqueuse
ou la sous-muqueuse, mais ce critère nest pas suffi-
sant. Le risque d’envahissement ganglionnaire a été
étudié précisément au sein de la muqueuse et de la
sous-muqueuse, amenant à classer les tumeurs selon
l’envahissement dans la paroi : m1 (épithélium), m2
(lamina propria), m3 (musculaire muqueuse) et dans
la sous-muqueuse : sm1 (un tiers supérieur), sm2 (un
tiers moyen) et sm3 (un tiers inférieur). L’échoendos-
copie est indispensable pour estimer l’envahissement
Peut-on traiter par résection
endoscopique les petits cancers
épidermoïdes de l’œsophage ?
EVIDENCE-BASED MEDICINE
La mucosectomie est un traitement curatif des cancers épidermoïdes
superficiels de l’œsophage limités à la muqueuse (T1m1-m2).
La morbidité et la mortalité sont moindres que celles de la
chirurgie.
Elle doit être préférée aux méthodes de destruction (photothérapie
dynamique, plasma argon), car elle permet une analyse histolo-
gique de la tumeur.
Si une résection endoscopique a été effectuée et que la tumeur est à
un stade plus avancé (T1m3 ou sm), un traitement complémentaire
chirurgical ou par radiochimiothérapie doit être envisagé.
Ce qu’il faut retenir
niveau
de preuve
2a
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XII - nos 1-2 - janvier-février/mars-avril 2009 | 43
Cancérologie
en profondeur de la lésion. Les appareils standard
permettent de classer correctement une lésion usT1
dans 90 % des cas et de rechercher un envahisse-
ment ganglionnaire. Les échoendoscopes à très haute
fréquence (minisondes de 30 MHz) sont capables
de visualiser la muscularis mucosae et de classer les
lésions en usT1m1-3 et usT1sm1-3. La sensibilité pour
différencier une lésion T1m et T1sm est de 80 à 90 %.
Cet examen est cependant de disponibilité limitée en
pratique, même dans les centres experts, et on réalise
en fait souvent une simple écho-endoscopie standard
couplée aux autres facteurs décisionnels. Les lésions
usT1m1 et m2 ont un risque d’extension ganglionnaire
faible ou nul, les lésions T1m3 de 6 à 18 %, T1sm1
de 10 à 53 %, et les lésions T1sm2-3 ont un risque
supérieur à 50 % (1). Seules les lésions usT1m1 et m2
sont une indication à un traitement endoscopique
curatif. La résection des lésions usT1m3 à sm3 nest
pas le standard (chirurgie ou radiochimiothérapie,
selon le terrain). Elle peut se discuter au cas par cas
chez les patients inopérables ayant une lésion usT1m3
à sm1 en l’absence d’autres facteurs péjoratifs.
De l’analyse endoscopique du relief de la lésion qui
est corrélé au risque d’envahissement ganglionnaire :
faible pour les lésions polypoïdes (I), planes surélevées
(IIa) ou totalement planes (IIb) et élevé pour les lésions
planes déprimées (IIc, IIa + c) ou ulcérées (III).
De la taille de la tumeur, les lésions de plus de
20 mm exposant plus aux risques de complications.
Du grade de différenciation de la tumeur, les
cancers indifférenciés ayant un risque élevé d’en-
vahissement ganglionnaire et vasculaire.
Quels sont les résultats
de la mucosectomie ?
La morbidité précoce de la méthode est inférieure à
5 %, très inférieure à celle d’une œsophagectomie. Il
s’agit notamment des hémorragies (traitées par pose
de clip) et des perforations (traitées médicalement
le plus souvent). Les complications tardives sont
essentiellement à type de sténose.
Après mucosectomie pour une lésion épidermoïde
limitée à la muqueuse m1 ou m2, les taux de survie
spécifique à 5 ans sont de 85 à 95 % (2, 3), identiques
à ceux rapportés après chirurgie. En cas de lésion
classée m3 ou d’envahissement sous-muqueux (sm),
le risque d’envahissement ganglionnaire impose
une chirurgie, ou une radiochimiothérapie complé-
mentaire pour les patients non opérables. Le taux
de récidive locale des cancers épidermoïdes après
mucosectomie est de l’ordre de 5 % à 5 ans, signi-
ficativement plus important en cas de résection par
fragments (4).
Références bibliographiques
1. Pech O, May A, Rabenstein T, Ell C. Endoscopic resection of
early oesophageal cancer. Gut 2007;56;1625-34.
2. Inoue H, Tani M, Nagai K et al. Treatment of esophageal and
gastric tumors. Endoscopy 1999;31:47-55.
3. Takeshita K, Tani M, Inoue H et al. Endoscopic treatment of early
oesophageal or gastric cancer. Gut 1997;40:123-7.
4. Nomurat T, Boku N, Ohtsu A et al. Recurrence after endoscopic
mucosal resection for superficial esophageal cancer. Endoscopy
2000;32:277-80.
Traitement adjuvant
du cancer du pancréas
A
vec une survie globale à 5 ans de 0,4 % à 4 %,
le cancer du pancréas garde un pronostic très
sombre. La chirurgie reste la seule option
thérapeutique potentiellement curative mais ne peut
concerner qu’environ 10 % des patients. Le pronostic
des patients opérés reste cependant médiocre avec
une survie globale à 5 ans ne dépassant guère 20 %
(1). La plupart des récidives sont locorégionales et/ou
hépatiques et surviennent dans les deux premières
années suivant la chirurgie.
Ces résultats ont motivé la réalisation de plusieurs
essais de traitement complémentaire. Les stratégies
néoadjuvantes visant à améliorer la résécabilité de
Après résection d’un adénocarcinome pancréatique, seule option
potentiellement curative, la survie globale à 5 ans ne dépasse pas
20 %. Les différentes tentatives de traitement complémentaire se
sont toujours révélées décevantes, jusqu’à ces dernières années,
deux essais principaux ont montré que la chimiothérapie adjuvante
présente un bénéfice. Aujourd’hui, la gemcitabine, qui augmente
non seulement la survie sans récidive mais aussi la survie globale,
s’est imposée comme un standard dans le traitement adjuvant
après résection R0 ou R1 des adénocarcinomes pancréatiques.
Ce qu’il faut retenir
EVIDENCE-BASED MEDICINE
Questions
non résolues
Les indications de
»
mucosectomie sont-elles
différentes entre cancers
épidermoïdes et adéno-
carcinomes, où l’enva-
hissement ganglionnaire
est moindre pour les
tumeurs T1m3 et sm1 ?
Existe-t-il une méthode
»
de résection endosco-
pique à privilégier ?
La surveillance régu-
»
lière avec coloration
systématique est-elle en
pratique réalisable chez
tous les patients ?
44 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue Vol. XII - nos 1-2 - janvier-février/mars-avril 2009
Cancérologie
ces tumeurs restent expérimentales. Les résultats
des essais de traitement adjuvant proposant radio-
thérapie, chimiothérapie ou radiochimiothérapie
réalisés depuis les années 1980 ont quant à eux
longtemps été controversés. L’essai ESPAC-1 a rando-
misé 289 patients opérés d’un adénocarcinome
pancréatique en quatre bras : radiochimiothérapie
seule, chimiothérapie seule à base de 5-FU pendant
6 mois, radiochimiothérapie suivie d’une chimiothé-
rapie, ou simple surveillance (2). La survie à 5 ans
était estimée à 10 % chez les patients ayant reçu
une radiochimiothérapie adjuvante et à 20 % chez
les patients n’en ayant pas reçu. De même, la survie
à 5 ans chez les patients ayant reçu une chimio-
thérapie adjuvante était de 21 % contre 8 % chez
ceux n’en ayant pas reçu (p = 0,009). La médiane
de survie était de 13,9 mois sous radiochimiothé-
rapie seule, de 16,9 mois dans le groupe avec une
simple surveillance, de 19,9 mois sous radiochimio-
thérapie suivie de chimiothérapie et de 21,6 mois
sous chimiothérapie seule. Cet essai, bien que large-
ment controversé, notamment pour des raisons
méthodologiques et à cause des résultats particu-
lièrement médiocres de la radiochimiothérapie, a
néanmoins permis de considérer la chimiothérapie
adjuvante comme utile après résection R0 d’un
cancer du pancréas. Ces résultats ont été confirmés
par une méta-analyse qui montrait une réduction
du risque de décès de 25 % grâce à la chimiothé-
rapie adjuvante, avec une médiane de survie après
résection d’un adénocarcinome pancréatique de,
respectivement, 19 mois et 13,5 mois avec ou sans
chimiothérapie (3).
Lefficacité démontrée de la gemcitabine dans
les cancers du pancréas en situation avancée, de
même que son profil de tolérance très satisfai-
sant pouvaient justifier son utilisation en situation
adjuvante. Létude CONKO-001 a ainsi randomisé
368 patients après résection d’un adénocarcinome
pancréatique pour recevoir une chimiothérapie adju-
vante à base de gemcitabine pendant 6 mois ou une
simple surveillance (4). La médiane de survie sans
récidive était de 13,4 mois dans le groupe gemci-
tabine contre 6,9 mois dans le groupe surveillance
(p < 0,001). Les survies sans récidive à 3 et à 5 ans
étaient respectivement de 23,5 % et 16,5 % dans le
groupe gemcitabine et de 7,5 % et de 5,5 % dans le
groupe surveillance simple. L’analyse en sous-groupe
montrait un bénéfice sur la survie sans récidive aussi
bien pour les patients ayant eu une résection R0
(81 % des patients de l’étude) que pour ceux avec une
résection R1. Le bénéfice persistait également dans
les autres sous-groupes de mauvais pronostic (N+,
T3-4), mais ces résultats doivent être interprétés
avec prudence en raison des faibles effectifs. On
notera cependant que seuls 62 % des patients ont
reçu la totalité du traitement initialement prévu et
que la survie sans récidive était étonnamment simi-
laire dans le groupe gemcitabine chez les patients
R1 et R0.
Les résultats finaux de cette étude, présentés en
2008, ont permis de montrer que la gemcitabine
en traitement adjuvant des cancers pancréatiques
opérés non seulement retardait la survenue des réci-
dives mais permettait également d’augmenter signi-
ficativement la survie globale. En effet, les taux de
survie globale passaient de 19,5 % à 36,5 % à 3 ans et
de 9 % à 21 % à 5 ans sous gemcitabine. La médiane
de survie sans progression était de 20,2 mois dans le
groupe observation et de 22,8 mois dans le groupe
gemcitabine (p = 0,005) [5].
Ces résultats ont permis d’établir la gemcitabine
comme standard dans le traitement adjuvant après
résection R0 ou R1 des adénocarcinomes pancréa-
tiques. Malgré les résultats défavorables de l’étude
ESPAC-1, la place de la radiochimiothérapie reste
discutée et des essais sont actuellement en cours
pour tenter de mieux la définir.
Références bibliographiques
1. Sener SF, Fremger A, Menck HR, Winchester DP. Pancreatic
cancer: a report of treatment and survival trends for 100,313
patients diagnosed from 1985-1995, using the National Cancer
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of pancreatic cancer. N Engl J Med 2004;350:1200-10.
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a randomised adjuvant therapy trials for pancreatic cancer. Br J
Cancer 2005;92:1372-81.
4. Oettle H, Post S, Neuhaus P et al. Adjuvant chemotherapy with
gemcitabine vs observation in patients undergoing curative-intent
resection of pancreatic cancer: a randomized controlled trial.
JAMA 2007;297:267-77.
5. Neuhaus P, Riess H, Post S et al. CONKO-001: final results
of the randomized, propective, multicenter phase III trial of
adjuvant chemotherapy with gemciatbine versus observa-
tion in patients with resected pancreatic cancer. J Clin Oncol
2008;26(Suppl.):LBA4504.
EVIDENCE-BASED MEDICINE
Questions
non résolues
Au moment du
»
diagnostic, la plupart
des patients atteints
d’un adénocarcinome
pancréatique ne sont pas
opérables. La mise en
évidence d’une stratégie
néoadjuvante permet-
tant d’augmenter la
résécabilité de ce cancer
en améliorerait probable-
ment le pronostic global
de façon considérable.
Dans l’étude ESPAC-1,
»
la radiochimiothérapie
ne s’est pas révélée
efficace, mais pour des
raisons méthodologi-
ques, un grand nombre
d’experts ne considèrent
pas ces résultats comme
définitifs. La place de la
radiochimiothérapie dans
la stratégie adjuvante
des adénocarcinomes
pancréatiques reste donc
à définir.
1 / 8 100%

Cancer de l’œsophage résécable : chimiothérapie préopératoire ou radio-chimiothérapie préopératoire ?

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