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MIEUX PILOTER SON APPRENTISSAGE
C’est par un détour historique que nous aborderons la présentation du concept de
pilotage de l’apprentissage. Une théorie prend en effet son sens le plus fort lorsqu’elle se situe dans le
vent de l’histoire.
1. LA DEMOCRATISATION DE L’ECOLE PRIMAIRE
Nous commencerons notre détour avec Jules FERRY. Pour ce dernier tous les enfants
doivent aller à l’école pour acquérir des savoirs de base: lire, écrire, compter. C’est la
démocratisation de l’école, mais pas au-delà, le C. E. P. par exemple n’est pas un objectif
prioritaire. Les instituteurs n’y présentent d’ailleurs qu’un tiers des effectifs. La réussite est de
l’ordre de 80%. L’important est alors, comme l’écrit A. PROST : « de ne pas faire échouer
ceux qui peuvent réussir ». L’échec scolaire n’a donc pas, à cette époque, de sens en tant que
tel. Cette situation perdure pendant longtemps puisqu’il faut attendre 1960 pour que la notion
d’échec scolaire apparaisse à la bibliothèque Nationale.
2. LA DEMOCRATISATION DE LA SELECTION
Sous la cinquième république, on considère que l’élite ne doit pas pâtir des conditions
socio-économiques de la famille. La sélection doit se faire à partir de critères scolaires et non à
partir de critères sociaux. Pour y parvenir, l’état met en place des moyens adaptés :
augmentation de la durée de la scolarité, création des collèges, c’est la démocratisation de la
sélection. La notion déchec scolaire prend alors du sens et devient un problème social. En
effet les Français vivent la corrélation réussite scolaire promotion sociale comme une
causalité. De ce fait les parents commencent à penser qu’investir dans les études de leurs
enfants est rentable eu égard à leur avenir.
3. LA DEMOCRATISATION DE LA REUSSITE
Dans les années 80, une nouvelle étape est franchie : tout le monde doit réussir à
l’école et au lycée, c’est la démocratisation de la réussite. Les Français investissent alors
complètement dans la réussite scolaire, l’échec devient par réaction « totalement
insupportable ». L’Etat suit en proposant que 80% des sujets d’une classe d’âge fréquentent
une classe terminale.
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C’est à ce moment que des problèmes apparaissent : Comment peut-on maintenir dans
un système des jeunes qui traditionnellement le quittaient pour s’insérer dans le tissu
économique ? Comment faire pour que tous y réussissent ?
Par rapport à cette attente les enseignants se sont trouvés bien démunis. En réponse
apparaissent alors des études concernant les pédagogies individualisées, différenciées,
personnalisées, les niveaux d’objectifs, etc. A telle enseigne, et c’est une révolution que la
conception du programme ne se fait plus par rapport à un élève moyen théorique mais en
fonction des individus qui apprennent.
Or ce changement radical n’est pas sans causer un malaise chez les apprenants et chez les
enseignants qui, par leur histoire personnelle, leur vécu d’apprenant et leur formation sont peu
préparés, à affronter ce changement.
Toutefois,on admettra volontiers, à la lecture de ces lignes, que le vent de l’histoire souffle
dans le sens de la démocratisation de la réussite à l’école puis au collège et au lycée. La
réussite scolaire devient donc un but pour la quasi totalité des citoyens d’âge scolaire.
4. LES PROBLEMES POSES
Se pose alors une question de fond : Est-ce que l’enseignement distribué, tel que nous
le connaissons, c’est-à-dire la pratique commune qui consiste à utiliser une seule et même
conduite de classe pour tous, convient à cette nouvelle population ? Si la réponse est oui,
tout va bien. Si la réponse est non, alors les établissements à fonction d’enseignement
doivent devenir des établissements à fonction d’apprentissage avec pour principal objectif
de rendre actifs les apprenants, en se centrant plutôt sur l’apprentissage de l’élève que sur
l’enseignement du maître.
Une anecdote me paraît bien illuster ce problème : il y a quelques années une
étudiante qui préparait un D. E. A., expérimentait un de nos questionnaire dans un lycée.
Ce questionnaire avait pour objet de repérer ce que les élèves activaient pour apprendre. Les
premiers résultats obtenus lui furent insupportables : l’ensemble des élèves testés (classes
terminales) apprenaient tous de la même façon, et ce qui ajoutait, comme leurs enseignants !
Malgré l’utilisation de tests statistiques divers, on n’observait pas de différences dans la façon
d’apprendre des sujets. Dépitée, elle mit en cause l’outil. Or, celui-ci n’était pas en cause. Il
mesurait tout simplement une réalité : ces terminales étaient composées d’élèves apprenant
grosso modo de la même façon. Quant à leurs enseignants, ils avaient été des élèves qui
avaient eu (et ont certainement encore) un mode d’apprentissage de même type que leurs
élèves actuels. Autrement dit, ces enseignants enseignaient à des élèves qui apprenaient
comme eux. Pour la rassurer (en réalité je ne suis pas sûr qu’elle le fût), nous utilisâmes le
questionnaire avec des élèves de classes plus hétérogènes et de plus faible niveau. Les
résultats obtenus ont montré qu’il y avait dans ce cas des différences qui témoignaient de
spécificités d’apprentissage, spécificités qui plus est ne corrélaient pas avec le mode
d’apprentissage des enseignants !
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5. QU’EST-CE QUI A CHANGE AU FIL DES ANS ?
La sélection « naturelle » qui s’opérait avant la démocratisation de
l’enseignement faisait passer inaperçues les spécificités des modes d’apprentissage.
En effet, historiquement les causes évoquées de l’echec scolaire étaient passées du
« tout économique » au « tout social ». Autrement dit, un élève était en échec scolaire
exclusivement à cause de son milieu socio-culturel d’origine puis à cause de
problèmes relationnels familiaux. A partir du moment où il était en échec, il quittait le
système scolaire.
Démocratisation de la réussite scolaire oblige, les élèves en échec scolaire
doivent maintenant rester dans l’école et de surcroît pour réussir. Ce maintien fait
émerger de nouvelles hypothèses sur les causes de l’échec d’origine intrinsèque.
En effet en observant les élèves les enseignants relèvent chez certains des
déficits d’ordre méta-cognitif (c’est-à-dire de concepts, d’opérations mentales, de
processus de pensée) et des déficits de connaissances méta-cognitives (c’est-à-dire de
méthodes efficaces pour apprendre : d’organisation, de mémorisation, d’évocation
mentale, etc.) En retour tout le monde s’accorde alors à dire que ces élèves en échec
doivent avant tout apprendre à apprendre.
Mais y parvenir n’est pas si simple, car la réussite de ce projet exige deux
choses :
- Une croyance de la part de l’enseignant : celle d’une possible éducabilité
cognitive, c’est-à-dire qu’il soit persuadé qu’un sujet, quelque soit son âge
et son passé, puisse évoluer dans ses performances d’apprentissage.
- La création, dans les différents cours de moments de réflexion, sur les
stratégies d’apprentissage, un entraînement sur le plan de la méta-
cognition et des connaissances méta-cognitives.
Ceci implique par ailleurs que les enseignants développent de nouvelles
compétences : celles des méthodologues. Or, comme l’a montré Marguerite ALTET
en analysant 325 heures de cours de 30 enseignants de Français et de Maths, le
pourcentage de temps consacré par les enseignants à la méthodologie (comment
apprend l’élève) est de 1% ! Quant à celui consacré par les élèves (voilà comment j’ai
appris) il est de 0% ! Le temps de cours est donc principalement destiné à la
pédogogie et à la didactique de l’enseignant (la relation et les moyens activés par
l’enseignant pour enseigner) et pour une part très faible à la didactique des
apprentissages (ce que l’élève active pour apprendre).
Précisons que ceci n’est pas une pratique incohérente pour ceux qui
implicitement possèdent les bonnes méthodes, ont construit les bons schèmes et
activent un bon raisonnement logique. Mais, à partir du moment où la classe reçoit des
élèves non « adaptés » sur le plan méthodologique il est indispensable de travailler sur
le registre méta-cognitif et les connaissances méta-cognitives. Bien sûr et c’est
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incontournable pour autant que la pédogogie développée, la relation soit de nature à
les médiatiser.
6. A LA RECHERCHE DES COUPABLES
Mais qui sont donc les responsables de ces déficits ? Les instituteurs d’école
maternelle ? Les professeurs d’école primaire ? Les professeurs de collège ? Difficile
à dire, d’autant que l’échec scolaire est préparé, annoncé par toute une série d’échecs
dans la famille et dans la socété. Ils deviennent en fait souvent visibles à l’école. Au
pire l’école ne fait échouer que des élèves qui ont déjà échoué ou ne parvient pas à
provoquer chez eux le désir d’apprendre.
La responsabilité vient-elle alors de la famille ? De la société ? C’est une autre
hypothèse. Mais l’admettre, c’est aussi admettre que l’école n’a pas d’action sur
l’apprenant. Pourtant elle fait réussir certains qui avaient connu l’échec. La réalité est
plus complexe, comme tout système humain et comme l’écrit A. PROST : « L’école
n’est ni totalement innocente ni totalement coupable, parfois tout le monde échoue,
pas seulement à l’école ». Le jeune en échec a une histoire et nous n’y pouvons rien,
c’est son passé, la vraie question reste : Que pouvons nous faire et que devons nous
faire maintenant ?
7. LES ACTEURS DE L’APPRENTISSAGE
On sait qu’il y a deux façons d’acquérir des savoirs. D’une façon immédiate c’est-
à-dire par des contacts avec les objets du savoir. C’est ce qu’a montré J. PIAGET :
Lorsque l’on met l’enfant dans un milieu expérientogène, il construit sa connaissance,
c’est la théorie psycho-génétique soutenue par un modèle constructiviste. Mais un tiers
reste exclu : le tiers social. Pourtant, c’est par lui que se construit l’autre façon
d’acquérir les savoirs : la façon médiate. C’est le modèle interactionniste de
VITGOTSKY.
Dans ce dernier cas, « l’autre » devient un médiateur cognitif c’est-à-dire
étymologiquement celui qui réunit, met en relation l’apprenant et les savoirs. Mais
pour qu’il soit un bon médiateur cognitif, il faut aussi qu’il soit en amont un bon
médiateur culturel ,un autre « significatif », c’est-à-dire quelqu’un à qui l’apprenant
donne du sens sur le plan relationnel. Ce modèle, post-piagetien (plutôt que néo-
piagetien) associe les deux approches constructiviste et interactionniste. C’est donc un
modèle psycho-socio-génétique qui réintroduit le tiers social exclu. Il est pertinent car
lorsque l’on apprend, l’ensemble de l’équipement psychique est sollicité : le cognitif
par la mise en relation avec l’objet du savoir, le relationnel par l’action modélisante de
la guidance du médiateur et le psycho-moteur quand l’apprenant est incité à
manipuler.
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8. LE CHANGEMENT
Comment procéder pratiquement pour générer un changement dans les façons
d’apprendre ?
Selon les écoles, il y a deux façons de produire un changement :
- Par la prise de conscience (PIAGET, DUCKAERT).
- Par un travail sur la classe d’appartenance des éléments à changer plutôt
que sur les éléments eux-mêmes.
Expliquons-nous : dans le premier cas, il s’agit de réfléchir sur les structures et
les processus plutôt que sur les contenus. Dans le second cas, il faut passer à un niveau
d’un degré supèrieur. Ce dernier cas peut être résumé par la phrase emblématique de
l’école de Palo ALTO : « Toujours plus « du même » ne change rien ».
Par exemple, faire faire plus « du même » en maths à un élève en échec en
maths n’apporte pas de progrès notables. Il convient plutôt de travailler à un niveau
supèrieur, c’est-à-dire au niveau des stratégies (qui ne sont pas pour autant générales),
c’est-à-dire à un méta-niveau. C’est dans ce champ que se situent les acquisitions
méta-cognitives, elles ont pour objet un changement de niveau d’abstraction.
Dans l’autre cas, celui de la prise de conscience, on travaille sur la
méthodologie, sur le plan des acquisitions de connaissances, sur les façons
d’apprendre, donc sur les connaissances méta-cognitives.
Souvent ces deux théories du changement sont présentées comme étant
antagonistes, en fait chacune d’elles donne des résultats selon les sujets. A cet égard,
nous rejoignons volontiers Jean BERBAUM lorsqu’il affirme : « que la prise de
conscience des éléments qui concourent à l’apprentissage et qui représentent une
approche globale fait parfois découvrir le besoin de travailler à un niveau plus abstrait
comme la remédiaton cognitive, le raisonnement logique ou encore la gestion
mentale ».
9. DE L’INTERET DE L’APPROCHE SYSTEMIQUE
Voyons maintenant en quoi tout cela est pertinent par rapport au fonctionnement
de la personne.
Le terme personne est un terme clé, en effet une situation
enseignement/apprentissage est une interaction de communication entre deux ou
plusieurs personnes. Dans cette interaction, on peut au moins différencier deux
champs d’action : celui de l’enseignant et celui du ou des élèves.
On a affaire dans ces interactions à des systèmes vivants, or comme l’écrit J.
ROSNAY : « Etudier les systèmes, c’est copier le vivant » et si l’on ajoute comme J.
MELESE : « Qu’il y a consubstantialité des concepts d’apprentissage et de système »
on comprend l’intérêt d’une approche systémique de l’inter-relation
enseignement/apprentissage.
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