T Depuis leur commercialisation, il y a environ trois ans, les coxibs accumulent les données scientifiques. De très nombreux travaux, parfois contradictoires mais toujours sources de réflexion, ont permis de découvrir ou de “revisiter” certains grands processus allant des mécanismes physiopathologiques à la prise en charge des malades “douloureux”. À une époque où la médecine fondée sur les preuves (l’evidence based medicine de nos collègues anglo-saxons) est devenue une référence, nous avons souhaité répondre aux grandes questions soulevées à propos des coxibs en se fondant uniquement sur ces données scientifiques. R I B U N E Les coxibs en pratique : questions/ réponses La rédaction 1. Quelle efficacité peut-on attendre des coxibs par rapport aux AINS conventionnels ? M. Dougados, service de rhumatologie B, hôpital Cochin, Paris Depuis l’avènement des AINS dans les années 1960, tout nouvel AINS s’est présenté comme “aussi efficace et mieux toléré” que les précédents. Les études menées après l’obtention de l’AMM ont souvent démenti cette affirmation en montrant que, dans le cadre de la pratique quotidienne, ces nouveaux AINS avaient en fait une efficacité ET une toxicité similaires à celles des précédents AINS, dès lors qu’ils étaient utilisés à des posologies “optimales” en pratique quotidienne. Est-ce que nous avons assez de recul aujourd’hui pour savoir si les coxibs dérogent à cette règle ? Comment répondre à cette question ? Il faut au préalable bien comprendre la méthodologie à utiliser pour fournir cette réponse de la manière la plus objective et la plus scientifique possible. 8 C’est ainsi que trois éléments intriqués nous semblent devoir être pris en compte : la population intéressée, les critères d’évaluation, le type d’études cliniques. Les éléments (critères, études) nécessaires à la réponse peuvent être différents aux yeux du malade ou de son médecin. C’est ainsi que, pour le patient, l’utilité sera au mieux évaluée par sa satisfaction, satisfaction mesurée directement (questionnaire patient) ou indirectement par les variations des symptômes qu’il ressent, avant tout douleur et impotence fonctionnelle. De même, cette satisfaction peut être évaluée par le taux de maintenance thérapeutique (un médicament symptomatique sera pris d’autant plus longtemps qu’il satisfait le patient). Pour le médecin, l’avis de ses patients est primordial. Dans des études de recherche clinique, ce concept peut être approché par des travaux évaluant la préférence du patient. Cette notion de préférence sousentend qu’un même patient est capable de porter un jugement comparatif sur deux ou plusieurs modalités thérapeutiques. Cela est possible dans les études dites “étude comparative où le malade est pris pour son propre témoin” (cross-over design pour nos collègues anglo-saxons). On peut évaluer l’utilité thérapeutique en estimant l’impact d’un nouveau médica- ment sur la consommation d’autres thérapeutiques. Ici, outre l’impact sur la consommation des protecteurs gastriques (qui évalue le côté “sécurité d’emploi”), on peut évaluer l’impact sur la consommation d’antalgiques potentiellement toxiques comme les dérivés morphiniques. Dernier point, et non le moindre, on peut également évaluer l’effet des coxibs (traitement symptomatique efficace) chez des patients nécessitant un tel traitement symptomatique, mais qui en étaient privés jusque-là en raison de la toxicité potentielle des AINS conventionnels. L’exemple le plus flagrant est celui du patient en période opératoire, où le chirurgien craignait et craint toujours de prescrire des AINS conventionnels en raison du risque hémorragique opératoire et du risque de survenue d’un ulcère dû au stress de l’intervention. Pour que la réponse à ces questions soit fondée sur les données chiffrées, il est nécessaire de la faire reposer sur des études de recherche clinique de bonne qualité ayant porté sur des patients tels qu’on les voit en pratique quotidienne (c’est-à-dire différents de ceux ayant participé aux essais thérapeutiques et ayant permis l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché). Quels sont les éléments de réponse ? Préférence du patient. Des études utilisant la technique du malade pris pour son propre témoin ont été menées pour comparer l’effet symptomatique des coxibs (célécoxib) à celui des antalgiques (paracétamol) chez des patients arthrosiques douloureux (1). Ces études concluent à une très nette supériorité des coxibs. Des études utilisant une méthodologie similaire sont nécessaires pour comparer les coxibs aux AINS conventionnels. Satisfaction du patient. Dans l’étude PREUVES (étude évaluant notamment l’efficacité et la tolérance du rofécoxib chez La Lettre du Rhumatologue - n° 297 - décembre 2003 T des patients arthrosiques dans le cadre de la pratique quotidienne) (2), cinq questions étaient posées aux patients en fin d’étude (six mois), évaluant leur degré de satisfaction quant à la prise en charge de leurs symptômes. Plus de 80 % des patients ont considéré que leur douleur était parfaitement (score d’au moins 75 sur une échelle allant de 0 à 100) prise en compte. Amélioration des symptômes. Toutes les études menées dans le cadre proche de la pratique quotidienne (comme l’étude PREUVES) ont confirmé les données d’efficacité des études menées préalablement à l’obtention de l’AMM des coxibs. C’est ainsi que, dans l’étude PREUVES, la douleur évaluée sur une échelle allant de 0 à 100 a diminué de près de 20, alors que l’on sait qu’à l’échelle d’un groupe de patients, une variation de 10 sur une échelle de 0 à 100 est habituellement considérée comme cliniquement pertinente. Cette efficacité s’est montrée persistante (au moins un an) et d’intensité similaire à celle du diclofénac administré à la dose de 150 mg par jour (chez des patients arthrosiques) (3) et à celle du naproxène administré à la dose de 1 000 mg par jour chez des patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde (4). À signaler également que, dans l’arthrose, il existe un débat autour de la place respective de l’utilisation du paracétamol et des anti-inflammatoires. Une étude récente comparant le rofécoxib à la dose de 25 mg par jour au paracétamol à la dose de 4 g par jour a conclu à la supériorité du rofécoxib (5). Taux de maintenance thérapeutique. Dans une vaste étude menée au Québec, il a été récemment rapporté que la durée moyenne du traitement par coxibs était significativement plus longue que sous AINS conventionnels, et qu’il y avait notamment un pourcentage de patients toujours sous traitement après un et trois mois plus élevé sous coxibs, suggérant par là que les coxibs seraient plus utiles que les AINS conventionnels dans le cadre de la pratique quotidienne (6). Consommation d’autres thérapeutiques. Chez des patients nécessitant le recours à des dérivés morphiniques en raison de la douleur engendrée par un acte chirurgical, il a été montré non seulement une réduction de la consommation de ces dérivés morphiniques grâce à l’utilisation conjointe de coxibs (rofécoxib), mais aussi une diminution des effets indésirables de ces dérivés morphiniques (nausées, vomissements, troubles du sommeil) (7). Patients en période opératoire. Chez les patients nécessitant la mise en place d’une prothèse de genou, l’utilisation des coxibs a montré, outre une réduction de la consommation de dérivés morphiniques, une amélioration plus rapide de l’état fonctionnel de la prothèse évaluée indirectement par le temps au bout duquel le patient pouvait fléchir son genou prothésé d’au moins 90 ° (7). R I B U N E efficacy comparable with that of diclofenac sodium. Arthritis Rheum 2000 ; 43 : 978-87. 4. Geusens PP, Truitt K, Sfikakis P et al. A placebo and active comparator-controlled trial of rofecoxib for the treatment of rheumatoid arthritis. Scand J Rheumatol 2002 ; 31 : 230-8. 5. Geba GP ,Weaver AL, Polis AB, Dixon ME, Schnitzer TJ . Efficacy of rofecoxib, celecoxib and acetaminophen in osteoarthritis of the knee. JAMA 2002 ; 287 : 64-71. 6. Moride Y, Ducruet T, Rochon S, Lavoie F. Persistency of use of COX-2-specific inhibitors and non-specific non-steroidal anti-inflammatory drugs (NSAIDs) in Quebec. Rheumatology 2003 ; 42 (suppl. 3) : iii17-iii22. 7. Buvanendran A, Kroin JS, Tuman KJ et al. Effects of perioperative administration of a selective cyclooxygenase 2 inhibitor on pain management and recovery of function after knee replacement. JAMA 2003 ; 290 : 2411-8. 2. Qu’apportent les coxibs en En conclusion L’évaluation des coxibs a permis de préciser certaines modalités thérapeutiques, notamment la supériorité nette des AINS par rapport au paracétamol, dans l’arthrose et, par ailleurs, de confirmer leur facilité d’utilisation chez des patients qui étaient jusque-là “privés” du recours aux AINS, notamment ceux en période pré-, per- et postchirurgicale. En termes d’efficacité symptomatique, le recul est à l’heure actuelle suffisant pour affirmer que les coxibs n’ont pas déçu et que, à la dose optimale recommandée, ils sont au moins aussi efficaces que les AINS conventionnels aux doses maximales n recommandées. Bibliographie 1. Pincus T, Fort JF, Mangal B et al. Patient preference for placebo, acetaminophen (paracetamol) or celecoxib effectiveness study (PACES-1) : a double blind, randomized, cross-over clinical trial in patients with osteoarthritis of the hip or knee. Ann Rheum Dis 2003 ; 62 (suppl. 1) : abstract OP0028. 2. Ravaud P, Giraudeau B, Logeart I et al. Management of osteoarthritis (OA) with an unsupervised home-based exercise program and/or patient-administered assessment tools. Cluster randomized controlled trial within a 2 x 2 factorial design. Ann Rheum Dis (accepté pour publication). 3. Cannon GW, Caldwell JR, Holt P et al. Rofecoxib, a specific inhibitor of COX-2 with clinical La Lettre du Rhumatologue - n° 297 - décembre 2003 termes de tolérance digestive, et à quels patients ? B. Combe, service d’immuno-rhumatologie, CHU Lapeyronie, Montpellier Les AINS “classiques” sont l’une des classes médicamenteuses les plus prescrites au monde, mais ils sont également responsables d’un grand nombre d’effets indésirables, essentiellement digestifs. Ils exposent aux ulcères gastroduodénaux et à leurs complications, les hémorragies digestives et les perforations, qui peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Ils exposent aussi, ce qui est moins bien connu, aux lésions muqueuses intestinales, lesquelles peuvent avoir des conséquences parfois gravissimes. Ces médicaments sont responsables d’au moins 2 000 à 2 500 décès par an, dans des pays comme la France ou la Grande-Bretagne. Des études de cohortes récentes montrent de façon concordante que la complication digestive peut survenir à n’importe quel moment, quelle que soit la durée de traitement, et qu’elle est imprévisible, survenant dans 60 à 80 % des cas sans symptômes prémonitoires. Les coxibs ont été développés dans le but de respecter la cyclo-oxygénase de type 1, qui joue un rôle physiologique majeur, notamment dans l’agrégation plaquettaire et dans la protection de la muqueuse gastroduodénale. 9 T R I B U N E Les études endoscopiques ont été les premières à confirmer cette hypothèse de départ en montrant pour tous les coxibs actuellement sur le marché, ou proches de l’être, une incidence d’ulcères gastroduodénaux, similaires au placebo et nettement inférieurs aux AINS “classiques” chez les sujets sains ou atteints de pathologie rhumatismale (1-3). Les études de développement de phase II et III ont confirmé l’excellente tolérance digestive des coxibs actuels (célécoxib, rofécoxib, étoricoxib, valdécoxib, lumiracoxib), montrant une diminution importante du risque de complications digestives graves par rapport aux AINS “classiques” comparateurs (le plus souvent naproxène, diclofénac, ibuprofène) (1-3). À ce jour, c’est l’étude VIGOR (4) qui est la meilleure démonstration de l’intérêt majeur des coxibs en termes de tolérance digestive. Il s’agit d’une étude randomisée portant sur 8 000 patients traités en moyenne pendant 9 mois, soit par rofécoxib, soit par naproxène. À la demande des autorités américaines, cette étude a été menée dans des conditions suprathérapeutiques, en considérant que la sécurité d’emploi serait encore meilleure dans les conditions usuelles d’utilisation. Ainsi, les patients traités par rofécoxib ont reçu une posologie de 50 mg/j, soit deux fois la dose maximale recommandée, alors que ceux traités par naproxène recevaient 1 000 mg/j, soit la posologie usuelle. L’étude a également porté sur une pathologie à risque, patients atteints de polyarthrite rhumatoïde et âgés de plus de 50 ans à l’inclusion. L’étude VIGOR a ainsi montré que le rofécoxib permettait de réduire les événements gastroduodénaux graves (ulcères cliniques, saignements, perforations) de plus de 50 % par rapport aux patients traités par naproxène. Ce résultat a été pris en compte par différentes agences d’enregistrement internationales. Par ailleurs, une analyse ultérieure de l’étude VIGOR a permis également de démontrer que le rofécoxib permettait une réduction dans 50 % des cas des complications intestinales graves par rapport au naproxène (5). Une autre étude contrôlée très récente, l’étude ADVANTAGE, réalisée dans des conditions proches de la pratique quotidienne, a aussi montré la réduction du 10 risque digestif sous rofécoxib chez 5 557 patients atteints d’arthrose, y compris chez ceux recevant de l’aspirine en protection cardiovasculaire (6). Les données de pharmacovigilance sont, elles aussi, venues confirmer la très bonne tolérance digestive du rofécoxib et du célécoxib. Enfin, un autre travail récent indique qu’un traitement par coxib est au moins équivalent sur le plan de la tolérance digestive à l’association AINS-inhibiteur de la pompe à protons. Dans cette étude, les patients à haut risque, car ayant présenté une hémorragie digestive récente, ont été randomisés dans deux groupes, l’un recevant du célécoxib (400 mg/j), l’autre du diclofénac (150 mg/j) associé à de l’oméprazole (20 mg/j). Pendant les 6 mois de l’étude, les récidives d’hémorragies digestives ont été observées chez 4,9 % des patients sous célécoxib versus 6,4 % de ceux recevant diclofénac + oméprazole. Cette différence n’était pas significative, mais il faut noter que dans le groupe diclofénac + oméprazole, on a également observé un cas de perforation intestinale mortelle et deux cas d’anémie inexpliquée (7). Le prescripteur a bien compris l’intérêt digestif des coxibs, puisque les données d’utilisation en France, pendant la période de juillet 2001 à juin 2002 (Thalès), montrent que les coxibs ont été prescrits chez des sujets à risque, car âgés en moyenne de plus de 15 ans par rapport à ceux recevant des AINS “classiques” et ayant plus fréquemment des antécédents digestifs. Cette constatation est cependant en contradiction avec les données scientifiques, puisque l’étude VIGOR (4) montre que la réduction des risques digestifs graves s’applique dans toutes les populations, et est au moins aussi importante chez les sujets sans risque digestif. Des données scientifiques extrêmement solides ont donc permis de confirmer l’intérêt clinique majeur des coxibs en termes de tolérance digestive, et ce quelle que soit la population à traiter. Il faut d’ailleurs s’attendre, lorsque nous disposerons de plus de molécules sur le marché, à ce que les coxibs remplacent les AINS “classiques” dans notre arsenal thérapeutique. Comment penser en effet que le prescripteur et le patient pourront encore accepter sur un plan strictement médical de prescrire et de recevoir des médicaments d’efficacité équivalente, mais plus toxiques ? n Bibliographie 1. Goldstein JL, Silverstein FE, Agrawal NM et al. Reduced risk of upper gastrointestinal ulcer complications with celecoxib, a novel COX-2 inhibitor. Am J Gastroenterol 2000 ; 95 : 1681-90. 2. Deeks JJ, Smith LA, Bradley MD. Efficacy, tolerability and upper gastrointestinal safety of celecoxib for treatment of osteoarthritis and rheumatoid arthritis systematic review of randomised controlled trials. Br Med J 2002 ; 325 : 619. 3. Langman MJ, Jensen DM, Watson DJ et al. Adverse upper gastrointestinal effects of rofecoxib compared NSAIDs. JAMA 1999 ; 282 : 1929-33. 4. Bombardier C, Laine L, Reicin A et al. Comparison of upper gastrointestinal toxicity of rofecoxib and naproxen in patients with rheumatoid arthritis. N Engl J Med 2000 ; 343 : 1520-8. 5. Laine J, Connors LG, Reicin A et al. Serious lower gastrointestinal clinical events with nonselective NSAIDs coxib use. Gastroenterology 2003 ; 124 : 288-92. 6. Lisse JR, Perlman M, Johansson G et al. Gastrointestinal tolerability and effectiveness of rofecoxib versus naproxen in the treatment of osteoarthritis. Ann Intern Med 2003 ; 139 : 53946. 7. Chan FK, Hung LC, Suen BY et al. Celecoxib versus diclofenac and omeprazole in reducing the risk of recurrent ulcer bleeding in patients with arthritis. N Engl J Med 2002 ; 347 : 2104-10. 3. Doit-on faire une différence entre coxibs et AINS classiques en termes de tolérance cardiovasculaire ? T. Schaeverbeke, service de rhumatologie, hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux Un essai clinique de grande ampleur, l’étude VIGOR, conçu pour comparer la tolérance digestive du rofécoxib et du naproxène sodique, a révélé de façon inattendue des différences de tolérance cardiovasculaire entre ces deux produits (1). Ces résultats, largement repris dans la presse, ont été à l’origine d’interrogations et de polémiques sur la tolérance cardiovasculaire respective des coxibs et des AINS classiques. Ces molécules ont-elles La Lettre du Rhumatologue - n° 297 - décembre 2003 T un impact différent sur l’appareil cardiovasculaire ? Faut-il préférer telle ou telle molécule chez des sujets à risque cardiovasculaire ? Pour répondre de façon pragmatique à ces questions, nous envisagerons un à un les différents impacts vasculaires des AINS et des coxibs, et nous dégagerons, pour chacun d’entre eux, les conséquences pratiques qui s’imposent au prescripteur. Impact rénal des AINS et des coxibs Deux prostaglandines ont un rôle important dans la régulation de la fonction rénale : la PGE2, qui diminue la réabsorption tubulaire du sodium, et la PGI2, dont l’effet principal est d’augmenter le débit de filtration rénale par vasodilatation de l’artériole glomérulaire afférente. L’inhibition de la PGE2 induit donc une rétention sodée, avec pour conséquences l’augmentation de la pression artérielle, le développement d’œdème, la majoration d’une insuffisance cardiaque congestive. L’inhibition de la synthèse de PGI2 diminue le flux de perfusion glomérulaire pouvant conduire à l’insuffisance rénale fonctionnelle. Fait capital, COX-1 et COX-2 sont exprimées de façon constitutive par le parenchyme rénal. L’expression de la COX-2 rénale est majorée par un régime hypersodé ou une diminution des apports hydriques, et inhibée par l’angiotensine II et l’aldostérone. La sélectivité des coxibs ne change donc rien à la tolérance rénale des AINS (2). Conséquences pratiques de l’impact rénal des coxibs et des AINS classiques. Pour le praticien, il n’y a pas de différence notable entre l’impact rénal des AINS conventionnels et celui des coxibs. Ces produits doivent être utilisés avec la même vigilance chez des sujets hypertendus, des personnes âgées, déshydratées, chez des patients recevant des diurétiques ou des inhibiteurs de l’enzyme de conversion, et chez des malades présentant une insuffisance cardiaque congestive. Face à ces différentes situations, la question n’est pas de savoir s’il faut préférer un coxib ou un AINS conventionnel : le problème est de déterminer si l’on peut prescrire un AINS, quel qu’il soit. Impact des AINS classiques et des coxibs sur l’agrégation plaquettaire Le thromboxane A2 (TXA2) est un activateur majeur de l’agrégation plaquettaire. Il est produit par la plaquette elle-même, et sa synthèse dépend exclusivement de la COX-1. Les coxibs, inhibiteurs spécifiques de la COX-2, respectent strictement les fonctions plaquettaires : ils n’ont donc aucun effet antiagrégant. Cette propriété fondamentale est à l’origine d’un test qui permet de caractériser un coxib : administré à dose suprathérapeutique, il ne modifie pas le temps de saignement. À l’inverse, la COX-1 est inhibée par les AINS classiques et par l’aspirine. Cependant, l’aspirine a une propriété originale qui la distingue des AINS classiques : elle bloque la COX-1 de façon irréversible ; comme la plaquette ne peut synthétiser de nouvelle enzyme (elle est dépourvue de noyau), l’impact de l’aspirine sur l’agrégation plaquettaire durera le temps de renouvellement des plaquettes : de 7 à 10 jours. Les AINS classiques ont, quant à eux, un impact plus ou moins prolongé, en fonction notamment de leur demi-vie plasmatique. Conséquences pratiques du respect des fonctions plaquettaires par les coxibs. Les coxibs n’ont aucun effet sur l’agrégation des plaquettes. Ils devront donc être associés à un antiagrégant plaquettaire chez les patients présentant une insuffisance coronarienne ou un risque thrombotique. Mais cette propriété a également des avantages : les coxibs peuvent être utilisés avant un geste chirurgical, puisqu’ils ne majorent pas le risque hémorragique. D’autre part, ils peuvent être associés à un traitement anticoagulant, puisqu’ils n’ajoutent à ce traitement aucun effet antiagrégant plaquettaire et qu’ils n’induisent aucune lésion digestive susceptible de saigner. Cependant, les coxibs, comme les AINS classiques, se fixent sur les mêmes récepteurs albuminiques que les antivitamines K (AVK), et leur administration est donc susceptible d’augmenter la fraction libre de ces derniers ; chez un sujet sous AVK, la prescription d’un coxib impose la réévaluation de l’INR à J3 et à J8, afin d’ajuster si nécessaire la posologie des AVK. La Lettre du Rhumatologue - n° 297 - décembre 2003 R I B U N E Impact des AINS et des coxibs sur la cellule endothéliale La thrombophilie résulte d’un équilibre entre la synthèse de thromboxane A2 par la plaquette (procoagulante) et la synthèse de prostacycline par la cellule endothéliale, qui prévient l’adhésion de la plaquette sur l’endothélium. La prostacycline est synthétisée à la fois par la COX-1 et la COX2. Les coxibs, qui inhibent spécifiquement la COX-2, inhibent partiellement la synthèse de prostacycline par l’endothélium, alors qu’ils ne modifient pas le thromboxane plaquettaire ; ils sont donc susceptibles de rompre l’équilibre entre prostacycline et thromboxane, et pourraient ainsi favoriser la thrombose. Toutefois, la COX-2 endothéliale est essentiellement exprimée en réponse à une lésion vasculaire. Ainsi, l’inflammation de l’endothélium est un phénomène majeur dans la genèse des plaques d’athérome ; la COX-2 est surexprimée au niveau des plaques d’athérome, et l’inhibition de cette enzyme pourrait avoir un rôle protecteur... Pertinence clinique de l’impact des AINS et des coxibs sur la thrombophilie : les résultats de l’étude VIGOR Ces données contradictoires quant à l’éventuel effet prothrombogène des coxibs ont reçu un écho tout particulier lors de la publication des résultats de l’étude VIGOR. L’objectif de cette étude était de comparer l’efficacité et la tolérance digestive du rofécoxib et du naproxène sodique chez des patients présentant une polyarthrite rhumatoïde. Les résultats ont été les suivants : efficacité comparable des deux produits, et meilleure tolérance digestive du rofécoxib. Cependant, de façon totalement imprévue, une différence faible mais significative du taux d’infarctus du myocarde était constatée dans le groupe de patients traités par rofécoxib par rapport à celui sous naproxène. Avant de proposer la moindre interprétation de ces résultats, plusieurs éléments doivent être soulignés. Tout d’abord, cette étude concernait des patients atteint de polyarthrite rhumatoïde, pathologie à risque cardiovasculaire élevé (la pathologie cardiovasculaire est la pre11 T R I B U N E mière cause de mortalité au cours de la polyarthrite rhumatoïde). Ensuite, afin d’éviter toute interférence en termes de tolérance digestive, l’utilisation de l’aspirine était proscrite ; ainsi, des patients à risque vasculaire avéré ont été inclus dans l’étude sans la moindre protection vasculaire dans le groupe rofécoxib, produit dépourvu d’effet antiagrégant. Enfin, le rofécoxib a été utilisé à posologie double (50 mg/j) de la dose quotidienne recommandée, à la demande de la Food and Drug Administration (FDA), afin de prouver de façon indiscutable la bonne tolérance digestive du produit. Quoi qu’il en soit, ce résultat témoigne-t-il d’un effet thrombogène du rofécoxib ou d’un effet cardioprotecteur du naproxène ? Plusieurs études ont, depuis, apporté des réponses à ces questions. Les coxibs augmentent-ils le risque de thrombose ? À la suite de la publication de l’étude VIGOR, plusieurs études de cohorte ont tenté d’évaluer le risque d’infarctus du myocarde ou d’événements thrombotiques chez des patients ayant reçu du rofécoxib ou un AINS classique. L’interprétation de telles études de cohorte est toujours délicate, du fait du caractère rétrospectif de l’analyse et de l’inhomogénéité des groupes de patients. Leurs résultats ne peuvent être réellement pris en considération que lorsqu’ils sont concordants. Dans le cas présent, ces études de cohorte concluent de façon totalement contradictoire. La démonstration ne peut donc venir que des essais cliniques contrôlés, et nous disposons désormais de plusieurs travaux méthodologiquement parfaitement conduits, dont les résultats sont très cohérents. Une méta-analyse regroupant l’ensemble des essais cliniques menés avec le rofécoxib ne montre aucun surcroît d’infarctus du myocarde chez les patients traités par rofécoxib comparés à des patients sous placebo ou à des patients traités par un AINS différent du naproxène (3). Notons que ces études représentent un total de 14 000 patients-années de traitement. Un large essai clinique, randomisé, comparant la tolérance respective du rofécoxib et du naproxène chez des sujets présentant une 12 arthrose, a permis d’inclure 5 557 patients. Cet essai est particulièrement intéressant, car une proportion importante de ces patients étaient âgés, et il associait d’importants facteurs de comorbidité, notamment des facteurs de risques cardiovasculaires. Aucune différence n’a été observée quant à l’incidence d’événements cardiovasculaires thrombotiques entre les deux groupes de traitement (4). Enfin, au cours d’un essai thérapeutique évaluant l’impact de la prise prolongée d’AINS sur la progression de la maladie d’Alzheimer, l’incidence des événements cardiovasculaires s’est révélée là encore strictement identique chez les malades ayant été traités par rofécoxib et ceux ayant reçu un placebo (5). de façon rationnelle, quelle que soit la situation particulière qui se présente au praticien. Les très larges études en cours concernant l’impact cardiovasculaire des AINS et des coxibs permettront certainement de répondre sans ambiguïté aux dernières interrogations quant à l’impact des coxibs sur la thrombophilie. n Les preuves d’un effet cardioprotecteur du naproxène. Une étude conduite à la demande de la FDA a montré que, parmi différents AINS testés, le naproxène est le produit ayant l’activité antiagrégante la plus importante (proche de l’aspirine à dose faible). Diverses études cas-témoins concordantes ont montré que le risque d’infarctus du myocarde paraît diminué chez des patients soumis à une prise prolongée de naproxène, comparés à des patients prenant un autre anti-inflammatoire ou ne consommant pas d’AINS. 3. Weir Conséquences pratiques. Ainsi, il apparaît de façon indiscutable que le résultat de VIGOR est la conséquence d’un effet cardioprotecteur du naproxène. Aucune donnée clinique ne permet de penser que les coxibs ont un effet prothrombogène. Chez un sujet à risque coronarien, il n’y a donc pas de contre-indication à proposer un coxib : il faudra simplement adjoindre à ce traitement l’antiagrégant plaquettaire justifié par la pathologie coronarienne. Conclusion Comme dans bien d’autres domaines, l’avènement des coxibs aura eu pour effet d’améliorer considérablement les connaissances médicales sur le retentissement cardiovasculaire des AINS dans leur ensemble. Les nombreuses données accumulées ces dernières années permettent d’utiliser les coxibs et les AINS classiques Bibliographie 1. Bombardier C, Laine L, Reicin A et al. Comparison of upper gastrointestinal toxicity of rofecoxib and naproxen in patients with rheumatoid arthritis. VIGOR Study Group. N Engl J Med 2000 ; 343 : 1520-8. 2. Harris RC Jr. Cyclooxygenase-2 inhibition and renal physiology. Am J Cardiol 2002 ; 89 (6A) : 10D-17D. MR, Sperling RS, Reicin A, Gertz BJ. Selective COX-2 inhibition and cardiovascular effects : a review of the rofecoxib development program. Am Heart J 2003 ; 146 (4) : 591-604. 4. Lisse JR, Perlman M, Johansson G et al. Gastrointestinal tolerability and effectiveness of rofecoxib versus naproxen in the treatment of osteoarthritis : a randomized, controlled trial. Ann Intern Med 2003 ; 139 : 539-46. 5. Reicin A, DiBattiste P, Mukhopadhyay S et al. Cardiovascular safety profile of rofecoxib in elderly patients with Alzheimer’s disease or cognitive impairment : an updated pooled analysis. Ann Rheum Dis 2003 ; 62 (suppl. 1) : 407. 4. Quel anti-inflammatoire choisir chez un patient sous aspirine à faible dose en prévention cardiovasculaire ? J. Sibilia, service de rhumatologie, CHU Hautepierre, Strasbourg Cette question est particulièrement importante, puisque, actuellement, près de 1,2 million de patients prennent de l’aspirine en prévention cardiovasculaire en France. Pour répondre à cette question, il y a deux préalables indispensables : 1. Il faut s’assurer de la bonne indication de l’AINS et de l’absence d’autre alternative thérapeutique. En pratique, c’est très souvent le cas dans de nombreuses affections chroniques douloureuses quand l’efficacité des antalgiques est insuffisante. La Lettre du Rhumatologue - n° 297 - décembre 2003 T 2. Il faut avoir conscience du risque digestif hémorragique de l’aspirine, qui est actuellement bien démontré (1, 2). Cette toxicité est dose-dépendante et apparaît dès la dose de 10 mg/j. Globalement, le risque hémorragique digestif est multiplié par deux à quatre pour des doses de 75 à 325 mg/j (3). Ainsi, les complications digestives liées à une faible dose semblent aussi fréquentes que celles des AINS non salicylés (4). Quand le traitement anti-inflammatoire est indispensable, on a donc le choix d’utiliser soit un AINS classique, soit un coxib (5). Quels sont les arguments permettant ce choix ? Si l’on choisit un AINS, la coprescription va se heurter à deux problèmes : – L’association d’un AINS classique et d’aspirine à faible dose augmente significativement le risque d’ulcère hémorragique comparativement à l’aspirine seule (3). – La coprescription d’ AINS (en particulier d’ibuprofène) et d’aspirine à faible dose peut neutraliser l’effet antiagrégant de l’aspirine en agissant par compétitivité sur la COX-1 (6, 7). Ce résultat expérimental a été conforté par l’observation d’un risque plus important d’infarctus du myocarde chez des sujets sous aspirine en prophylaxie cardiovasculaire primaire prenant régulièrement des AINS classiques (plus de 60 jours par an) (risque relatif [RR] de 2,86 ; IC95 : 1,25-6,56) par rapport à ceux qui n’en prennent pas (RR = 0,21 ; IC95 : 0,3-1,48) (8). Si l’on fait le choix d’un coxib, on doit savoir deux choses o Les données cliniques 3 Les premières données concernant la coprescription coxib-aspirine à faible dose proviennent de l’étude CLASS (9). Cette étude n’a pas permis de démontrer clairement la réduction du risque digestif grave sous célécoxib. Une des explications avancées, outre d’importants problèmes méthodologiques, est la la coprescription avec de l’aspirine, retrouvée chez plus de 20 % des patients. 3 La récente étude ADVANTAGE, randomisée en double aveugle, a comparé le rofécoxib 25 mg/j au naproxène 1 000 mg/j chez 5 537 patients âgés en moyenne de 63 ans, traités pour une arthrose pendant 9 mois (10). Cette étude démontre une tolérance digestive significativement meilleure du rofécoxib par rapport au naproxène, à efficacité égale. Ainsi 5,9 % des patients prenant du rofécoxib contre 8,1 % des patients prenant du naproxène ont arrêté leur traitement en raison de manifestations digestives (RR = 0,74 ; IC95 : 0,60-0,92). L’analyse du sous-groupe de patients utilisateurs d’aspirine à faible dose (13 % des patients) a retrouvé des résultats similaires, avec une réduction du risque d’arrêt de traitement pour manifestations digestives de 44 % (RR = 0,56 ; IC95 : 0,31-1,01). 3 Une étude appelée SUCCESS-1 a comparé l’association de célécoxib ou d’un AINS classique (naproxène ou diclofénac) avec de l’aspirine à faible dose. Les résultats préliminaires suggèrent une réduction du risque d’événements digestifs sévères en cas d’association coxib-aspirine, mais ces données n’ont été publiées que sous forme de résumé, ne permettant pas de conclusion définitive. o Les explications possibles concernant la tolérance digestive de l’association coxib-aspirine Plusieurs explications sont possibles : 3 Les patients sous aspirine à faible dose ont un risque digestif plus élevé lié à la toxicité digestive propre à l’aspirine, ainsi qu’à l’existence de cofacteurs de risques digestifs comme l’âge ou l’existence d’une affection cardiovasculaire. Ces patients à haut risque digestif constituent donc une population pour laquelle il est probablement plus difficile d’apprécier le bénéfice digestif d’un coxib. 3 La coprescription d’un coxib (a fortiori d’un AINS classique) et d’aspirine à faible dose peut avoir un impact sur la tolérance digestive. Il a été démontré récemment que l’aspirine à faible dose n’inhibe pas seulement la COX-1 (effet antiagrégant plaquettaire), mais interfère aussi avec la COX-2 en permettant la transformation de l’acide arachidonique en un médiateur lipi- La Lettre du Rhumatologue - n° 297 - décembre 2003 R I B U N E dique (aspirin triggered lipoxin) (ATL) (11). Cet ATL a un rôle gastroprotecteur en inhibant la réaction inflammatoire de la muqueuse gastrique induite par l’aspirine. Ainsi, l’inhibition de la COX-2 par un coxib (ou un AINS classique) inhibe la synthèse d’ATL. La pertinence de ce mécanisme a été démontrée chez 32 volontaires sains chez qui la coprescription d’aspirine à faible dose et de célécoxib inhibe la synthèse d’ATL, ce qui se traduit sur le plan endoscopique par une fréquence significativement plus importante de lésions gastriques par rapport à l’aspirine seule. L’incidence pratique de ces modifications sur les complications digestives cliniques n’a pour l’instant pas été évaluée. Conclusion La gastrotoxicité de l’aspirine à faible dose peut être considérée comme un vrai problème de santé publique, car le vieillissement de la population justifiera de plus en plus la coprescription d’antiagrégants et de molécules antalgiques, en particulier d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. Chez le consommateur d’aspirine, les données cliniques suggèrent qu’il est plus judicieux d’utiliser l’AINS qui a le meilleur profil de tolérance digestive et qui n’interfère pas avec l’agrégation plaquettaire. Les coxibs qui possèdent ces deux qualités semblent être les anti-inflammatoires de choix, en particulier chez le sujet à haut risque digestif, ce qui est le cas des consommateurs d’aspirine à faible dose. Reste à savoir si ces patients à haut risque ne justifient pas d’autre mesure de gastroprotection (12, 13). n Bibliographie 1. Thiefin G. Complications gastro-intestinales des anti-inflammatoires non stéroïdiens et de l’aspirine à faible dose. Gastroenterol Clin Biol 2003 ; 27 : 498-510. 2. Sibilia J, Ravaud P, Marck G. Les complications digestives et hémorragiques de l’aspirine faible dose. Presse Med 2003 ; 32 (suppl.) : 4S17-4S28. 3. Weil J, Colin-Jones D, Langman M et al. Prophylactic aspirin and risk of peptic ulcer bleeding. Br Med J 1995 ; 310 : 827-30. 4. Stack WA, Atherton JC, Hawkey GM, Logan RF, Hawkey CJ. Interactions between Helicobacter pylori and other risk factors for peptic ulcer bleeding. Aliment Pharmacol Ther 2002 ; 16 : 49713 T R I B U N E 506. 5. Baigent C, Patrono C. Selective cyclooxygenase 2 inhibitors, aspirin, and cardiovascular disease. Arthritis Rheum 2003 ; 48 : 12-20. 6. Catella-Lawson F, Reilly MP, Kapoor SC et al. Cyclooxygenase inhibitors and the antiplatelet effects of aspirin. N Engl J Med 2001 ; 345 : 180917. 7. Mc Donald TM, Wei L. Effect of ibuprofen on cardioprotective effect of aspirin. Lancet 2003 ; 361 : 573-4. 8. Kurth T, Glynn RJ, Walker AM et al. Inhibition of clinical benefits of aspirin on first myocardial infarction by nonsteroidal antiinflammatory drugs. Circulation 2003 ; 9 : 1191-5. 9. Silverstein FE, Faich G, Goldstein JL et al. Gastro-intestinal toxicity with celecoxib vs nonsteroidal anti-inflammatory drugs for osteoarthritis and rheumatoid arthritis : the CLASS Study : a randomised controlled trial. Celecoxib long-term arthritis safety study. JAMA 2000 ; 284 : 1247-51. 10. Lisse JR, Perlman M, Johansson G et al. Gastrointestinal tolerability and effectiveness of rofecoxib versus naproxen in the treatment of osteoarthritis. Ann Intern Med 2003 ; 139 : 53949. 11. Fiorucci S, Santucci L, Wallace JL et al. Interaction of a selective cyclooxygenase-2 inhibitor with aspirin and NO-releasing aspirin in the human gastric mucosa. Proc Natl Acad Sci 2003 ; 100 : 10937-41. 12. Chan FK, Chung SCS, Suen BY et al. Preventing recurrent upper gastrointestinal bleeding in patients with Helicobacter pylori infection who are taking low-dose aspirin or naproxen. N Engl J Med 2001 ; 344 : 967-73. 13. Lai KC, Lam SK, Chu KM et al. Lansoprazole for the prevention of recurrences of ulcer complications from long-term low-dose aspirin use. N Engl J Med 2002 ; 346 : 2033-8. 5. Chez quels patients est-il justifié d’associer un protecteur gastrique à un coxib ? B. Combe, service d’immuno-rhumatologie, CHU Lapeyronie, Montpellier Nous ne disposons actuellement d’aucune donnée scientifique permettant d’affirmer 14 ou même de suspecter que l’addition d’un médicament protecteur digestif, en particulier un inhibiteur de la pompe à protons (IPP), à un coxib permette de réduire le risque gastroduodénal ou intestinal grave. Il faut par ailleurs rappeler que les IPP, s’ils ont montré la réduction de l’incidence d’ulcères endoscopiques liés à un AINS, n’ont jamais montré celle du risque clinique gastroduodénal grave, et n’ont pas d’effet sur le risque intestinal. En termes de prévention digestive, seul le misoprostol (mais à la dose élevée de 800 µg/j) a montré sa capacité à réduire ce risque digestif grave sous AINS. D’autre part, du fait de l’amélioration importante en termes de tolérance digestive apportée par les coxibs et des données endoscopiques montrant un risque ulcérogène similaire au placebo, il n’y a pas actuellement de justification scientifique à prescrire en prévention systématique un protecteur gastrique, et notamment un IPP, en association avec un coxib, y compris chez les sujets à risque. Deux situations à envisager Néanmoins, il existe au moins deux situations où l’association d’une protection digestive avec un coxib peut être envisagée : 3 En prévention, chez un sujet à risque nettement augmenté : il s’agit notamment des patients qui reçoivent une coprescription avec un autre médicament à risque digestif, en particulier l’aspirine prescrite à visée antiagrégante. Dans ce cas, et surtout s’il existe d’autres facteurs de risques digestifs (sujet âgé, antécédents d’ulcères et/ou complications...), il peut être justifié de proposer une protection digestive, et notamment un IPP. D’autre part, chez les sujets à très haut risque digestif (complication digestive récente, associations de facteurs de risque...) (1, 2), et même si nous ne disposons pas d’un support scientifique pour le faire, la prudence peut conduire le prescripteur à associer un coxib à un IPP. 3 En traitement curatif, lorsque les troubles digestifs, notamment des dyspepsies, surviennent au cours d’un traitement par coxib : la dyspepsie, bien que moins fréquente que sous AINS classiques, paraît légèrement augmentée lors de la prise d’un coxib, et est souvent liée à la présence d’un reflux gastro-œsophagien. Dans ce cas, les IPP ont une efficacité sur le symptôme, mais leur prescription n’est pas indispensable, et un pansement gastrique peut parfois être suffisant (3). Conclusion Nous ne disposons actuellement d’aucune donnée scientifique permettant d’affirmer que l’association d’un protecteur digestif à un coxib permettrait de réduire le risque digestif et donc, dans l’immense majorité des cas, il n’y a aucune justification à prescrire cette association. La coprescription d’un coxib et d’un IPP notamment doit donc être réfléchie et réservée uniquement, que ce soit en traitement préventif ou curatif, à des cas particuliers. n Bibliographie 1. Chan FK, Hung LC, Suen BY et al. Celecoxib versus diclofenac and omeprazole in reducing the risk of recurrent ulcer bleeding in patients with arthritis. N Engl J Med 2002 ; 347 : 2104-10. 2. Laine J, Bombardier C, Hawkey CJ et al. Stratifying the risk of NSAID-related upper gastrointestinal clinical event results of a doubleblind outcomes study in patients with rheumatoid arthritis. Gastroenterology 2002 ; 123 : 1006-12. 3. Abitbol V, Chaussade S. La dyspepsie ou le RGO sont-ils prédictifs d’un accident digestif grave sous AINS ? Comment faut-il les traiter ? Presse Med 2003 ; 32 (suppl.) : 4S53-4S55. La Lettre du Rhumatologue - n° 297 - décembre 2003