Les études endoscopiques ont été les pre-
mières à confirmer cette hypothèse de
départ en montrant pour tous les coxibs
actuellement sur le marché, ou proches de
l’être, une incidence d’ulcères gastroduo-
dénaux, similaires au placebo et nettement
inférieurs aux AINS “classiques” chez les
sujets sains ou atteints de pathologie rhu-
matismale (1-3).
Les études de développement de phase II
et III ont confirmé l’excellente tolérance
digestive des coxibs actuels (célécoxib,
rofécoxib, étoricoxib, valdécoxib, lumira-
coxib), montrant une diminution impor-
tante du risque de complications digestives
graves par rapport aux AINS “classiques”
comparateurs (le plus souvent naproxène,
diclofénac, ibuprofène) (1-3).
À ce jour, c’est l’étude VIGOR (4) qui est
la meilleure démonstration de l’intérêt
majeur des coxibs en termes de tolérance
digestive. Il s’agit d’une étude randomisée
portant sur 8 000 patients traités en
moyenne pendant 9 mois, soit par rofé-
coxib, soit par naproxène. À la demande
des autorités américaines, cette étude a été
menée dans des conditions suprathérapeu-
tiques, en considérant que la sécurité d’em-
ploi serait encore meilleure dans les condi-
tions usuelles d’utilisation. Ainsi, les
patients traités par rofécoxib ont reçu une
posologie de 50 mg/j, soit deux fois la dose
maximale recommandée, alors que ceux
traités par naproxène recevaient
1 000 mg/j, soit la posologie usuelle.
L’étude a également porté sur une patho-
logie à risque, patients atteints de polyar-
thrite rhumatoïde et âgés de plus de 50 ans
à l’inclusion. L’étude VIGOR a ainsi mon-
tré que le rofécoxib permettait de réduire
les événements gastroduodénaux graves
(ulcères cliniques, saignements, perfora-
tions) de plus de 50 % par rapport aux
patients traités par naproxène. Ce résultat
a été pris en compte par différentes agences
d’enregistrement internationales. Par
ailleurs, une analyse ultérieure de l’étude
VIGOR a permis également de démontrer
que le rofécoxib permettait une réduction
dans 50 % des cas des complications intes-
tinales graves par rapport au naproxène
(5). Une autre étude contrôlée très récente,
l’étude ADVANTAGE, réalisée dans des
conditions proches de la pratique quoti-
dienne, a aussi montré la réduction du
risque digestif sous rofécoxib chez
5 557 patients atteints d’arthrose, y com-
pris chez ceux recevant de l’aspirine en
protection cardiovasculaire (6).
Les données de pharmacovigilance sont,
elles aussi, venues confirmer la très bonne
tolérance digestive du rofécoxib et du célé-
coxib.
Enfin, un autre travail récent indique qu’un
traitement par coxib est au moins équiva-
lent sur le plan de la tolérance digestive à
l’association AINS-inhibiteur de la pompe
à protons. Dans cette étude, les patients à
haut risque, car ayant présenté une hémor-
ragie digestive récente, ont été randomisés
dans deux groupes, l’un recevant du célé-
coxib (400 mg/j), l’autre du diclofénac
(150 mg/j) associé à de l’oméprazole
(20 mg/j). Pendant les 6 mois de l’étude,
les récidives d’hémorragies digestives ont
été observées chez 4,9 % des patients sous
célécoxib versus 6,4 % de ceux recevant
diclofénac + oméprazole. Cette différence
n’était pas significative, mais il faut noter
que dans le groupe diclofénac + omépra-
zole, on a également observé un cas de per-
foration intestinale mortelle et deux cas
d’anémie inexpliquée (7).
Le prescripteur a bien compris l’intérêt
digestif des coxibs, puisque les données
d’utilisation en France, pendant la période
de juillet 2001 à juin 2002 (Thalès), mon-
trent que les coxibs ont été prescrits chez
des sujets à risque, car âgés en moyenne
de plus de 15 ans par rapport à ceux rece-
vant des AINS “classiques” et ayant plus
fréquemment des antécédents digestifs.
Cette constatation est cependant en contra-
diction avec les données scientifiques,
puisque l’étude VIGOR (4) montre que la
réduction des risques digestifs graves s’ap-
plique dans toutes les populations, et est
au moins aussi importante chez les sujets
sans risque digestif.
Des données scientifiques extrêmement
solides ont donc permis de confirmer l’in-
térêt clinique majeur des coxibs en termes
de tolérance digestive, et ce quelle que soit
la population à traiter. Il faut d’ailleurs s’at-
tendre, lorsque nous disposerons de plus
de molécules sur le marché, à ce que les
coxibs remplacent les AINS “classiques”
dans notre arsenal thérapeutique. Com-
ment penser en effet que le prescripteur et
le patient pourront encore accepter sur un
plan strictement médical de prescrire et de
recevoir des médicaments d’efficacité
équivalente, mais plus toxiques ? n
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risk of recurrent ulcer bleeding in patients with
arthritis. N Engl J Med 2002 ; 347 : 2104-10.
3. Doit-on faire une différence
entre coxibs et AINS classiques
en termes de tolérance cardio-
vasculaire ?
T
.
Schaeverbeke, service de rhumatologie,
hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux
Un essai clinique de grande ampleur,
l’étude VIGOR, conçu pour comparer la
tolérance digestive du rofécoxib et du
naproxène sodique, a révélé de façon inat-
tendue des différences de tolérance car-
diovasculaire entre ces deux produits (1).
Ces résultats, largement repris dans la
presse, ont été à l’origine d’interrogations
et de polémiques sur la tolérance cardio-
vasculaire respective des coxibs et des
AINS classiques. Ces molécules ont-elles
La Lettre du Rhumatologue - n° 297 - décembre 2003
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TRIBUNE