ÉDITORIAL Cancer : inégalités et nouveaux progrès en Europe Cancer: disparities and new progress in Europe “ L’ European Cancer Congress, qui s’est tenu à Vienne récemment, a éclairé la marche du progrès contre le cancer. Ce bilan 2015 reste cependant contrasté, les inégalités côtoyant les innovations les plus spectaculaires. C’est ainsi que nous avons découvert les derniers résultats de l’enquête EUROCARE, soutenue par le ministère de la Santé italien et l’Europe, et fondée sur l’étude des données de plus de 10 millions de patients atteints de cancers diagnostiqués en 1995 et 2007, tirées de 107 registres du cancer dans 29 pays européens. Les patients étaient suivis jusqu’en 2008. La bonne nouvelle vient des taux de survie à 5 ans, Pr Jean-François Morère Département de cancérologiehématologie, CHU Paul-Brousse, Villejuif. qui s’accroissent globalement et régulièrement pour la majorité des cancers. Les meilleures performances sont observées dans la leucémie myéloïde chronique, avec un accroissement de 32 à 54 %, dans le cancer de la prostate, avec des taux passant de 73 à 82 %, et enfin dans le cancer rectal, dont les taux de survie à 5 ans passent de 52 à 58 %. Malheureusement, de nombreuses inégalités persistent au sein de l’Europe. Ces variations régionales sont plus marquées pour les cancers associés à un bon pronostic. Ainsi, la survie moyenne à 5 ans pour le cancer du sein varie de 74 % en Europe de l’Est à 85 % en Europe du Nord ; pour le cancer du côlon, ce taux varie de 49 % en Europe de l’Est à 61 % en Europe centrale ; pour le cancer de la prostate, le taux passe de 72 % en Europe de l’Est à 88 % en Europe centrale. Ces variations régionales existent pour les autres cancers associés à un moins bon pronostic, mais sont plus faibles. Il est malheureux de constater que ces taux de survie sont corrélés au produit national brut et aux dépenses totales de santé nationales. Il est encore plus malheureux de constater que 2 pays dérogent à cette règle : le Danemark et la Grande-Bretagne, qui continuent à avoir des performances inférieures à celles que l’on pourrait attendre étant donné leur niveau de dépenses de santé. L’impact d’un certain nombre de facteurs, tels que le style de vie, le dépistage et la prévention, ainsi que des niveaux globaux de santé est aussi souligné. À côté de cette étude EUROCARE, cette réunion a été l’occasion de s’intéresser à des populations particulièrement vulnérables. L’étude slovaque de S. Jozef et al. (abstr. 1046) porte ainsi sur plus de 11 000 migrants et réfugiés. La distribution des cancers observés recouvre les principaux types de cancer : sein, côlon, poumon, mais à un taux plus élevé que la moyenne de la population. Plus regrettable encore, 50 % des patients se présentent à un stade tardif. Enfin, 50 % ne mènent pas leur traitement à son terme. La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIV - n° 11 - décembre 2015 | 549 ÉDITORIAL Les résultats du programme EDIFICE, réalisé en 2014 (Morère JF et al., abstr. 1101), montrent que, même en France, la vulnérabilité peut être source d’un moindre taux de participation au dépistage du cancer ainsi que d’un moins bon taux de compliance aux intervalles recommandés de dépistage. Ce phénomène est aussi observé pour le dépistage du cancer du col (Viguier J et al., abstr. 1100). Une meilleure connaissance des inégalités socio-économiques face au cancer entre les différents pays d’Europe, mais aussi dans chaque pays, apparaît aujourd’hui comme une piste à emprunter pour proposer des stratégies d’amélioration de la prise en charge au niveau européen. Elle ne saurait cependant représenter l’essentiel des améliorations futures. Les thérapies ciblées et l’immunothérapie envahissent le champ de la thérapeutique et rendent certaines de nos connaissances et habitudes obsolètes. Une adaptation à ces innovations est donc nécessaire. La marche du progrès thérapeutique est, en effet, de plus en plus rapide en cancérologie. Comme le souligne Rolf A. Stahel, président de l’ESMO : “La complexité croissante et les nouvelles opportunités du traitement du cancer résultant des découvertes de la biologie ainsi que des développements de l’analyse moléculaire et des avancées de l’immunothérapie créent des changements dramatiques et rapides dans la profession d’oncologue. En résultent une nécessaire adaptation des oncologues aux derniers standards de pratique et une mise à jour continue de leurs compétences et savoirs.” ” Dans cette perspective, la rédaction de la Lettre du Cancérologue est heureuse de vous proposer une synthèse des avancées les plus marquantes présentées lors de cette réunion internationale, utile pour votre pratique de demain. Grandir ensemble, c’est magique… Continuons en 2016 ! Bonnes fêtes de fin d’année à tous Claudie Damour-Terrasson Directeur de la publication 550 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIV - n° 11 - décembre 2015 0550_LON 550 22/12/2015 09:49:45