“ L Place de l’angioplastie dans la maladie coronaire stable

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ÉDITORIAL
Place de l’angioplastie dans la maladie
coronaire stable
Percutaneous coronary intervention in stable
­coronary disease
“
L
Pr Gérard Helft
Institut de cardiologie,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière,
Paris.
a première angioplastie coronaire (APC) a été réalisée avec succès
en 1977 par Andreas Gruentzig. En moins de 40 ans, une évolution
inimaginable à cette date a eu lieu dans le domaine de la cardiologie
interventionnelle coronaire, tant sur le plan de sa diffusion que sur celui
de la technique. J. Puel et U. Sigwart ont été les premiers à implanter un
stent dans une coronaire chez l’homme en 1986 (1). Sigwart a démontré,
2 ans plus tard, la possibilité de “stenter” une artère en urgence alors qu’elle
venait de s’obstruer par dissection lors de la réalisation d’une APC au ballon.
Actuellement, près de 1 million de stents coronaires sont implantés chaque
année aux États-Unis, et environ 750 000 en Europe.
L’APC a démontré qu’elle permettait de diminuer la mortalité en cas
de SCA ST+, mais également en cas de SCA ST– avec troponine élevée.
Qu’en est-il dans le cadre de la maladie coronaire stable (MCS) ?
La MCS comprend, d’une part, l’angor stable, d’autre part,
l’ischémie myocardique silencieuse. Avant de commenter les bénéfices
de l’APC dans la MCS, remarquons tout d’abord qu’avant d’être stables
ou stabilisés, certains syndromes coronaires sont aigus et peuvent
se stabiliser secondairement avant ou sans intervention médicale…
mais cela est un autre débat. Les angors de novo sont par définition
initialement aigus mais peuvent se stabiliser. Mais revenons à la MCS.
Les recommandations internationales les plus récentes énoncent
2 conditions pour proposer une revascularisation dans la MCS :
des symptômes incomplètement contrôlés par le traitement médical
­et/­ou un niveau de risque élevé selon l’anatomie coronaire et/ou les tests
non invasifs. En effet, dans la MCS, contrairement au SCA, l’APC n’a pas
démontré sa capacité à améliorer la survie, comparativement au traitement
médical optimal. L’angioplastie n’a démontré son intérêt dans le cadre
de la MCS que pour diminuer l’angor et l’ischémie myocardique.
Les études COURAGE et BARI 2D, qui sont parmi les grandes études
sur ce sujet, n’ont pas permis de démontrer une réduction de mortalité
chez des patients atteints de MCS. Une lueur d’espoir était apparue pour
les partisans de l’angioplastie dans l’étude COURAGE par la divergence
à 5 ans des 2 courbes de survie actuarielle (avec et sans APC), suggérant
un bénéfice plus tardif en termes de survie pour l’angioplastie.
Des données récentes (2) rapportant la survie à long terme des patients
randomisés dans l’étude COURAGE, ne confirment pas ces espoirs.
4 | La Lettre du Cardiologue • N° 496 - juin 2016
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Après 12 ans de suivi, la mortalité observée dans le groupe dilaté
(en plus du traitement médical optimal) est similaire à celle observée
dans le groupe sous traitement médical optimal seul (25 versus 24 % ;
HR = 1,03 ; p = 0,76). Certes, le suivi n’a pu être réalisé que chez 53 %
des patients initialement randomisés (pour des raisons administratives
propres au Canada qui ne permettent pas de faire un suivi…), et l’étude,
déjà ancienne (inclusions entre 1999 et 2004), n’a pas concerné les stents
actifs (seulement 3 % de stents actifs utilisés) ; il n’en demeure pas moins
que la démonstration de l’intérêt de l’angioplastie en sus du traitement
médical optimal pour améliorer la survie des patients n’a pas été apportée.
L’enjeu sociétal et individuel de la question de la revascularisation
dans la MCS est important, compte tenu de la fréquence des
revascularisations dans cette indication et des conséquences potentielles
pour le patient (décès, infarctus). C’est la raison pour laquelle un
essai randomisé de grande ampleur sur ce sujet est en cours. Il s’agit
de l’étude ISCHEMIA. Son objectif principal est de déterminer si une
stratégie initiale de coronarographie suivie d’une revascularisation
optimale (APC ou pontages, selon la modalité retenue par l’équipe
prenant en charge le patient) en sus du traitement médical optimal est
efficace pour diminuer le critère principal : les décès cardiovasculaires
et les infarctus non fatals, chez des patients atteints d’une MCS
avec une ischémie modérée ou sévère, en comparaison au traitement
médical optimal ; la coronarographie n’étant réalisée dans ce second
groupe de patients que chez ceux pour lesquels le traitement médical
est insuffisant pour contrôler les symptômes. Le critère secondaire
majeur de l’étude est la qualité de vie en termes d’angor. De façon
importante et astucieuse, un coroscanner est pratiqué (en aveugle)
avant la randomisation chez les patients à fonction rénale normale
pour identifier et exclure ceux ayant une sténose significative du tronc
commun et ceux sans lésion coronaire. Le suivi moyen de cette grande
étude (300 centres, 8 000 patients) sera de 3 ans. Ses résultats donneront
certainement des enseignements très importants. Mais elle ne répondra
pas à toutes les questions. La médecine en général et en particulier
la médecine cardiovasculaire ne peuvent se résumer à des algorithmes
décisionnels, aussi précis et complets soient-ils. Le bon sens clinique,
en sus de la connaissance et de la compréhension des données les plus
récentes bien entendu, reste déterminant. Rappelons, par exemple, que
si, dans l’étude COURAGE mentionnée plus haut, 2 287 patients ont été
randomisés, plusieurs milliers d’autres, qui remplissaient pourtant les
critères d’inclusion, ne l’ont pas été pour des raisons dites “logistiques”,
certaines étant sans doute que les cliniciens ne souhaitaient pas
l’inclusion dans l’étude pour des raisons spécifiques à ces patients.
Par conséquent, l’applicabilité des résultats des essais cliniques n’est
pas universelle. Il n’en demeure pas moins que les résultats de l’étude
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1. Sigwart U, Puel J, Mirkovitch V, Joffre F, Kappenberger L. Intravascular stents
to prevent occlusion and
restenosis after transluminal
angioplasty. N Engl J Med
1987;316(12):701-6.
2. Sedlis S, Hartigan PM, Teo
KK, Maron DJ, Spertus JA,
Mancini GB et al.; COURAGE
Trial Investigators. Effect of
PCI on long-term survival in
patients with stable ischemic
heart disease. N Engl J Med
2015;373(20):1937-46.
3. Mancini GB, Hartigan PM,
Shaw LJ, Berman DS, Hayes
SW, Bates ER et al. Predicting
outcome in the COURAGE
trial (Clinical Outcomes
Utilizing Revascularization and
Aggressive Drug Evaluation):
coronary anatomy versus
ischemia. JACC Cardiovasc
Interv 2014;7(2):195-201.
G. Helft déclare ne pas avoir
de liens d’intérêts en relation
avec cet article.
ISCHEMIA sont attendus avec impatience, car, en l’état actuel
des connaissances dans la MCS, s’il existe un faisceau d’arguments
plaidant pour une stratégie initiale de revascularisation, il en existe
un autre en faveur du traitement médical optimal seul comme stratégie
initiale ! D’autres critiques sur le dessein d’ISCHEMIA peuvent
également être pointées. En effet, le critère d’entrée dans l’étude est
une ischémie myocardique significative et non la diffusion des lésions
coronaires ; or, c’est peut-être la diffusion des lésions coronaires, source
de potentielles ruptures de plaques, plus que l’importance de l’ischémie,
qui serait péjorative. C’est d’ailleurs ce que suggère une sous-étude
de COURAGE, publiée récemment (3).
Pour conclure, avant de disposer d’études complémentaires sur
le bénéfice de la revascularisation dans le traitement de la MCS, il faut
garder à l’esprit et appliquer les recommandations actuelles concernant
le traitement médical optimal. Il s’agit de contrôler le mieux possible
les différents facteurs de risque, de faire adhérer le patient à cette
prise en charge, et de traiter, notamment par aspirine et statines,
en envisageant l’inhibition médicamenteuse du système rénineangiotensine. Faut-il revasculariser en plus ? La réponse difficile relève
du cas par cas en attendant le résultat de nouvelles études.
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