LA MATRICE DE COMPTABILITE SOCIALE I. Qu’est ce que la MCS ? La MCS est définie comme «la présentation des comptes du SCN sous une forme matricielle qui développe les interrelations entre le tableau des ressources et des emplois et les comptes sectoriels en vue, particulièrement, de l’analyse détaillée des relations entre les caractéristiques structurelles d’une économie et la distribution du revenu et des dépenses entre les groupes de ménages ». Aussi, selon Cogneau et Roubaud : « la MCS représente un effort de synthèse appréciable des principales statistiques économiques de la comptabilité nationale (TES, TEE ) d’une part, et des statistiques sur les ménages et les entreprises d’autres part. Présentée sous une forme désagrégée, elle fournit une première description des flux économiques caractéristiques d’une économie nationale ». La MCS s'appuie sur une description détaillée des comptes de production, des facteurs de production et des comptes des secteurs institutionnels. Cette présentation peut donner lieu à des classifications détaillées des facteurs de production et des comptes des secteurs institutionnels ce qui permet d'aller au-delà d'une simple description de la formation du revenu disponible à partir de la répartition primaire et de la politique de redistribution de l'Etat. La MCS remplit deux fonctions principales : - elle assure un cadre d’organisation, de synthèse des données comptables : La MCS incorpore et permet de réconcilier les données de diverses sources (TRE, CEI, BDP, EBC, DSF, TOFE, etc. ). Elle décrit la circularité des flux économiques (circuit économique) selon le triptyque production – revenu – demande ; c’est à dire l’origine de la production, la distribution et la répartition des revenus entre les différents agents. Elle peut s’appliquer à divers niveaux : mondial, multi - pays, pays, régional, sous régional, etc. - elle constitue une base comptable pour la modélisation : La MCS est le cadre privilégié qui synthétise et calibre les données d’un certain nombre de modèle notamment l’Equilibre Général Calculable et indispensable à l’analyse contre - factuelle. II Représentation et principe d’enregistrement 1 Numéro de comptes j t1,j 1 t1,1 j tj,1 tj,j n tn,1 ti,1 tn,j ti,j Total n t1,n t1,i Numéro de tj,n tj,i comptes Total tn,n ti,n tn,i La MCS est représentée sous forme d’une matrice carrée et structurée en un ensemble de comptes représentatifs de l’activité et des institutions de l’économie ; Chaque compte comprend une ligne (enregistrant les ressources ou recettes) et une colonne (enregistrant les emplois ou dépenses) ; Le numéro d’ordre d’un compte est le même en ligne et en colonne ; Cette présentation imbriquée des comptes implique l’enregistrement en partie double d’une transaction par une simple entrée ou imputation unique dans l’intersection des comptes créditeurs (ligne) et débiteurs (colonnes) ; Ti,j (cellule i,j ) est définie comme une dépense (ou emploi) du compte j et une recette (ou ressource) pour le compte i ; La cohérence interne de la MCS garantit que : pour chaque compte, le total des ressources est identique au total des emplois, aussi pour le compte j donné : ti,j = tj,i ; La vérification de cette identité pour l’ensemble des comptes implique l’équilibre au niveau de chaque agent économique, de chaque marché de produit ou facteur, de chaque branche et au niveau global de l’économie. En effet, la MCS est un cadre comptable à la fois micro, méso et macro consistant. III. Les comptes réels dans une MCS III.1 Les principales rubriques des comptes réels i) les branches de production Elles sont définies et structurées selon les besoins de l’analyse. Souvent, ce sont des branches agrégées des comptes nationaux. ii) les produits Ils sont calés sur les activités et structurés en tenant compte de leur différentiation internationale (par origine ou par destination, échangeable – non échangeable). iii) les facteurs de production On distingue le travail (main d’œuvre), le capital, la terre, etc. iv) les agents économiques Les ménages et entreprises individuelles ; Les sociétés et quasi - sociétés ; Les administrations publiques ; Le Reste du monde. v) l’accumulation Exemple : MCS réelle en économie ouverte Emplois Ressources Branches marchandes Branches non marchandes Produits marchands Produits non marchands Travail Capital Ménages Sociétés et Quasi sociétés Etat Reste du monde Accumulation Total 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Branches BRM BRNM 1 2 CIm Produits PRM PRNM 3 4 Pm Pnm Facteur L K 5 6 Cinm Agents économiques Me SQS G RDM 7 8 9 10 CF Accum X wh Pm Branches 1 1 2 3 4 5 I Wnm RKnm Pnm Tm Im Tnm Inm wr Om Onm W Rkh Rke RK Div Idh trh Sh Yh Trg Sub Idsqs Trr trsqs SDet Ssqs Sg SBC Ysqs Yg Yrdm III.2 Les sous matrices non nulles dans une MCS réelle Branches Produits Facteurs Agents Accumulation 11 CFg Wm RKm Produits 2 A Facteurs 3 B E F G Agents 4 Accumulation 5 C D H J A : Sous matrice de production (TES, TRE), elle doit être diagonale B : Sous matrice des consommations intermédiaires (TES, TRE) C : Sous matrice des consommations finales et exportations (TES, TRE, EBC, Douanes, ) D : Sous matrice des biens d’investissement (TES, TRE) E : Sous matrice des rémunérations des facteurs primaires (TES, TOFE, DSF, EBC, ) F : Sous matrice des importations, des droits et taxes sur les produits (TES, TRE, TOFE, Douanes, ) G : Sous matrice de la répartition primaire des revenus (TEE, CEI, EBC, BDP) Total I Pm Pnm Dm CFg W RK Yh Ysqs Yg Yrdm S H : Sous matrice des transferts inter – agents économiques (TEE, CEI, TOFE, BDP, EBC, ) J : Sous matrice de l’épargne des agents économiques (TEE, CEI, EBC, BDP, ) NB: une fois la MCS construite, il convient de savoir quels comptes doivent être exogène et quels comptes doivent être endogènes. En général et selon le contexte, l'Etat, l'extérieur et le compte d'accumulation sont supposés exogène, alors que les comptes des facteurs, des instructions et des activités de production sont supposés endogènes. IV. Les utilisations de la MCS Les MCS peuvent être construites à l'échelle nationale, régional, sous régional ou villageoise, selon la disponibilité des informations statistiques. Elle peut peut être utilisée : – pour calculer des multiplicateurs d'impact qui donnent, dans l'hypothèse de fixité des prix, l'effet de certains chocs exogènes. – ou pour étudier, dans le cadre d'un MCEG, l'incidence de chocs exogènes dans une économie où les mécanismes d'ajustement par les prix et les possibilités de substitution, aussi bien du côté de la production que de la demande jouent un rôle important. IV.1 les multiplicateurs d'impact Sur la base de la partition de la MCS en comptes endogènes et exogènes, la matrice des coefficients de la MCS (les multiplicateurs) peut être décomposée en quatre composantes (Pyatt et Round (1989) ; Defourny et Thorbecke (1984)): – – – – injection initiale : les mesures budgétaires relevant de l'Etat, les changements ayant leur origine dans le reste du monde et le volume de l'investissement les effets de transfert qui captent les effets directs des interactions à l'intérieur de chaque catégorie de compte (exemple l'effet des transferts entre institutions) ; les effets d'ouverture qui montrent les interactions qui existent entre les trois comptes, à savoir celui de la production sur les revenus des facteurs, ou celui des revenus des facteurs sur le revenu des ménages ; les effets de fermeture qui, en remontant à l'origine, montrent les incidences d'une injection du revenu dans la totalité du système. Ainsi, la matrice des coefficients multiplicateurs déduites de la MCS permet d'appréhender les effets directs et indirects de modifications dans la partie du système considérée comme exogène et sert à l'analyse des politiques de répartition du revenu (les changements induits dans le revenu et la consommation des différentes catégories des ménages par exemple), des choix technologiques et de la politique budgétaire. Principales hypothèses liées à cette méthode – les prix sont supposés constants, implicitement il existe une capacité de production disponible ; – la technologie de production et les ressources disponibles sont données; il en découle que l'analyse est nécessairement à court terme et aucune analyse dynamique n'est acceptable – il découle du mode de calcul de la matrice des coefficients (chaque élément de la matrice est divisé par le total de la colonne correspondante) que l'élasticité revenu de la demande (ou élasticité de dépenses ou propension moyenne des dépenses) est égale à l'unité. Par réalisme, les propensions moyennes à dépenser des ménages sont remplacées par les propensions marginales (A. Parikh et Thorbecke, 1996) La limite fondamentale cependant de cette première utilisation de la MCS tient au cadre keynésien qui a présidé à sa construction. Une telle approche prisonnière de l'hypothèse restrictive, à savoir la matrice des coefficients multiplicateurs ignorent l'effet de changement dans les prix relatifs, ne peut refléter le fonctionnement d'une économie de marché. – les mécanismes d'ajustement par les prix jouent un rôle important dans une économie de marché – il existe des possibilités de substitution aussi bien du côté de la demande, que de l'offre (production) En conséquence, cette méthode n'est pas adaptée pour étudier les chocs qui accompagnes les changements structurels résultants des réajustements des prix relatifs (taux de change réel, salaire, terme de l'échange, etc.)