FICHE À DÉTACHER
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XV - n° 4 - juillet-août 2012 | 193
fiche
technique
Sous la responsabilité de son auteur
n° 47
Carina Peyrin-Biroulet*, Nathalie Wirth*,
Laurent Peyrin-Biroulet**, Yves Martinet*
Sevrage tabagique et MICI :
comment s’y prendre ?
* Unité de coordination de tabacologie, service de pneumologie, hôpital de Brabois,
Vandœuvre-lès-Nancy.
** Service d’hépato-gastroentérologie, CHU de Nancy.
L
a fumée de tabac possède un effet délétère bien connu
sur l’histoire naturelle de la maladie de Crohn (MC), alors
qu’elle possède un effet protecteur au cours de la rectocolite
hémorragique (RCH)
[1]
.
Le sevrage tabagique permet notamment de réduire la fréquence
des poussées, de diminuer le recours à la chirurgie et de diminuer
le risque de récidive postopératoire dans la MC
(1)
. L’intérêt d’un
sevrage tabagique est donc évident au cours de la MC et doit
faire partie intégrante du traitement à proposer à ces malades,
50 % des patients atteints de MC étant des fumeurs actifs.
Dans la RCH, il faut également encourager les patients à arrêter
toute intoxication tabagique en raison du risque de cancers liés
au tabac (poumon, sphère ORL, œsophage, vessie, pancréas,
etc.) et du risque de maladies cardiovasculaires et bronchopul-
monaires chroniques
(2)
.
En France, chaque année, environ 73 000personnes décèdent
d’une maladie due à leur consommation tabagique
(3)
. Un
fumeur qui fume toute sa vie a 1chance sur 2 de décéder d’une
affection liée au tabac.
La dépendance liée au tabac est essentiellement due à la
présence de nicotine dans la fumée de cigarette
(2)
. Près de
3/4 des sujets fumeurs souhaitent arrêter de fumer, et, chaque
année, 40 % d’entre eux arrêtent de fumer pendant au moins
1journée
(4)
.Toutefois, peu de patients réussissent à arrêter
sur le long terme en raison de la dépendance nicotinique, et
les rechutes sont fréquentes. Les taux de réussite d’un sevrage
à long terme varient de 2 à 37 % sous placebo et de 3 à
49 % avec les traitements substitutifs nicotiniques, selon les
études
(2)
.
L’équipe de Saint-Antoine a pu montrer, lors d’une étude d’inter-
vention, que 59 sur 474patients (12 %) avec une MC avaient
pu stopper toute intoxication tabagique pendant une durée
minimum de 1an grâce à une consultation de tabacologie
avec, si nécessaire, la prescription de patchs nicotiniques et/
ou d’un antidépresseur
(5)
. La même équipe a pu montrer en
2009 qu’une faible consommation tabagique (1 à 10cigarettes
par jour) était suffisante pour être associée à une évolution
péjorative dans la MC
(6)
.
L’une des premières étapes consiste à interroger le patient
systématiquement et à chaque consultation sur une éventuelle
consommation tabagique avant de l’orienter vers une consul-
tation de tabacologie et/ou vers Tabac Info Service (3989 et/
ou www.tabac-info-service.fr/). Les traitements applicables à la
population générale, non atteinte de MICI (maladie inflamma-
toire chronique de l’intestin), sont bien entendu extrapolables
aux patients avec une MICI.
Les grandes étapes à respecter sont décrites ci-dessous
(2)
.
Évaluer la consommation tabagique
du patient
Il faut préciser l’âge de début du tabagisme, une durée, la
quantité totale de tabac fumé (nombre de paquets-années), les
tentatives de sevrage antérieures, la quantité fumée actuelle-
ment, et ne pas négliger l’exposition au tabagisme passif, car
la fumée libérée à l’extrémité d’une cigarette est plus toxique
que celle qui est inhalée directement par le fumeur. Il faut
également mesurer le taux de monoxyde de carbone (CO) dans
l’air expiré, une mesure simple, non invasive et reproductible.
Une consommation associée de tout autre produit psychotrope
doit être dépistée (cannabis, alcool, etc.).
Évaluer la motivation à l’arrêt
et construire une stratégie
avec le fumeur
S’assurer que le patient connaît les pathologies liées au tabac
est indispensable, mais finalement peu efficace. Il est impor-
tant de distinguer 4types de fumeurs selon le schéma de
Prochaska
(figure1)
: