
Le Courrier des addictions (12) – n ° 1 – janvier-février-mars 2010
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la cotinine est actuellement considérée, avec une
demi-vie plus longue que la nicotine (24 heures
versus 2 heures), comme le marqueur biologique
de choix pour objectiver le degré d’imprégnation
à la nicotine du fumeur actif, confirmer l’exposi-
tion à la fumée environnementale ou valider un
arrêt du tabac depuis plusieurs jours. La concen-
tration en cotinine dans le sang, les urines ou la
salive permet de quantifier les besoins spécifiques
en substitution nicotinique de chaque fumeur, et
d’ajuster la posologie. Cette adaptation est, on le
sait, l’une des solutions pour améliorer l’efficacité
du traitement chez les fumeurs dépendants. En
particulier, ce dosage est important lors du suivi
du sevrage tabagique de groupes spécifiques,
tels les femmes enceintes, les adolescents et les
patients souffrant d’une pathologie cardio-vascu-
laire. Par ailleurs, le dosage d’autres biomarqueurs
issus de la nicotine permet d’évaluer son métabo-
lisme qui semblerait être un facteur déterminant
de la consommation tabagique.
Enfin, Daniel omas, de l’institut de Car-
diologie (groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière),
répond à la question "Faut-il encore craindre
la substitution nicotinique chez le patient co-
ronarien ?" "Beaucoup de confrères cardiolo-
gues n’ont toujours pas intégré les substituts
nicotiniques dans leur pratique. Alors que le
tabagisme est un facteur de risque à prendre
en charge par le cardiologue tout comme les
autres facteurs de risque", disait-il.
De fait, une enquête menée auprès des cardio-
logues français a permis d’identifier les 5 prin-
cipales raisons qu’ils invoquent pour ne pas
prescrire les TNS. Réponse la plus fréquente
(29 % des cas) : "Pas mon rôle" ou "Doit être fait
par quelqu’un d’autre".
Selon D. omas : "De la part d’un cardiologue,
cette attitude est aussi grave que s’il ne prenait
pas en charge une hypercholestérolémie !"
La substitution nicotinique (SN) est un outil
essentiel et d’efficacité parfaitement démon-
trée dans le sevrage tabagique. Elle est à pré-
sent accessible à tous puisqu’elle peut être ven-
due en OTC (Over e Counter). Il est donc
licite de s’assurer de son innocuité.
De rares cas cliniques d’accidents cardio-vas-
culaires, survenus chez des patients traités par
TNS et diffusés dans les médias, ont longtemps
inquiété la population et incité les médecins à
être prudents et à éviter de les prescrire à des
patients coronariens. En fait, les études expé-
rimentales ont montré que les TNS n’ont pas
d’incidence sur la thrombose et probablement
pas sur la fonction endothéliale. Leurs effets
sympathomimétiques éventuels sont très atté-
nués du fait de leur pharmacocinétique (libé-
ration lente de la nicotine) et de la tolérance
acquise par le fumeur vis-à-vis de la nicotine.
Par ailleurs, les études cliniques ne montrent
pas d’excès d’accidents cardio-vasculaires avec
la SN, tant dans la population générale des
fumeurs que chez des coronariens stables.
Même si nous manquons d’études randomi-
sées concernant son utilisation dans les suites
immédiates d’un syndrome coronaire aigu, le
risque absolu de les utiliser dans cette situa-
tion est certainement très inférieur à celui de
la poursuite du tabagisme. L’ensemble de ces
données ont conduit l’AFSSAPS, dès 2003, à en
recommander l’utilisation chez les patients co-
ronariens fumeurs, y compris immédiatement
après un accident coronaire aigu, tel un infarc-
tus du myocarde. Malgré cette recommanda-
tion, peut-être insuffisamment diffusée, une
enquête récente montre qu’ils sont encore trop
peu prescrits par les cardiologues français pour
aider leurs patients coronariens fumeurs.
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Références bibliographiques
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BPCO : les femmes aussi !
vDe janvier à septembre 2010, six femmes pneumologues
(Drs Anne Prud’homme du centre hospitalier de Bigorre
[Tarbes], Élisabeth Biron de l’hôpital privé Jean-Mermoz
[Lyon], Cécilia Nocent-Ejnaini du centre hospitalier de la Côte Basque
[Bayonne], Camille Taillé de l’hôpital Bichat [Paris] et les Prs Chantal
Raherison de l’hôpital Haut-Lévêque [Pessac] et Isabelle Tillie-Leblond
de l’hôpital A. Calmette [Lille]), avec le soutien du laboratoire Astra-
Zeneca, mobilisent les femmes pour lutter contre la BPCO, encore consi-
dérée, à tort, comme une maladie réservée aux hommes. Pourtant, 40 %
des malades en France sont des femmes ! Plus sensibles aux méfaits du
tabac, elles ont une altération de la fonction respiratoire plus rapide que
les hommes. En mai 2009, à l’occasion du congrès de l’American o-
racic Society (ATS), les résultats d’une étude menée auprès de 954 pa-
tients atteints de BPCO ont démontré que les femmes développent une
BPCO plus sévère que les hommes, pour un niveau de tabagisme plus
faible. Les causes en sont encore inconnues, mais la taille des poumons
et un métabolisme différent pourraient en partie l’expliquer. D’ailleurs,
selon l’InVS, le taux de mortalité de la BPCO a augmenté, entre 1979 et
1999, de 78 % chez les femmes contre seulement 21 % chez les hommes.
La BPCO progresse donc plus rapidement chez les femmes que chez les
hommes. Aux États-Unis, le nombre de nouveaux cas de BPCO a aug-
menté de 36 % dans la population féminine entre 1980 et 2000 contre une
baisse de 21 % chez les hommes. Ce constat peut être mis en parallèle
avec la forte augmentation du tabagisme chez les femmes. En France, en
effet, la proportion de fumeurs réguliers, c’est-à-dire fumant au moins
une cigarette par jour, était, en 1953, de 17 % chez les femmes et de 72 %
chez les hommes. Cette proportion est passée en 2007 à 25 % chez les
femmes (+47 %) et à 34 % (-53 %) chez les hommes. L’objectif principal de
cette mobilisation (affiches dans les salles d’attente des pneumologues et
médecins généralistes ; livret patient sur la BPCO et l’importance de son
dépistage ; brochure destinée aux médecins concernant ses spécificités
chez les femmes) est d’informer et d’alerter les femmes sur cette patho-
logie afin de favoriser un dépistage et une prise en charge plus précoces.
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P. de P.