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Ils forment ainsi un cercle vicieux qui, une fois enclenché, s’en-
tretient et s’amplifie. Pire, "on suspecte qu’au bout d’un certain
temps, il puisse s’autonomiser : les signaux d’inflammation, la
translocation microbienne et les co-infections virales réactivées
suffisent à entretenir la suractivation chronique, même en l’ab-
sence de quantités importantes de virus", souligne le docteur
Jean-Daniel Lelièvre (CHU Henri-Mondor, Créteil). Ceci pourrait
expliquer d’une part le maintien d’une activation chronique
résiduelle sous médicaments anti-VIH et d’autre part la remon-
tée insuffisante et lente des CD4, et cela d’autant plus que l’on
part d’un taux de CD4 bas. Au total, environ 40 % des per-
sonnes, malgré la prise d’un traitement antirétroviral efficace
et une charge virale indétectable, ont des CD4 qui ne remon-
tent pas au dessus de 500, considéré comme le seuil bas
d’immunité normale.
Commencer le traitement plus tôt ?
Aussi, afin de lutter contre le cercle vicieux, le plus efficace serait
de commencer le traitement plus tôt pour empêcher le VIH de
faire trop de dégâts, en contrôlant, très vite, sa réplication. Plus
tôt, voire dès la primo-infection, ces premières semaines suivant
la contamination pendant laquelle la réplication du virus est très
forte (charge virale de centaines voire millions de copies). Les per-
sonnes traitées dès cette période semblent être moins sujettes
aux phénomènes inflammatoires.
Mais pour les autres ?
Pour les autres, ceux qui n’ont pas commencé très tôt, les inter-
ventions peuvent en théorie cibler trois étapes, avec à chaque fois
plusieurs pistes à l’étude :
- réduire les déclencheurs de l’inflammation : par exemple, tenter
d’intensifier le traitement (mais sans surdoser) pour faire bais-
ser encore la réplication résiduelle, ou tenter de restaurer la flore
intestinale avec des probiotiques ;
- bloquer ses chaînes d’amplification : évaluer l’intérêt dans le VIH
de médicaments déjà connus pour avoir certaines propriétés
anti-inflammatoires, comme l’aspirine à petites doses, les sta-
tines, ou encore développer et tester de nouvelles molécules
anti-cytokines.
- essayer de compenser ses conséquences : par exemple, trou-
ver des molécules capables de faire monter le nombre de CD4
(sans pour autant les épuiser) ou utiliser des anticoagulants
(contre le risque cardio-vasculaire).
Intensifier : effets modérés
Côté intensification, les effets sont pour l’heure modérés. Ajouter
des molécules anti-VIH à une trithérapie déjà efficace, en espé-
rant réduire la réplication résiduelle, n’a pas montré de bénéfice
clair ; parfois, avec le cumul de toxicités et d’effets indésirables,
c’était même moins bien. Dans certaines études, avec l’utilisation
du raltégravir (Isentress), il a été observé une baisse du marqueur
D Dimère, mais il est bien trop tôt pour en tirer d’éventuelles
conséquences. L’ajout de l’anti-CCR5 maraviroc (Celsentri) a, lui
aussi, échoué à diminuer l’inflammation et à faire remonter signi-
ficativement les CD4 de personnes chez lesquelles ils ne
remontaient pas. Des espoirs sont placés dans un nouvel anti-
CCR5 expérimental, le cénicriviroc, qui a également un effet
contre les récepteurs CCR2, ce qui pourrait lui conférer un effet
anti-inflammtoire en bloquant certaines cascades de réactions.
Un effet théorique qui n’est pas encore démontré, loin de là.
Chloroquine : échec
Selon des résultats présentés lors de la CROI 2011, six mois
d’ajout d’hydroxychloroquine aux traitements antirétroviraux
semblaient capables d’augmenter (un peu, et de façon transitoire
seulement) les CD4 lorsqu’ils ne remontaient pas malgré une
charge virale indétectable. Il y avait aussi une diminution de cer-
tains marqueurs d’inflammation et de translocation bactérienne.
Cette année, une autre équipe a testé la chloroquine, dont les pro-
priétés anti-inflammatoires sont connues, et qui est indiquée dans
des maladies auto-immunes (emballement du système immuni-
taire, qui se retourne contre nos propres cellules) comme le lupus
et la polyarthrite rhumatoïde. Echec : après 6 semaines d’ajout
aux antirétroviraux, ni gain de CD4, ni diminution de la sur-activa-
tion immunitaire.
Statines : elles ne semblent pas diminuer la sur-
activation immunitaire
L’essai Saturn-HIV s’est penché sur les statines, médicaments lar-
gement utilisés dans la réduction du taux de cholestérol, et dont
on suppose un effet anti-inflammatoire. Il escomptait une réduc-
tion de l’inflammation généralisée et de la sur-activation immune
chez des personnes vivant avec le VIH sous antirétroviraux avec
une charge virale de moins de 1 000 copies/ml. Cela n’a pas fonc-
tionné. En France, un essai pilote, CESAR, vise à évaluer la
capacité de la rosuvastatine à réduire l’activation des lympho-
cytes T chez les personnes vivant avec le VIH. Il ne faut pas oublier