Images en Dermatologie • Vol. IX - n° 3 • mai-juin 2016
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Éditorial
Comment aider un patient àsemotiver ?
Pr André Grimaldi
(Service de diabétologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris)
Il faut d’abord noter qu’on ne peut pas motiver quelqu’un,
on peut seulement l’aider à se motiver. Les psychologues
distinguent motivation intrinsèque et motivation extrinsèque.
Toutes les deux demandent un effort, mais, dans le premier cas,
l’action à accomplir est en elle-même source de plaisir ou d’intérêt
tandis que, dans le second, l’action est plutôt déplaisante, voire
franchement pénible. Toutefois, elle permet d’obtenir unbénéfice
secondaire ou d’éviter un désagrément plus grand encore.
Exercer le métier de soignant relève en principe de lamotivation
intrinsèque ; accepter les contraintes d’un traitement
fait plutôt appel àla motivation extrinsèque. Cependant,
lepropre del’être humain est sacapacité à inverser les rôles.
Ainsi,pourlaplupart, l’argent a une valeur extrinsèque, il est le
moyen d’obtenir des choses désirées. Mais pour l’avare, l’argent
a unevaleur intrinsèque, il est en lui-même le suprême bonheur.
C’estenquelque sorte du “concentré d’amour”…
En matière d’observance thérapeutique, la motivation extrinsèque
peut être très puissante, comme l’illustrent les deux observations
suivantes. J’ai été amené à voir en consultation un pilote d’avion
diabétique traité parrégime et metformine. Le médecin dutravail
avait suspendu sa licence de vol, carson hémoglobine A1c (HBA1c)
était à 7,4 %. Le délai de deuxmois avantla consultation lui
avait suffi pour ramener son HBA1c à6,5 %. J’aisuivi une jeune
femme diabétique insulinodépendante qui réduisait sesdoses
d’insuline defaçon à rester mince grâce àune glycosurie massive.
SonHBA1cétait en permanence autour de14 % etrienn’y
faisait. Unjour, elle arriva en consultation avec uneHBA1c
à5,9 %. Entretemps, elleavait développé une neuropathie aiguë
hyperalgique avec des sensations de brûlures intolérables au
moindre frôlement. Elle savait bien entendu qu’unparfait équilibre
du diabète était la condition de la guérison. Danslesdeux cas,
ils’agissait d’une motivation extrinsèque puissante : récupérer
salicence de pilote, neplus souffrir. Motivationpuissante,
certes, mais fragile. Quesepassera-t-il lorsque le diabète
évoluant, lepiloteperdra définitivement salicence de vol ?
Nesouffrant plusau bout de quelques mois deson symptôme,
lapatienteretrouvera-t-elle son trouble ducontrôle pondéral ?
© La Lettre
duNeurologue
2016;3(20): suppl.1
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