Physique des Particules 2016-2017 Chapitre II Equation de Dirac 1. Rappels 1.1 Equation de Schrödinger En mécanique quantique non-relativiste, le mouvement d’une particule libre de masse m, de vecteur impulsion ~p, d’énergie E et de fonction d’onde ψ(t, ~r) est décrit par l’équation de Schrödinger1 : − ~2 ~ 2 ∂ψ ∇ ψ = i~ 2m ∂t En effet à partir de la relation énergie-impulsion classique décrivant le mouvement d’une particule libre de masse m, d’impulsion p~ et d’énergie cinétique E: ~p 2 =E 2m on peut obtenir l’équation de Schrödinger en remplaçant le vecteur impulsion et l’énergie par les opérateurs suivants qui s’appliquent à la fonction d’onde ψ(t, ~r): ~ et E → i~ ∂ p~ → −i~∇ ∂t soit donc, en appliquant ces opérateurs à la fonction d’onde ψ(t, ~r) repésentant la particule: − ~2 ~ 2 ∂ψ ∇ ψ = i~ 2m ∂t Comme on se placera dans la suite dans le système d’unité naturelle i.e. ~ = c = 1, l’équation de Schrödinger s’écrit dans ce cas: − ∂ψ 1 ~2 ∇ ψ=i 2m ∂t À partir de l’équation de Schrödinger on peut obtenir l’équation dite de continuité densité-courant, reliant la densité de probabilté ρ au vecteur courant ~j, donnée par (le faire à titre d’exercice): ~ · ~j + ∂ρ = 0 ∇ ∂t où ρ et ~j sont donnés par: ρ = ψ ⋆ ψ = |ψ|2 ~ − ψ ∇ψ ~ ⋆) ~j = − i (ψ ⋆ ∇ψ 2m ~2 ~ 2 ∇ correspond à l’Hamiltonien décrivant le mouvement d’une particule libre L’opérateur − 2m de masse m, de vecteur impulsion p~ et d’énergie E. 1 Master 1 Physique 1 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 1.2 Equation de Klein-Gordon L’équation de Klein-Gordon correspond à la version relativiste de l’équation de Schrödinger. Elle peut être obtenue de la même manière que l’équation de Schrödinger mais en partant cette fois-ci de la relation énergie-impulsion relativiste2 : E 2 − ~p 2 = m2 ou encore pµ pµ − m2 = 0 En faisant la substitution (avec toujours ~ = c = 1): pµ → i∂µ avec pµ → i∂ µ avec ∂ ∂ ~ = ( , ∇) µ ∂x ∂t ∂ ∂ ~ = ( , −∇) ∂µ ≡ ∂xµ ∂t ∂µ ≡ on obtient l’équation de Klein-Gordon3 : (∂ µ ∂µ + m2 )φ(x) = 0 ≡ (∂ 2 + m2 )φ(x) = 0 où φ(x) est la fonction d’onde de la particule relativiste. Les solutions, sous forme d’ondes planes, de cette équation sont de la forme: φ(x) = Ne−ip µx µ ≡ Ne−i(Et−~p·~x) p où E = ± p~ 2 + m2 et N est un coefficient de normalisation. remarque 1: En plus d’une solution d’énergie positive l’équation de Klein-Gordon possède aussi une solution d’énergie négative à laquelle est associée une densité de probabilité ρ négative donnée par4 : ∂φ⋆ ⋆ ∂φ ρ=i φ = 2E|N|2 −φ ∂t ∂t 2 Nous adopterons ici et pour la suite de ce cours la convention de sommation dite d’Einstein, dans laquelle tout indice répété correspond à la sommation sur toutes les valeurs de cet indice. Nous utiliserons aussi pour exprimer le quadrivecteur espace-temps covariant et contravariant respectivement les notations xµ = (t, −~x) et xµ = (t, ~x) avec ~x = (x1 , x2 , x3 ) (cf. Chapitre I). 3 En décomposant l’opérateur ∂ µ (resp. ∂µ ) en ses composantes temporelle et spatiales, l’équation de Klein-Gordon peut aussi s’écrire sous la forme: ~ 2 + m2 )φ(x) = − (−∇ ∂ 2 φ(x) ∂t2 4 Comme avec l’équation de Schrödinger, on peut montrer à partir de l’équation de Klein-Gordon qu’on obtient l’équation de continuité (le faire à titre d’exercice): ~ · ~j + ∂ρ = 0 ∇ ∂t avec: ∂φ⋆ ⋆ ∂φ ~ ⋆ − φ⋆ ∇φ ~ ρ=i φ et ~j = i φ∇φ −φ ∂t ∂t Master 1 Physique 2 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 Le vecteur courant est donné par: ~ ⋆ − φ⋆ ∇φ ~ ~j = i φ∇φ = 2|N|2 ~p Les problèmes d’énergie et de densité de probablité négatives, résolus par la suite dans le cadre de la théorie quantique des champs5 , ont conduit P.M.A. Dirac à chercher une équation alternative connue par la suite sous le nom d’équation de Dirac, point de départ de l’introduction puis la découverte de l’antimatière. L’équation de Dirac, décrit, comme on le verra plus loin, la dynamique des fermions i.e. des particules de spin demi-entier. remarque 2: En théorie quantique des champs, l’équation de Klein-Gordon décrit les particules et les antiparticules scalaires (spin 0). 2. Equation de Dirac P.M.A. Dirac a introduit son équation pour remédier aux problèmes posés par l’équation de Klein-Gordon: solution d’énergie négative et densité de probabilité négative. Comme, l’a fait remarqué Dirac en 1927, la source des problèmes de l’équation de Klein-Gordon était due à la présence de dérivées de second ordre conduisant fatalement à une ambiguité de signe. Dirac chercha à reformuler l’équation de Klein-Gordon de telle sorte qu’elle fasse apparaitre une dérivée du première ordre à la fois pour le temps et les coordonnées d’espace. Historiquement Dirac a introduit son équation sous la forme: ∂ψ(x) Ĥψ(x) = (~ α · ~pˆ + βm)ψ(x) = i ∂t où Ĥ est l’opérateur Hamiltonien, ψ(x) et m sont respectivement la fonction d’onde6 et la masse de la particule relativiste, ~pˆ est l’opérateur impulsion et α ~ et β sont des coefficients à déterminer. ~ l’équation de Dirac s’écrit explicitement: Or comme ~pˆ ≡ −i∇, ~ + βm)ψ = i ∂ψ (−i~ α·∇ ∂t Comme on le verra plus loin, les coefficients αi (i = 1, 2, 3) et β ne peuvent pas être des nombres. Ce sont des matrices n × n et l’équation de Dirac peut-être considérée comme une équation matricielle dans la quelle la fonction d’onde ψ est une matrice colonne à n composantes: ψ1 ψ2 ψ = .. . ψn 5 En effet en 1934 W. Pauli et V.F. Weisskopf ont montré que les problèmes de l’équation de Klein-Gordon peuvent être résolus en traitant la fonction d’onde φ(x) d’une particule comme un opérateur de champ. 6 Pour ne pas alourdir les expressions qui vont suivre, nous n’expliciterons pas toujours la dépendance de la fonction d’onde ψ en fonction du quadrivecteur espace-temps x. Nous utiliserons indifféremment dans la suite les notations ψ et ψ(x). Master 1 Physique 3 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 Pour que l’équation de Dirac soit considérée comme l’équation décrivant le mouvement relativiste d’une particule libre de masse m, chacune des composantes ψi de la matrice colonne ψ doit satisfaire l’équation de Klein-Gordon i.e.: (∂ 2 + m2 )ψi (x) = 0 ⇒ ~ 2 + m2 )ψi (x) = − (−∇ ∂ 2 ψi (x) ∂t2 Pour cela, il suffit d’appliquer l’opérateur Hamiltonien Ĥ à l’équation de Dirac. En effet, on obtient dans ce cas (le faire à titre d’exercice): 2 ~ + βm)(−i~ ~ + βm)ψ = − ∂ ψ (−i~ α·∇ α·∇ ∂t2 soit donc explicitement: 3 3 X 1X ∂ψ ∂2ψ ∂2ψ − (αi β + βαi ) i + β 2 m2 ψ = − 2 (αi αj + αj αi ) i j − im 2 i,j=1 ∂x ∂x ∂x ∂t i=1 ~ 2 + m2 )ψ = (−∇ Cette relation impose donc, comme on peut le voir, des conditions sur les coefficients αi et β. Ces conditions sont7 : αi αj + αj αi = {αi , αj } = 2δij 1I αi β + βαi = {αi , β} = 0 αi2 = β 2 = 1I où 1I est la matrice unité. La relation d’anticommutation {αi , β} = 0, indique clairement que les coefficients αi et β doivent être des matrices et non des nombres. D’autre part pour que l’opérateur ~ Hamiltonien, Ĥ = −i~ α · ∇+βm, soit un opérateur hermitien, il est nécessaire que les matrices αi et β soient des matrices hermitiennes8 i.e. β † = β et αi† = αi ∀i = 1, 2, 3. On montre que la plus petite dimension avec laquelle on peut construire les matrices αi et β est la dimension n = 4. Le choix de ces matrices n’est cependant pas unique. En choisissant la représentation dite de Dirac-Pauli, les matrices β et αi s’écrivent9 : I 0 0 σi β= , αi = , i = 1, 2, 3 0 −I σi 0 7 À partir des relations {αi , β} = 0 et β 2 = 1I, il est facile de montrer que Tr(αi ) = 0. En effet comme αi β = −βαi et donc βαi β = −αi , on a alors Tr(βαi β) = −Tr(αi ). Comme Tr(βαi β) = Tr(β 2 αi ) = Tr(αi ), on a alors Tr(αi ) = −Tr(αi ) et donc Tr(αi ) = 0. Il en est de même pour β i.e. Tr(β)=0. 8 La notation † en exposant veut dire complexe conjugué transposé. 9 Une autre représentation utilisée en physique des particules est la représentation dite chirale. Dans cette représentation les matrices β et αi s’écrivent: 0 I σi 0 , i = 1, 2, 3 β= , αi = −I 0 0 σi La physique est indépendante du choix de la représentation préférée. Master 1 Physique 4 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 où I et 0 sont respectivement les matrices unité et nulle 2 × 2 et σi (i=1, 2, 3) sont les matrices de Pauli: 1 0 0 −i 0 1 , σ3 = , σ2 = σ1 = 0 −1 i 0 1 0 Le fait que les matrices αi et β soient d’ordre 4, conduit nécessairement, dans l’équation de Dirac, à ce que la fonction d’onde de la particule soit une matrice colonne à 4 éléments: ψ1 ψ2 ψ= ψ3 ψ4 Cette fonction d’onde à 4 composantes n’est pas un quadrivecteur mais un nouvel objet appelé bi-spineur10 de Dirac. On dit aussi spineur par abus de langage. 2.1 Equation de Dirac sous forme covariante L’équation de Dirac: ~ + βm)ψ = i ∂ψ (−i~ α·∇ ∂t peut s’écrire sous forme covariante en introduisant les matrices γ µ (µ = 0, 1, 2, 3), appelées aussi matrices de Dirac, pour remplacer les matrices β et αi (i = 1, 2, 3). Ces matrices γ µ sont construites de la façon suivante: 0 σi I 0 i i 0 (i = 1, 2, 3) et γ = βα = γ =β= −σi 0 0 −I ou de façon équivalente: γ µ = (β, β~ α) (µ = 0, 1, 2, 3) On définit aussi une autre matrice gamma, γ 5 , construite à partir des quatre premières matrices: i 0 I 5 0 1 2 3 µ ν ρ σ γ = iγ γ γ γ = ǫµνρσ γ γ γ γ = I 0 4! où ǫµνρσ est le tenseur antisymétrique de Levi-Civita défini par: +1, si µνσρ est une permutation paire de 0123 ǫµνρσ = −1, si µνσρ est une permutation impaire de 0123 0, si au moins deux indices sont égaux 10 On dit bi-spineur car ce nouvel objet est composé de deux spineurs qui sont comme on le verra plus loin des objets à deux composantes qui occupent une place intermédiaire entre un scalaire (objet à une composante) et un vecteur (objet à trois composantes). On ne fera pas de distinction entre bi-spineur et spineur dans la suite, tout deux seront indifférement appelés spineur. Master 1 Physique 5 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 Nous verrons plus loin l’utilité de cette matrice. Il est facile de montrer que les matrices γ µ satisfont les relations suivantes: γ 0† γ i† γ µ† {γ µ , γ ν } [γ ρ , [γ µ , γ ν ]] (γ 5 )2 {γ 5 , γ µ } = = = = = = = γ 0 , (γ 0 )2 = 1I −γ i , (γ i )2 = −1I (i = 1, 2, 3) γ 0 γ µ γ 0 ⇒ γ µ† γ 0 = γ 0 γ µ γ µ γ ν + γ ν γ µ = 2g µν 1I 4(g ρµ γ ν − g ρν γ µ ) 1I, γ 5† = γ 5 0 On a aussi d’autre part les relations utiles suivantes: γ µ γµ γ µ γν γµ γ µ γν γρ γµ γ µ γν γρ γσ γµ γ µ σαβ γµ = = = = = 41I −2γν 4gνρ 1I −2γσ γρ γν 0 où σαβ est le tenseur antisymétrique définit par: i [γα , γβ ] 2 Les matrices γ satisfont également les propriétés de trace suivantes: σαβ = Tr [γ µ γ ν ] Tr [γ µ γ ν γ ρ γ σ ] Tr [γ µ1 γ µ2 · · · γ µ2n+1 ] Tr [γ µ1 γ µ2 · · · γ µ2n ] = = = = 4g µν 4(g µν g ρσ − g µρ g νσ + g µσ g νρ) 0 g µ1 µ2 Tr [γ µ3 γ µ4 · · · γ µ2n ] − g µ1 µ3 Tr [γ µ2 γ µ4 · · · γ µ2n ] + · · · +(−1)k g µ1 µk Tr [γ µ2 γ µ3 · · · γ µk−1 γ µk+1 · · · γ µ2n ] + · · · +g µ1 µ2n Tr [γ µ2 γ µ3 · · · γ µ2n−1 ] De même on a les relations utiles de Trace suivantes: Tr γ 5 = 0 Tr γ µ γ 5 = 0 Tr γ µ γ ν γ 5 = 0 Tr γ µ γ ν γ ρ γ 5 = 0 Tr γ µ γ ν γ ρ γ σ γ 5 = 4iǫµνρσ Pour obtenir l’expression de l’équation de Dirac sous forme covariante, il suffit de multiplier l’équation de Dirac à gauche par β, regrouper les termes et utiliser le fait que β 2 = 1I: ∂ 2 ~ −i β + β~ α·∇ +β m ψ = 0 ∂t −i(γ 0 ∂0 + γ k ∂k ) + m ψ = 0 ⇒ (iγ µ ∂µ − m)ψ = 0 Master 1 Physique 6 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 La forme covariante de l’équation de Dirac s’écrit donc: (iγ µ ∂µ − m)ψ = 0 En adoptant la notation de Feynman qui consiste à poser γ µ ∂µ ≡ 6∂ , l’équation de Dirac covariante, s’écrit sous la forme compact: i6∂ − m ψ = 0 Essayons maintenant de montrer que l’équation de Dirac conduit, comme l’équation de Schrödinger et l’équation de Klein-Gordon, à l’équation de continuité densitécourant: ∂ρ ~ ~ +∇·j =0 dt Si on multiplie l’équation de Dirac à gauche par11 ψ = ψ † γ 0 où ψ † est le complexe conjugué, transposé de ψ, on obtient: iψγ µ ∂µ ψ − mψψ = 0 D’autre part si on multiplie le complexe conjugué transposé de l’équation de Dirac à droite par γ 0 ψ i.e.: i∂µ ψ † (γ µ )† γ 0 ψ + mψψ = 0 et on fait ensuite la somme des deux expressions, on obtient la relation suivante: i(ψγ µ ∂µ ψ + ∂µ ψ † (γ µ )† γ 0 ψ) = 0 Or comme γ 0 γ 0 = 1I et comme γ 0 (γ µ )† γ 0 = γ µ , cette relation peut alors s’écrire: i(ψγ µ ∂µ ψ + ∂µ ψ † γ 0 γ 0 (γ µ )† γ 0 ψ) = i(ψγ µ ∂µ ψ + ∂µ ψγ µ ψ) = i∂µ (ψγ µ ψ) = 0 Le terme entre parenthèses, n’estPautre que le quadrivecteur courant, j µ = (ρ, ~j) = ψγ µ ψ, avec ρ = ψγ 0 ψ = ψ † ψ = 4i=1 |ψi |2 représentant la densité de probabilité et ~j = ψ~γ ψ est le vecteur courant. On a donc finalement l’équation suivante: ∂µ j µ = 0 qui n’est autre que la forme covariante de l’équation de continuité. En effet en développant cette équation, on obtient: ∂(ψγ 0 ψ) ~ + ∇ · (ψ~γ ψ) ∂t ∂ρ ~ ~ = +∇·j ∂t ∂µ j µ = remarque: La densité ρ, obtenue à partir de l’équation de Dirac, est, comme on peut le remarquer maintenant, une quantité positive. 11 ψ = ψ † γ 0 s’appelle fonction d’onde adjointe de ψ. Master 1 Physique 7 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 2.2 Covariance de l’équation de Dirac Les spineurs de Dirac, comme on l’a dit plus haut, ne sont pas des quadrivecteurs et ne se transforment donc pas comme des quadrivecteurs sous les transformations de Lorentz. On montre cependant, que pour toute transformation de Lorentz xµ → x′µ = Λµν xν , il existe une transformation correspondante ψ ′ (x′ ) = Sψ(x) où S est un opérateur de transformation linéaire, laissant l’équation de Dirac invariante. Le principe d’équivalence des référentiels garanti l’existence d’un opérateur de transformation inverse, permettant de passer de ψ ′ (x′ ) à ψ(x) i.e. ψ(x) = S −1 ψ ′ (x′ ), avec S −1 S = 1I. Pour que l’équation de Dirac exprimée dans un référentiel R: (iγ µ ∂µ − m)ψ(x) = 0 soit covariante, il faut que sa forme reste inchangée lorsqu’on passe dans un autre référentiel R′ i.e. que dans ce référentiel elle s’écrit: (iγ ν ∂ ′ν − m)ψ ′ (x′ ) = 0 où: ∂ ∂ = Λµν µ = Λµν ∂µ ′ν ∂x ∂x ′ ′ et ψ (x ) = Sψ(x) ∂ ′ ν ≡ En utilisant la transformation de Lorentz inverse de ψ(x) i.e. S −1 ψ ′ (x′ ), l’équation de Dirac dans le référentiel R s’écrit: (iγ µ ∂µ − m)S −1 ψ ′ (x′ ) = 0 Si on multiplie cette équation à gauche par S. On obtient alors l’équation suivante: (iSγ µ S −1 ∂µ − m)ψ ′ (x′ ) = 0 qu’on peut écrire, en utilsant la transformée de Lorentz inverse de ∂µ i.e. Λν µ ∂ ′ν , sous la forme: (iSγ µ S −1 Λν µ ∂ ′ν − m)ψ ′ (x′ ) = 0 Pour que l’équation de Dirac soit covariante sous les transformations de Lorentz, i.e. avoir la même forme que dans le référentiel R′ , l’opérateur S doit satisfaire la relation suivante: Sγ µ S −1 Λνµ = γ ν ou de façon équivalente: Sγ µ S −1 = Λν µ γ ν En effet si on multiplie à droite Sγ µ S −1 Λν µ = γ ν par gνσ g µρ γ σ , on a: Sγ µ S −1 Λν µ gνσ g µρ γ σ = γ ν gνσ g µρ γ σ = γ ν γν g µρ ⇒ Sγ µ S −1 Λσρ γ σ = 41Ig µρ Master 1 Physique 8 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 En multipliant à gauche par Sγµ S −1 , on obtient: 41IΛσρ γ σ = 41ISγµ S −1 g µρ = 41ISγ ρ S −1 soit donc: Sγ ρ S −1 = Λσρ γ σ qu’on peut réécrire en changeant les indices: Sγ µ S −1 = Λν µ γ ν Parmi les transformations de Lorentz particulières (cf. Chapitre I), il y a l’opération parité. La transformation de Lorentz Λµν de cette opération discrète qui consiste à inverser les coordonnées d’espace est donnée par: 1 0 0 0 0 −1 0 0 µν Λµν ≡ P µν = 0 0 −1 0 = g 0 0 0 −1 La matrice S, qu’on notera SP , correspondant à cette transformation, satisfait, dans ce cas, les relations12 : 0 γ pour µ = 0 −1 µ SP γ SP = k −γ pour µ = k = 1, 2, 3 3. Les solutions de l’équation de Dirac pour une particule libre Cherchons comme solution de l’équation de Dirac pour une particule libre une solution sous la forme d’une onde plane13 : ψ(x) = u(p)e−ip·x ≡ ψ(~x, t) = u(E, ~p)e−i(Et−~p·~x) 12 En effet on a: Sp γ µ SP−1 = Λν µ γ ν = gνµ γ ν = γµ = (γ 0 , −~γ ) 13 Si on se place dans le cas où la particule représentée par la fonction d’onde ψ(x) est au repos (impulsion nulle), dans ce cas l’équation de Dirac s’écrit: iγ 0 ∂ψ = mψ ∂t dont la solution est égale à: ψ(x) = ψA ψB = e−imt ψA (0) eimt ψB (0) où ψA et ψB représentent les composantes de ψ d’énergie positive et négative respectivement. Cette solution suggère que la solution générale de l’équation de Dirac est sous la forme d’onde plane. Master 1 Physique 9 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 où x et p sont respectivement les quadrivecteurs position et impulsion. u(p) est un spineur de Dirac (vecteur colonne à quatre composantes) indépendant de x. Si on remplace ψ(x) par son expression onde plane dans l’équation de Dirac on obtient (le faire à titre d’exercice): (6p − m)u(p) = 0 avec 6p = γ µ pµ Cette équation s’appelle équation de Dirac dans l’espace des impulsions. En développant cette équation (le faire à titre d’exercice), on obtient l’expression suivante: 0 (E − m) uA − (~σ · p~) uB uA (E − m)I −~σ · p~ = = 0 (~σ · p~) uA − (E + m) uB uB ~σ · p~ −(E + m)I où I est la matrice unité 2 × 2. Les termes uA et uB sont deux matrices colonnes à deux éléments correspondant respectivement aux deux composantes supérieures et inférieures du spineur de Dirac u. En développant l’équation précédante, leurs expressions sont données par: 1 ~σ · p~ pz px − ipy uB uB = uA = −pz E−m E − m px + ipy ~σ · p~ 1 pz px − ipy et uB = uA uA = −pz E+m E + m px + ipy soit finalement en injectant l’expression de uB en fonction de uA dans la première équation: E 2 − m2 = (~σ · ~p)2 = p~ 2 Cette relation, qui correspond à la relation usuelle d’énergie-impulsion relativiste, montre que l’équation de Dirac admet, comme pour l’équation de Klein-Gordon, deux solutions: p E = ± m2 + p~ 2 Une solution d’énergie positive et une solution d’énergie négative. En partant de la relation exprimant uB en fonction de uA obtenue plus haut et en choisissant deux solutions ondes planes indépendantes (orthogonales), i.e. en posant: 0 1 et uA,2 = N uA,1 = N 1 0 où N est un facteur de normalisation, on obtient respectivement les relations: 0 1 1 0 et u2 = N px −ip u1 = N p z y E+m E+m −pz E+m px +ipy E+m Master 1 Physique 10 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 p avec E correspondant à la solution d’énergie positive, E = m2 + p~ 2 car autrement les spineurs u1 et u2 contiendraient des composantes infinies si on se place dans le système de repos de la particule. De même en partant de la relation exprimant uA en fonction de uB et en posant: 0 1 et uB,2 = N uB,1 = N 1 0 on obtient respectivement les relations: pz u3 = N E−m px +ipy E−m 1 0 et u4 = N px −ipy E−m −pz E−m 0 1 p avec E correspondant à la solution d’énergie négative, E = − m2 + ~p 2 pour la même raison invoquée plus haut. En résumé, on a obtenu pour une particule de masse m et d’impulsion ~p, quatre p solutions indépendantes, deux avecpune énergie positive E = m2 + p~ 2 et deux avec une énergie négative E = − m2 + p~ 2 . Il est facile de montrer (le faire à titre d’exercice) que les spineurs de Dirac u1 , u2 , u3 et u4 représentant ces quatre solutions sont orthogonaux entre eux i.e. que: u†r us = 0, ∀r 6= s avec r, s = 1, 2, 3, 4. Le facteur de normalisation N est obtenu à partir de la normalisation des spineurs de dirac ui (i=1,2,3,4) qui est donnée par14 : u†1 u1 = u†2 u2 = u†3u3 = u†4 u4 = 2|E| Le facteur N est donc donné par (le faire à titre d’exercice): √ pour u1 et u2 N = E + m (E > 0) √ N = −E + m (E < 0) pour u3 et u4 Les quatre spineurs de Dirac, solutions de l’équation de Dirac dans l’espace des impulsions, s’écrivent donc: 1 0 √ √ 0 1 , u2 = E + m px −ip u1 = E + m p z y E+m u3 = 14 √ −E + m px +ipy E+m pz E−m px +ipy E−m 1 0 , u4 = √ −E + E+m −pz E+m px −ipy E−m −pz m E−m 0 1 Cette normalisation des spineurs de Dirac est conventionnelle. Dans cette convention on considère qu’il y a 2E particules par unité de volume. Master 1 Physique 11 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 Pour une particule se propageant le long de l’axe z i.e. ~p = (0, 0, p), les 4 spineurs de Dirac que nous venons d’obtenir s’écrivent: 1 0 √ √ 0 1 u1 = E + m p , u2 = E + m 0 E+m −p 0 E+m p 0 E−m √ √ 0 −p , u4 = −E + m E−m u3 = −E + m 1 0 0 1 Ces spineurs sont états propres de l’opérateur de spin Ŝz défini par15 : 1 0 0 0 1 1 0 −1 0 0 1 σ3 0 Ŝz = Σz = = 0 σ3 2 2 2 0 0 1 0 0 0 0 −1 avec comme valeurs propres ± 21 : 1 Ŝz u1 = + u1 2 1 Ŝz u2 = − u2 2 , , 1 Ŝz u3 = + u3 2 1 Ŝz u4 = − u4 2 On en déduit donc p que u1 et u2 représentent les deux états de spin d’une particule d’énergie E = m2 + p~ 2pet u3 et u4 représentent les deux états de spin d’une particule d’énergie E = − m2 + ~p 2 . 4. Interprétation de la solution d’énergie négative Les spineurs de Dirac u3 et u4 correspondantpaux deux états de spin d’une particule d’impulsion ~p et d’énergie négative E = − m2 + p~ 2 ne peuvent pas représenter des états physiques réels car des particules avec une énergie négative n’ont pas de sens physique. E.C.G. Stückelberg et indépendamment R.P. Feynman proposèrent dans les années 40 de reinterpréter ces deux états comme p représentant les deux m2 + p~ 2 et d’impulsion états de spin d’une antiparticule d’énergie positive E = p p~ correspondant à une particules d’énergie négative E = − m2 + p~ 2 remontant le temps i.e. d’impulsion −~p. En d’autres termes il faut réexprimer les deux solutions u3 et u4 de l’équation de Dirac à partir de la fonction d’onde ψ(x) de départ en inversant les signes de E et ~p i.e.: ψ(x) = u(−p)eip·x ≡ u(−E, −~p)ei(Et−~p·~x) Les solutions obtenues dans ce cas seront appelées dorénavant v1 et v2 , elles ont pour 15 On pose ici ~ = 1. σ3 est la troisième matrice de Pauli. Master 1 Physique 12 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 expressions: v1 (E, p~) ≡ u4 (−E, −~p) = et v2 (E, p~) ≡ u3 (−E, −~p) = √ √ px −ipy E+m −pz E+m pz E+m px +ipy E+m E + m E + m 0 1 1 0 p avec cette fois ci E = m2 + p~ 2 . Le fait de relier v1 à u4 et v2 à u3 est motivé par les considérations suivantes: Nous avons vu que pour une particule se propageant le long de l’axe z le spineur de Dirac u4 est un état propre de spin avec Sz = − 12 i.e. dirigé le long −z. Or sous la ~ = ~r ∧ ~p change de transformation (E, ~p) → (−E, −~p) le moment angulaire orbital L ~ +S ~ ne peut être préservée signe et la conservation du moment angulaire total J~ = L ~ ~ ~ (i.e. [H, J] = 0) que si on fait la transformation S → −S. Appliquée à u4 cette transformation conduit au spineur de Dirac v1 qui représente une antiparticule avec un spin dirigé suivant +z. Ainsi le spin de l’antiparticule associée au spineur de Dirac v1 et le même que le spin de la particule associé au spineur de Dirac u1 i.e. Sz = + 21 . De même les spineurs v2 (antiparticule) et u2 (particule) correspondent à deux états propres de spin avec Sz = − 12 . En résumé les spineurs de Dirac u1 p et u2 correspondent aux deux états de spin d’une particule de spin 12 , d’énergie E = m2 + ~p2 et d’impulsion ~p (e.g. l’électron) et les spineurs de Dirac v1 et v2p correspondent aux deux états de spin d’une antiparticule de spin 21 , d’énergie E = m2 + p~2 et d’impulsion p~ (e.g. le positron). Les expressions de ces spineurs sont: 1 0 √ √ 0 1 , u2 = E + m px −ip u1 = E + m pz y E+m v1 = √ E + m px +ipy E+m px −ipy E+m −pz E+m 0 1 , v2 = √ remarque 1: u1 et u2 satisfont l’équation de Dirac16 : E + m E+m −pz E+m pz E+m px +ipy E+m 1 0 (6p − m)us = 0 alors que v1 et v2 satisfont, grâce à la transformation p = (E, p~) → −p = (−E, −~p), l’équation de Dirac: (6p + m)vs = 0 16 L’indice s est un indice de spin prenant les valeurs 1 et 2. Master 1 Physique 13 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 D’autre part les spineurs adjoints us et v s satisfont les équations: us (6p − m) = 0 et v s (6p + m) = 0 Parmi les autres propriétés des spineurs, on peut noter les propriétés suivantes (les vérifier à titre d’exercice): 1. Orthonormalité: us ur = 2mδsr vs vr = −2mδsr où s et r sont des indices de spin et δsr est le symbol de Kronecker. 2. Complétude17 : 2 X s=1 us us = (6p + m) et 2 X s=1 vs vs = (6p − m) remarque 2: Le produit de ces deux dernières équations est égal à zéro (le montrer à titre d’exercice). D’autre part il est facile de montrer que: (6p ± m)2 = 2m(6p ± m) remarque 3: Les quadrivecteurs courants pour une particule et une antiparticule libres décrites par l’équation de Dirac peuvent être obtenus à partir de l’expression des spineurs de Dirac u1 et u2 pour la particule et v1 et v2 pour l’antiparticule. En effet on a (le faire à titre d’exercice): us γ µ ur = 2pµ δsr où s et r sont les indices de spin prenant les valeurs 1 et 2 et δsr est le symbol de Kronecker. Ainsi les courants u1 γ µ u1 , u2 γ µ u2 pour la particule et v 1 γ µ v1 , v2 γ µ v2 pour l’antiparticule sont chacun proportionnel au quadrivecteur énergie-impulsion de la particule ou de l’antiparticule. 5. Opération Parité appliquée aux spineurs de Dirac L’opération parité est une transformation de Lorentz discrète qui consiste à inverser les 3 coordonnées d’espace. C’est une transformation discrète qui correspond à une symétrie par rapport à l’origine des coordonnées: x1 → −x1 , x2 → −x2 , x3 → −x3 En mécanique quantique à l’opération parité est associé un opérateur P̂ qui possède les propriétés suivantes: 17 Les relations de complétude sont utilisées pour le calcul des éléments de matrices décrivant la dynamique des interactions et des désintégrations des fermions. Master 1 Physique 14 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 • P̂ est unitaire: P̂ P̂ † = P̂ † P̂ = 1̂I, • P̂ 2 = 1̂I + unitarité ⇒ P̂ = P̂ † = P̂ −1 ⇒ P̂ est hermitien, • unitarité + hermiticité ⇒ P̂ est une observable. Il existe donc un nombre quantique associé à l’opération parité. Pour définir comment se transforme un spineur de Dirac sous l’opération parité et obtenir l’expression de la matrice représentant cette transformation, appliquons l’opérateur parité P̂ à l’équation de Dirac pour une particule libre de spin 21 , de masse m et de fonction d’onde ψ(x): P̂ [(iγ µ ∂µ − m)ψ(x)] = 0 0 ∂ j ∂ ⇒ P̂ iγ − iγ − m ψ(x) = 0 avec x = (t, ~x) ∂t ∂xj j ∂ 0 ∂ − m ψ(x′ ) = 0 avec x′ = (t, −~x) + iγ ⇒ iγ ∂t ∂xj Si maintenant on multiplie à gauche l’équation de Dirac, transformée sous l’opérateur P̂ , par γ 0 , on obtient: 0 0 ∂ 0 0 j ∂ iγ γ − mγ ψ(x′ ) = 0 + iγ γ ∂t ∂xj j ∂ 0 ∂ − m γ 0 ψ(x′ ) = 0 − iγ ⇒ iγ ∂t ∂xj ⇒ (iγ µ ∂µ − m) γ 0 ψ(x′ ) = 0 Cette dernière équation avec comme fonction d’onde γ 0 ψ(x′ ), résultant de la transformation de l’équation de Dirac sous l’opérateur P̂ , a la même forme que l’équation de Dirac de départ. Ainsi, sous l’opérateur parité P̂ , les spineurs de Dirac ψ(x) se transfoment comme18 : P̂ ψ(x) =⇒ ψ ′ (x′ ) = SP ψ(x′ ) = γ 0 ψ(x′ ) Conséquence: La tranformation d’un spineur de Dirac sous l’opérateur parité se traduit par un signe opposé entre fermions et antifermions. Pour mettre en évidence ce résultat, appliquons l’opérateur parité P̂ à un fermion (resp. antifermion) au repos. Les spineurs correspondant à un fermion et un antifermion au repos sont: 1 0 0 0 √ √ √ √ 0 1 0 0 u1 = 2m 0 , u2 = 2m 0 , v1 = 2m 0 , v2 = 2m 1 0 0 1 0 18 Nous avons vu dans le paragraphe 2.2 que dans le cas d’une opération parité la matrice SP correspondant à cette transformation satisfait la relation: 0 γ pour µ = 0 SP−1 γ µ SP = −γ k pour µ = k = 1, 2, 3 Il est facile de voir que cette relation est satisfaite pour SP = γ 0 . Master 1 Physique 15 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 Pour le spineur de Dirac u1 , par exemple, la solution de l’équation de Dirac est la fonction d’onde ψ1 = u1e−imt qui se transforme sous la parité comme (le faire à titre d’exercice): P̂ ψ1 = γ 0 ψ1 = γ 0 u1 e−imt = u1 e−imt = ψ1 ψ1 , ou de façon équivalente u1 , est donc un état propre de la parité avec comme valeur propre +1. De même on peut montrer que u2 , v1 et v2 sont états propres de la parité avec comme valeurs propres respectives +1, −1 et −1. Ainsi une antiparticule de spin 1/2 (fermion) au repos (v1 , v2 ) a une parité intrinsèque opposée à celle d’une particule au repos (u1 , u2 ): P̂ ψ = +ψ pour u1 , u2 P̂ ψ = −ψ pour v1 , v2 remarque: seules les parités intrinsèques relatives des particules et antiparticules peuvent être déterminées de façon non ambigüe. Les parités absolues +1 pour les particules et −1 pour les antiparticules sont attribuées de façon purement conventionnelle. 6. Opération conjugaison de charge appliquée aux spineurs de Dirac La conjugaison de charge est une opération qui transforme une particule en son antiparticule de masse, de spin, d’impulsion et d’énergie identiques mais dont les nombres quantiques additifs (charge électrique, nombre baryonique, nombres leptoniques, étrangeté, · · · etc) sont opposés à ceux de la particule. En mécanique quantique à l’opération conjugaison de charge est associée un opérateur Ĉ qui possède les mêmes propriétés que l’opérateur parité: • Ĉ est unitaire: Ĉ Ĉ † = Ĉ † Ĉ = 1̂I, • Ĉ 2 = 1̂I + unitarité ⇒ Ĉ = Ĉ † = Ĉ −1 ⇒ Ĉ est hermitien, • unitarité + hermiticité ⇒ Ĉ est une observable. Il existe donc un nombre quantique associé à l’opération conjugaison de charge. Nous allons étudier dans ce paragraphe l’action de l’opérateur de conjugaison de charge Ĉ sur un fermion décrit par le spineur de Dirac ψ. Pour cela nous allons partir de l’équation de Dirac décrivant le mouvement d’un fermion de charge Qe et de fonction d’onde ψ en présence d’un champ électromagnétique de quadripotentiel Aµ . Cette équation s’obtient à partir de l’équation de Dirac décrivant le mouvement d’un fermion libre, en faisant la substitution : i∂µ → i∂µ − QeAµ Elle s’écrit donc: γ µ (i∂µ − QeAµ )ψ − mψ = 0 Master 1 Physique 16 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 Pour un antifermion de même masse, de charge électrique opposée −Qe et de fonction d’onde ψ ′ , l’équation de Dirac s’écrit: γ µ (i∂µ − (−Qe)Aµ )ψ ′ − mψ ′ = 0 La fonction d’onde ψ ′ est reliée à la fonction d’onde ψ par l’opération conjugaison de charge ψ ′ = Ĉψ. Essayons maintenant de trouver l’expression de la fonction d’onde ψ ′ en fonction de ψ et par là l’expression de la matrice de transformation représentant l’acion de l’opérateur conjugaison de charge Ĉ sur ψ. En prenant le complexe conjugué de l’équation de Dirac décrivant la dynamique d’un fermion en présence d’un champ électromagnétique, puis en multipliant à gauche par γ 2 , on obtient l’équation: −iγ 2 γ ⋆µ (∂µ − iQeAµ )ψ ⋆ − mγ 2 ψ ⋆ = 0 Or comme les matrices γ satisfont les propriétés suivantes: γ ⋆0 = γ 0 , γ ⋆1 = γ 1 , γ ⋆2 = −γ 2 , γ ⋆3 = γ 3 on peut vérifier aisément que (le faire à titre d’exercice): γ 2 γ ⋆µ = −γ µ γ 2 L’équation de Dirac modifiée s’écrit alors: iγ µ γ 2 (∂µ − iQeAµ )ψ ⋆ − mγ 2 ψ ⋆ = 0 En introduisant la transformation de conjugaison de charge: ψ ′ ≡ Ĉψ = iγ 2 ψ ⋆ qu’on écrit souvent aussi sous la forme: ψ ′ ≡ Ĉψ = iγ 2 γ 0 γ 0 ψ ⋆ = Cγ 0 ψ ⋆ ≡ Cψ T où C = iγ 2 γ 0 est une matrice appelée matrice de conjugaison de charge. Elle satisfait la propriété C = −C −1 . L’équation de Dirac modifiée s’écrit alors sous la forme: γ µ (∂µ − iQeAµ )ψ ′ + imψ ′ = 0 En multipliant cette équation par i, on obtient finalement: γ µ (i∂µ − (−Qe)Aµ )ψ ′ − mψ ′ = 0 Cette équation qui a la même forme que l’équation de Dirac de départ correspond à l’équation de Dirac pour un antifermion de même masse que le fermion décrit par la fonction d’onde ψ mais de charge électrique opposée. En d’autres termes le spineur de Dirac ψ ′ décrit l’antifermion de ψ. Master 1 Physique 17 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 En résumé l’opération de conjugaison de charge qui correspond à la transformation: ψ ′ ≡ Ĉψ = Cγ 0 ψ ⋆ = iγ 2 ψ ⋆ transforme une particule en son antiparticule et inversement. Regardons maintenant comment se transforme un fermion libre décrit par la solution onde plane de l’équation de Dirac sous la transformation Ĉ. Nous avons vu que la solution onde plane de l’equation de Dirac pour une particule de spin + 21 (spin up) est donnée par: ψ = u1 e−ip·x Sous l’action de l’opérateur de conjugaison de charge Ĉ, ψ se transforme en: ⋆ 1 0 0 0 −i 0 0 i 0 √ 0 ip·x pz e ψ ′ = iγ 2 ψ ⋆ = i 0 i 0 0 E + m E+m px +ipy −i 0 0 0 E+m px −ipy = √ E + m = v1 eip·x E+m −pz E+m 0 1 ip·x e Ce qui représente l’antiparticule de ψ. On voit donc que sous la conjugaison de charge on a: Ĉ ψ = u1 e−ip·x → ψ ′ = v1 eip·x de même on a (le vérifier à titre d’exercice): Ĉ ψ = u2 e−ip·x → ψ ′ = −v2 eip·x Ainsi les spineurs de Dirac v1 et v2 sont effectivement les antiparticules correspondant respectivement aux spineurs de Dirac u1 et u2 . 7. Opération renversement du temps appliquée aux spineurs de Dirac Le renversement du temps19 ou plus précisement renversement du sens du temps est la transformation qui consiste à inverser la direction du temps. C’est l’analogue temporel de la parité. En mécanique quantique à l’opération renversement du temps est associé un opérateur T̂ qui, contrairement aux opérateurs parité P̂ et conjugaison de charge Ĉ, n’est pas un opérateur unitaire mais antiunitaire20 . Il n’est pas non plus hermitien et ne peut 19 Le terme de renversement du temps veut ici dire renversement du sens du mouvement et non pas l’action qui consiste à remonter le temps. 20 En effet l’opérateur T̂ transforme le commutateur [r̂k , p̂k ] en −[r̂k , p̂k ] où r̂ et p̂k sont reˆ spectivement les composantes des observables position et impulsion. Or comme [r̂k , p̂k ] = i~I, ˆ où I est l’opérateur unité, la transformation de [r̂k , p̂k ] en −[r̂k , p̂k ] sous T̂ , nécessite donc que ˆ T̂ −1 = −i~I. ˆ Ce qui montre bien que l’opérateur T̂ est un opérateur antiunitaire. T̂ (i~I) Master 1 Physique 18 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 donc être une observable. Par conséquant T̂ n’a pas de valeurs propres observables i.e. qu’il n’existe pas de nombre quantique conservé ou non que l’on peut associer à l’opération renversement de temps. Pour étudier l’action de l’opération de renversement du temps T̂ sur un fermion décrit par le spineur de Dirac ψ, nous allons, comme pour l’opération conjugaison de charge, partir de l’équation de Dirac décrivant le mouvement d’un fermion de charge Qe et de fonction d’onde ψ en présence d’un champ électromagnétique de quadrivecteur Aµ : γ µ (i∂µ − QeAµ )ψ − mψ = 0 Sous l’opération de renversement du temps, il est facile de montrer que le quadrivecteur ∂µ se transforme de la manière suivante: T̂ ∂µ ≡ ∂µ′ = −∂ µ De même, il est facile de montrer, à partir des équations de Maxwell, que le quadrivecteur potentiel Aµ se tranforme de la manière suivante sous l’action de l’opérateur T̂ : T̂ Aµ ≡ A′µ = Aµ En effet les charges sources du potentiel scalaire ne changent pas de signe alors que les courants sources du potentiel vecteur changent de signe sous l’opération renversement du temps. Par conséquant l’équation de Dirac en présence d’un champ électromagnétique s’écrit sous l’action de l’opérateur T̂ : γ µ (i∂µ′ − QeA′µ )ψ ′ − mψ ′ = 0 γ µ (−i∂ µ − QeAµ )ψ ′ − mψ ′ = 0 En explicitant l’action de l’opérateur T̂ sur le spineur de Dirac ψ T̂ ψ ≡ ψ ′ = ST ψ ⋆ dans l’équation de Dirac transformée sous l’opérateur T̂ , on a: γ µ (−i∂ µ − QeAµ )ST ψ ⋆ − mST ψ ⋆ = 0 Maintenant en partant de l’équation de Dirac en présence d’un champ électromagnétique avant l’application de l’opérateur T̂ et en calculant son complexe conjugué, on a21 : γµ⋆ (−i∂ µ − QeAµ )ψ ⋆ − mψ ⋆ = 0 21 Ici on est parti de l’expression suivante de l’équation de Dirac: γµ (i∂ µ − QeAµ )ψ − mψ = 0 qui est équivalente à l’expression: γ µ (i∂µ − QeAµ )ψ − mψ = 0 Master 1 Physique 19 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 et en multipliant à gauche l’équation de Dirac précédente par ST , on obtient: ST γµ⋆ ST−1 (−i∂ µ − QeAµ )ST ψ ⋆ − mST ψ ⋆ = 0 Si maintenant on compare cette équation de Dirac à celle transformée sous l’opérateur T̂ , il est facile de montrer que ces deux équations ont la même forme si on a: ST γµ⋆ ST−1 = γ µ Il est facile de montrer que la solution de cette équation est donnée par: ST = iγ 1 γ 3 qui satisfait les conditions: ST = ST† = ST−1 8. Formes bilinéaires covariantes construites à partir des spineurs de Dirac Nous avons dejà mentioné (cf. paragraphe 2.2) que le spineur de Dirac ne se transforme pas comme un quadrivecteur quand on passe d’un référentiel inertiel à un autre. On montre cependant que la quantité invariante de Lorentz correspondant à un scalaire que l’on peut construire à partir d’un spineur de Dirac ψ est donnée par: ψψ = |ψ1 |2 + |ψ2 |2 − |ψ3 |2 − |ψ4 |2 La quantité ψψ est un vrai scalaire car elle se transforme comme un scalaire sous l’opération parité. Il en est de même pour ψ 1 ψ2 où ψ1 et ψ2 sont des spineurs de Dirac représentant deux particules fermioniques différentes. En effet on a: P̂ (ψ 1 ψ2 ) = (ψ 1 ψ2 )′ = (ψ1′ )† γ 0 ψ2′ = ψ1† γ 0† γ 0 γ 0 ψ2 = ψ1† γ 0 ψ2 = ψ 1 ψ2 De même on peut définir les formes bilinéaires suivantes22 : ψ 1 γ 5 ψ2 , ψ 1 γ µ ψ2 , ψ 1 γ µ γ 5 ψ2 , ψ 1 σ µν ψ2 qui correspondent respectivement à, et se transforment sous l’opération parité comme, un pseudoscalaire, un vecteur, un pseudovecteur et un tenseur antisymétrique avec σ µν = 2i [γ µ , γ ν ]. En effet il est facile de montrer que (le faire à titre d’exercice): P̂ (ψ 1 γ 5 ψ2 ) = −ψ 1 γ 5 ψ2 P̂ (ψ 1 γ µ ψ2 ) = ψ 1 γµ ψ2 ≡ (−1)µ ψ 1 γ µ ψ2 P̂ (ψ 1 γ µ γ 5 ψ2 ) = −ψ 1 γµ γ 5 ψ2 ≡ −(−1)µ ψ 1 γ µ γ 5 ψ2 P̂ (ψ 1 σ µν ψ2 ) = ψ 1 σµν ψ2 ≡ (−1)µ (−1)ν ψ 1 σ µν ψ2 avec (−1)µ = 1 pour µ = 0 et (−1)µ = −1 pour µ 6= 0. ψ 1 γ µ ψ2 n’est autre que le quadrivecteur courant définit dans le paragraphe 2.1 et qui se comporte sous l’opération parité comme un vecteur. 22 Master 1 Physique 20 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 Il est facile de montrer aussi (le faire à titre d’exercice) que ces formes bilinéaires se transforment de la façon suivante sous l’opération conjugaison de charge23 : Ĉ(ψ 1 ψ2 ) Ĉ(ψ 1 γ 5 ψ2 ) Ĉ(ψ 1 γ µ ψ2 ) Ĉ(ψ 1 γ µ γ 5 ψ2 ) Ĉ(ψ 1 σ µν ψ2 ) = = = = = ψ 2 ψ1 ψ 2 γ 5 ψ1 −ψ 2 γ µ ψ1 ψ 2 γ µ γ 5 ψ1 −ψ 2 σ µν ψ1 De même, il est facile de montrer (le faire à titre d’exercice) que ces mêmes formes bilinéaires se transforment de la façon suivante sous l’opération de renversement du temps: T̂ (ψ 1 ψ2 ) = ψ 1 ψ2 T̂ (ψ 1 γ 5 ψ2 ) = −ψ 1 γ 5 ψ2 T̂ (ψ 1 γ µ ψ2 ) = ψ 1 γµ ψ2 ≡ (−1)µ ψ 1 γ µ ψ2 T̂ (ψ 1 γ µ γ 5 ψ2 ) = ψ 1 γµ γ 5 ψ2 ≡ (−1)µ ψ 1 γ µ γ 5 ψ2 T̂ (ψ 1 σ µν ψ2 ) = −ψ 1 σµν ψ2 ≡ −(−1)µ (−1)ν ψ 1 σ µν ψ2 En résumé, on peut, à partir des spineurs de Dirac et des matrices γ définir les formes bilinéaires suivantes: Formes bilinéaires ψ 1 ψ2 (Scalaire) ψ 1 γ 5 ψ2 (Pseudoscalaire) ψ 1 γ µ ψ2 (Vecteur) ψ 1 γ µ γ 5 ψ2 (Pseudovecteur) ψ 1 σ µν ψ2 (Tenseur) 23 Ĉ ψ 2 ψ1 ψ 2 γ 5 ψ1 −ψ 2 γ µ ψ1 ψ 1 γµ γ 5 ψ2 −ψ 1 σµν ψ2 P̂ ψ 1 ψ2 −ψ 1 γ 5 ψ2 ψ 1 γµ ψ2 −ψ 1 γµ γ 5 ψ2 ψ 1 σµν ψ2 T̂ ψ 1 ψ2 −ψ 1 γ 5 ψ2 ψ 1 γµ ψ2 ψ 1 γµ γ 5 ψ2 −ψ 1 σµν ψ2 Ĉ P̂ ψ 2 ψ1 −ψ 2 γ 5 ψ1 −ψ 2 γ µ ψ1 −ψ 1 γµ γ 5 ψ2 −ψ 1 σµν ψ2 Ĉ P̂ T̂ ψ 2 ψ1 ψ 2 γ 5 ψ1 −ψ 2 γ µ ψ1 −ψ 1 γµ γ 5 ψ2 ψ 1 σµν ψ2 Pour la forme bilinaire ψ 1 ψ2 par exemple, on a: T T Ĉ(ψ 1 ψ2 ) = −ψ1T C −1 Cψ 2 = −ψ1T ψ 2 = ψ 2 ψ1 T = ψ 2 ψ1 Le signe ”−” dans la 3ème étape provient de l’anticommutation des champs fermioniques. Dans la dernière étape on ne garde pas le transposé car la quantité ψ 1 ψ2 est une quantité scalaire. Ce n’est pas une matrice. Master 1 Physique 21 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 9. Moment magnétique du fermion Nous avons vu (cf. paragraphe 6) que l’équation de Dirac décrivant le mouvement d’un fermion de charge Qe en présence d’un champ électromagnétique de quadripotentiel Aµ s’écrit: [γ µ (i∂µ − QeAµ ) − m] ψ = 0 où e est la charge de l’électron. En prenant comme solution de cette équation une onde plane comme dans le cas d’une particule libre, i.e.: ψ = u(p) e−ip·x on obtient l’expression de l’équation de Dirac en présence d’un champ électromagnétique dans l’espace des impulsions: [γ µ (pµ − QeAµ ) − m] u(p) = 0 or comme: γ µ = (γ 0 , ~γ ) ≡ (β, β~ α) , ~ pµ = (E, −~p) et Aµ = (φ, −A) on obtient alors en développant cette équation: h i ~ βE − β~ α · p~ − Qeβφ + Qeβ~ α · A − m u(p) = 0 En multipliant à gauche cette équation par −β et en utilisant le fait que β 2 = 1I, on obtient alors l’équation suivante: h i ~ α ~ · (~p − QeA) + βm + Qeφ u(p) = E u(p) qu’on peut réécrire, en utilisant les expressions des matrices α ~ et β, sous la forme suivante: ~ (m + Qeφ)I ~σ · (~p − QeA) uA uA =E ~ −(m − Qeφ)I uB uB ~σ · (~p − QeA) où uA et uB sont, comme on les a noté dans le paragraphe 3, les deux composantes, matrices colonnes à deux éléments, supérieures et inférieures du spineur de Dirac u. Cette équation matricielle conduit aux deux équations couplées suivantes: h i ~ uB = [E − m − Qeφ] uA ~σ · (~p − QeA) h i ~ et ~σ · (~p − QeA) uA = [E + m − Qeφ] uB En éliminant uB de ces deux équations on obtient la relation suivante: # " ~ ~σ · (~p − QeA) ~ uA = [E − m − Qeφ] uA ~σ · (~p − QeA) E + m − Qeφ Master 1 Physique 22 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 Dans la limite non relativiste où l’énergie cinétique du fermion et l’énergie de son interaction avec le champ électromagnétique, Qeφ, sont petites devant sa masse m, on a: E + m − Qeφ ≃ 2m E − m ≃ EN R où EN R est l’énergie cinétique, non relativiste, du fermion. Dans ce cas on obtient l’équation suivante: ih i 1 h ~ ~ ~σ · (~p − QeA) ~σ · (~p − QeA) + Qeφ uA = EN R uA 2m En utilisant la relation vectorielle: (~σ · ~a)(~σ · ~b) = (~a · ~b) + i~σ · (~a ∧ ~b) on obtient l’équation: o 1 n 2 ~ + i~σ · ((~p − QeA) ~ ∧ (~p − QeA)) ~ (~p − QeA) + Qeφ uA = EN R uA 2m En développant le produit vectoriel, on obtient: o 1 n 2 ~ ~ ~ (~p − QeA) − i~σ · Qe(~p ∧ A + A ∧ p~) + Qeφ uA = EN R uA 2m ~ dans le terme Qe(~p ∧ A ~ +A ~ ∧ ~p) uA , ce dernier En faisant la substitution24 ~p → −i∇ s’écrit: h i ~ ∧ (Au ~ A) + A ~ ∧ (∇u ~ A ) = −iQe(∇ ~ ∧ A) ~ uA −iQe ∇ → ~ ~ ∧ (Au ~ A ) = (∇ ~ ∧ A)u ~ A−A ~ ∧ (∇u ~ A ). Or comme ∇ ~ ∧A ~=− ~ où B ~ est car ∇ rot A =B un champ magnétique, on obtient finalement l’équation suivante: 1 Qe 2 ~ ~ (~p − QeA) − ~σ · B + Qeφ uA = EN R uA 2m 2m Le premier terme de l’expression entre crochets correspond à l’Hamiltonien classique décrivant le mouvement d’un fermion de charge Qe dans un champ électromagnétique. Le deuxième terme peut-être interprété comme provenant de l’interaction du mo~ = ment magnétique, −Qe~σ /2m, de ce même fermion avec le champ magnétique B − → ~ rot A. Le troisième terme correspond à l’énergie électrique de la particule. 24 On utilise ici le système d’unité naturel (~ = c = 1). Master 1 Physique 23 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 10. Notions d’hélicité et de chiralité d’une particule de spin 1 2 10.1 Hélicité ~ d’une particule le L’hélicité est un opérateur qui a pour action de projeter le spin S long de sa direction de mouvement ~p. L’opérateur hélicité est défini donc par: ~ · ~p Σ ~ σ · ~ e 0 p ~ · ~ep = =Σ ĥ ≡ 0 ~σ · ~ep |~p| ~ = 2S. ~ Pour un fermion ou un où ~ep est le vecteur unitaire le long de ~p et Σ antifermion libres, il y a deux états propres d’hélicité. Un état avec le spin dirigé le long de la direction du mouvement (hélicite h = +1) et un autre avec le spin dirigé dans le sense opposé à la direction du mouvement (hélicité h = −1). Pour un fermion ou un antifermion se propageant le long de l’axe z avec un quadrivecteur énergie-impulsion pµ = (E, 0, 0, p), les états propres d’hélicité correspondent aux spineurs de Dirac ui et vi (i = 1, 2). Si le mouvement du fermion est dans la direction +z, alors les valeurs propres d’hélicité correspondant aux états de spin u1 (Sz = + 12 ), u2 (Sz = − 12 ), v1 (Sz = + 12 ) et v2 (Sz = − 21 ) sont respectivement +1, −1, +1, −1. Si par contre la direction du mouvement est suivant −z, les valeurs propres d’hélicité sont alors −1, +1, −1, +1. En particulier dans le cas où p → +∞ (limite ultra-relativiste) le long de +z, les spineurs de Dirac u1 , u2 , v1 et v2 s’écrivent: 1 0 0 1 √ 1 √ −1 √ 0 √ 0 u1 = E 1 , u2 = E 0 , v1 = E 0 , v2 = E 1 0 −1 1 0 Ils sont états propres de l’opérateur hélicité (le verifier à titre d’exercice) avec: ĥu1 = u1 , ĥu2 = −u2 , ĥv1 = v1 , ĥv2 = −v2 , De même dans le cas où p → −∞ (limite ultra-relativiste) le long de −z, les spineurs de dirac u1 , u2 , v1 et v2 s’écrivent: 1 0 0 −1 √ 0 √ √ √ , u2 = E 1 , v1 = E 1 , v2 = E 0 u1 = E −1 0 0 1 0 1 1 0 Ils sont états propres de l’hélicité (le verifier à titre d’exercice) avec: ĥu1 = −u1 , ĥu2 = u2 , ĥv1 = −v1 , ĥv2 = v2 , Dans le cas où la direction de mouvement du fermion est arbitraire, les spineurs de Dirac ui et vi ne sont plus états propres de l’hélicité. remarque 1: un fermion ou un antifermion d’hélicité négative est dit left-handed, s’il est d’hélicité positive, il est dit right-handed. Master 1 Physique 24 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 remarque 2: L’hélicité d’un fermion massif n’est pas une quantité invariante sous la transformation de Lorentz continue. Pour un fermion sans masse (ou un fermion ultra-relativiste i.e. m ≪ E), l’hélicité est une quantité fixe et invariante sous la transformation de Lorentz continue. À noter aussi que l’hélicité n’est pas définie pour un fermion au repos. 10.2 Chiralité Nous venons de voir que dans la limite ultra-relativiste, les spineurs de Dirac u1 et u2 décrivant les deux états de spin d’un fermion et les spineurs v1 et v2 décrivant les deux états de spin d’un antifermion tout deux se propageant, par exemple, le long de l’axe +z, s’écrivent: 1 0 0 1 √ 0 √ 1 √ −1 √ 0 u1 = E 1 , u2 = E 0 , v1 = E 0 , v2 = E 1 0 −1 1 0 En plus d’être états propres de l’opérateur hélicité comme on l’a vu, ces spineurs sont aussi états propres de l’opérateur défini par la matrice γ 5 . En effet on peut montrer que (le faire à titre d’exercice): γ 5 u1 = u1 , γ 5 u2 = −u2 , γ 5 v1 = −v1 , γ 5 v2 = v2 On remarque que pour un fermion, les deux valeurs propres de γ 5 correspondent aux deux états de son hélicité (h = +1 et h = −1), alors que pour un antifermion, elles sont opposées aux deux états de son hélicité. On peut à partir de γ 5 construire deux nouveaux opérateurs définis par: 1 1 PL = (1 − γ 5 ) et PR = (1 + γ 5 ) 2 2 Ces deux opérateurs PL et PR s’appellent respectivement opérateur de projection left-handed et opérateur de projection right-handed. Un spineur de Dirac peut toujours être décomposé en la somme de ses deux projections left-handed ψL et right-handed ψR . En effet on a: ψL ≡ PL ψ = 21 (1 − γ 5 )ψ ψ = ψL + ψR avec ψR ≡ PR ψ = 21 (1 + γ 5 )ψ Les projections ψL et ψR définissent ce qu’on appelle communément les composantes chirales respectivement left-handed et right-handed du spineur ψ. remarque: Les composantes chirales left-handed et right-handed que nous venons de définir s’appliquent à n’importe quel spineur. Seuls les spineurs représentants des fermions/antifermions dans la limite ultra-relativiste ont des composantes chirales avec une hélicité bien définie. Pour un fermion ultra-relativiste se déplaçant le long de +z on a: De même pour un antifermion ultra-relativiste se déplaçant le long de +z on a: Master 1 Physique 25 Mossadek Talby Physique des Particules PL u1 = 12 (1 − γ 5 )u1 = 0 PL u2 = 21 (1 − γ 5 )u2 = u2 (h = −1) 2016-2017 , , PR u1 = 21 (1 + γ 5 )u1 = u1 (h = +1) PR u2 = 21 (1 + γ 5 )u2 = 0. PL v1 = 21 (1 − γ 5 )v1 = v1 (h = +1) , PR v1 = 12 (1 + γ 5 )v1 = 0 PL v2 = 21 (1 − γ 5 )v2 = 0 , PR v2 = 12 (1 + γ 5 )v2 = v2 (h = −1). En générale pour un fermion de spineur u = α1 u1 +α2 u2 et un antifermion de spineur v = β1 v1 + β2 v2 on a: En résumé on peut dire que dans la limite ultra-relativiste les opérateurs PL et PR permettent d’isoler (ou d’extraire) les composantes respectivement d’hélicité négative et positive d’un fermion et les composantes respectivement d’hélicité positive et négative d’un antifermion: 10.3 Construction des états d’hélicité Les opérateurs de projections PL et PR peuvent être utilisés pour construire les états d’hélicité u↑ (h = +1), u↓ (h = −1), v↑ (h = +1) et v↓ (h = −1) pour des fermions et des antifermions ultra-relativiste25 en mouvement dans une direction arbitraire. Considérons, par exemple, un fermion se déplaçant avec un angle θ par rapport à l’axe z, avec un quadrivecteur énergie-impulsion pµ = (E, Esinθ, 0, Ecosθ). Le spineur u1 correspondant s’écrit dans ce cas: 1 1 √ 0 √ 0 u1 = E pz = E cosθ E px +ipy sinθ E La composante left-handed de u1 s’écrit alors: 1 − cosθ √ 1 E −sinθ (1 − γ 5 )u1 = 2 2 −1 + cosθ sinθ sin 2θ √ θ −cos 2θ Esin = 2 −sin 2θ cos θ2 Or comme on a vu que, dans la limite ultra-relativiste, la composante left-handed d’un fermion correspond à un état propre d’hélicité négative, le spineur 21 (1 − γ 5 )u1 doit donc nécessairement être proportionnel à u↓ i.e.: sin 2θ √ θ −cos θ2 u↓ = A Esin 2 −sin 2θ cos 2θ 25 Pour un fermion ou un antifermion ultrarelativiste, on a E = |~ p|, i.e. que la masse du fermion est négligeable devant son énergie. Master 1 Physique 26 Mossadek Talby Physique des Particules 2016-2017 PL u = 12 (1 − γ 5 )u = α2 u2 (h = −1) , PL v = 12 (1 − γ 5 )v = β1 v1 (h = +1) PR u = 21 (1 + γ 5 )u = α1 u1 (h = +1) , PR v = 21 (1 + γ 5 )v = β2 v2 (h = −1) h = −1 (left-handed) h = +1 (right-handed) Fermion Antifermion 5 − γ )u 12 (1 + γ 5 )v + γ 5 )u 12 (1 − γ 5 )v 1 (1 2 1 (1 2 La constante de proportionnalité A peut être déterminée grâce à la condition de normalisation u†↓ u↓ = 2E. En effet on trouve: u†↓ u↓ = 2|A|2E sin2 1 θ = 2E ⇒ A = ± θ 2 sin 2 Parmi les deux solutions de A on choisi celle avec le signe négatif pour avoir u↓ = u2 quand θ = 0. On a donc: −sin θ2 √ cos θ 2 u↓ = E sin θ 2 −cos 2θ remarque: On aurrait tout aussi bien pu commencer par le spineur u2 au lieu de u1 , dans ce cas aussi 21 (1 − γ 5 )u2 est un état d’hélicité négative. L’état d’hélicité u↑ peut de façon similaire être obtenu à partir de la composante right-handed 21 (1 + γ 5 )u1 . De même les états propres v↓ et v↑ peuvent aussi être obtenus respectivement à partir de 12 (1 + γ 5 )v1 et 12 (1 − γ 5 )v1 . En résumé les états propres d’hélicité s’écrivent: c −s s c √ s √ c √ −c √ s u↑ = E c , u↓ = E s , v↑ = E −s , v↓ = E c , s −c c s où c ≡ cos 2θ et s ≡ sin 2θ . Pour θ = 0 on retrouve les expressions de u1 , u2 , v1 et v2 pour un fermion/antifermion en mouvement ultra-relativiste dans la direction +z. Pour θ = π on retrouve, au signe près du facteur de normalisation, les expressions de u1 , u2 , v1 et v2 pour un fermion/antifermion en mouvement ultra-relativiste dans la direction −z. Il est facile de montrer que (le faire comme exercice): γ 5 u↑ = u↑ , γ 5 u↓ = −u↓ , γ 5 v↑ = −v↑ , γ 5 v↓ = v↓ Ces expressions sont tout à fait les mêmes que celles que nous avons obtenu dans le cas où θ = 0, ce qui montre leur validité quelque soit la direction de propagation du fermion/antifermion. En résumé dans la limite ultra-relativiste les composantes chirales ψL et ψR d’un fermion ou d’un antifermion, deviennent des états propres d’hélicité. Pour un fermion ils correspondent aux composantes respectivement left-handed et right-handed et pour un antifermion ils correspondent aux composantes respectivement righthanded et left-handed. Master 1 Physique 27 Mossadek Talby