Physique des Particules 2016-2017
Chapitre II
Equation de Dirac
1. Rappels
1.1 Equation de Schr¨odinger
En m´ecanique quantique non-relativiste, le mouvement d’une particule libre de
masse m, de vecteur impulsion ~p, d’´energie Eet de fonction d’onde ψ(t, ~r) est
d´ecrit par l’´equation de Schr¨odinger1:
~2
2m~
2ψ=i~ψ
t
En effet `a partir de la relation ´energie-impulsion classique d´ecrivant le mouvement
d’une particule libre de masse m, d’impulsion ~p et d’´energie cin´etique E:
~p 2
2m=E
on peut obtenir l’´equation de Schr¨odinger en rempla¸cant le vecteur impulsion et
l’´energie par les op´erateurs suivants qui s’appliquent `a la fonction d’onde ψ(t, ~r):
~p → −i~~
et Ei~
t
soit donc, en appliquant ces op´erateurs `a la fonction d’onde ψ(t, ~r) rep´esentant la
particule:
~2
2m~
2ψ=i~ψ
t
Comme on se placera dans la suite dans le syst`eme d’unit´e naturelle i.e. ~=c= 1,
l’´equation de Schr¨odinger s’´ecrit dans ce cas:
1
2m~
2ψ=iψ
t
`
A partir de l’´equation de Schr¨odinger on peut obtenir l’´equation dite de continuit´e
densit´e-courant, reliant la densit´e de probabilt´e ρau vecteur courant ~
j, donn´ee par
(le faire `a titre d’exercice):
~
∇ ·~
j+ρ
t = 0
o`u ρet ~
jsont donn´es par:
ρ=ψψ=|ψ|2
~
j=i
2m(ψ~
ψψ~
ψ)
1L’op´erateur ~2
2m~
2correspond `a l’Hamiltonien d´ecrivant le mouvement d’une particule libre
de masse m, de vecteur impulsion ~p et d’´energie E.
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1.2 Equation de Klein-Gordon
L’´equation de Klein-Gordon correspond `a la version relativiste de l’´equation de
Schr¨odinger. Elle peut ˆetre obtenue de la mˆeme mani`ere que l’´equation de Schr¨odinger
mais en partant cette fois-ci de la relation ´energie-impulsion relativiste2:
E2~p 2=m2ou encore pµpµm2= 0
En faisant la substitution (avec toujours ~=c= 1):
pµi∂µavec µ
xµ= (
t,~
)
pµi∂µavec µ
xµ
= (
t,~
)
on obtient l’´equation de Klein-Gordon3:
(µµ+m2)φ(x) = 0 (2+m2)φ(x) = 0
o`u φ(x) est la fonction d’onde de la particule relativiste.
Les solutions, sous forme d’ondes planes, de cette ´equation sont de la forme:
φ(x) = NeipµxµNei(Et~p·~x)
o`u E=±p~p 2+m2et Nest un coefficient de normalisation.
remarque 1: En plus d’une solution d’´energie positive l’´equation de Klein-Gordon
poss`ede aussi une solution d’´energie n´egative `a laquelle est associ´ee une densit´e de
probabilit´e ρn´egative donn´ee par4:
ρ=iφφ
t φφ
t = 2E|N|2
2Nous adopterons ici et pour la suite de ce cours la convention de sommation dite d’Einstein,
dans laquelle tout indice r´ep´et´e correspond `a la sommation sur toutes les valeurs de cet indice.
Nous utiliserons aussi pour exprimer le quadrivecteur espace-temps covariant et contravariant
respectivement les notations xµ= (t, ~x) et xµ= (t, ~x) avec ~x = (x1, x2, x3) (cf. Chapitre I).
3En ecomposant l’op´erateur µ(resp. µ) en ses composantes temporelle et spatiales,
l’´equation de Klein-Gordon peut aussi s’´ecrire sous la forme:
(~
2+m2)φ(x) = 2φ(x)
t2
4Comme avec l’´equation de Schr¨odinger, on peut montrer `a partir de l’´equation de Klein-Gordon
qu’on obtient l’´equation de continuit´e (le faire `a titre d’exercice):
~
∇ ·~
j+ρ
t = 0
avec:
ρ=iφφ
t φφ
t et ~
j=iφ~
φφ~
φ
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Le vecteur courant est donn´e par:
~
j=iφ~
φφ~
φ= 2|N|2~p
Les probl`emes d’´energie et de densit´e de probablit´e n´egatives, r´esolus par la suite
dans le cadre de la th´eorie quantique des champs5, ont conduit P.M.A. Dirac `a
chercher une ´equation alternative connue par la suite sous le nom d’´equation de
Dirac, point de d´epart de l’introduction puis la d´ecouverte de l’antimati`ere. L’´equa-
tion de Dirac, d´ecrit, comme on le verra plus loin, la dynamique des fermions i.e.
des particules de spin demi-entier.
remarque 2: En th´eorie quantique des champs, l’´equation de Klein-Gordon d´ecrit les
particules et les antiparticules scalaires (spin 0).
2. Equation de Dirac
P.M.A. Dirac a introduit son ´equation pour rem´edier aux probl`emes pos´es par
l’´equation de Klein-Gordon: solution d’´energie n´egative et densit´e de probabilit´e
n´egative. Comme, l’a fait remarqu´e Dirac en 1927, la source des probl`emes de
l’´equation de Klein-Gordon ´etait due `a la pr´esence de eriv´ees de second ordre con-
duisant fatalement `a une ambiguit´e de signe. Dirac chercha `a reformuler l’´equation
de Klein-Gordon de telle sorte qu’elle fasse apparaitre une d´eriv´ee du premi`ere ordre
`a la fois pour le temps et les coordonn´ees d’espace. Historiquement Dirac a introduit
son ´equation sous la forme:
ˆ
Hψ(x) = (~α ·ˆ
~p +βm)ψ(x) = iψ(x)
t
o`u ˆ
Hest l’op´erateur Hamiltonien, ψ(x) et msont respectivement la fonction d’onde6
et la masse de la particule relativiste, ˆ
~p est l’op´erateur impulsion et ~α et βsont des
coefficients `a d´eterminer.
Or comme ˆ
~p ≡ −i~
, l’´equation de Dirac s’´ecrit explicitement:
(i~α ·~
+βm)ψ=iψ
t
Comme on le verra plus loin, les coefficients αi(i= 1,2,3) et βne peuvent pas ˆetre
des nombres. Ce sont des matrices n×net l’´equation de Dirac peut-ˆetre consid´er´ee
comme une ´equation matricielle dans la quelle la fonction d’onde ψest une matrice
colonne `a ncomposantes:
ψ=
ψ1
ψ2
.
.
.
ψn
5En effet en 1934 W. Pauli et V.F. Weisskopf ont montr´e que les probl`emes de l’´equation de
Klein-Gordon peuvent ˆetre r´esolus en traitant la fonction d’onde φ(x) d’une particule comme un
op´erateur de champ.
6Pour ne pas alourdir les expressions qui vont suivre, nous n’expliciterons pas toujours la
d´ependance de la fonction d’onde ψen fonction du quadrivecteur espace-temps x. Nous utilis-
erons indiff´eremment dans la suite les notations ψet ψ(x).
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Pour que l’´equation de Dirac soit consid´er´ee comme l’´equation d´ecrivant le mouve-
ment relativiste d’une particule libre de masse m, chacune des composantes ψide
la matrice colonne ψdoit satisfaire l’´equation de Klein-Gordon i.e.:
(2+m2)ψi(x) = 0 (~
2+m2)ψi(x) = 2ψi(x)
t2
Pour cela, il suffit d’appliquer l’op´erateur Hamiltonien ˆ
H`a l’´equation de Dirac. En
effet, on obtient dans ce cas (le faire `a titre d’exercice):
(i~α ·~
+βm)(i~α ·~
+βm)ψ=2ψ
t2
soit donc explicitement:
1
2
3
X
i,j=1
(αiαj+αjαi)2ψ
xixjim
3
X
i=1
(αiβ+βαi)ψ
xi+β2m2ψ=2ψ
t2
= (~
2+m2)ψ
Cette relation impose donc, comme on peut le voir, des conditions sur les coefficients
αiet β. Ces conditions sont7:
αiαj+αjαi={αi, αj}= 2δij1I
αiβ+βαi={αi, β}= 0
α2
i=β2= 1I
o`u 1I est la matrice unit´e.
La relation d’anticommutation {αi, β}= 0, indique clairement que les coefficients αi
et βdoivent ˆetre des matrices et non des nombres. D’autre part pour que l’op´erateur
Hamiltonien, ˆ
H=i~α·~
+βm, soit un op´erateur hermitien, il est n´ecessaire que les
matrices αiet βsoient des matrices hermitiennes8i.e. β=βet α
i=αii= 1,2,3.
On montre que la plus petite dimension avec laquelle on peut construire les matrices
αiet βest la dimension n= 4. Le choix de ces matrices n’est cependant pas unique.
En choisissant la repr´esentation dite de Dirac-Pauli, les matrices βet αis’´ecrivent9:
β=I0
0I, αi=0σi
σi0, i = 1,2,3
7`
A partir des relations {αi, β}= 0 et β2= 1I, il est facile de montrer que Tr(αi) = 0. En effet
comme αiβ=βαiet donc βαiβ=αi, on a alors Tr(βαiβ) = Tr(αi). Comme Tr(βαiβ) =
Tr(β2αi) = Tr(αi), on a alors Tr(αi) = Tr(αi) et donc Tr(αi) = 0. Il en est de eme pour βi.e.
Tr(β)=0.
8La notation en exposant veut dire complexe conjugu´e transpos´e.
9Une autre repr´esentation utilis´ee en physique des particules est la repr´esentation dite chirale.
Dans cette repr´esentation les matrices βet αis’´ecrivent:
β=0I
I0, αi=σi0
0σi, i = 1,2,3
La physique est ind´ependante du choix de la repr´esentation pr´ef´er´ee.
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o`u Iet 0 sont respectivement les matrices unit´e et nulle 2 ×2 et σi(i=1, 2, 3) sont
les matrices de Pauli:
σ1=0 1
1 0 , σ2=0i
i0, σ3=1 0
01
Le fait que les matrices αiet βsoient d’ordre 4, conduit n´ecessairement, dans
l’´equation de Dirac, `a ce que la fonction d’onde de la particule soit une matrice
colonne `a 4 ´el´ements:
ψ=
ψ1
ψ2
ψ3
ψ4
Cette fonction d’onde `a 4 composantes n’est pas un quadrivecteur mais un nouvel
objet appel´e bi-spineur10 de Dirac. On dit aussi spineur par abus de langage.
2.1 Equation de Dirac sous forme covariante
L’´equation de Dirac:
(i~α ·~
+βm)ψ=iψ
t
peut s’´ecrire sous forme covariante en introduisant les matrices γµ(µ= 0,1,2,3),
appel´ees aussi matrices de Dirac, pour remplacer les matrices βet αi(i= 1,2,3).
Ces matrices γµsont construites de la fa¸con suivante:
γ0=β=I0
0Iet γi=βαi=0σi
σi0(i= 1,2,3)
ou de fa¸con ´equivalente:
γµ= (β, β~α) (µ= 0,1,2,3)
On d´efinit aussi une autre matrice gamma, γ5, construite `a partir des quatre premi`eres
matrices:
γ5=0γ1γ2γ3=i
4!ǫµνρσ γµγνγργσ=0I
I0
o`u ǫµνρσ est le tenseur antisym´etrique de Levi-Civita d´efini par:
ǫµνρσ =
+1,si µνσρ est une permutation paire de 0123
1,si µνσρ est une permutation impaire de 0123
0,si au moins deux indices sont ´egaux
10On dit bi-spineur car ce nouvel objet est compos´e de deux spineurs qui sont comme on le verra
plus loin des objets `a deux composantes qui occupent une place interm´ediaire entre un scalaire
(objet `a une composante) et un vecteur (objet `a trois composantes). On ne fera pas de distinction
entre bi-spineur et spineur dans la suite, tout deux seront indiff´erement appel´es spineur.
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