Session : Quoi de neuf en réanimation ?
Ventilation non invasive en réanimation pédiatrique :
indications, modalités
Non invasive ventilation in children
Mots clés : Ventilation mécanique ; Ventilation non invasive ; Enfants
Keywords: Mechanical ventilation; Non invasive ventilation; Children
La ventilation non invasive en pression positive (VNI)
correspond à une assistance respiratoire sans recours à un
abord trachéal ou laryngé. Elle est réalisée à laide de sonde
(s) nasale(s), nasopharyngée(s), par masque nasal ou facial,
voire casque étanche. Labsence dabord trachéal permet de
ne pas agresser la trachée par une prothèse et des aspirations
trachéales, ce qui évite la survenue de lésions à ce niveau et
peut réduire le risque de pneumopathie nosocomiale. Toutefois,
ces avantages sont contrebalancés par labsence de contrôle des
voies aériennes, les difficultés détanchéité et de maintien de(s)
sonde(s) ou masque. Nous développerons les indications et les
modalités dutilisation et de surveillance de la VNI, en réani-
mation pédiatrique, nouveau-né exclu. La VNI réalisée en
dehors de la réanimation pédiatrique, ainsi que la ventilation
en pression négative à laide dune cuirasse, exceptionnelle-
ment employée, ne seront pas développées [1].
1. Indications
Les principaux buts visés avec la VNI sont la diminution du
travail respiratoire, une amélioration des échanges gazeux, la
levée ou prévention des atélectasies et une meilleure ouverture
des voies aériennes supérieures, tout en évitant dimposer au
patient la mise en place dune sonde endotrachéale.
La littérature sur la VNI en réanimation pédiatrique est com-
posée de rapports de cas qui suggèrent quelle pourrait être
bénéfique pour traiter les mêmes affections que celles nécessi-
tant une ventilation invasive, mais à un stade moins avancé de
la détresse respiratoire, neurologique ou hémodynamique [2].
Elle permettrait soit dassurer une assistance respiratoire sans
avoir recours à une ventilation invasive et il faut alors savoir la
débuter précocement, soit de prendre le relais de la ventilation
invasive afin de raccourcir sa durée (extubation précoce) ou
déviter de la reprendre (échec dextubation) (Tableau 1). Elle
est proposée également dans le syndrome thoracique aigu à un
stade précoce afin de permettre une antalgie adéquate et de
limiter les atélectasies [3]. Elle est également employée dans
certaines situations danesthésie de courte durée nécessitant
un examen invasif (bronchoscopie, lavage bronchoalvéolaire
par exemple) ou la pose dune prothèse (drain thoracique,
cathéter central par exemple), particulièrement lorsque lon
veut éviter un abord trachéal chez un enfant immunodéprimé.
Toutefois un certain nombre de facteurs est à prendre en
compte avant de poser lindication dune VNI :
lexistence de troubles de la conscience amenant à un défaut
de contrôle des voies aériennes. Le principe de la VNI
repose sur lexistence dune ventilation spontanée du patient
et sa capacité à désencombrer ses voies aériennes. En cas
daltération de la conscience, ces fonctions peuvent être
déficientes et doivent contre-indiquer son utilisation ;
évolutivité de linsuffisance respiratoire aiguë. La VNI
nécessite que lenfant puisse supporter laugmentation pos-
sible du travail respiratoire lié à lagitation lors de linstal-
lation et aux variations dassistance respiratoire qui peuvent
survenir en cas de déplacement du masque ou de sonde(s).
Ainsi, la réalisation de la VNI lors dune insuffisance respi-
ratoire qui fait craindre un épuisement respiratoire à très
court terme peut précipiter lépuisement respiratoire et
entraîner une intubation dans une situation plus délicate ;
instabilité hémodynamique. Lors de la nécessité dun sup-
port inotrope ou vasoactif, lassistance respiratoire a pour
but de diminuer le travail respiratoire et la consommation
doxygène. Cela peut être obtenu par la VNI mais de
façon limitée (fluctuation possible de lassistance respira-
toire et absence de sédation importante névitant pas les
périodes dagitation). La VNI nécessite donc davoir pu
évaluer et contrôler lévolutivité de latteinte circulatoire.
Elle ne senvisage quaprès une période de stabilité hémo-
dynamique ;
syndrome occlusif abdominal. La survenue de vomisse-
ments et linsufflation dair dans lestomac au cours de la
VNI exposent à un risque dinhalation, dasphyxie aiguë et
daggravation de la symptomatologie abdominale. La VNI
nest donc pas recommandée dans cette situation. Il en est
de même en cas de vomissements incoercibles et hémopty-
sies massives ;
existence de lésions du visage rendant lapplication de lin-
terface entre le patient et le respirateur difficile, sinon
impossible (chirurgie ou brûlure faciale, épidermolyse bul-
leuse par exemple) ;
expérience et disponibilité du personnel. Linstabilité des
enfants peut se manifester par une aggravation neurolo-
gique, hémodynamique ou respiratoire alors que la VNI
est débutée. Cela peut conduire à une hypoxémie et/ou
hypercapnie rapide qui complexifie la prise en charge
immédiate. Cest pourquoi il faut considérer que labsence
de contrôle des voies aériennes, et de possibilité de sédation
en découlant, alourdit la prise en charge de lenfant en VNI,
en comparaison avec la ventilation invasive. Il est donc
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Archives de pédiatrie 13 (2006) 804809
indispensable davoir le personnel suffisant et entraîné pour
assurer une VNI chez des enfants en réanimation.
Il est en général préconisé de réaliser une VNI de façon
discontinue afin de sassurer que le patient peut faire face à
des variations de travail respiratoire et de lui permettre de par-
ler et de manger. Lorsque la VNI ne peut être interrompue
et/ou si la FiO
2
est au-delà de 60 % de façon prolongée, il
faut sans cesse rediscuter le recours à une ventilation invasive
en fonction du contexte clinique. Dans notre service de réani-
mation pédiatrique disposant de 2 à 2,5 inhalothérapeutes en
permanence dans lunité et dune infirmière par patient ventilé,
elle a été employée chez 47 % des patients sous assistance
respiratoire et représentait 44 % de la durée totale dassistance
respiratoire sur 2 mois, soit 204 jours de VNI vs 257 jours de
ventilation invasive (données personnelles).
2. Modalités
2.1. Abord des voies aériennes
Labord des voies aériennes le plus souvent employé en
VNI est un masque facial ou nasal maintenu par un harnais.
Des pansements colloïdes sont appliqués aux points dappui
du masque afin de limiter la survenue de lésions cutanées. Le
masque facial est le plus adéquat en cas dinsuffisance respira-
toire aiguë du fait de sa plus grande étanchéité, mais moins
confortable que le masque nasal. Chez lenfant de moins de
1 an, le masque est souvent mal toléré, la VNI est alors réalisée
àlaide dune ou deux sondes nasales. Une sonde nasopharyn-
gée peut être utilisée en cas dobstruction des voies aériennes
supérieures (rétrognathisme ou hypertrophie adénoïdoamygda-
lienne). Plus récemment, un casque étanche permettant de
maintenir une pression expiratoire positive (PEP) a été com-
mercialisé pour les enfants de plus de 3 ans [4].
2.2. Modes de ventilation
Les 2 principaux modes de ventilation employés sont la VS-
PEP et laide inspiratoire. Tous les respirateurs possédant ces 2
modes peuvent être utilisés. Toutefois, il est préférable dem-
ployer des respirateurs avec mode VNI spécifique qui permet-
tent de détecter le début de linspiration et de lexpiration de
lenfant malgré des fuites autour de la prothèse. Quand lobjec-
tif est une augmentation du recrutement alvéolaire ou louver-
ture des voies aériennes supérieures, le mode VS-PEP peut suf-
fire. Lorsquil sagit de diminuer le travail respiratoire, il faut
en règle recourir à ladjonction dune pression daide inspira-
toire. Il est recommandé de débuter avec une aide inspiratoire
de 6 à 8 cm H
2
Oetdelaugmenter progressivement avec
comme effet attendu une diminution de la fréquence respira-
toire et des signes de rétraction, jusquà une pression inspira-
toire maximale de 20 cm H
2
O. La possibilité daérogastrie liée
à la VNI et de vomissements dans un masque facial sont 2
facteurs de risque dinhalation qui font discuter la mise en
place dune sonde gastrique au cas par cas. Lorsque les gaz
insufflés proviennent dune alimentation murale, le réchauf-
feurhumidificateur des gaz est réglé à une température moin-
dre (3234 °C) quen ventilation invasive, car les voies aérien-
nes restent fonctionnelles [5].
2.3. Surveillance
La surveillance dune VNI ne diffère pas de celle dune
ventilation invasive, mise à part linspection régulière de la
peau sous le masque. Plus encore que chez ladulte [6], une
présence soignante constante auprès de lenfant est essentielle
afin de le rassurer, de repositionner le masque au besoin, de
sassurer de labsence dencombrement des voies aériennes
supérieures et de détecter les premiers signes dépuisement res-
piratoire.
3. Conclusion
La ventilation non invasive est un traitement complémentaire
de la ventilation invasive, qui a le potentiel de diminuer la mor-
bidité liée à celle-ci. Toutefois, les effets de la VNI sont dépen-
dants de lappréciation clinique de lindication, de la technologie
employée et de lorganisation du service. Il est donc nécessaire
Tableau 1
Indications et contre-indications de la ventilation non invasive en réanimation pédiatrique
Indications Contre-indications
Obstruction des voies aériennes supérieures [7] Absolues
Maladies pulmonaires primaires : Arrêt cardiaque ou respiratoire
Œdème aigu cardiogénique Instabilité hémodynamique
Œdème aigu lésionnel Patients à risque d'inhalation : encéphalopathie sévère, encombrement pharyngé
quelle que soit l'origine (à l'exception d'une sonde nasopharyngée dans certaines
situations), vomissements incoercibles, hémoptysies massives.
Obstruction des voies aériennes inférieures Syndrome occlusif abdominal
Infection Allergie aux interfaces nasales et faciales
Syndrome thoracique aigu (drépanocytose) Relatives
Affections chroniques en décompensation aiguë (mucovicidose) Évolutivité rapide de la défaillance respiratoire ou neurologique
Décompensation respiratoire aiguë de maladies neuromusculaires (amyotrophie
spinale, dystrophie neuromusculaire)
Patient non coopératif
Affections congénitales et acquises avec altération aiguë du contrôle de la
respiration
Lésions faciales
Déformations thoraciques congénitales ou acquises (en péri-opératoire le plus
souvent)
Disponibilité insuffisante du personnel
Autres : anesthésie de courte durée, extubation précoce, échec d'extubation.
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daméliorer nos connaissances dans ces 3 domaines afin de pré-
ciser sa place dans les services de réanimation pédiatrique.
Références
[1] Venkataraman S. Mechanical ventilation and respiratory care. In: Fuhrman
B, Zimmerman J, editors. Pediatric Critical Care. Philadelphia: Mosby
Elsevier; 2006. p. 683718.
[2] Teague WG. Non-invasive positive pressure ventilation: current status in
paediatric patients. Paediatr Respir Rev 2005;6:5260.
[3] Hsu LL, Batts BK, Rau JL. Positive expiratory pressure device acceptance
by hospitalized children with sickle cell disease is comparable to incentive
spirometry. Respir Care 2005;50:6247.
[4] Piastra M, Antonelli M, Chiaretti A, et al. Treatment of acute respiratory
failure by helmet-delivered non-invasive pressure support ventilation in
children with acute leukemia: a pilot study. Intensive Care Med 2004;30:
4726.
[5] Jouvet P, Leclerc F, Rimensberger P, et al. Assistance respiratoire. In :
Lacroix J, Gauthier M, Leclerc F, Hubert P (Ed). Urgences et soins inten-
sifs pédiatriques. Montréal : Presse de luniversité de Montréal (sous
presse).
[6] Brochard L. Mechanical ventilation: invasive vs noninvasive. Eur Respir J
2003;47(Suppl):31s37s.
[7] Essouri S, Nicot F, Clement A, et al. Noninvasive positive pressure venti-
lation in infants with upper airway obstruction: comparison of continuous
and bilevel positive pressure. Intensive Care Med 2005;31:57480.
P. Jouvet
*
S. Morneau
V. Payen
M. Santschi
Soins intensifs pédiatriques, hôpital Sainte-Justine,
3175, chemin Côte-Sainte-Catherine,
H3T 1C5 Montréal (Québec), Canada
Adresse e-mail : [email protected] (P. Jouvet).
Disponible sur internet le 11 mai 2006
*
Auteur correspondant.
0929-693X/$ - see front matter © Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.arcped.2006.03.077
Débit cardiaque chez lenfant.
Faut-il le mesurer et comment ?
Cardiac output in the child: should it be investigated?
And how?
Mots clés : Débit cardiaque ; Enfant ; Évaluation
Keywords: Cardiac output; Child; Investigation
1. Pourquoi mesurer le débit cardiaque ?
Pour comprendre en quoi le débit cardiaque peut être un
paramètre important à appréhender, il est nécessaire de se
replonger dans la physiologie. Une des principales fonctions
du système cardiovasculaire est dassurer lapport doxygène
aux différents tissus et organes. Les besoins en O
2
sont habi-
tuellement couverts par un transport actif de lalvéole vers les
différents sites tissulaires (DO
2
). Dans le cadre de situations
critiques, le maintien de ladéquation entre les besoins et les
transports doit représenter un des principaux objectifs pour
lanesthésisteréanimateur. La DO
2
est sous la dépendance
conjointe du débit cardiaque (Q) (ou de lindex cardiaque
[IC]) et du contenu artériel en oxygène (CaO
2
). Le CaO
2
est
dépendant du taux dhémoglobine (g/dL), de la saturation arté-
rielle en oxygène (SaO
2
) et de la pression partielle en oxygène
(PaO
2
):
DO2ðmL=min=m2Þ¼IC ðL=min=m2ÞCaO2ðmL=LÞ(1)
CaO2ðmL=LÞ¼½ð1;39 Hb ðg=dLÞSaO2Þ
þð0;0031 PaO2Þ  10 (2)
On peut noter, dès à présent, que la pression artérielle (PA)
nintervient pas en tant que tel à ce niveau. Le débit cardiaque
(ou sa valeur indexée) constitue à ce niveau un élément clé
sans pour autant être la seule entité à prendre en compte. Au
vu de léquation (2), il apparaît que le contenu artériel en O
2
est beaucoup plus dépendant des variations dhémoglobine que
des variations de SaO
2
ou de PO
2
. Une chute de la SaO
2
de
100 à 75 % (représentant une hypoxie grave) entraîne une
diminution du contenu artériel en O
2
moindre que celle obser-
vée pour une chute de lhémoglobine de 16 à 4 g/dL. On note
facilement quen condition basale, les variations dO
2
dissoute
influencent peu le CaO
2
et de ce fait la DO
2
.
Le transport en oxygène a pour mission de couvrir les
besoins en oxygène qui peuvent être assimilés en labsence
de déséquilibre physiologique à la consommation doxygène
(VO
2
). Cette consommation peut être appréhendée soit par
méthode invasive (sanglante), soit par méthode non invasive
(respiratoire). La mesure du contenu en oxygène du sang vei-
neux (CvO
2
) constitue une 1
re
approche « invasive » de la
VO
2
. Elle nécessite la mise en place dun cathéter central
afin de mesurer la saturation et la pression partielle en O
2
au
niveau du sang veineux mêlé (artère pulmonaire). Elle permet
le calcul de la VO
2
àlaide de léquation de Fick (équation 4)
CvO2ðmL=LÞ¼½ð1;36 Hbðg=dLÞSvO2Þ
þð0;003 PvO2Þ  10 (3)
V0O2ðmL=minÞ¼QðL=minÞ½CaO2ðmLO2=LÞ
CvO2ðmLO2=LÞ (4)
V0O2indexée ðmL min=m2Þ¼ICðL min=m2Þ
½CaO2CvO2
(5)
La VO
2
correspond aussi au pourcentage doxygène extrait
(EO
2
) par rapport aux apports (DO
2
) en situation physiolo-
gique déquilibre.
V0O2ðmL=minÞ¼DO2ðmL=minÞEO2ð%Þ(6)
Pour une SaO
2
= 100 % (= 1), on peut écrire légalité :
EO
2
=1SVO
2
. Ainsi, en pratique clinique, le point déquilibre
entre transport et consommation peut être appréhendé par la
mesure de la saturation en oxygène de lhémoglobine au
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