ART DE SOIGNER Schizophrénie : vivre son corps La schizophrénie impacte lourdement le vécu corporel : angoisse de morcellement, troubles de la régulation tonique… Un centre de jour a élaboré un atelier pour aider les patients à retrouver une unité psychomotrice. Gwenaëlle DANIEL-LE BORGNE*, Christelle MAILLARBAUX** *Psychomotricienne, **Infirmière, Centre de jour Eugen Bleuler, CH de Versailles. 18 SANTÉ MENTALE | 201 | OCTOBRE 2015 LE CADRE DE L’ATELIER « Vivre son corps » s’adresse à un groupe fixe de 4 à 6 patients souffrant de ­schizophrénie, adressés par le psychiatre chef de service, après synthèse pluridisciplinaire. Il est encadré par la psychomotricienne et l’infirmière référente. L’objectif principal est d’aider ces patients à se réapproprier leur corps, un corps contenant et unifié, à la recherche d’une véritable unité psychomotrice. Des objectifs secondaires visent l’amélioration du schéma corporel et de la conscience corporelle (à travers notamment l’enrichissement de l’expérience sensible), un meilleur ajustement tonique, une meilleure régulation tonico-émotionnelle. Cela favorise ainsi le développement de la disponibilité corporelle et de l’aisance motrice, pour tendre vers la juste mélodie kinétique. Le cadre de l’atelier doit être contenant, il est donc fixe dans ses composantes humaines (soignants et patients), temporelles et spatiales. Il s’agit d’instaurer une relation de confiance au sein du groupe et de limiter l’angoisse. La ritualisation des séances favorise également la structuration temporelle et la planification, ce qui diminue l’angoisse inhérente à la nouveauté. La permanence du groupe favorise l’émergence d’une dynamique de groupe et diminue la peur du regard et du jugement de l’autre chez des patients qui y sont particulièrement sensibles. © Fotolia – Contrastwerkstatt. La discordance est un symptôme majeur de la schizophrénie, qui peut s’exprimer corporellement, avec une altération de l’unité de soi, voire des angoisses de morcellement. Chez certains patients, chaque partie du corps est vécue indépendamment des autres : il y a fragmentation du corps. On peut observer alors une désorganisation praxique, majorée par les troubles de la régulation tonique (liés en partie au traitement neuroleptique). La mélodie kinétique (harmonie du mouvement) est altérée. De plus, les hallucinations sensorielles et les délires à thématique corporelle (par exemple les idées de modification ou de transformation corporelles), viennent encore ajouter à cette problématique, tout comme parfois la prise de poids importante liée au traitement (P. André, T. Bénavides, F. Giromini, 2004 ; C. Dal Bianco, 2012 ; V. Defiolles-Peltier, 2010 et 2012). Cette symptomatologie est bien sûr plus ou moins présente selon les patients. ART DE SOIGNER SANTÉ MENTALE | 201 | OCTOBRE 2015 19 ART DE SOIGNER L’atelier dure 2 heures, une fois par semaine, à jour et heure fixe, pendant 3 mois (durée habituelle des ateliers thérapeutiques au centre de jour). Une deuxième session de 3 mois est généralement proposée, pour renforcer les éléments de conscience corporelle émergents. L’activité se déroule dans la salle de psychomotricité, qui est une pièce spacieuse et lumineuse avec du matériel adapté. Notons encore que la constitution de binômes lors de certains exercices offre aux patients une certaine liberté au sein du cadre, mais doit tout de même être contenue, afin de faciliter, favoriser le travail proposé. DEUX INTERVENANTS COMPLÉMENTAIRES • Les objectifs infirmiers sont de : – favoriser l’émergence de la parole chez les patients en leur demandant comment ils ont vécu les différentes étapes de la séance, quels ont été leurs ressentis et s’ils renvoient à une expérience agréable ou non ; – valoriser la parole ; – encourager les échanges entre patients. Avant la séance, l’infirmière et la psychomotricienne font le point sur l’état psychique des patients, afin d’orienter le choix des exercices psychomoteurs, et d’adapter les sollicitations soignantes. Durant la séance, l’infirmière et les patients se retrouvent face aux mêmes exercices, chacun avec ses facilités et difficultés, ce qui peut rassurer les patients. Lors du temps de verbalisation, la soignante partage son propre ressenti, ses éventuelles difficultés dans la réalisation des consignes et ses stratégies pour y répondre. Ceci afin de faciliter l’expression du patient. L’immersion dans la dynamique de la séance et l’observation favorisent d’une part le repérage symptomatique (anxiété, retrait, suivi des consignes, difficultés à rester immobile…) et d’autre part, l’écoute du patient, la réassurance (proposition d’un entretien infirmier individuel si besoin). • De son côté, la psychomotricienne est garante du projet thérapeutique. Elle instaure un véritable dialogue corporel, le corps étant placé au centre de la relation thérapeutique. Pendant les ateliers, elle favorise l’apparition d’éprouvés corporels chez les patients, en privilégiant l’émergence de plaisir dans l’action et/ ou la sensation. 20 SANTÉ MENTALE | 201 | OCTOBRE 2015 La mise à distance de ce vécu corporel, à travers des temps d’échange et de verbalisation, aide à sa prise de conscience. La psychomotricienne propose des exercices dans le respect de la logique du développement psychomoteur, selon plusieurs axes théoriques (voir encadré ci-dessous). Cela nécessite une adaptation permanente et de l’imagination. Par leurs remarques, les patients lui permettent de se questionner sur sa pratique et de faire évoluer l’atelier : – Lorsqu’Annie, par exemple, explique : « La respiration est en trois parties. Je ne sens que celle du milieu qui respire »… la psychomotricienne adapte sa présentation des respirations basse, médiane et des sommets, sans les dissocier, mais vraiment comme une continuité pour ne pas accentuer la segmentarisation corporelle. – Si elle observe qu’un des exercices est vraiment très difficile pour un participant – par exemple Julien qui rencontre beaucoup de difficultés à décrire son positionnement les yeux fermés –, elle ré-aborde ce point par un autre biais lors d’une séance ultérieure, tout en proposant des exercices qui restent pertinents pour les autres membres du groupe. – Lorsque les patients font des remarques ou des propositions sur les séances – « C’était trop long », « trop difficile », « avec de la musique ce serait mieux »… – elle en tient compte, pour qu’ils gardent le plaisir de venir et comprennent qu’elle est à leur écoute sans pour autant perdre de vue ses objectifs. Pour toutes ces raisons, il existe une trame de séance, dont le contenu est variable et modifiable en cours de séance pour s’adapter au vécu de chacun. Chaque cycle sera aussi différent, adapté selon la dynamique de groupe. Il est difficile de prévoir une progression fixe de toutes les séances d’une session. Le travail de la conscience corporelle : bases théoriques • Au cours du développement psychomoteur de l’enfant, on observe 5 étapes dans la construction du schéma corporel et de l’espace (G. Ponton): – Le centre et la périphérie (importance de l’enveloppe peau, limite soi-non soi, le dedans-le dehors…) – L’axe crânio-sacré (le haut-le bas, apparition de la symétrie, avec des schèmes homologues puis homolatéraux…) – Le dialogue appui-repoussé (passage à la station debout, les trois plans de l’espace, conscience de la verticale reliée au centre…) – L’unité centrée et reliée (toutes les directions, sentiment d’unité et d’unicité…) • Cette construction du schéma corporel est liée à celle du sentiment de sécurité dans le redressement (G. Ponton). On reconnaît 5 organisateurs à cette construction de la verticalité : – La respiration (régulateur des émotions, ancrage de la posture, conscience corporelle unifiée…) – Le rassemblement dans l’enroulement (centration, unification du centre, unification de soi, diminution de la sensation de morcellement…) – Le retournement autour de l’axe vertébral (mobilisation des ceintures scapulaires et pelviennes, notion d’axe corporel, lien entre les trois plans de l’espace, l’unité du schéma corporel…) – Les appuis, le repoussé (ancrage au sol, renforcement de la confiance en soi et du sentiment de sécurité…) – Le regard (pose l’appui dans l’espace, ancrage de la reconnaissance…) • Grâce aux travaux de Paillard J. (1971) et Berthoz A. (1997), on peut décrire 4 référentiels de la conscience corporelle : – Le référentiel géocentré (pesanteur, centration) – Le référentiel autocentré (organisation des segments entre eux) – Le référentiel exocentré (orientation dans l’espace euclidien) – Le référentiel allocentré (se situer dans un environnement en mouvement) • Enfin, on peut dire que l’unité de soi pré-existe à la structure, on la rejoint par la perception. L’enfant se construit par « superposition », apparition de feuillets successifs (D. Anzieux, 1985) (S. Robert-Ouvray, 2004) (B. Lesage, 2004), les 3 feuillets de l’unité de soi : – Le feuillet « peau » – Le feuillet « muscle » – Le feuillet « os ». ART DE SOIGNER SÉANCE TYPE Chaque séance se déroule en 9 séquences. – Mot du ressenti En début et fin de séance, chacun donne un mot pour exprimer son ressenti à cet instant précis, que le groupe le reprend en écho. « C’est un moment qui ancre le participant dans la sensation et dans le groupe : chacun a une place propre, sensible, que le groupe lui reconnaît et respecte » (M. Sabinot, 2010). Certains participants emploient systématiquement les mêmes mots (avec ou sans authenticité) : « Fatigué/tendu/lourd » pour un patient, « motivé/détendu/relaxé/ satisfait » pour un autre. D’autres termes surprennent et nécessitent quelques explications du patient : l’un utilise le mot « bienséance » pour évoquer le fait d’être bien dans son corps, un autre « agressivité » pour signifier l’énergie positive, la force. Des mots semblent plus directement liés au vécu corporel de la séance : « étiré, allongé » après un travail de la verticalité, l’axialité, « Lourd » après un travail des appuis, « Solide » après un travail autour de l’os, « Chaleur » après un travail de l’espace personnel et de l’espace intime. Les participants signifient parfois une évolution favorable en cours de séance : « Agacé » en début d’atelier/« Apaisé » à la fin, « perdu/boosté », « rouillée/détendue »… Ou au contraire une difficulté liée à la séance : « Tranquillité » puis « effort », « endormie » puis « crispée »… Enfin, en fin de séance, certaines expressions reviennent régulièrement, chez presque tous les patients : « Détendu, apaisé, relaxé, léger… » – Temps autour de la respiration Patients et soignants se mettent en cercle. La psychomotricienne propose alors divers exercices de prise de conscience de la respiration. Au fil des séances, ces exercices paraissent de plus en plus accessibles aux patients : ils sont mieux perçus et intégrés, et peuvent même leur paraître naturels. La finalité n’est cependant pas la réussite ou l’échec, mais la prise de conscience de cette respiration, de cet échange entre le dehors et le dedans. La capacité d’écoute de soi est tout aussi importante, sinon plus, que le ressenti proprement dit. Si quelques patients vivent ce travail difficilement, beaucoup remarquent son effet positif sur la sensation de détente. – Temps au sol Le travail au sol est essentiellement individuel, centré sur soi. Il est assez similaire d’une séance à l’autre, afin que les patients s’approprient les exercices et puissent, au fur et mesure, affiner leurs perceptions. Comme la psychomotricienne, et surtout l’infirmière, effectuent également les mouvements, le patient peut se conforter dans sa juste réalisation des consignes ou se représenter l’action à réaliser pour concevoir son projet moteur. Ce temps s’effectue allongé sur le dos et débute par la reprise des exercices de respiration. Suit un travail de base qui porte sur la conscience des appuis (dos et bassin en particulier), dans l’immobilité et le mouvement lent. En progressant dans la session, d’autres éléments sont proposés : retournement, enroulement, repoussé, étirements, pressions corporelles, percussions osseuses… D’emblée les patients sont attentifs et très concentrés, surtout dans la réalisation des exercices. Le respect des consignes corporelles reste cependant souvent approximatif et nécessite une reformulation. Les patients sont fréquemment dans l’imitation et la vérification visuelle. Progressivement, les exercices sont intégrés, et les patients se montrent plus attentifs à leurs sensations. Là encore, le simple fait de pouvoir être à l’écoute d’euxmêmes est plus important que leur ressenti proprement dit. La psychomotricienne leur propose tout de même des éléments importants à percevoir au niveau de la construction de la conscience corporelle. – Le travail au sol est toujours suivi d’un premier moment de mise en mots, qui peut être l’occasion de précisions anatomiques, avec présentation de planches et dessins. – Temps dynamique Nous arrivons à un temps plus ludique, véritablement collectif. La dynamique de groupe y est importante. Il s’agit davantage d’un moment de vécu psychomoteur que d’un temps de réflexion sur soi, qui permet également de travailler le « Soi » en relation avec l’environnement (humain et matériel). L’objet médiateur utilisé pour la première séance de la session est souvent le ballon. Un travail de la régulation tonique est proposé, d’abord tourné vers soi avant d’être tourné vers l’autre, dans un véritable dialogue tonique. Des exercices individuels sont proposés dans un premier temps (serrer le ballon entre deux mains, deux genoux, plus ou moins rapidement, plus ou moins fortement…), puis des exercices en binôme, voire davantage (face-à-face ou côte-à-côte, ballon maintenu par une main chacun ou entre les épaules, les bassins, jeux de pression, de déplacement, yeux ouverts ou fermés…) Cette première séance permet d’obtenir de nombreuses informations sur les patients : qualité de la régulation tonique, écoute de l’autre, engagement dans l’espace… Les médiations utilisées varient ensuite à chaque séance, en fonction des objectifs psychomoteurs et de l’observation des patients (jeux de miroir, expression corporelle, exercices s’inspirant du taïchi-chuan, du mime…). – Recentrage sur soi De nouveau, le groupe se positionne en cercle pour un rapide travail de respiration et d’enroulement. Ce temps permet de retrouver son calme, de se recentrer sur soi. – Mot du ressenti Chacun trouve un nouveau mot qualifiant son ressenti et l’exprime au sein du groupe. – Dessin de soi (voir page suivante) Chacun cherche dans la salle un endroit « où il se sent bien, où il peut être seul avec lui-même », sans être gêné par le regard des autres. La consigne est : « Dessinez-vous tel que vous vous ressentez, debout, là, maintenant. » Ces dessins reflètent une part consciente et inconsciente de chacun. Ils constituent une représentation du patient à un instant et dans un contexte bien précis. Pour ces patients, ces dessins sont une autre façon de penser leur vécu et de l’exprimer. Si certains dessins sont investis, expressifs, d’autres sont le reflet d’une représentation standard. En tant que soignants, ils nous permettent aussi d’essayer de se représenter ce que ressentent les patients atteints de schizophrénie. Cependant, ils ne donnent pas lieu à interprétation clinique. – Retour en mots Ce dernier temps se déroule en 2 parties : un temps de parole libre puis un temps structuré par des questions sur les exercices. Ces temps permettent de mettre en lien vécu corporel et émotions, cette association étant particulièrement difficile à réaliser chez la personne atteinte de schizophrénie. La dynamique de groupe aide chacun à verbaliser son vécu et à échanger autour de son expérience. L’écoute du ressenti de l’autre peut favoriser la prise de conscience de son propre ressenti, non perçu ou identifié auparavant. BILAN DE FIN DE SESSION La dernière séance du cycle est plus courte, sans temps dynamique, afin de laisser un moment de parole plus important SANTÉ MENTALE | 201 | OCTOBRE 2015 21 å Paul ç Paul é Paul è Maria ê Maria ë Charline í Charline ì Charline î Charline Paul (dessins å à é) : Dans chaque dessin, Paul cherche à exprimer son ressenti. « Sensation de flux », sur le premier, puis « solide » sur le deuxième. Nous l’avons questionné sur le troisième : « On dirait de l’électricité ? – Oui, mais sans que ce soit désagréable. » Maria (dessins è (4 octobre 2013) à ê (6 février 2014)) : Ses dessins sont le reflet de son état général, sans lien avec le contenu de la séance. Lors de la première séance et des périodes où elle présente des signes de mal-être, Maria dessine des silhouettes androgynes, schématiques, sans visage. Le tracé est droit et symétrique. Lorsqu’elle semble aller mieux, elle dessine des silhouettes très féminines et tout en courbes. Le visage est détaillé. Charline (dessins ë et í) : Cette patiente passe rapidement d’une représentation sous forme de bonhomme fil à un bonhomme en volume. Elle dessine progressivement des silhouettes de plus en plus grandes. Une évolution probablement à mettre en lien avec l’ensemble de ses accompagnements au centre de jour. Lors d’un nouveau cycle, après une absence de 11 mois, on retrouve cette évolution de la taille du dessin : ì Volume conservé mais petit dessin î Agrandissement progressif de la taille de son dessin. 22 SANTÉ MENTALE | 201 | OCTOBRE 2015 ART DE SOIGNER aux patients. Chacun est alors invité à dresser son bilan de la session. Ensuite, et avec l’accord de tous les patients, les dessins effectués au fil des 3 mois sont disposés au sol, par ordre chronologique des séances. Ils offrent un support à de nouvelles observations. Nous avons relevé quelques commentaires d’un groupe de patients. – Paul : « C’est libérant pour le corps, rafraîchissant pour le corps – Je fais plus attention à mon corps au quotidien, même si ce n’est pas des moments conscients. C’est une sensation générale – Ce que j’ai le plus apprécié, c’est au sol quand on ressent tous ses muscles, tous ses appuis. C’est quand le mouvement amène un changement d’appui – On connaît mieux notre corps. Je me sens mieux dans mon corps pendant et après les séances – On est plus heureux dans son corps, intérieurement, dans son corps intérieur. » En voyant ses dessins : « Je me trouve de plus en plus détendu. » – Claudine : « J’ose davantage à l’extérieur avec mon corps. Je me sens plus à l’aise corporellement – Je me sens plus souple depuis la reprise de l’atelier. » – Annie : « Je viens avec plaisir parce que les mouvements améliorent les comportements (ce qui signifie pour elle la gestuelle). – Ça calme le sommeil (…) Ça m’aide à m’endormir quand je m’entraîne dans mon lit. » En voyant ses dessins : « C’est folklo ! Il y a du mouvement ! » – Céline : « J’aime bien le mot du ressenti, ça résume bien. J’ai remarqué grâce aux mots que la fin de séance est toujours plus positive que le début – La présence de l’infirmière est importante. C’est une autre écoute. » – Maria : « J’ai ressenti du plaisir à respirer. Si on ne respire pas bien, on a moins de plaisir. Chacun a sa façon de respirer. On est unique en ce sens. » ÉVALUATION ET ÉVOLUTION Au-delà de ces bilans personnels, nous nous sommes rapidement posé la question de l’évaluation des participants. Nos outils (observations, dessins non cotés, mots des patients…) apportent surtout des informations qualitatives et assez subjectives. Nous avons donc cherché à les compléter. Une évaluation objective reste complexe car il n’existe pas de test psychomoteur standardisé évaluant la conscience corporelle. Un bilan psychomoteur standardisé explorant différents profils psychomoteurs en psychiatrie adulte (et en particulier la schizophrénie) a cependant été finalisé et pourrait être utilisé ultérieurement (L. Treillet, et al, 2012, 2008). En attendant, nous avons procédé lors de la dernière session à un examen psychomoteur individuel préalable, qui fera l’objet d’une cotation. Il comprend également quelques items du questionnaire d’aberrations perceptives (PAS) de Chapman (P. Dumas, M. Saoud, C. Gutknecht, 1999) (1). Ce même examen sera proposé à l’issue de la session et permettra d’observer l’évolution. En outre, nous envisageons une autoévaluation de l’atelier par les patients, écrite au domicile, et exploitée lors du bilan collectif de fin de cycle. Une seconde question est celle de l’après « Vivre son Corps ». Doit-on mélanger les « nouveaux patients » et ceux qui ont déjà participé à une session ? Combien de sessions leur proposer ? Faut-il des sessions de rappel ou d’entretien ? Pour le moment nous avons pris le parti de proposer deux ateliers s’appuyant sur les mêmes bases théoriques : « Vivre son corps », atelier fixe pour les patients atteints de schizophrénie et n’ayant encore jamais participé à l’atelier, et « Éveil de soi », ouvert aux patients ayant déjà participé, mais aussi aux patients présentant d’autres pathologies psychiatriques. CONCLUSION Cette approche corporelle de la personne atteinte de schizophrénie se révèle très riche. Les patients se sont appropriés les séances, chacun y trouvant et y prenant ce dont il avait besoin et ce qu’il cherchait (par exemple la détente), tout en rejoignant les objectifs posés par la psychomotricienne. Un élément nous semble cependant évident : une fois un travail corporel engagé, un début de (ré)-investissement corporel apparu, il faut poursuivre cet accompagnement du patient afin qu’il habite au mieux son corps, son être psychocorporel, son identité, son Soi. 1– Le PAS (Perceptual aberration scale) est un outil d’évaluation psychométrique de la schizophrénie qui comporte comporte 35 items, dont 28 permettent de mesurer la distorsion perceptive du corps. BIBLIOGRAPHIE – André P., Benavides T., Giromini F. (2004) : Corps et Psychiatrie, Paris, heures de France. – Anzieux D. (1985) : Le Moi-Peau, Paris, Dunod. – Berthoz. À (1997) : Le Sens du Mouvement, Paris, Odile Jacob. – Dal Bianco C. (2012) : Vécu corporel dans la Schizophrénie, Santé mentale, n° 169. – Defiolles-Peltier V. (2012) : Psychomotricité et Psychose aiguë, Santé mentale, n° 169. – Defiolles-Peltier V.(2010) : La Vérité du Corps dans les Psychoses aiguës, Paris, Éditions Vernazobres-Grego. – DumasS P., SAOUD M. GUTKNECHT C. (1999) : Traduction et adaptation françaises des questionnaires d’idéation magique (MIS) et d’aberrations perceptives (PAS), l’Encéphale, 25 (5) : 422-428 – Lesage B. (2004) : Itinéraire pour un Dialogue corporel structurant : quel Corps, quel Engagement, pour quelles Structures de Travail, et avec quels Outils ?, Thérapie Psychomotrice et recherches, Hors série, p. 408-443. – Paillard J. (1971) : Les Déterminants moteurs de l’Organisation de l’Espace, Cahiers de Psychologie, n° 14 : 261-316. – Ponton G. : Construction du Sentiment de Sécurité par la Verticalité, www.ateliers-du-camisalie.fr – Robert-Ouvray S. (2004) : Intégration motrice et Développement psychique, Paris, Desclée de Brouwer. – Sabinot M. (2010) : La consolidation des enveloppes corporelle et psychique : le parcours de soin de personnes schizophrènes dans un groupe de psychomotricité, Mémoire pour l’obtention du Diplôme d’État de psychomotricité, Université Pierre et Marie Curie - Paris 6, Paris. – Treillet L., Mechler I., Treig M., Anneheim N. (2012) : Evaluation chez les Adultes de la Trace psychomotrice des Pathologies psychiatriques, Thérapie Psychomotrice et recherches, n°169 – Treillet L., Rouyère N., Mechler I. (2008) : Présentation d’outils d’exploration des profils psychomoteurs en psychiatrie adulte, in Les Entretiens de Bichat, Paris. http ://psychomot.soyezcreateur.info/Outils-d-exploration-des-profils-psychomoteurs-en.html Résumé : Dans la schizophrénie, le rapport au corps, l’unité corporelle, le sentiment de soi… sont mis à mal par la maladie et les effets secondaires des psychotropes. Un centre de jour psychiatrique a élaboré l’atelier « Vivre son corps » pour favoriser la conscience corporelle et l’unité psychomotrice. La psychomotricienne et l’infirmière qui le proposent le présentent, illustré d’exemples cliniques. Mots-clés : Atelier thérapeutique – Corps – Dessin – Dynamique de groupe – Éprouvé corporel – Évaluation – Infirmier – Psychomotricien – Schéma corporel – Schizophrénie – Sensorimotricité – Thérapie psychomotrice – Vécu. SANTÉ MENTALE | 201 | OCTOBRE 2015 23