Schizophrénie : vivre son corps

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ART DE SOIGNER
Schizophrénie :
vivre son corps
La schizophrénie impacte lourdement le vécu corporel :
angoisse de morcellement, troubles de la régulation
tonique… Un centre de jour a élaboré un atelier pour aider
les patients à retrouver une unité psychomotrice.
Gwenaëlle DANIEL-LE BORGNE*,
Christelle MAILLARBAUX**
*Psychomotricienne, **Infirmière,
Centre de jour Eugen Bleuler, CH de Versailles.
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LE CADRE DE L’ATELIER
« Vivre son corps » s’adresse à un groupe
fixe de 4 à 6 patients souffrant de
­schizophrénie, adressés par le psychiatre
chef de service, après synthèse pluridisciplinaire. Il est encadré par la psychomotricienne et l’infirmière référente.
L’objectif principal est d’aider ces patients
à se réapproprier leur corps, un corps
contenant et unifié, à la recherche d’une
véritable unité psychomotrice. Des objectifs secondaires visent l’amélioration du
schéma corporel et de la conscience corporelle (à travers notamment l’enrichissement
de l’expérience sensible), un meilleur
ajustement tonique, une meilleure régulation tonico-émotionnelle. Cela favorise
ainsi le développement de la disponibilité
corporelle et de l’aisance motrice, pour
tendre vers la juste mélodie kinétique.
Le cadre de l’atelier doit être contenant,
il est donc fixe dans ses composantes
humaines (soignants et patients), temporelles et spatiales. Il s’agit d’instaurer une
relation de confiance au sein du groupe et
de limiter l’angoisse. La ritualisation des
séances favorise également la structuration
temporelle et la planification, ce qui diminue l’angoisse inhérente à la nouveauté.
La permanence du groupe favorise
l’émergence d’une dynamique de groupe
et diminue la peur du regard et du jugement de l’autre chez des patients qui y
sont particulièrement sensibles.
© Fotolia – Contrastwerkstatt.
La discordance est un symptôme majeur de la schizophrénie, qui
peut s’exprimer corporellement, avec
une altération de l’unité de soi, voire des
angoisses de morcellement. Chez certains
patients, chaque partie du corps est
vécue indépendamment des autres : il y
a fragmentation du corps. On peut observer alors une désorganisation praxique,
majorée par les troubles de la régulation
tonique (liés en partie au traitement
neuroleptique). La mélodie kinétique
(harmonie du mouvement) est altérée.
De plus, les hallucinations sensorielles
et les délires à thématique corporelle
(par exemple les idées de modification ou
de transformation corporelles), viennent
encore ajouter à cette problématique,
tout comme parfois la prise de poids
importante liée au traitement (P. André,
T. Bénavides, F. Giromini, 2004 ; C. Dal
Bianco, 2012 ; V. Defiolles-Peltier, 2010
et 2012). Cette symptomatologie est
bien sûr plus ou moins présente selon
les patients.
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L’atelier dure 2 heures, une fois par
semaine, à jour et heure fixe, pendant
3 mois (durée habituelle des ateliers
thérapeutiques au centre de jour).
Une deuxième session de 3 mois est
généralement proposée, pour renforcer
les éléments de conscience corporelle
émergents.
L’activité se déroule dans la salle de
psychomotricité, qui est une pièce spacieuse et lumineuse avec du matériel
adapté.
Notons encore que la constitution de
binômes lors de certains exercices offre
aux patients une certaine liberté au sein
du cadre, mais doit tout de même être
contenue, afin de faciliter, favoriser le
travail proposé.
DEUX INTERVENANTS
COMPLÉMENTAIRES
• Les objectifs infirmiers sont de :
– favoriser l’émergence de la parole chez
les patients en leur demandant comment
ils ont vécu les différentes étapes de la
séance, quels ont été leurs ressentis et s’ils
renvoient à une expérience agréable ou non ;
– valoriser la parole ;
– encourager les échanges entre patients.
Avant la séance, l’infirmière et la psychomotricienne font le point sur l’état
psychique des patients, afin d’orienter
le choix des exercices psychomoteurs,
et d’adapter les sollicitations soignantes.
Durant la séance, l’infirmière et les
patients se retrouvent face aux mêmes
exercices, chacun avec ses facilités
et difficultés, ce qui peut rassurer les
patients. Lors du temps de verbalisation,
la soignante partage son propre ressenti,
ses éventuelles difficultés dans la réalisation des consignes et ses stratégies
pour y répondre. Ceci afin de faciliter
l’expression du patient.
L’immersion dans la dynamique de la
séance et l’observation favorisent d’une
part le repérage symptomatique (anxiété,
retrait, suivi des consignes, difficultés à
rester immobile…) et d’autre part, l’écoute
du patient, la réassurance (proposition d’un
entretien infirmier individuel si besoin).
• De son côté, la psychomotricienne est
garante du projet thérapeutique. Elle
instaure un véritable dialogue corporel, le
corps étant placé au centre de la relation
thérapeutique. Pendant les ateliers, elle
favorise l’apparition d’éprouvés corporels chez les patients, en privilégiant
l’émergence de plaisir dans l’action et/
ou la sensation.
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La mise à distance de ce vécu corporel,
à travers des temps d’échange et de verbalisation, aide à sa prise de conscience.
La psychomotricienne propose des exercices dans le respect de la logique du
développement psychomoteur, selon
plusieurs axes théoriques (voir encadré
ci-dessous). Cela nécessite une adaptation
permanente et de l’imagination. Par leurs
remarques, les patients lui permettent de
se questionner sur sa pratique et de faire
évoluer l’atelier :
– Lorsqu’Annie, par exemple, explique :
« La respiration est en trois parties. Je ne
sens que celle du milieu qui respire »…
la psychomotricienne adapte sa présentation des respirations basse, médiane
et des sommets, sans les dissocier, mais
vraiment comme une continuité pour
ne pas accentuer la segmentarisation
corporelle.
– Si elle observe qu’un des exercices est
vraiment très difficile pour un participant –
par exemple Julien qui rencontre beaucoup
de difficultés à décrire son positionnement
les yeux fermés –, elle ré-aborde ce point
par un autre biais lors d’une séance ultérieure, tout en proposant des exercices qui
restent pertinents pour les autres membres
du groupe.
– Lorsque les patients font des remarques
ou des propositions sur les séances –
« C’était trop long », « trop difficile »,
« avec de la musique ce serait mieux »…
– elle en tient compte, pour qu’ils gardent
le plaisir de venir et comprennent qu’elle
est à leur écoute sans pour autant perdre
de vue ses objectifs.
Pour toutes ces raisons, il existe une
trame de séance, dont le contenu est
variable et modifiable en cours de séance
pour s’adapter au vécu de chacun. Chaque
cycle sera aussi différent, adapté selon
la dynamique de groupe. Il est difficile
de prévoir une progression fixe de toutes
les séances d’une session.
Le travail de la conscience corporelle : bases théoriques
• Au cours du développement psychomoteur de l’enfant, on observe 5 étapes dans la
construction du schéma corporel et de l’espace (G. Ponton):
– Le centre et la périphérie (importance de l’enveloppe peau, limite soi-non soi, le dedans-le
dehors…)
– L’axe crânio-sacré (le haut-le bas, apparition de la symétrie, avec des schèmes homologues puis
homolatéraux…)
– Le dialogue appui-repoussé (passage à la station debout, les trois plans de l’espace, conscience
de la verticale reliée au centre…)
– L’unité centrée et reliée (toutes les directions, sentiment d’unité et d’unicité…)
• Cette construction du schéma corporel est liée à celle du sentiment de sécurité dans le
redressement (G. Ponton). On reconnaît 5 organisateurs à cette construction de la verticalité :
– La respiration (régulateur des émotions, ancrage de la posture, conscience corporelle unifiée…)
– Le rassemblement dans l’enroulement (centration, unification du centre, unification de soi,
diminution de la sensation de morcellement…)
– Le retournement autour de l’axe vertébral (mobilisation des ceintures scapulaires et pelviennes,
notion d’axe corporel, lien entre les trois plans de l’espace, l’unité du schéma corporel…)
– Les appuis, le repoussé (ancrage au sol, renforcement de la confiance en soi et du sentiment
de sécurité…)
– Le regard (pose l’appui dans l’espace, ancrage de la reconnaissance…)
• Grâce aux travaux de Paillard J. (1971) et Berthoz A. (1997), on peut décrire 4 référentiels de
la conscience corporelle :
– Le référentiel géocentré (pesanteur, centration)
– Le référentiel autocentré (organisation des segments entre eux)
– Le référentiel exocentré (orientation dans l’espace euclidien)
– Le référentiel allocentré (se situer dans un environnement en mouvement)
• Enfin, on peut dire que l’unité de soi pré-existe à la structure, on la rejoint par la perception.
L’enfant se construit par « superposition », apparition de feuillets successifs (D. Anzieux, 1985)
(S. Robert-Ouvray, 2004) (B. Lesage, 2004), les 3 feuillets de l’unité de soi :
– Le feuillet « peau »
– Le feuillet « muscle »
– Le feuillet « os ».
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SÉANCE TYPE
Chaque séance se déroule en 9 séquences.
– Mot du ressenti
En début et fin de séance, chacun donne
un mot pour exprimer son ressenti à cet
instant précis, que le groupe le reprend
en écho. « C’est un moment qui ancre
le participant dans la sensation et dans
le groupe : chacun a une place propre,
sensible, que le groupe lui reconnaît et
respecte » (M. Sabinot, 2010).
Certains participants emploient systématiquement les mêmes mots (avec ou sans
authenticité) : « Fatigué/tendu/lourd »
pour un patient, « motivé/détendu/relaxé/
satisfait » pour un autre. D’autres termes
surprennent et nécessitent quelques explications du patient : l’un utilise le mot
« bienséance » pour évoquer le fait d’être
bien dans son corps, un autre « agressivité »
pour signifier l’énergie positive, la force.
Des mots semblent plus directement liés
au vécu corporel de la séance : « étiré,
allongé » après un travail de la verticalité,
l’axialité, « Lourd » après un travail des
appuis, « Solide » après un travail autour
de l’os, « Chaleur » après un travail de
l’espace personnel et de l’espace intime.
Les participants signifient parfois une
évolution favorable en cours de séance :
« Agacé » en début d’atelier/« Apaisé » à
la fin, « perdu/boosté », « rouillée/détendue »… Ou au contraire une difficulté
liée à la séance : « Tranquillité » puis
« effort », « endormie » puis « crispée »…
Enfin, en fin de séance, certaines expressions reviennent régulièrement, chez
presque tous les patients : « Détendu,
apaisé, relaxé, léger… »
– Temps autour de la respiration
Patients et soignants se mettent en cercle.
La psychomotricienne propose alors divers
exercices de prise de conscience de la
respiration.
Au fil des séances, ces exercices paraissent
de plus en plus accessibles aux patients :
ils sont mieux perçus et intégrés, et
peuvent même leur paraître naturels. La
finalité n’est cependant pas la réussite ou
l’échec, mais la prise de conscience de
cette respiration, de cet échange entre le
dehors et le dedans. La capacité d’écoute
de soi est tout aussi importante, sinon plus,
que le ressenti proprement dit.
Si quelques patients vivent ce travail
difficilement, beaucoup remarquent son
effet positif sur la sensation de détente.
– Temps au sol
Le travail au sol est essentiellement individuel, centré sur soi. Il est assez similaire
d’une séance à l’autre, afin que les patients
s’approprient les exercices et puissent, au
fur et mesure, affiner leurs perceptions.
Comme la psychomotricienne, et surtout
l’infirmière, effectuent également les mouvements, le patient peut se conforter dans
sa juste réalisation des consignes ou se
représenter l’action à réaliser pour concevoir
son projet moteur.
Ce temps s’effectue allongé sur le dos
et débute par la reprise des exercices de
respiration. Suit un travail de base qui
porte sur la conscience des appuis (dos et
bassin en particulier), dans l’immobilité
et le mouvement lent. En progressant
dans la session, d’autres éléments sont
proposés : retournement, enroulement,
repoussé, étirements, pressions corporelles, percussions osseuses…
D’emblée les patients sont attentifs et
très concentrés, surtout dans la réalisation
des exercices. Le respect des consignes
corporelles reste cependant souvent
approximatif et nécessite une reformulation. Les patients sont fréquemment
dans l’imitation et la vérification visuelle.
Progressivement, les exercices sont intégrés, et les patients se montrent plus
attentifs à leurs sensations. Là encore, le
simple fait de pouvoir être à l’écoute d’euxmêmes est plus important que leur ressenti
proprement dit. La psychomotricienne
leur propose tout de même des éléments
importants à percevoir au niveau de la
construction de la conscience corporelle.
– Le travail au sol est toujours suivi d’un
premier moment de mise en mots, qui peut
être l’occasion de précisions anatomiques,
avec présentation de planches et dessins.
– Temps dynamique
Nous arrivons à un temps plus ludique,
véritablement collectif. La dynamique de
groupe y est importante. Il s’agit davantage d’un moment de vécu psychomoteur
que d’un temps de réflexion sur soi, qui
permet également de travailler le « Soi »
en relation avec l’environnement (humain
et matériel).
L’objet médiateur utilisé pour la première
séance de la session est souvent le ballon.
Un travail de la régulation tonique est
proposé, d’abord tourné vers soi avant
d’être tourné vers l’autre, dans un véritable
dialogue tonique. Des exercices individuels
sont proposés dans un premier temps
(serrer le ballon entre deux mains, deux
genoux, plus ou moins rapidement, plus
ou moins fortement…), puis des exercices
en binôme, voire davantage (face-à-face ou
côte-à-côte, ballon maintenu par une main
chacun ou entre les épaules, les bassins,
jeux de pression, de déplacement, yeux
ouverts ou fermés…)
Cette première séance permet d’obtenir de
nombreuses informations sur les patients :
qualité de la régulation tonique, écoute
de l’autre, engagement dans l’espace…
Les médiations utilisées varient ensuite
à chaque séance, en fonction des objectifs psychomoteurs et de l’observation
des patients (jeux de miroir, expression
corporelle, exercices s’inspirant du taïchi-chuan, du mime…).
– Recentrage sur soi
De nouveau, le groupe se positionne en
cercle pour un rapide travail de respiration
et d’enroulement. Ce temps permet de
retrouver son calme, de se recentrer sur soi.
– Mot du ressenti
Chacun trouve un nouveau mot qualifiant
son ressenti et l’exprime au sein du groupe.
– Dessin de soi (voir page suivante)
Chacun cherche dans la salle un endroit
« où il se sent bien, où il peut être seul avec
lui-même », sans être gêné par le regard des
autres. La consigne est : « Dessinez-vous
tel que vous vous ressentez, debout, là,
maintenant. » Ces dessins reflètent une
part consciente et inconsciente de chacun. Ils constituent une représentation du
patient à un instant et dans un contexte
bien précis. Pour ces patients, ces dessins sont une autre façon de penser leur
vécu et de l’exprimer. Si certains dessins
sont investis, expressifs, d’autres sont le
reflet d’une représentation standard. En
tant que soignants, ils nous permettent
aussi d’essayer de se représenter ce que
ressentent les patients atteints de schizophrénie. Cependant, ils ne donnent pas
lieu à interprétation clinique.
– Retour en mots
Ce dernier temps se déroule en 2 parties :
un temps de parole libre puis un temps
structuré par des questions sur les exercices. Ces temps permettent de mettre
en lien vécu corporel et émotions, cette
association étant particulièrement difficile
à réaliser chez la personne atteinte de schizophrénie. La dynamique de groupe aide
chacun à verbaliser son vécu et à échanger
autour de son expérience. L’écoute du
ressenti de l’autre peut favoriser la prise
de conscience de son propre ressenti, non
perçu ou identifié auparavant.
BILAN DE FIN DE SESSION
La dernière séance du cycle est plus
courte, sans temps dynamique, afin de
laisser un moment de parole plus important
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å Paul
ç Paul
é Paul
è Maria
ê Maria
ë Charline
í Charline
ì Charline
î Charline
Paul (dessins å à é) : Dans chaque dessin, Paul cherche à exprimer son ressenti. « Sensation de flux », sur le premier, puis « solide »
sur le deuxième. Nous l’avons questionné sur le troisième : « On dirait de l’électricité ? – Oui, mais sans que ce soit désagréable. »
Maria (dessins è (4 octobre 2013) à ê (6 février 2014)) : Ses dessins sont le reflet de son état général, sans lien avec le contenu de
la séance. Lors de la première séance et des périodes où elle présente des signes de mal-être, Maria dessine des silhouettes androgynes,
schématiques, sans visage. Le tracé est droit et symétrique. Lorsqu’elle semble aller mieux, elle dessine des silhouettes très féminines
et tout en courbes. Le visage est détaillé.
Charline (dessins ë et í) : Cette patiente passe rapidement d’une représentation sous forme de bonhomme fil à un bonhomme
en volume. Elle dessine progressivement des silhouettes de plus en plus grandes. Une évolution probablement à mettre en lien avec
l’ensemble de ses accompagnements au centre de jour. Lors d’un nouveau cycle, après une absence de 11 mois, on retrouve cette
évolution de la taille du dessin : ì Volume conservé mais petit dessin î Agrandissement progressif de la taille de son dessin.
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aux patients. Chacun est alors invité à
dresser son bilan de la session. Ensuite,
et avec l’accord de tous les patients, les
dessins effectués au fil des 3 mois sont
disposés au sol, par ordre chronologique
des séances. Ils offrent un support à de
nouvelles observations. Nous avons relevé
quelques commentaires d’un groupe de
patients.
– Paul : « C’est libérant pour le corps,
rafraîchissant pour le corps – Je fais plus
attention à mon corps au quotidien, même
si ce n’est pas des moments conscients.
C’est une sensation générale – Ce que
j’ai le plus apprécié, c’est au sol quand
on ressent tous ses muscles, tous ses
appuis. C’est quand le mouvement amène
un changement d’appui – On connaît
mieux notre corps. Je me sens mieux
dans mon corps pendant et après les
séances – On est plus heureux dans son
corps, intérieurement, dans son corps
intérieur. » En voyant ses dessins : « Je
me trouve de plus en plus détendu. »
– Claudine : « J’ose davantage à l’extérieur
avec mon corps. Je me sens plus à l’aise
corporellement – Je me sens plus souple
depuis la reprise de l’atelier. »
– Annie : « Je viens avec plaisir parce
que les mouvements améliorent les comportements (ce qui signifie pour elle la
gestuelle). – Ça calme le sommeil (…) Ça
m’aide à m’endormir quand je m’entraîne
dans mon lit. » En voyant ses dessins :
« C’est folklo ! Il y a du mouvement ! »
– Céline : « J’aime bien le mot du ressenti,
ça résume bien. J’ai remarqué grâce aux
mots que la fin de séance est toujours
plus positive que le début – La présence
de l’infirmière est importante. C’est une
autre écoute. »
– Maria : « J’ai ressenti du plaisir à
respirer. Si on ne respire pas bien, on
a moins de plaisir. Chacun a sa façon
de respirer. On est unique en ce sens. »
ÉVALUATION ET ÉVOLUTION
Au-delà de ces bilans personnels, nous
nous sommes rapidement posé la question de l’évaluation des participants. Nos
outils (observations, dessins non cotés,
mots des patients…) apportent surtout
des informations qualitatives et assez
subjectives. Nous avons donc cherché à
les compléter.
Une évaluation objective reste complexe
car il n’existe pas de test psychomoteur
standardisé évaluant la conscience corporelle. Un bilan psychomoteur standardisé
explorant différents profils psychomoteurs
en psychiatrie adulte (et en particulier la
schizophrénie) a cependant été finalisé
et pourrait être utilisé ultérieurement
(L. Treillet, et al, 2012, 2008).
En attendant, nous avons procédé lors
de la dernière session à un examen psychomoteur individuel préalable, qui fera
l’objet d’une cotation. Il comprend également quelques items du questionnaire
d’aberrations perceptives (PAS) de Chapman (P. Dumas, M. Saoud, C. Gutknecht,
1999) (1). Ce même examen sera proposé
à l’issue de la session et permettra d’observer l’évolution.
En outre, nous envisageons une autoévaluation de l’atelier par les patients,
écrite au domicile, et exploitée lors du
bilan collectif de fin de cycle.
Une seconde question est celle de l’après
« Vivre son Corps ». Doit-on mélanger les
« nouveaux patients » et ceux qui ont
déjà participé à une session ? Combien
de sessions leur proposer ? Faut-il des
sessions de rappel ou d’entretien ? Pour
le moment nous avons pris le parti de
proposer deux ateliers s’appuyant sur les
mêmes bases théoriques : « Vivre son
corps », atelier fixe pour les patients
atteints de schizophrénie et n’ayant
encore jamais participé à l’atelier, et
« Éveil de soi », ouvert aux patients
ayant déjà participé, mais aussi aux
patients présentant d’autres pathologies
psychiatriques.
CONCLUSION
Cette approche corporelle de la personne
atteinte de schizophrénie se révèle très
riche. Les patients se sont appropriés les
séances, chacun y trouvant et y prenant ce
dont il avait besoin et ce qu’il cherchait (par
exemple la détente), tout en rejoignant les
objectifs posés par la psychomotricienne.
Un élément nous semble cependant
évident : une fois un travail corporel
engagé, un début de (ré)-investissement
corporel apparu, il faut poursuivre cet
accompagnement du patient afin qu’il
habite au mieux son corps, son être psychocorporel, son identité, son Soi.
1– Le PAS (Perceptual aberration scale) est un outil d’évaluation psychométrique de la schizophrénie qui comporte
comporte 35 items, dont 28 permettent de mesurer la
distorsion perceptive du corps.
BIBLIOGRAPHIE
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– Treillet L., Rouyère N., Mechler I. (2008) : Présentation
d’outils d’exploration des profils psychomoteurs en
psychiatrie adulte, in Les Entretiens de Bichat, Paris.
http ://psychomot.soyezcreateur.info/Outils-d-exploration-des-profils-psychomoteurs-en.html
Résumé :
Dans la schizophrénie, le rapport au corps, l’unité corporelle, le sentiment de soi… sont mis à mal par la maladie et les effets secondaires
des psychotropes. Un centre de jour psychiatrique a élaboré l’atelier « Vivre son corps » pour favoriser la conscience corporelle et l’unité psychomotrice. La
psychomotricienne et l’infirmière qui le proposent le présentent, illustré d’exemples cliniques.
Mots-clés : Atelier thérapeutique – Corps – Dessin – Dynamique de groupe – Éprouvé corporel – Évaluation – Infirmier – Psychomotricien –
Schéma corporel – Schizophrénie – Sensorimotricité – Thérapie psychomotrice – Vécu.
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