ART DE SOIGNER
SANTÉ MENTALE | 201 | OCTOBRE 2015 21
d’une séance à l’autre, afin que les patients
s’approprient les exercices et puissent, au
fur et mesure, affiner leurs perceptions.
Comme la psychomotricienne, et surtout
l’infirmière, effectuent également les mou-
vements, le patient peut se conforter dans
sa juste réalisation des consignes ou se
représenter l’action à réaliser pour concevoir
son projet moteur.
Ce temps s’effectue allongé sur le dos
et débute par la reprise des exercices de
respiration. Suit un travail de base qui
porte sur la conscience des appuis (dos et
bassin en particulier), dans l’immobilité
et le mouvement lent. En progressant
dans la session, d’autres éléments sont
proposés : retournement, enroulement,
repoussé, étirements, pressions corpo-
relles, percussions osseuses…
D’emblée les patients sont attentifs et
très concentrés, surtout dans la réalisation
des exercices. Le respect des consignes
corporelles reste cependant souvent
approximatif et nécessite une reformu-
lation. Les patients sont fréquemment
dans l’imitation et la vérification visuelle.
Progressivement, les exercices sont inté-
grés, et les patients se montrent plus
attentifs à leurs sensations. Là encore, le
simple fait de pouvoir être à l’écoute d’eux-
mêmes est plus important que leur ressenti
proprement dit. La psychomotricienne
leur propose tout de même des éléments
importants à percevoir au niveau de la
construction de la conscience corporelle.
– Le travail au sol est toujours suivi d’un
premier moment de mise en mots, qui peut
être l’occasion de précisions anatomiques,
avec présentation de planches et dessins.
– Temps dynamique
Nous arrivons à un temps plus ludique,
véritablement collectif. La dynamique de
groupe y est importante. Il s’agit davan-
tage d’un moment de vécu psychomoteur
que d’un temps de réflexion sur soi, qui
permet également de travailler le « Soi »
en relation avec l’environnement (humain
et matériel).
L’objet médiateur utilisé pour la première
séance de la session est souvent le ballon.
Un travail de la régulation tonique est
proposé, d’abord tourné vers soi avant
d’être tourné vers l’autre, dans un véritable
dialogue tonique. Des exercices individuels
sont proposés dans un premier temps
(serrer le ballon entre deux mains, deux
genoux, plus ou moins rapidement, plus
ou moins fortement…), puis des exercices
en binôme, voire davantage (face-à-face ou
côte-à-côte, ballon maintenu par une main
chacun ou entre les épaules, les bassins,
jeux de pression, de déplacement, yeux
ouverts ou fermés…)
Cette première séance permet d’obtenir de
nombreuses informations sur les patients :
qualité de la régulation tonique, écoute
de l’autre, engagement dans l’espace…
Les médiations utilisées varient ensuite
à chaque séance, en fonction des objec-
tifs psychomoteurs et de l’observation
des patients (jeux de miroir, expression
corporelle, exercices s’inspirant du taï-
chi-chuan, du mime…).
– Recentrage sur soi
De nouveau, le groupe se positionne en
cercle pour un rapide travail de respiration
et d’enroulement. Ce temps permet de
retrouver son calme, de se recentrer sur soi.
– Mot du ressenti
Chacun trouve un nouveau mot qualifiant
son ressenti et l’exprime au sein du groupe.
– Dessin de soi (voir page suivante)
Chacun cherche dans la salle un endroit
« où il se sent bien, où il peut être seul avec
lui-même », sans être gêné par le regard des
autres. La consigne est : « Dessinez-vous
tel que vous vous ressentez, debout, là,
maintenant. » Ces dessins reflètent une
part consciente et inconsciente de cha-
cun. Ils constituent une représentation du
patient à un instant et dans un contexte
bien précis. Pour ces patients, ces des-
sins sont une autre façon de penser leur
vécu et de l’exprimer. Si certains dessins
sont investis, expressifs, d’autres sont le
reflet d’une représentation standard. En
tant que soignants, ils nous permettent
aussi d’essayer de se représenter ce que
ressentent les patients atteints de schizo-
phrénie. Cependant, ils ne donnent pas
lieu à interprétation clinique.
– Retour en mots
Ce dernier temps se déroule en 2 parties :
un temps de parole libre puis un temps
structuré par des questions sur les exer-
cices. Ces temps permettent de mettre
en lien vécu corporel et émotions, cette
association étant particulièrement difficile
à réaliser chez la personne atteinte de schi-
zophrénie. La dynamique de groupe aide
chacun à verbaliser son vécu et à échanger
autour de son expérience. L’écoute du
ressenti de l’autre peut favoriser la prise
de conscience de son propre ressenti, non
perçu ou identifié auparavant.
BILAN DE FIN DE SESSION
La dernière séance du cycle est plus
courte, sans temps dynamique, afin de
laisser un moment de parole plus important
SÉANCE TYPE
Chaque séance se déroule en 9 séquences.
– Mot du ressenti
En début et fin de séance, chacun donne
un mot pour exprimer son ressenti à cet
instant précis, que le groupe le reprend
en écho. « C’est un moment qui ancre
le participant dans la sensation et dans
le groupe : chacun a une place propre,
sensible, que le groupe lui reconnaît et
respecte » (M. Sabinot, 2010).
Certains participants emploient systéma-
tiquement les mêmes mots (avec ou sans
authenticité) : « Fatigué/tendu/lourd »
pour un patient, « motivé/détendu/relaxé/
satisfait » pour un autre. D’autres termes
surprennent et nécessitent quelques expli-
cations du patient : l’un utilise le mot
« bienséance » pour évoquer le fait d’être
bien dans son corps, un autre « agressivité »
pour signifier l’énergie positive, la force.
Des mots semblent plus directement liés
au vécu corporel de la séance : « étiré,
allongé » après un travail de la verticalité,
l’axialité, « Lourd » après un travail des
appuis, « Solide » après un travail autour
de l’os, « Chaleur » après un travail de
l’espace personnel et de l’espace intime.
Les participants signifient parfois une
évolution favorable en cours de séance :
« Agacé » en début d’atelier/« Apaisé » à
la fin, « perdu/boosté », « rouillée/déten-
due »… Ou au contraire une difficulté
liée à la séance : « Tranquillité » puis
« effort », « endormie » puis « crispée »…
Enfin, en fin de séance, certaines expres-
sions reviennent régulièrement, chez
presque tous les patients : « Détendu,
apaisé, relaxé, léger… »
– Temps autour de la respiration
Patients et soignants se mettent en cercle.
La psychomotricienne propose alors divers
exercices de prise de conscience de la
respiration.
Au fil des séances, ces exercices paraissent
de plus en plus accessibles aux patients :
ils sont mieux perçus et intégrés, et
peuvent même leur paraître naturels. La
finalité n’est cependant pas la réussite ou
l’échec, mais la prise de conscience de
cette respiration, de cet échange entre le
dehors et le dedans. La capacité d’écoute
de soi est tout aussi importante, sinon plus,
que le ressenti proprement dit.
Si quelques patients vivent ce travail
difficilement, beaucoup remarquent son
effet positif sur la sensation de détente.
– Temps au sol
Le travail au sol est essentiellement indi-
viduel, centré sur soi. Il est assez similaire