Résumé
Dans ce mémoire, nous examinons le fichage de la délinquance sexuelle dont les divers
régimes juridiques reposent sur l’idée que ces contrevenants présentent un risque réel de
récidive criminelle. Les données scientifiques sur la délinquance sexuelle relativisent ce
risque et attestent qu’il est quasi absent dans un très grand nombre de cas. Il existe donc une
dichotomie entre les prémisses du droit et les connaissances issues des sciences sociales et
humaines sur cette question. Le fichage de cette délinquance au Canada donne lieu à des
mécanismes administratifs provinciaux en plus d’un régime fédéral contenu au Code
criminel. Nous émettons l’hypothèse que le fichage provincial emporte de véritables
conséquences pénales sur les délinquants sexuels, affectent leurs droits en vertu de l’article
7 de la Charte et contrecarre des principes de justice fondamentale. Ensuite, nous
examinons le régime fédéral intégré au Code criminel et nous argumentons que ce
mécanisme juridique crée une mesure punitive de la nature d’une peine. Par conséquent, le
fichage fédéral devrait être aménagé de façon à satisfaire aux garanties constitutionnelles
propres à la peine et aux principes généraux de la détermination de la peine en vertu de la
Partie XXIII du Code criminel. Nous concluons que les législateurs successifs ont créé des
régimes juridiques régissant le fichage de la délinquance sexuelle en écartant les principes
fondamentaux administratifs, criminels et constitutionnels qui devraient présider à
l’élaboration des règles concernant ce stigmate de la criminalité. Les tribunaux, par leur
interprétation, ont également déqualifié cette stigmatisation de la criminalité sexuelle à titre
de peine. Le droit relatif au fichage de la délinquance sexuelle donne donc lieu à une
érosion des principes fondamentaux de la justice criminelle et punitive.
Mots-clés : LERDS, gestion du risque, détermination de la peine, justice fondamentale,
droit constitutionnel