10 Économie et Solidarités, volume 36, numéro 1, 2005
© 2006 – Presses de l’Université du Québec
Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca
Tiré de : Économie et Solidarités, vol. 36, no 1, C. Saucier et M.J. Bouchard, responsables • EES3601N
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
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c’est même dans sa flexibilité que résidera une partie de sa force, en l’occurrence
sa capacité d’adaptation à des secteurs associatifs dont l’utilité sociale semble
bien ne pas reposer sur les mêmes critères.
Ce genre de notion est une convention sociopolitique4, au sens de la
socioéconomie des conventions, qui désigne en France un courant de recherches
qui met l’accent sur le rôle des règles, des normes sociales et des systèmes de
valeurs dans les pratiques économiques (Postel, 2003). Une bonne partie de ces
règles et normes sont implicites, elles semblent aller de soi, parce qu’elles ont
intégré antérieurement les « cadres cognitifs » des acteurs. Elles s’appuient le
plus souvent sur des considérations de justice, sur des visions plus ou moins
partagées d’une économie et d’une société souhaitables. Dans mon analyse, la
référence à des conventions sociopolitiques est complétée par certains outils
empruntés à une autre grande école économique hétérodoxe française, qui est
l’école de la régulation, dont l’intérêt est qu’elle nous aide à faire de l’histoire
économique et sociale en inscrivant l’action économique dans ses grands cadres
institutionnels. Ces deux approches sont deux outils précieux de contextuali-
sation des notions et des actions, la première permettant de repérer la diversité
des registres d’action et de justifications, donc d’évaluation, la seconde facilitant
la contextualisation historique.
L’invention de l’utilité sociale
comme convention et comme outil de régulation
Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que l’utilité sociale des associations
est, en France, une convention nationale qui se cherche encore, et dont on
ignore si elle se consolidera durablement, mais qui a déjà pour elle des textes
réglementaires, et qui commence donc à être un outil de régulation, même si
le grand projet des années 1995 à 2000 de création d’un label national d’utilité
sociale n’a pas abouti (Lipietz, 2001). L’enjeu de cette convention consiste, pour
une partie au moins de l’économie sociale, mais aussi pour l’État, à marquer un
territoire concurrentiel, en revendiquant des régulations spécifiques, notam-
ment fiscales (mais aussi, au cours des dernières années, des régulations rela-
tives à la possibilité de recourir à des « emplois aidés »). Or, pour marquer ce
territoire, c’est un fait politique que la non-lucrativité et la gestion désintéressée
ne suffisent plus.
D’où l’invention de l’utilité sociale comme convention émergente pouvant
justifier de nouvelles régulations. La convention est la suivante : si une asso-
ciation est effectivement en concurrence, pour le type de service qu’elle rend,
avec une ou des entreprises privées lucratives, la seule justification que l’on
puisse trouver pour lui attribuer certains avantages sans remettre en cause la
« loyauté de la concurrence » réside dans l’existence constatable de contributions
à l’intérêt général que ne fournissent pas, ou que fournissent moins bien, les
entreprises privées.