Compte rendu DÉVELOPPEMENT LOCAL, ÉCONOMIE SOCIALE

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Compte
rendu
DÉVELOPPEMENT LOCAL, ÉCONOMIE SOCIALE
ET DÉMOCRATIE
Marielle TREMBLAY, Pierre-André TREMBLAY
et Suzanne TREMBLAY (dir.),
avec la collaboration de Martin TRUCHON (2002)
Sainte-Foy, Québec, Presses de l’Université du Québec
344 pages, ISBN 2-7605-1182-0
SONIA DUMAIS
Étudiante à la M. Sc.
option management
HEC Montréal
[email protected]
D
ans cet ouvrage collectif, les auteurs entament une
réflexion sur le développement local selon une approche
dite « horizontale ». Dans cette perspective, un territoire se
développe à travers les rapports sociaux que nouent les
regroupements de personnes, de groupes et d’organisations
et le local résulte de la mise sur pied de projets de partenariat,
de réseautage et de concertation. De telles pratiques offrent
aux localités de nouvelles possibilités de développement ;
néanmoins, les auteurs précisent que tous ces moyens ne
garantissent pas le même dénouement pour tous. Certains
acteurs locaux demeurent marginalisés. D’où le second intérêt majeur, pour les auteurs, concernant la démocratie et les
liens entre les sociétés et leurs outils d’intervention sur ellesmêmes. De ce dernier point de vue, pour tenter d’influencer
les relations entre l’économie, la politique et le social, on s’interroge sur les possibilités que recèle l’économie sociale pour
changer le sort des exclus et inclure des critères plus globaux
que ceux financiers dans la gestion et la forme de propriété.
L’ouvrage se divise en trois parties : la première partie
trace les lignes de force actuelles du développement local.
William A. Ninacs débute en abordant la façon dont une communauté doit affronter la mondialisation, en prenant possession
de ses ressources économiques et ce, par l’empowerment. Selon
l’auteur, c’est par l’acquisition du pouvoir sur le plan individuel et collectif qu’on arrive à améliorer la qualité de vie sur
un territoire. Pour Ninacs, une telle prise en charge nécessite
de former des réseaux de type communautaire afin que les
membres de la communauté participent aux processus de
prise de décision. C’est sur la base de solidarité « produit d’une
décision volontaire et consciente [… qui] rend concret le
sentiment de responsabilité réciproque » (p. 35) que les réseaux
atteindront cet objectif. Dans le chapitre 2, Benoît Lévesque
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Tiré de : Économie et Solidarités, vol. 34, no 1, Marguerite Mendell et Benoît Lévesque, responsables
retrace l’histoire de « l’entité » locale de façon à faire ressortir les rapports
entretenus avec l’économie sociale. L’auteur démontre comment cette économie,
qui est régie par des acteurs nationaux, est influencée par la mondialisation et
contextualise le modèle de développement local. En concluant, Lévesque
explique comment l’adoption d’un sens commun de la part des acteurs de toutes
les sphères de l’économie plurielle est nécessaire à tout processus de développement. Marguerite Mendell poursuit en clarifiant le lexique utilisé pour définir
le développement et la croissance économique. Pour elle, les « variables endogènes » tout comme les « variables exogènes » doivent servir à évaluer la croissance économique de façon à influencer favorablement la capacité des acteurs
sociaux. Pour l’auteure, en plus d’une révision des concepts, les communautés
devront acquérir un processus d’apprentissage collectif si elles veulent faire
émerger une nouvelle dynamique de développement local. Dans les deux
derniers chapitres de cette partie, Louis Favreau de même que Juan-Luis Klein,
Jean-Marc Fontan et Diane-Gabrielle Tremblay traitent des mouvements sociaux
pour expliquer le renouvellement des stratégies de développement local.
Favreau, au quatrième chapitre, refait l’historique du « troisième pôle de l’économie, l’associatif » pour illustrer la progression de l’implication de ces regroupements à l’échelle locale. Selon l’auteur, cet engagement favorise l’avancement
de la démocratie locale. Quant à Klein et al., ils avancent que les stratégies de
développement local sont, par défaut, uniquement orientées vers des finalités
économiques ; or la prise en compte des mouvements sociaux favoriserait une
réflexion d’ensemble de la réalité locale et globale. Cette première partie du livre
dresse un portrait d’ensemble de l’état de l’économie sociale et du développement local au Québec. Les auteurs parviennent même à suggérer les orientations à prendre pour améliorer la prise en compte de l’économie sociale et tous
s’entendent pour dire que la progression de la démocratie est le pendant du
développement local. Cependant, on pourra questionner les auteurs sur la
faisabilité de la chose, dans les régions québécoises où l’urgence de la situation
du développement exige d’abord de contrer le cercle vicieux de l’appauvrissement et de la dévitalisation locale. Bien des étapes sont à franchir avant de
pouvoir réengager la collectivité dans toutes les sphères de la vie communautaire. Ainsi, la vision de ces auteurs n’est-elle pas un peu trop idéaliste ?
La deuxième partie du livre (chapitres 6 à 10) est particulièrement intéressante, selon nous, pour les praticiens du développement local à la recherche
de balises pour orienter leur travail dans les rouages de l’économie sociale. Dans
le chapitre 6, Carol Saucier jette un regard sur les pratiques d’économie sociale.
L’auteur étudie deux cas dans lesquels la dynamisation des collectivités passe
par la création de liens sociaux ou par la revitalisation de ces liens. Pour Saucier,
c’est en renouvelant le capital social d’une communauté que les associations
d’économie sociale resserreront les liens entre les individus et les groupes et
mettront de l’avant des programmes de développement plus solidaire. Pierre
Deschênes, dans le septième chapitre, explique les étapes d’application d’une
Économie et Solidarités, volume 34, numéro 1, 2003
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démarche de concertation. En fait, l’auteur remet en cause la manière actuelle
de travailler des acteurs du développement et il explique que, pour obtenir un
changement, il faudra que toute l’équipe d’agents de développement se mobilise et adhère à une vision commune. Pour ce faire, une transformation majeure
des modes de communication et des valeurs sera nécessaire. Le huitième chapitre remet en question l’utilisation des fonds de développement. Denis Martel
y explique que le capital de développement est prioritairement investi pour le
développement d’entreprises et la promotion de l’entrepreneuriat au détriment
de la création d’entreprises, du réseautage et de la formation de la maind’œuvre. Au neuvième chapitre, Éric Dacheux et Daniel Goujon tentent de
donner plus de rigueur au concept d’économie solidaire que ne le font les
groupes antimondialisation. Ils proposent de mieux comprendre les limites
qu’imposent les puissantes logiques du marché économique et ensuite d’envisager les possibilités qui s’offrent à la sphère politique et locale. Enfin, MarieLise Semblat, dans le dixième et dernier chapitre de cette partie, présente la
contribution des femmes dans les trajectoires et pratiques collectives rurales.
Elle explique que les femmes sont d’abord bénéficiaires des programmes de
développement et que pour devenir des agentes de changement, elles doivent
acquérir de l’expertise par le biais de la formation. En somme, dans cette
deuxième partie, les auteurs décrivent une diversité intéressante de projets de
développement et l’analyse de ceux-ci est suffisamment profonde pour orienter
les pratiques.
Dans les chapitres qui forment la troisième et dernière partie de l’ouvrage,
Nancy Neantam (chapitre 11) et Pierre-André Tremblay (chapitre 12) soutiennent qu’au Québec l’économie sociale est loin d’être considérée à sa juste
valeur, et ce en raison de la prédominance de l’économie de marché ou de
l’unidimensionnalité des outils d’évaluation. Quant à Lise Desmarais, elle
propose dans le chapitre 13 une nouvelle méthode d’évaluation, soit la
« recherche évaluative », afin de canaliser dans une même direction les stratégies d’action. Au quatorzième chapitre, David Huron précise que prendre en
considération le citoyen dans l’évaluation des politiques publiques locales
implique deux aspects primordiaux et pourtant souvent oubliés, soit la prise
en compte de la réalité sociale avec ses caractéristiques propres (et non celles
attribuables aux lois mathématiques) et de la complexité des phénomènes. Pour
clore cette troisième partie, Gilles Bergeron décrit les étapes d’implantation d’un
processus d’apprentissage collectif afin d’offrir un guide d’action général et de
fixer les conditions de succès du développement local.
Dans le chapitre conclusif, Louis Favreau avance qu’il faut que l’État crée
divers plans d’action de façon à lier le développement local, l’économie sociale
et la mondialisation dans une double logique macro et micro de court et de long
terme. Enfin, en guise de postface, Stéphan Tremblay exprime l’urgence
d’actualiser l’état de la démocratie. Pour y arriver, il faut enrayer le sentiment
d’impuissance des communautés à l’égard de la mondialisation en travaillant
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sur le processus d’acceptation sociale, par exemple en utilisant les médias pour
soulever le pour et le contre des enjeux du développement. Comme nous l’avons
exprimé tout au long de ce compte rendu, ce livre ouvre sur des perspectives
nouvelles de développement local, laissant aux lecteurs la responsabilité
de poursuivre cette réflexion pour appliquer au quotidien ces modèles de
développement local porteurs de plus de démocratie et de solidarité.
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