Des indicateurs de rentabilité sociale ou des indicateurs d`impact

DOSSIER
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Ti de : Économie et Solidarités, vol. 36, no 1, C. Saucier et M. J. Bouchard, responsables • EES3601N
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Des indicateurs
de rentabilité sociale ou des
indicateurs d’impact économique
pour l’économie sociale ?
lynda BinhaS
Chargée de projet,
recherche et analyse
Comité sectoriel de main-d’œuvre
de l’économie sociale
et de l’action communautaire
RÉSUMÉ Comment sortir de l’enfermement dans
lequel se retrouvent certaines tentatives d’élaboration
d’indicateurs d’impact social spécifiques à l’économie
sociale ? Comment, donc, éviter le glissement consis-
tant en l’aboutissement trop souvent économique de
recherches d’indicateurs à vocation exclusivement
sociale ? L’auteur met de l’avant un certain nombre
de principes et propose une mise en application de
ceux-ci à l’un des sous-secteurs rattachés au secteur
de l’économie sociale, soit l’environnement. L’un des
axes centraux privilégiés est le déplacement de la ques-
tion des indicateurs du sectoriel au sous-sectoriel, en
s’appliquant à ne pas isoler ou désarticuler systéma-
tiquement les retombées sociales des retombées écono-
miques. Il ne s’agit pas d’un recadrage langagier,
mais bien d’un recadrage conceptuel et, donc, métho-
dologique qui doit conduire à une vision moins réduc-
trice de deux univers, l’économique et le social, dont
l’interpénétration se pose.
ABSTRACT Some of the efforts to develop social
impact indicators specific to the social economy have
been an exercise in confinement. The search for purely
social indicators has more often than not shifted to
economic ones. This paper introduces a set of principles
and a way of applying them to one of the sub-sectors
of the social economy : the environment. To this end,
one of the main strategies consists in displacing the
focus from sectorial to sub-sectorial indicators, while
not isolating or systematically separating the social from
the economic fallouts of practices related to the social
economy. This reframing is not a semantic but a concep-
tual and, thus, a methodological one. It promotes a less
reductionist perspective of the economic and the social
spheres as well as an interpenetration of two formerly
distinct universes.
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RESUMEN ¿De qué modo salir del confinamiento en que se encuentran algunos
intentos de elaboración de indicadores de impacto social específicos de la economía
social ? ¿Cómo evitar el desplazamiento que lleva a resultados frecuentemente
económicos en la búsqueda de indicadores con carácter exclusivamente social ? A
partir de estos interrogantes, la autora plantea un conjunto de principios y propone
una aplicación de los mismos al subsector medio-ambiental, vinculado al sector de
la economía social. Uno de los ejes que privilegia es el desplazamiento del tema de
los indicadores de lo sectorial a lo subsectorial, intentando no aislar o desarticular
sistemáticamente los resultados sociales de los económicos. No se trata de un
encuadre semántico, sino de un encuadre conceptual y por consiguiente metodo-
lógico, que debe conducir a una visión menos reduccionista de los dos universos
que se interpenetran : el económico y el social.
— • —
INTRODUCTION
La question des indicateurs, et particulièrement celle des indicateurs de renta-
bilité sociale, fait l’objet de nombreuses réflexions, recherches et tentatives de
proposition de listes d’indicateurs que nous qualifierons «d’universels ». Au
Québec, ces démarches sont autant entreprises au plan universitaire que portées
par le milieu. La raison ? La démonstration des impacts de l’économie sociale et
de l’action communautaire, impacts rendant compte des spécificités mêmes de
ce secteur. Cette monstration est à faire, dans certains cas, auprès des bailleurs
de fonds, et dans d’autres, elle répond à un besoin bien précis : celui de délimiter
pour son propre secteur, réseau ou organisme, les retombées dans le milieu ou
la communauté, retombées dépassant le seul impact économique.
L’objectif visé dans cet article n’est pas de proposer une liste d’indicateurs
«universels » qui répondraient à tous les exercices de ce type, mais bien de
présenter d’abord un certain nombre de principes développés par le Comité
sectoriel de main-d’œuvre de l’économie sociale et de l’action communautaire
(CSMO-ESAC) relativement à la question des indicateurs et ensuite une mise
en application pratique de ces principes.
Ainsi, nous aborderons la question de la mesure, et tout particulièrement
celle de la performance et des impacts sociaux et économiques des entreprises
collectives, par le biais des dimensions et surtout des indicateurs sur lesquels
il est envisageable de faire reposer la mesure des performances sociales et
économiques de ce type d’entreprises. Nous vous proposons donc de mener une
réflexion axée sur la mise en avant de principes qui nous semblent s’imposer
à la suite des travaux que nous avons menés et au regard de l’expertise terrain
que nos missions et mandat nous ont permis de développer. Ces principes
ont été développés dans le but de nous orienter vers des axes de travail nous
permettant de sortir de l’enfermement dans lequel se retrouve, trop souvent, la
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recherche d’indicateurs sociaux. Cet enfermement, dont il sera question dans
les prochaines lignes, pourrait être ramené, pour l’instant, à un glissement du
social vers l’économique : ce qui est recherché, ce sont des indicateurs d’impact
social, ce qui est obtenu, ce sont des indicateurs d’impact économique.
Pour les besoins de l’exercice, nous opterons pour une mise en pratique
de ces principes, ce qui conférera à l’article une facture s’apparentant à une
démarche de démonstration. L’idée centrale étant de proposer ces principes
et d’en démontrer à la fois la viabilité et le potentiel qu’ils recèlent quant aux
limites et difficultés rencontrées par de nombreuses tentatives de détermina-
tion d’indicateurs de rentabilité sociale propres à l’économie sociale. Notre
démarche exploratoire table donc sur les constats, acquis et pistes relevées
dans le cadre d’un exercice préparatoire mené par le CSMO-ESAC sur la ques-
tion des indicateurs et sur une expertise terrain qui nous a imposé un certain
nombre d’axes de travail parmi lesquels figurent la pertinence 1) de s’attacher
à l’essence sociale des entreprises, à savoir la mission, les services rendus à la
collectivité, la réponse aux besoins du milieu, les retombées dans la commu-
nauté, l’implication collective, etc., 2) de lier la détermination des dimensions,
à partir desquelles doivent être envisagés les indicateurs sociaux, aux éléments
de mission et aux activités menées par les entreprises.
Ces acquis, pistes et axes de travail nous conduisent, en tout premier lieu,
à un constat relativement simple : puisque la diversides champs d’activité, ou
sous-secteurs, composant le secteur de l’économie sociale et de l’action commu-
nautaire marque le passage de l’indicateur à la mesure, il serait souhaitable d’en
tenir compte bien avant, donc lors de la détermination même de l’indicateur. Un
tel constat renvoie à la nécessité de mener une réflexion méthodologique, voire
conceptuelle, relativement à la notion même d’indicateur propre au secteur de
l’économie sociale et de l’action communautaire ; ce qui s’impose encore plus
fortement lorsque c’est la performance sociale de ce type d’organisation qui est
sous observation. Nous vous livrerons donc quelques éléments de flexion qu’il
nous semble nécessaire de mener dans le cadre d’un exercice de modulation des
indicateurs de rentabilité sociale concernant un champ d’activité ciblé.
DES TRAVAUX PRÉPARATOIRES
En 2001-2002, le Comité sectoriel de main-d’œuvre de l’économie sociale et
de l’action communautaire (CSMO-ESAC) a mené des travaux préparatoires
visant la proposition d’indicateurs de référence propres au secteur de l’économie
sociale et de l’action communautaire. Le contexte qui a vu naître ce projet pilote
était double et axé sur la nécessité de se doter d’une définition opérationnelle
des univers de l’économie sociale et de l’action communautaire et sur celle
de cibler des critères qui présenteraient l’avantage de définir le secteur. Avec
ces contextes et visées, le projet pilote a été circonscrit comme devant être un
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exercice d’élaboration d’indicateurs ciblant 1) l’identification et le classement
d’organismes selon leur vocation (économie sociale ou action communautaire) ;
2) la conception d’un outil fiable pour mesurer l’évolution des organismes et
pour effectuer le suivi de cette évolution selon les caractéristiques qui s’im-
posent au regard du secteur ; 3) la conception d’un outil tout aussi fiable pour
établir les portraits de la main-d’œuvre, de sa qualification et de sa formation,
avec pour visée un diagnostic de la main-d’œuvre. Chacune de ces composantes
devant être ramenée à des préoccupations reliées aux diversités territoriales
aux échelles urbaine, semi-urbaine et rurale.
Il s’agissait donc de proposer un certain nombre d’indicateurs de référence
pouvant constituer un noyau dur auquel devaient se greffer, dans une phase
ultérieure, des indicateurs plus ciblés rendant compte de la complexité et de la
diversité du secteur. Ces indicateurs de référence devaient être modulables sur
une base sous-sectorielle, donc selon les divers champs d’activité de l’économie
sociale et de l’action communautaire1.
En synthèse, cet exercice a été entrepris dans le but d’établir des balises
à partir desquelles pourrait être validée la pertinence d’indicateurs construits
ou privilégiés dans l’établissement de portraits ou de profils du secteur. Pour
les besoins, nous nous sommes dotés d’un principe de validation simple : la
capaci des indicateurs à rendre compte des particularités de l’économie sociale
et de l’action communautaire. Puisqu’il s’agissait d’un exercice à caractère
opérationnel visant à cerner les caractéristiques du secteur, nous avons, pour
les besoins, ciblé, avec un souci de dépassement de l’outillage strictement
quantitatif, les dimensions rendant compte des caractéristiques sectorielles2
et renvoyant : 1) aux statut et informations associatives ; 2) aux sous-secteurs
(champs d’activité) ; 3) aux informations financières ; 4) à l’emploi ; 5) à la
rentabilité sociale.
Ces travaux se sont soldés par la proposition d’un premier système d’indi-
cateurs et d’un questionnaire à partir de ce système3 et axés sur les dimensions
rendant compte des caractéristiques sectorielles précitées. Ce premier exercice
nous a, entre autres, permis 1) de tracer certains contours reliés aux indicateurs de
rentabilité sociale, 2) d’asseoir le caractère transversal d’un certain nombre d’entre
eux4 et 3) de démontrer la cessité d’une bonification des indicateurs de rentabi-
lité sociale sur une base sous-sectorielle, donc selon les divers champs d’activité.
Sur la base de ces travaux préparatoires, le CSMO-ESAC ne actuellement
un exercice de consolidation, et plus précisément de modulation sous-sectorielle
de ce système d’indicateurs, avec des préoccupations rattachées à la mesure du
social. Ces consolidation et modulation visent essentiellement la bonification
des indicateurs de rentabilité sociale relevés5, très sommairement, dans le cadre
des travaux préparatoires, ainsi qu’une détermination plus systématisée et plus
ciblée de ce type d’indicateurs. Le déplacement de la question des indicateurs,
tant sociaux qu’économiques, de l’échelle sectorielle à l’échelle sous-sectorielle
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s’impose à la suite d’au moins deux constats : 1) la nécessité de se doter d’indica-
teurs et d’outils de mesure sectoriels de rentabilité sociale et 2) les limites, pour
ne pas dire les difficultés rencontrées lors de tentatives de proposition de ce type
d’indicateurs à vocation essentiellement sociale ; difficultés se répercutant dans
la mesure6 même de ce social par le biais de tels indicateurs : ils se révèlent alors
plus proches de l’outillage quantitatif que de l’outillage qualitatif. Ces limites
nous semblent être rattachées à une faible caractérisation de la rentabilité, de
l’impact ou de l’apport social et nous semblent être plus axées sur une caracté-
risation du contexte ou du milieu dans lequel les activités et actions du secteur
de l’économie sociale sont posées. Ce qui, en soi, n’est pas inintéressant, bien
que cela puisse être considéré, de façon directe, comme un exercice contribuant
à la détermination d’indicateurs de rentabilité sociale, à moins que la preuve et
la mesure d’impact du secteur sur les contexte et milieu n’en soient établies. Ce
qui nous ramènerait au point de départ : quels indicateurs pourraient rendre
compte de l’impact du secteur de l’économie sociale sur le milieu dans lequel
sont portées ses actions ? Les difficultés nous paraissent, quant à elles, relever
d’un glissement involontaire du social vers l’économique ; l’objectif visé est celui
de la rentabilité sociale, les résultats s’apparentent à une mesure de l’impact
économique. Évidemment, cela ne vient en rien invalider les travaux menés
autour de la question des indicateurs tant sociaux qu’économiques.
Voilà qui résume les tentatives et rejoint les défis reconnus par les
nombreux acteurs impliqués dans la détermination d’indicateurs sociaux spéci-
fiques à l’économie sociale. La majorité des essais, des écrits et des synthèses
qui y sont consacrés identifient clairement le défi posé par l’« hétérogénéité »
du secteur, une hétérogénéité qui « recoupe des réalités parfois très contrastées
[…] et un défi à la lisibilité de ce qui fait la cohérence de l’économie sociale »
(Rondot et Bouchard, 2003, p. 6). Le second défi est, quant à lui, rattaché « au
développement d’indicateurs qui rendent justice aux particularités de l’éco-
nomie sociale » (Neamtan, 2001, p. 6). L’enjeu est alors celui d’asseoir l’évalua-
tion sur « des indicateurs pluriels de richesse qui rendent compte, notamment,
de la dimension non monétaire de ses activités » (Fraisse, 2001, p. 7). « Le bilan
comptable, les ratios d’endettement capitalisation, les rapports coûts-bénéfices
et même les mesures d’impacts économiques, font plus facilement l’objet d’un
large consensus que le bilan social, la mesure des biens publics, des externalités
positives ou des impacts intangibles tels la démocratie, l’empowerment ou le lien
social . » (Rondot et Bouchard, 2003, p. 7.) Ce problème, nous dit-on, « n’est pas
exclusif à l’économie sociale, mais le résoudre peut paraître plus urgent puisque
les entreprises d’économie sociale intègrent le social dans leur mission et dans
leurs règles de fonctionnement » (Ibid.). Il faut donc, selon Viveret (2000, p. 15),
« identifier et approfondir les indicateurs existants, cerner les obstacles ayant
empêché leur emploi pour enfin trouver les moyens de surmonter ces obstacles
et de définir un projet et une stratégie à moyen terme ».
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