Témoignage de Nathalie
SIMMENAUER (Air France)
Nathalie SIMMENAUER, vous êtes
Directrice Développement Durable
d’Air France, compagnie désignée
leader du développement durable du
transport aérien par le Dow Jones
Sustainability Index.
Dans le cadre de cette conférence sur le voyage climato-
compatible organisée par ATR le 4 décembre 2015 au Grand
Palais dans le cadre de la conférence des Nations Unies sur le
climat (COP 21), pouvez-vous nous rappeler quelle est la part
du transport aérien dans les émissions globales de CO2 ?
Le transport aérien mondial représente entre de 2 et 3% des
émissions globales de gaz à effet de serre d’origine humaine
selon le dernier rapport du GIEC. A titre de comparaison, Il
s’agit du même pourcentage que le secteur de l’informatique.
C’est un chiffre qui est assez peu connu et bien trop souvent
surestimé. Dans une de nos dernières enquêtes auprès de nos
clients fréquents, seulement 14% des répondants évaluent ce
chiffre à moins de 5% des émissions globales et 18% pensent
que la part des émissions du transport aérien est supérieure à
30% !
Nous sommes pour autant conscients de l’impact de notre
activité sur le changement climatique, d’autant que, comme
vous le savez, le transport aérien mondial va croitre dans les
prochaines années à un rythme annuel de l’ordre de 3 à 5%,
d’où la nécessité encore plus forte de traiter le sujet.
Quelles sont les actions les plus efficaces que la compagnie
mène pour améliorer ses performances en matières de
consommation énergétique ?
Avant de parler de changement climatique et des externalités
négatives, je souhaiterai rappeler à quel point le transport
aérien est une activité à valeur ajoutée : c’est un formidable
vecteur de rapprochement des hommes et des cultures, et
d’ouverture sur le monde.
Le Groupe Air France/KLM permet chaque année à 87 millions de
clients de se déplacer sur 316 destinations dans 115 pays.
Dans un monde de plus en plus digitalisé, le besoin de
déplacement et de contacts humains sera toujours de plus en
plus important et de plus en plus fort. Le transport aérien
est aussi un facteur de développement et de croissance.
Pour l’illustrer en quelques chiffres, le transport aérien
mondial représente 3 milliards de passagers et plus de 35% du
commerce international en valeur. Si l’aviation était un pays,
elle se classerait 21ème pays du monde en terme de PIB (606
milliards de dollars de PIB par an).
Le groupe Air France, quant à lui, permet de générer 1.4% du
PIB français. C’est aussi un formidable pourvoyeurs d’emplois.
Il s’agit du premier employeur privé d’Ile de France avec 55
000 emplois sur tout le territoire et 300 000 emplois induits
en France.
Bien sûr, nous sommes conscients des impacts de notre activité
et de nos responsabilités. Et il est vrai que pour l’instant,
nous n’avons pas d’autres solutions pour faire voler les
avions que d’utiliser du kérosène qui émet des gaz à effets de
serre. Aussi, pour rendre notre activité plus « climato-
compatible », nous activons au quotidien tous les leviers à
notre disposition pour concilier performance économique et
respect de l’environnement. Et cet engagement ne date pas
d’hier, puisque nous sommes reconnus, par le DJSI, depuis 11
années comme leader en matière de responsabilité sociétale
dans la rubrique « compagnies aériennes » et depuis sept ans
dans la rubrique élargie « Transport ».
Nous travaillons sur la recherche et le développement avec les
constructeurs et les chercheurs, pour moderniser et renouveler
notre flotte régulièrement. Nous développons de nouveaux modes
de pilotage de nos avions plus économiques en carburant, en
optimisant les trajectoires, et en adoptant de nouvelles
procédures de roulage, à l’image de l’expérience mené sur la
Lab’line for the future, vitrine de l’innovation de la
compagnie au service du développement durable.
Nous travaillons aussi à optimiser nos opérations au sol en
utilisant des engins de piste électriques, ou des procédés de
maintenance innovants. Nous travaillons à alléger tout ce que
l’on met à bord des avions. Il faut savoir qu’un kilo de moins
sur l’ensemble de nos avions représente 69 tonnes de CO2
économisées par an…
Nous travaillons aussi sur l’économie des ressources, sur le
recyclage et le développement de l’économie circulaire.
Enfin, nous travaillons à développer une vraie filière de
biocarburants durables pour l’aviation.
Depuis quand Air France agit pour lutter contre le changement
climatique ?
Toutes ces actions menées au quotidien, mises bout à bout,
nous permettent année après année de progresser. Depuis 1990,
nous avons réduit de moitié nos émissions de CO2. Sur les
trois dernières années, nous avons réduit de 6.7% nos
émissions de CO2 par passager/km.
Pour vous donner un élément de comparaison, par exemple par
rapport à votre voiture personnelle, aujourd’hui, l’ensemble
de notre flotte consomme en moyenne 3.45 litres par passager
au 100 km.
Et nous nous sommes engagés publiquement, lors du dernier
Salon du Bourget, devant les ministres Ségolène ROYAL et
Laurent FABIUS, à poursuivre nos efforts pour réduire de 20%
ces émissions en 2020 par rapport à 2011.
Nous prenons des engagements et nous les respectons en tant
qu’opérateur, mais le voyage climato-compatible engage bien
au-delà de nos opérations et il y a une demande de nos clients
pour des voyages plus responsables.
Justement, vous dîtes qu’il existe une réelle attente des
clients pour des voyages responsables. Comment les associez-
vous à vos démarches de développement durable ?
Oui effectivement, c’est une tendance qui se confirme et c’est
un item qui commence à apparaitre (timidement) dans les
facteurs de préférence de nos clients d’une compagnie
aérienne. De même qu’une proportion croissante de nos clients
se déclarent sensibles aux initiatives de développement
durable.
Outre nos actions environnementales, nous avons, par exemple,
intégré depuis longtemps les aspects éthiques et droits de
l’homme, dans l’ensemble de notre chaîne de production et vis-
à-vis de nos fournisseurs.
De longue date nous dénonçons des formes de tourisme qui ne
respectent pas ces valeurs et nous avons mené des campagnes
contre le tourisme sexuel et en faveur du respect du droit des
enfants auprès de nos clients.
Nous pensons aussi que chacun de nous, en tant que client,
consommateur et citoyen, nous pouvons contribuer à développer
un tourisme plus responsable et compatible avec la lutte
contre le changement climatique.
Tout simplement, en changeant quelques habitudes, par exemple
:
en téléchargeant la presse sur sa tablette avant de prendre
son vol, c’est déjà 6 millions de revues et journaux
transportés en moins l’année dernière à bord de nos avions et
plus de 3000 tonnes de papier économisées…
– en voyageant un peu plus léger,
en compensant les émissions de CO2 liées à son voyage de
façon volontaire,
en choisissant de modes d’hébergement et de tourisme, à
destination, plus respectueux de l’environnement et des
populations et plus responsable…
C’est donc aussi en donnant du sens aux voyages, en conciliant
découverte de l’autre, respect de l’environnement et
développement local durable.
C’est pourquoi nous soutenons des associations à différents
endroits du monde, qui partagent nos valeurs, par exemple la
merveilleuse association Gawad Kalinga aux Philippines qui
s’est fixée comme objectif de sortir de la pauvreté des
millions de familles, et qui y arrive, sur un modèle
entrepreneurial très innovant et qui vient d’ouvrir un bed &
breakfast au sein de leur ferme enchantée.
Nous avons également noué un partenariat avec le collectif de
tour opérateurs ATR, et travaillons sur un label et
participons à la fédération des acteurs autour d’un écosystème
favorable pour développer ensemble un tourisme responsable.
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