M1CP3021 Maths algèbre II (MPC) Examen final 3 heures en Janvier sur 38 points +2 points de présentation/rédaction. Exercice 1 [14 points (2+1+2+2+2+2+3)] On considère une matrice A dans Md (C) et un réel t dans R∗ telle que la matrice (Id + tA) est inversible. 1. Montrer que les valeurs propres de la matrice (Id + tA)−1 s’expriment en fonction de celles de la matrice A. Un vecteur propre associé à A est-il aussi un vecteur propre associé à la matrice (Id + tA)−1 ? 2. Soit T une matrice triangulaires supérieure inversible. Que dire de T −1 ? De ses éléments diagonaux ? 3. Montrer qu’il existe une matrice P ∈ GLd (C) tel que les matrices P −1 AP et P −1 (Id + tA)−1 P sont triangulaires supérieures. 4. En déduire une expression des valeurs propres de la matrice A(Id + tA)−1 en fonction de celles de la matrice A. 5. En déduire la valeur de tr (A(Id + tA)−1 ) en fonction des valeurs propres de la matrice A. 6. Exprimer la fonction QA (t) := det(Id + tA) puis sa dérivée Q0A (t) en fonction des valeurs propres de la matrice A. On pourra appliquer la formule de Leibniz : pour n fonctions dérivables f1 , . . . , fn , (Πni=1 fi )0 (t) = n X (fi )0 (t)Πj6=i fj (t). i=1 7. En déduire que tr (A(Id + tA)−1 ) = Q0A (t) . QA (t) 8. Montrer que la fonction t 7→ QA (t) est constante si et seulement si la matrice A est nilpotente. Correction 1. Soit x un vecteur propre de A associé à la valeur propre λ. On a, par définition Ax = λx. Par conséquent (Id + tA)x = (1 + tλ)x et donc x = (1 + tλ)(Id + tA)−1 x. Comme x est un vecteur propre, il est par définition non nul et donc 1 + tλ est lui aussi non nul. On obtient ainsi que (Id + tA)−1 x = (1 + tλ)−1 x, ce qui signifie que x est aussi un vecteur propre de (Id + tA)−1 associé à la valeur propre (1 + tλ)−1 . Réciproquement si λ̃ est une valeur propre de (Id + tA)−1 avec x vecteur propre associé. On a donc (Id + tA)−1 x = λ̃x et donc x = (Id + tA)λ̃x. Comme x est par définition non nul on obtient que λ̃ est lui aussi non nul et on en déduit donc (Id+tA)x = λ̃−1 x, puis tAx = (λ̃−1 −1)x. Enfin comme t ∈ R∗ , −1 on a Ax = λx avec λ = λ̃ t −1 . 2. L’inverse d’une matrice triangulaire supérieure est triangulaire supérieure avec des coefficients diagonaux inverses. 3. Comme la matrice A est trigonalisable sur C, il existe une matrice P dans GLd (C) et une matrice T triangulaire supérieure tel que P −1 AP = T . On en déduit que A = P T P −1 puis que (Id+tA) = P (Id+tT )P −1 . Comme on suppose que (Id+tA) est inversible, on en déduit aussitôt que (Id + tT ) l’est aussi et que (Id + tA)−1 = P (Id + tT )−1 P −1 . Ainsi P −1 (Id + tA)−1 P = (Id + tT )−1 . Il suffit alors d’appliquer la question précédente pour conclure. 2 4. Les éléments diagonaux de T et de (Id + tT )−1 sont respectivement les valeurs propres λi , pour i = 1, . . . , n, de A, éventuellement répétées et les (1 + tλi )−1 . Le produit matriciel donne alors que A(Id+tA)−1 = P T (Id+tT )−1 P −1 et que les éléments diagonaux de T (Id+tT )−1 sont λi (1+tλi )−1 , pour i = 1, . . . , n. 5. Par définition, tr (A(Id + tA)−1 ) = X λi (1 + tλi )−1 . i=1,...,n 6. On a, en utilisant A = P −1 T P , que QA (t) = Πni=1 (1 + tλi ). On applique la formule de Leibniz pour en déduire Q0A (t) = n X λi Πj6=i (1 + tλj ). i=1 7. Ainsi n Q0A (t) X Πj6=i (1 + tλj ) λi n = QA (t) Πj=1 (1 + tλi ) i=1 = n X i=1 λi 1 + tλi = tr (A(Id + tA)−1 ). (1) (2) (3) 8. La fonction t 7→ QA (t) est constante si et seulement si la fonction t 7→ Q0A (t) est nulle. Dans ce cas la fraction rationnelle Pn λi i=1 1+tλi est nulle ce qui implique que tous les λi sont nuls par unicité de la décomposition en éléments simples des fractions rationnelles. Réciproquement si tous λi sont nuls, on a QA (t) = 1 et par conséquent la fonction t 7→ Q0A (t) est nulle. Il suffit alors de se rappeler que la matrice A est nilpotente si et seulement si toutes ses valeurs propres sont nulles. Exercice 2 [24 points (8* 2 points puis 4 points)] Soit E un espace euclidien de dimension 2n, dont on note k · kE la norme. 3 On note L(E) l’ensemble des endomorphismes de E. Pour v dans L(E), on note kvkL(E) = kv(x)kE . x∈E\{0} kxkE sup On considère u ∈ L(E) tel que i) kukL(E) = 1, ii) pour tout w ∈ L(E) tel que kwkL(E) = 1, | det u| > | det w|. 1. Montrer que u est inversible. On pourra chercher à appliquer la propriété ii) avec un w approprié. 2. Montrer que pour tout v, ṽ dans L(E), pour tout ε ∈ R, kv + εṽkL(E) 6 kvkL(E) + |ε|kṽkL(E) . On pourra utiliser que la norme k · kE vérifie cette propriété. 3. Démontrer à l’aide de la définition du déterminant que pour tout tout λ ∈ R, pour tout v dans L(E), det(λv) = λ2n det(v). 4. Montrer que pour tout ε ∈ R, pour tout v dans L(E), | det(u + εv)| 6 | det u|(1 + |ε|kvkL(E) )2n . On pourra chercher à appliquer la propriété ii) avec un w approprié et utiliser le résultat de la question précédente. 5. En utilisant une trigonalisation sur C, montrer que det(Id + εu−1 ◦ v) = 1 + ε tr (u−1 ◦ v) + O(ε2 ), quand ε converge vers 0. On pourra utiliser que pour 2n réels λi , avec i = 1, . . . , 2n, Π2n i=1 (1 + ελi ) = 1 + ε 2n X i=1 quand ε converge vers 0. 4 λi + O(ε2 ), 6. En déduire que |1 + ε tr (u−1 ◦ v) + O(ε2 )| 6 1 + 2n|ε|kvkL(E) + O(ε2 ). On pourra utiliser que pour tout réel λ, (1 + |ε|λ)2n = 1 + 2n|ε|λ + O(ε2 ) quand ε converge vers 0. 7. En déduire que |tr (u−1 ◦ v)| 6 2nkvkL(E) . 8. On considère un projecteur orthogonal P sur E de rang m. Exprimer sa trace en fonction de m ; et montrer que m 6 ku ◦ P kL(E) . 2n On pourra chercher à appliquer le résultat de la question précédente à un v approprié. 9. Montrer qu’il existe une famille orthonormale de n vecteurs y1 , . . . , yn de E tels que pour tout entier j entre 1 et n, 2n − j + 1 ku(yj )kE > . 2n On pourra admettre que pour tout w dans L(E), il existe un vecteur x dans E tel que kxkE = 1 et kw(x)kE = kwkL(E) , et procéder par récurrence en utilisant la question précédente avec des projecteurs orthogonaux bien choisis. Correction 1. Il suffit d’appliquer la propriété ii) avec w = IdE qui vérifie bien kwkL(E) = 1, et qui satisfait aussi det w = 1. On déduit de la propriété ii) que | det u| > 1 et donc u est inversible. 2. On écrit que pour tout x ∈ E \ {0}, pour tout ε ∈ R, kv(x)kE kṽ(x)kE k(v + εṽ)(x)kE 6 + |ε| kxkE kxkE kxkE kv(x)kE kṽ(x)kE 6 sup + |ε| sup kxk E x∈E\{0} x∈E\{0} kxkE 6 kvkL(E) + |ε|kṽkL(E) . Il suffit alors de prendre le sup sur tous les x dans E \ {0} pour conclure. 5 3. C’est une propriété du cours qui découle de la définition du déterminant. 4. On observe que le résultat est vraie dans le cas où u + εv est nulle. On exclut dorénavant ce cas et on applique la propriété ii) avec u + εv w= ku + εvkE qui vérifie bien kwkL(E) = 1. Ainsi | det u| > | det u + εv 1 | det(u + εv)|. |= ku + εvkE ku + εvk2n E Ainsi | det(u + εv)| 6 | det u|ku + εvk2n E 6 | det u|(kukE + |ε|kvkE )2n 6 | det u|(1 + |ε|kvkL(E) )2n . 5. Notons λi , pour i = 1, . . . , 2n les valeurs propres de l’endomorphisme u−1 ◦ v, éventuellement avec répétition. Sur C l’endomorphisme u−1 ◦ v est trigonalisable et son déterminant vaut donc −1 det(Id + εu ◦ v) = Πni=1 (1 + ελi ) = 1 + ε n X λi + O(ε2 ), i=1 quand ε converge vers 0. Il reste à observer que n X λi = tr (u−1 ◦ v), i=1 pour conclure. 6. En combinant les deux questions précédents, on obtient que |1 + ε tr (u−1 ◦ v) + O(ε2 )| = | det(Id + εu−1 ◦ v)| = | det(u + εv)| | det u| 6 (1 + |ε|kvkL(E) )2n 6 1 + 2n|ε|kvkL(E) + O(ε2 ), quand ε converge vers 0. 6 7. Pour ε assez petit en valeur absolue on peut enlever la valeur absolue autour du membre de gauche, et en choisissant ε tel que ε tr (u−1 ◦ v) soit positif, on peut même simplifier et en déduire que tr (u−1 ◦ v) + O(ε) 6 2nkvkL(E) + O(ε), et donc tr (u−1 ◦ v) 6 2nkvkL(E) . 8. On applique la question précédente à v = u ◦ P de sorte que la question précédente donne tr P 6 2nku ◦ P kL(E) , et comme tr P = m pour un projecteur de rang m. 9. On procède par récurrence sur j. Pour j = 1, c’est en conséquence de la compacité de la sphère unité de E (mais cette conséquence était rappelée dans l’énoncé) qu’il existe un vecteur y1 de norme 1 tel que ku(y1 )kE = kukL(E) . Supposons, pour 1 6 k 6 n − 1, construite une famille orthonormale de k vecteurs y1 , . . . , yk de E tels que pour tout entier j entre 1 et k, 2n − j + 1 ku(yj )kE > . 2n On considère alors le projecteur orthogonal Pk sur {y1 , . . . , yk }⊥ qui est de rang 2n−k par le théorème du rang, puisque le noyau de Pk est par définition Vect {y1 , . . . , yk } qui est de dimension k puisque ces vecteurs sont orthogonaux. La question précédente donne alors 2n − k 6 ku ◦ Pk kL(E) , 2n et il suffit d’invoquer à nouveau la compacité de la sphère unité de E pour montrer qu’il existe un vecteur ỹk+1 dans E de norme 1 tel que ku ◦ Pk (ỹk+1 )kE = ku ◦ Pk kL(E) . Notons que Pk (ỹk+1 ) 6= 0 car sinon on aurait 2n − k n+1 > , 2n 2n car k 6 n − 1, ce qui est absurde. On va poser ku ◦ Pk kL(E) = 0 > yk+1 = Pk (ỹk+1 ) , kPk (ỹk+1 )kE 7 de sorte que {y1 , . . . , yk+1 } est une famille orthonormale, et comme Pk ◦ Pk = Pk , il vient que 2n − k ku(yk+1 )kE > . 2n 8