Revue Intérêt des oméga-3 marins dans la prévention et le traitement du syndrome métabolique J. Delarue, C. Corporeau, G. Alain Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Laboratoire régional de nutrition humaine, CHU Cavale Blanche, 29200 Brest. Faculté de médecine de Brest. Fax : 02 98 34 78 82 <[email protected]> Le syndrome métabolique constitue une entité qui regroupe chez le même individu plusieurs anomalies métaboliques. Plusieurs définitions successives en ont été proposées. Il se caractérise essentiellement par l’accroissement notable du risque cardiovasculaire. À côté de la perte de poids (ou du maintien d’un poids normal) et de l’activité physique, principales mesures démontrées efficaces, les acides gras polyinsaturés à longue chaîne n-3, essentiellement contenus dans les aliments d’origine marine (poissons gras, huiles de poisson), ont une forte potentialité pour sa prévention et son traitement. Les effets protecteurs cardiovasculaires des omégas-3 marins ne seront pas abordés dans cette revue. Mots clés : EPA, DHA, insulino-résistance, nutrition doi: 10.1684/met.2006.0037 Définitions mt Tirés à part : J. Delarue Nous ne rapporterons que les deux définitions les plus récentes et qui sont aujourd’hui les seules usitées : la définition dite ATPIII (Adult Treatment Panel III) proposée en 2001 par le NCEP (National Cholesterol Education Program Expert Panel on Detection, Evaluation, and Treatment of High Blood Cholesterol in Adults) [1], et celle de l’IDF (International Diabetes Federation) proposée en 2005 [2]. Le diagnostic selon la définition dite ATPIII requiert pour le diagnostic l’association d’au moins trois des critères suivants : – Obésité centrale (viscérale) : tour de taille > 102 cm (hommes) ou > 88 cm (femmes). – Hypertriglycéridémie : triglycérides (TG) ≥ 1,7 mmol/L (1,50 g/L). – HDL cholestérol bas : < 1.03 mmol/L (0,40 g/L) (hommes) mt, vol. 12, n° 5-6, septembre-décembre 2006 ou < 1,29 mmol/L (0,50 g/L) (femmes). – Élévation de la pression artérielle : pression artérielle ≥ 135/85 mmHg ou traitement de cette élévation. – Glycémie à jeun ≥ 6,1 mmol/L (1,10 g/L). Le diagnostic selon la définition de l’IDF requiert comme critère obligatoire l’obésité viscérale plus au moins deux autres critères : – Obésité centrale : tour de taille ≥ 94 cm (hommes) ou ≥ 80 cm (femmes). Autres critères : – Hypertriglycéridémie : TG ≥ 1,7 mmol/L (1,50 g/L) ou bien traitement spécifique de cette anomalie. – HDL cholestérol bas : < 1,03 mmol/L (0,40 g/L) (hommes) ou < 1,29 mmol/L (0,50 g/L) (femmes), ou bien traitement spécifique de cette anomalie. 319 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Revue – Élévation de la pression artérielle : pression artérielle systolique ≥ 130 ou diastolique ≥ 85 mmHg ou HTA traitée. – Glycémie à jeun ≥ 5,6 mmol/L (1,0 g/L) ou diabète de type 2 connu. En cas de glycémie > 5,6 mmol/L, une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) est fortement recommandée mais non obligatoire pour le diagnostic de SM. Il est à noter que dans la définition de l’IDF le critère d’obésité centrale proposé est celui qui s’applique aux populations blanches d’origine européenne quel que soit leur pays de résidence. Ce critère est différent pour d’autres ethnies (asiatiques en particulier). Les principales différences entre la définition ATPIII et IDF portent d’abord sur l’obésité centrale comme critère obligatoire dans la définition de l’IDF ; ce choix a été fait parce que l’obésité centrale, facilement estimée par le tour de taille, est associée de manière très forte au risque cardiovasculaire (CV) et aux autres critères du syndrome métabolique (SM), insulino-résistance incluse qu’il n’est pas aisé de mettre en évidence en pratique. De plus, l’obésité centrale est probablement une étape précoce dans la cascade d’événements qui constituent le SM. Le seuil de tour de taille choisi par l’IDF a été revu à la baisse par rapport à l’ATPIII. Ces seuils ont été choisis parce que la plupart des données épidémiologiques montrent que le risque associé aux facteurs de risque CV autres que l’obésité centrale s’accroît à partir de ces seuils. Les autres différences portent sur le niveau de la pression artérielle qui est revu à la baisse pour la systolique. De plus, dans la définition IDF une séparation claire est faite entre systolique et diastolique, chacune des deux ayant un seuil propre, ce qui n’était pas le cas dans la définition ATPIII. Enfin, le seuil de la glycémie à jeun a été revu à la baisse dans la définition IDF pour intégrer la nouvelle définition de l’intolérance au glucose de l’ADA (American Diabetes Association). Prévalence La prévalence mondiale du SM selon la définition ATPIII diffère selon les pays [3]. Aux États-Unis, après ajustement pour l’âge, elle était estimée à 20,1 % dans l’étude NHANES III (1988-1994) [4]. Notons que chez l’enfant, elle est toujours aux États-Unis de 4,8 % pour la tranche d’âge de 7 à 11 ans, de 3 % pour celle de 12-17 ans [5]. En France, la prévalence rapportée est de 10 % chez l’homme et 7 % chez la femme [6] et plus récemment à 9 % chez l’homme [7]. Une comparaison a été faite dans une population américaine de la prévalence du SM selon la définition utilisée [8]. Avec la définition ATPIII, la prévalence était de 33,7 % chez les hommes et de 35,4 % chez les femmes ; avec la définition IDF, les prévalences étaient respectivement de 39 et 39,9 %, soit 320 plus élevées ; 93 % des sujets étaient classés comme ayant un SM en utilisant les deux définitions. Physiopathologie Celle-ci n’est pas univoque. Elle est résumée sur la figure 1. Il n’y a pas actuellement d’arguments décisifs en faveur d’une cause unique responsable de l’ensemble des anomalies. Le stress psychologique, la suralimentation, l’obésité viscérale et l’insulino-résistance font partie intégrante des mécanismes incriminés dans la genèse et l’évolution du SM vers les complications CV et le diabète de type 2. Le stress psychologique a un rôle important. Une étude récente montre que le stress professionnel est un facteur indépendant du risque de SM [9]. Le stress active l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et le système sympathique [10]. Le cortisol en excès favorise la différenciation des adipocytes viscéraux, ce qui accroît la masse adipeuse viscérale, stimule la néoglucogenèse et induit une insulino-résistance hépatique. L’effet vasoconstricteur des catécholamines favorise l’HTA. L’excès de catécholamines associé à la moindre inhibition de la lipase hormono-sensible du fait de l’insulino-résistance du tissu adipeux favorise la lipolyse, en particulier du tissu adipeux viscéral [11], avec libération d’acides gras libres (AGL) en excès entraînant : a) stimulation de la néoglucogenèse et insulino-résistance hépatique ; b) réestérification hépatique en triglycérides incorporés dans les VLDL qui sont exportés en excès contribuant à l’hypertriglycéridémie ; c) diminution de l’extraction hépatique de l’insuline, ce qui accroît l’hyperinsulinémie déjà induite par l’insulinorésistance ; d) stockage ectopique de triglycérides (pancréas, muscle, foie) altérant l’insulino-sécrétion et la voie de signalisation de l’insuline dans le muscle (lipotoxicité). L’insulino-résistance induit aussi une moindre activation de la lipoprotéine lipase, d’où un moindre catabolisme des VLDL qui favorise les échanges avec les HDL et les LDL conduisant à la génération de LDL3 athérogènes et à une diminution du HDL cholestérol. Lipotoxicité et glucotoxicité (qui accompagnent l’élévation même modérée de la glycémie) se conjuguent pour induire un stress oxydant qui participe à la dysfonction endothéliale [12-16]. Celle-ci favorise les complications CV (HTA et athérome). Enfin, insulino-résistance, hyperinsulinisme, concentrations excessives de lipides circulants induisent des anomalies du métabolisme lipidique des cellules musculaires lisses vasculaires contribuant à l’athérome. Une partie des altérations métaboliques du SM s’améliore rapidement après restriction calorique avant les modifications de composition corporelle, montrant que la suralimentation per se a une action sur ces anomalies métaboliques [17]. mt, vol. 12, n° 5-6, septembre-décembre 2006 stress Hypothalamus Pituitary gland Pineal gland Insulino-résistance ↑ insuline Medulla Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Cortex PHG VLDL cortisol caté cholamines AGL Insulino-résistance ↓ Captage glucose Insulino-résistance vasoconstriction AGL AGL ↓ Captage glucose Dysfonction endothéliale Figure 1. Physiopathologie du syndrome métabolique Effets des oméga-3 marins sur l’hypertryglycéridémie, l’insulino-résistance, l’intolérance au glucose et l’obésité viscérale Études dans les modèles animaux expérimentaux Effets sur l’hypertriglycéridémie et la stéatose hépatique Ils ont été mis en évidence dans deux types de modèles chez le rat ou la souris : le régime riche en saccharose ou en fructose d’une part, et le régime hyperlipidique d’autre part [18]. Le régime riche en saccharose ou en fructose reproduit les différentes composantes du SM : hypertriglycéridémie, augmentation des AGL, insulino-résistance du foie, du muscle et du tissu adipeux, obésité viscérale, accumulation hépatique, pancréatique et musculaire de TG, et enfin hypertension. Le régime hyperlipidique induit aussi une hypertriglycéridémie, une stéatose hépatique et musculaire et une insulino-résistance généralisée. Au niveau du foie, l’introduction d’huile de poisson dans le régime diminue l’hypertriglycéridémie, la production de VLDL, la stéatose et l’insulino-résistance [19-22]. La diminution de la production des TG et de la stéatose résulte à la fois d’une diminution de la lipogenèse de novo (synthèse de palmitate à partir de l’acétyl CoA généré par la glycolyse intrahépatique), d’un accroissement de l’oxydation hépatique des acides gras et d’une diminution de la synthèse et de l’exportation des VLDL. Les oméga-3 marins diminuent l’expression des gènes de la lipogenèse de novo (acétyl CoA carboxylase, acides gras synthase, protéine S14, D9-désaturase, enzyme malique, ATP citrate lyase), et de la glycolyse (L-pyruvate kinase) qui génère de l’acétyl CoA précurseur de la lipogenèse de novo [23]. L’augmentation de l’expression et de l’activité des enzymes de l’oxydation intrahépatique des acides gras : carnitine palmitoyl transférase 1 et 2 et oxydase des acides gras réoriente les acides gras vers l’oxydation aux dépens de leur réestérification en TG. De plus, les oméga-3 marins diminuent la production des VLDL en diminuant leur assemblage et leur sécrétion [24, 25]. Le contrôle de la sécrétion par les oméga-3 marins résulterait d’une inhibition de la synthèse d’ApoB100 et d’ApoCIII. Les effets des oméga-3 marins sur l’expression des gènes du métabolisme lipidique hépatique sont directs (ne nécessitent pas mt, vol. 12, n° 5-6, septembre-décembre 2006 321 Revue leur métabolisme en eicosanoïdes) et transcriptionnels, faisant intervenir trois facteurs de transcription auxquels ils se lient : PPARa, LXR et SREBP-1c [23]. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Effets sur l’adiposité viscérale L’introduction d’huile de poisson dans la fraction lipidique, en substitution d’une partie des autres acides gras, diminue l’excès d’adiposité viscérale, voire la corrige complètement chez le rat soumis à un régime riche en saccharose ou hyperlipidique [26-29]. Cet effet résulte de plusieurs mécanismes : moindre accumulation de TG dans le tissu adipeux viscéral, due à la fois à une diminution de leur synthèse et à un accroissement de la lipolyse, et augmentation de l’oxydation des acides gras. L’effet inhibiteur sur la lipogenèse résulte, comme dans le foie, d’une inhibition de l’expression des enzymes de la lipogenèse (acides gras synthase en particulier). Cet effet antilipogénique ne s’exerce que sur le tissu adipeux viscéral [30]. À la différence du foie, l’effet inhibiteur de la lipogenèse par les AGPI-LC n-3 n’est pas direct mais met en jeu la production d’eicosanoïdes dérivés de leur métabolisme par les cyclo-oxygénases [31]. Un autre mécanisme est l’induction de l’expression et de l’activité de la phosphoénolpyruvate carboxykinase cytosolique (PEPCK-C). Cette enzyme synthétise du glycérol 3-phosphate à partir du pyruvate, du lactate et de certains acides aminés (glycéronéogenèse). Le glycérol 3-phosphate permet la réestérification in situ des AGL. La libération nette des AGL par le tissu adipeux (lipolyse nette) dépend non seulement de l’hydrolyse des TG stockés mais aussi de la réestérification in situ d’une partie des AGL libérés. Lorsque l’activité de la PEPCK-C est diminuée, la réestérification des AGL est moins importante et leur libération (lipolyse nette) est accrue. Le DHA inhibe l’expression de la PEPCK-C dans des lignées d’adipocytes murins [32]. S’il en est de même in vivo, ce pourrait être un mécanisme d’augmentation de lipolyse. Enfin, les oméga-3 marins augmentent dans le tissu adipeux viscéral l’expression de la CPT1 et des enzymes de la bêta-oxydation des acides gras [28]. Effets sur l’insulino-résistance Le régime riche en saccharose ou hyperlipidique induit une insulino-résistance chez le rat [33-35]. L’introduction d’huile de poisson en substitution d’une partie des autres types d’acides gras dans ces deux régimes prévient et parfois corrige l’insulino-résistance [18-20, 22, 26, 27, 36-38]. Les mécanismes de cet effet restent encore mal compris au cours du régime riche en saccharose. L’effet hypolipidémiant tissulaire pourrait jouer un rôle. En effet, l’introduction d’huile de poisson s’accompagne d’une diminution ou d’une normalisation du contenu en TG hépatiques et musculaires, ce qui pourrait lever la lipotoxicité. Il existe en effet une forte corrélation entre l’insulino-résistance hépatique et musculaire et le contenu en TG respectivement dans le foie et le muscle de rats 322 soumis à un régime riche en saccharose. Les oméga-3 marins pourraient aussi agir en levant l’altération de la signalisation de l’insuline induite par le saccharose dans le foie [39], mais l’on manque de données pour étayer cette hypothèse. Un autre mécanisme pourrait être un effet via la voie de signalisation de l’adiponectine et de la leptine. En effet, le régime riche en saccharose induit une baisse des concentrations circulantes d’adiponectine (adipokine insulino-sensibilisatrice) et de son expression dans le tissu adipeux, corrigée par l’introduction d’huile de poisson [22]. Les mécanismes des effets de l’huile de poisson sont un peu plus clairs chez le rat soumis au régime hyperlipidique. Un régime très hyperlipidique (60 % apport énergétique) à base d’huile de maïs induit une altération marquée de la signalisation de l’insuline dans le foie, le muscle et le TA [38]. Cette altération se caractérise par une diminution de 50 % de l’activité de la phosphatidyl inositol 3’ kinase (PI3K) dans le foie et le muscle et de son expression dans le TA d’une part et par une diminution de 50 % du nombre de transporteurs GLUT4 dans le muscle et de son expression dans le TA d’autre part. La substitution d’HP (1/3) dans ce régime hyperlipidique prévient ces deux anomalies dans le muscle et le tissu adipeux [38]. Il est à noter par ailleurs que la dose d’oméga-3 marins joue un rôle important tissu-spécifique sur la signalisation de l’insuline. En effet, un apport de 2,2 % d’huile de poisson dans un régime normolipidique chez le rat induit une baisse de l’activité de la PI3 kinase dans le foie et le muscle, mais au contraire une forte augmentation dans le tissu adipeux par comparaison aux rats soumis à un régime à base d’un mélange d’huile d’arachide-colza riche en acides gras mono-insaturés et polyinsaturés n-6 [40]. Cela illustre aussi la nécessité de poursuivre des études mécanistiques portant en particulier sur les effets de différents niveaux d’apport en oméga marins. Effets de l’huile de poisson chez l’homme Études épidémiologiques Les études épidémiologiques conduites dans les années 70 chez les Inuits du Groenland, les populations indigènes de l’Alaska et d’autres régions arctiques et subarctiques ont mis en évidence une bien moindre incidence du diabète de type 2 que chez les Danois, les résidents des États-Unis, et d’autres populations [41-44]. De plus, le diabète de type 2 avait une moindre prévalence chez les Japonais insulaires que chez les Japonais continentaux [45]. La moindre incidence du diabète de type 2 a été attribuée principalement à la consommation d’aliments riches en oméga-3 marins. Au cours des 15 dernières années, l’incidence du diabète de type 2 a augmenté rapidement chez ces populations indigènes et migrantes [46, 47]. Cet accroissement de l’incidence a été attribué à une alimentation différente de l’alimentation traditionnelle, à un changement de mode de vie et à un mt, vol. 12, n° 5-6, septembre-décembre 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. changement de répartition des acides gras [48]. Par ailleurs, il existe chez les Esquimaux de l’Alaska une forte relation entre la teneur en 20:5 n-3 (EPA) et 22:6 n-3 (DHA) des acides gras plasmatiques d’une part et la glycémie à jeun et à 2 h (après HGPO), l’index de sensibilité à l’insuline, l’insulinémie à jeun et à 2 h post-HGPO, le taux de triglycérides et la pression artérielle d’autre part [49]. Plus récemment, la réintroduction d’une alimentation traditionnelle riche en oméga-3 marins dans une population d’Esquimaux de l’Alaska a permis une amélioration très significative de la tolérance au glucose chez 60 % d’entre eux [50], confirmant la participation de l’alimentation traditionnelle riche en oméga-3 à la moindre incidence du diabète de type 2 dans ces populations. Études physiopathologiques Effets sur la sensibilité à l’insuline chez l’homme sain Il existe peu de travaux étudiant l’effet des oméga-3 marins sur la sensibilité à l’insuline chez l’homme sain. Nous avons observé que la supplémentation de l’alimentation avec 6 g/j d’HP (1,8 g/j EPA + DHA) pendant 3 semaines induisait une baisse de 40 % de la réponse insulinique au cours d’une charge en glucose sans modification de la réponse glycémique et sans modification de l’utilisation totale de glucose ; le maintien de la même réponse glycémique et de la même utilisation du glucose pour une réponse insulinémique moindre suggérait très fortement une augmentation de la sensibilité à l’insuline [51]. De plus, nous avons montré que le même niveau d’apport en huile de poisson prévenait partiellement l’insulino-résistance induite expérimentalement par un glucocorticoïde, la dexamethasone [52]. Effets sur les triglycérides et la production de VLDL Faeh et al. [53] ont étudié l’effet d’un apport de 7,2 g d’huile de poisson (1,2 g EPA + 0,8 g DHA) pendant 28 j chez des volontaires sains soumis à un régime fortement enrichi en fructose (suralimentation de 25 % de l’apport énergétique sous forme d’une solution de fructose pendant 6 j avant les explorations). Ils observaient une insulino-résistance hépatique, une augmentation des TG plasmatiques et de la lipogenèse de novo induites par le fructose. L’huile de poisson ne prévenait pas l’insulinorésistance hépatique mais l’élévation des TG plasmatiques était moindre. La lipogenèse de novo tendait à être diminuée (non significatif). Chez des patients avec obésité viscérale et hypertriglycéridémiques, un apport relativement élevé de 3,36 g/j d’EPA + DHA diminue significativement l’hypertriglycéridémie et la production de VLDL [54-56]. L’effet sur l’hypertriglycéridémie est additif de celui de l’atorvastatine. Sur le plan physiopathologique, l’effet des oméga-3 est complémentaire de celui de l’atorvastatine. En effet, l’atorvastatine diminue les TG plasmatiques en augmentant le catabolisme des VLDL alors que les oméga-3 inhibent leur production [56]. Oméga-3 marins et stress psychologique Les oméga-3 marins, en particulier le DHA [57-61], abolissent les manifestations psychologiques (agressivité) et l’élévation de la noradrénaline liées au stress chronique (préparation prolongée d’examens universitaires). Cet effet est observé pour un apport de 2 mois de seulement de 0,44 g/j EPA + 0,32 g/j DHA [57]. De plus, un apport de 2 g/j d’EPA + DHA abolit la réponse cortico-adrénergique au stress mental aigu chez le sujet normal [62]. Une étude chez le rat [63] suggère que le DHA pourrait avoir un effet antistress en stimulant le récepteur GABA(A). Oméga-3 marins et fonction endothéliale Les oméga-3 marins diminuent l’expression des molécules d’activation de la fonction endothéliale [64, 65] et améliorent la relaxation artérielle chez des patients hypertriglycéridémiques (1,8 g EPA pendant 3 mois) [66, 67] ou hypertendus [68]. Oméga-3 marins et stress oxydant La consommation journalière de poisson (équivalant à 3,6 g/j d’EPA + DHA) diminue le stress oxydant des patients dyslipidémiques [69]. Oméga-3 marins et athérosclérose Les oméga-3 marins ralentissent le développement de l’athérome chez l’homme [70, 71]. De plus, ils sont rapidement incorporés dans les lipides des plaques d’athérome, ce qui entraîne la stabilisation de la plaque [72]. Comme indiqué dans l’introduction, les effets sur le risque CV ne seront pas abordés dans cette revue. Oméga-3 marins et HTA Une méta-analyse récente [73] a colligé 105 essais randomisés avec durée d’étude d’au moins 8 semaines chez 6 805 sujets avec pression artérielle d’au moins 140/85. Le but était de déterminer les facteurs liés au mode de vie susceptibles d’affecter favorablement la pression artérielle chez des sujets traités ou non traités. Parmi les 105 essais, huit essais comportaient une supplémentation de 0,1 à 17 g d’huile de poisson. La méta-analyse conclut que la supplémentation en huile de poisson s’accompagne d’une diminution de la pression artérielle, de même que la réduction de la consommation de sel et d’alcool et l’activité physique. Cependant, la plupart des études utilisent des doses très élevées d’EPA et DHA supérieures aux 2 g/j jugés comme non délétères par l’Afssa. Certaines des études sont négatives. Un bénéfice réel des oméga-3 au cours de l’HTA reste à confirmer. Conclusion Les oméga-3 marins ont une potentialité indiscutable dans la prévention et le traitement du syndrome métabolique par leur effet insulino-sensibilisateur, leur effet modulateur du stress, leur effet hypotriglycéridémiant, leur capacité à améliorer la dysfonction endothéliale, le mt, vol. 12, n° 5-6, septembre-décembre 2006 323 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 05/06/2017. Revue stress oxydant, leurs effets sur les processus d’athérogenèse et probablement antihypertenseur. Les données chez les Esquimaux reprenant une alimentation traditionnelle riche en produits d’origine marine confortent l’intérêt des oméga-3 marins pour l’amélioration des paramètres du syndrome métabolique et la prévention du diabète de type 2. Les apports nutritionnels conseillés en France proposent un apport de 120 mg/j de DHA, mais ne proposent pas de niveau d’apport en EPA. Les recommandations d’apport maximal reconnu comme non délétère par l’Afssa sont de 2 g/j d’EPA + DHA. Entre ces deux limites, il existe une place pour proposer un niveau d’apport pour la prévention et le traitement du syndrome métabolique. La plupart des données physiopathologiques disponibles suggèrent qu’un apport voisin de 2 g/j pourrait apporter un bénéfice sur les différents constituants du syndrome métabolique. Cependant, ces données sont encore trop fragmentées et il est nécessaire d’entreprendre des travaux ayant pour objectif d’étudier les effets à court terme (quelques semaines), chez le même sujet, d’un apport en oméga-3 marins sur l’ensemble des paramètres constitutifs du SM. Cela est rendu possible par l’existence de techniques d’exploration in vivo non invasives. Au-delà, des études épidémiologiques devront être entreprises pour déterminer sur le long terme les bénéfices réels en prévention et en traitement du syndrome métabolique. 10. Rosmond R. 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