avez-vous besoin des aliments fonctionnels

4 ACTUEL
LA PRESSE MONTRÉAL DIMANCHE 4 MARS 2007
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ALIMENTS FONCTIONNELS VOYAGE GUIDÉ
AV EZ-VOU S B E SOI N DE S
A LI M E NT S FONC TION N E L S ?
Oui, si votre alimentation est monotone, pauvre en éléments nutritifs. Non, si le contenu de votre assiette est
coloré. Si vous mangez du poisson, des légumes, de la viande de qualité, vous consommez déjà des aliments
fonctionnels. Sans le savoir ni payer plus. Certains produits à valeur ajoutée sont néanmoins d’excellents
produits. De là à mettre des bonbons qui rendent beau dans le panier d’épicerie...
L’œuf
et la poule
Si vous avez à dépenser un peu plus pour votre épicerie, mieux vaut
mettre le dollar supplémentaire sur des œufs oméga-3 plutôt que du
lait oméga-3, conseille l’auteur et conférencier Romain Gagnon. Car
pour que les oméga-3 se retrouvent dans l’œuf, il a fallu nourrir la
poule avec des graines de lin. La poule a la capacité de synthétiser les
acides oméga-3 contenus dans cette source végétale pour les rendre
aussi efficaces que ceux qui sont d’origine marine. Pas les humains.
Pour produire le lait oméga-3, on a simplement ajouté de l’huile de
lin dans le produit final. « Vous pouvez boire autant de lait oméga3 que vous voulez, vous ne réussirez jamais à en boire assez! » dit
Romain Gagnon. Parce que le corps humain transforme très peu les
acides oméga-3 de type ALA du lin en acides AEP ou ADH. Alors
que la poule, elle, peut le faire plus efficacement.
Plusieurs producteurs laitiers nourrissent maintenant leur vaches
avec des graines de lin, pour obtenir un lait oméga-3 qui se compare
aux œufs oméga-3. D’où l’importance de bien lire les étiquettes. Il
faut chercher l’indication ADH sur l’étiquette du breuvage laitier si on
veut obtenir les bienfaits des oméga-3 sur le cerveau, par exemple.
Des industriels utilisent aussi ce type de lait. De plus en plus de
fromages sont faits avec ce type de lait. Ce qui permet aux fromagers
de présenter leur cheddar oméga-3 comme ayant des effets bénéfiques
pour les yeux, les nerfs et le cerveau. Des éleveurs québécois nourrissent aussi leurs animaux avec des graines de lin pour ensuite pouvoir
vendre leur viande « oméga-3 ». Les fabricants alimentaires qui vendent des produits contenant de l’ADH ont tendance à le mettre bien
en évidence, sur leurs emballages.
Question
d’étiquette
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Au Canada, l’industrie alimentaire ne peut pas directement indiquer les bienfaits potentiels d’un aliment sur son emballage. Selon
la politique canadienne sur les aliments fonctionnels, qui date
de 1998, on ne peut établir de lien direct entre un produit et un
bienfait. Et il est interdit de faire la promotion d’un aliment en le
présentant comme une mesure préventive pour une maladie. Vous
ne lirez donc jamais sur une étiquette de yogourt : « Favorise le
développement de la mémoire ».
« On n’a pas le droit de dire que c’est un antioxydant, explique
Benoît Boucher, de Lassonde, à propos de son jus aux baies et à la
grenade. Et on ne pouvait pas uniquement dire que ça contient des
polyphénols. On ne peut pas s’attendre à ce que le consommateur
sache ce que ça représente. » Alors les gens de marketing de Lassonde ont trouvé une astuce tout à fait légale : leur jus s’appelle
Antioxia ! « Santé Canada nous limite énormément, alors on joue
beaucoup sur l’imagerie », dit Benoît Boucher.
C’est ce qui explique que Kellogg ait mis un beau cœur rouge
sur sa boîte de céréales Guardian. Au bas de la boîte, deux annonces. D’abord qu’une alimentation saine, pauvre en gras saturés et
en gras trans peut réduire le risque de maladies du cœur. Ensuite,
que les céréales Guardian avec psyllium sont pauvres en gras
saturés et gras trans. Le consommateur peut donc faire lui-même
le lien entre le produit et l’effet. La compagnie a aussi lancé le site
psyllium.ca. Le consommateur intrigué par les bienfaits de la fibre
se rend à l’adresse et tombe sur le site de Kellogg.
Pour leur campagne dans les magazines, certains publicitaires ont choisi de publier deux annonces. La première présentera
les résultats positifs d’une recherche sur les antioxydants, tel un
message d’intérêt public. La deuxième, aux mêmes couleurs que
la première, vantera directement le produit en mentionnant qu’il
contient des antioxydants. Encore une fois, aucun lien direct n’est
fait par le fabricant…
Ce genre d’allégation, peu importe la façon dont elle serait présentée, est interdite sur la nourriture pour bébé.
Manger
pour être beau
L’alimentation esthétique est à nos portes. Poussant
encore plus loin les principes de l’alimentation fonctionnelle, Danone a présenté Essensis, un petit pot de
yogourt rose, qui rend la peau belle. Le yogourt est
déjà offert en France et en Italie.
La multinationale n’est pas la seule à s’intéresser à la
beauté de ses consommatrices. Une société du Japon,
pays précurseur en matière d’aliments fonctionnels, a
aussi lancé les Pure Beauty Strips. Ce bonbon a aussi la
prétention de nourrir la peau. Il contient notamment
du collagène.
Le chocolat
fonctionnel
Le chocolat noir est de plus en plus réputé pour ses
bienfaits sur la santé du cœur. Ce n’est d’ailleurs pas
un hasard si les multinationales du chocolat lancent
des versions noires de leurs produits vedettes. Elles
achètent aussi souvent des petites confiseries qui font
du chocolat haut de gamme, plus fort en cacao, donc
plus riche en composés flavonoïdes.
Les petites tablettes de chocolat CocoaVia se présentent d’ailleurs comme un réducteur de cholestérol. Les
petites barres, qui prétendent aussi aider la circulation
sanguine, ne sont toujours pas offertes au Canada. Des
chocolats enrichis d’oméga-3 de type DHA commencent également à faire leur apparition, en vente par
Internet.
La compagnie d’ingrédients montréalaise Lallemand a mis au point des probiotiques de trois souches
qui sont enrobés. La technologie de micro-encapsulation rend les bactéries résistantes à l’acidité gastrique.
La compagnie veut commercialiser ainsi un chocolat
probiotique qui pourrait être utilisé par les fabricants
de biscuits, de crème glacée ou de céréales à déjeuner.
Les spécialistes interrogés à ce sujet étaient tous
dubitatifs. Ils craignent que des fabricants en profitent
pour vanter des produits qui sont gras ou sucrés. La
diététiste Isabelle Huot croit que Santé Canada devrait
légiférer en ce sens et ne pas permettre à n’importe qui
d’ajouter n’importe quoi. Un aliment fonctionnel doit
rester un aliment sain, croit cette spécialiste.
Afin d’établir les vertus de la gomme à mâcher, le
fabricant de la gomme Juicy Fruit a fondé l’Institut
scientifique Wrigley. Le but de cet organisme est de
« faire avancer les recherches sur la santé et le bienêtre de mâcher de la gomme ». Rien pour rassurer la
diététiste...