La lutte contre la piraterie maritime : de la capacité de l’UE en tant qu’acteur régional à
développer une action à vocation universelle
Gwenaele Proutière-Maulion
Vice-Présidente Affaires européennes et relations internationales
MCF-HDR
Centre de droit maritime et océanique EA 1165
Institut Univ. Mer et Littoral
FR-CNRS 3473 (CNRS / Université de Nantes / IFREMER/ ECN)
Qu’elle soit asiatique, somalienne, africaine ou autre, la piraterie s’inscrit dans une
recomposition globale des échanges mondiaux et des avantages qu'en tirent les populations
littorales1, illustrant ainsi leur capacité à s’adapter à la mondialisation en modernisant des
pratiques ancestrales. Pour autant cette adaptation n’est pas uniforme, de même que la
piraterie n’est pas une mais répond à des motivations, des pratiques et des dynamiques
différentes2. Du Golfe d’Aden au golfe de Guinée, cibles, modes opératoires et alibis
politiques sont ainsi très différents.
La résurgence de ce phénomène, que l’on croyait à tort disparu, démontre aujourd’hui
combien l’internationalisation des routes maritimes ne permet plus une simple réponse
étatique unilatérale. Les enjeux économiques liés à la sécurisation du transport maritime ont
donc conduit pour la première fois les Etats à réellement coopérer pour endiguer le
phénomène de la piraterie maritime. Il en est résulté ces dernières années une pluralité
d’actions nationales, européenne et internationales se traduisant notamment par l’adoption de
résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ou la mobilisation multilatérale de forces armées.
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1 Isemar, note de synthèse n° 128, 2010
2 C. P Coutansais, La piraterie moderne, nouvel avatar de la mondialisation, Revue Internationale et stratégique,
A. Colin, 2008/4, n° 72
A travers l’opération ATALANTA, qui constitue, désormais, le cadre juridique de référence
de la coordination et de la coopération des moyens navals européens de lutte contre la
piraterie au large des côtes somaliennes3, l’Union européenne s’est affirmée, de façon tout à
fait inattendue, comme un acteur essentiel dans la sécurisation du transport maritime dans une
région aux multiples enjeux géo-stratégiques. Pour autant, la seule réponse à l’endiguement
de la piraterie maritime ne peut-être seulement militaire, ne serait-ce que pour des raisons de
coût pour les pays européens. Au-delà de la lutte armée contre la piraterie, l’UE cherche donc
aussi à en comprendre les racines pour envisager un processus politique et juridique de lutte
contre le phénomène s’inscrivant dans une politique globale d’aide au développement.
Forte des enjeux économiques de la sécurisation des transports maritimes, l’UE a su ici
s’imposer, non pas seulement au nom de la sécurisation du transport maritime mondial mais
en faisant prévaloir une vision globale alliant action militaire et judiciaire à l’aide au
développement. Si l'engagement de l'UE dans la Corne de l'Afrique est défini par l'importance
géostratégique de la région et les relations qu’elle entretient de longue date avec certains pays
de la région, son souhait de contribuer à sortir les populations de la pauvreté pour les faire
accéder à l'autonomie économique, lui a permis de développer une politique globale visant
tant à endiguer les actes de pirateries qu’à doter les Etats riverains de structures juridiques
leur permettant de disposer de moyens autonomes de lutte contre ce phénomène. L’ensemble
de ces actions illustre une réelle volonté politique de l’UE de parvenir à un règlement durable
de la crise somalienne en alliant les volet politique, sécurité des routes maritimes,
développement et aide humanitaire4. L'UE apporte ici une assistance au travail mené par le
Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et l'Office des Nations unies
contre la drogue et le crime (UNODC) en vue de créer des conditions suffisantes pour
permettre la tenue en Somalie de procès équitables et efficaces en matière de piraterie. Il ne
s'agit toutefois que d'une solution à moyen et long terme. Cette assistance à la Somalie est
étroitement coordonnée avec le dialogue politique que mène actuellement l'UE avec le
gouvernement fédéral et d'autres autorités somaliennes, et la coopération concernant la lutte
contre la piraterie constitue un volet important de ce dialogue.
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3!Le succès de cette opération Atalanta3, a conduit en janvier 2013 l’UE à annoncer le développement d’une
nouvelle opération, destiné cette fois à renforcer la sécurité dans le golfe de Guinée. Le programme CRIMGO
(routes maritimes critiques du golf de Guinée) doit permettre de former des gardes-côtes et sécuriser les grands
axes maritimes.
4 L’UE est le principal donateur pour la Somalie avec près de 500 millions d euros engagés depuis 2008.
La conciliation des enjeux sécuritaires, économiques et humanitaires trouve ici son
aboutissement dans la tentative de définir un schéma global de développement durable qui
soit géo-politiquement pérenne, en conformité avec l’action développée par l’UE au sein des
organisations internationales.
Cette contribution vise donc à analyser la lutte contre la piraterie dans un contexte global
d’aide au développement afin de voir comment l’UE peut s’affirmer sur ce terrain comme un
acteur majeur dans un nouvel ordre politique mondial en émergence, alors même que jusqu’à
présent l’approche retenue concernant les accords de partenariats économiques sensée
impulser une nouvelle approche en faveur du développement s’est révélée contreproductive
concernant les pays ACP. L’enjeu est ici clairement de démontrer à travers l’exemple de la
lutte contre la piraterie, la capacité d’un acteur régional à avoir une action à vocation
universelle.
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