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Je suis issu du milieu mutualiste et du Ministère des Finances, bien que je ne préside plus la mutuelle
des agents des impôts. Je partage mes activités entre les régimes obligatoires des financeurs et les
mutuelles complémentaires. Je vous rappelle que je représente la mutualité auprès de la Caisse
Nationale d’Assurance Maladie. Par ailleurs, j’ai animé les Etats généraux de la Santé et j’ai publié
un rapport sur la place de l’usager dans le système de santé. Bien que l’analyse du système de santé
soit désormais admise dans les mentalités, elle constituait encore une petite révolution dix ans
auparavant.
Lors des Etats généraux de la Santé, nous avons beaucoup évoqué la médicalisation du social et
l’attente pressante de la société à l’égard de la médecine pour la prise en charge de maux qui ne sont
pas obligatoirement de son ressort. De plus, nous nous sommes interrogés, de manière provocatrice,
sur la nécessité de socialiser la médecine après avoir médicalisé le social. Néanmoins, nous n’avions
pas retenu cette formulation lors de la préparation des Etats généraux de la Santé, car elle risquait
de provoquer une confusion des genres et des rôles, notamment en matière de responsabilité
partagée.
Lorsqu’il évoque le partage des décisions, l’Ordre des médecins semble avoir dépassé les attentes
des usagers, car ces derniers n’ont pas encore demandé le partage des décisions. Bien que le
paternaliste ne soit plus de mise et que les malades souhaitent l’instauration d’un dialogue avec leur
médecin, je ne suis pas certain que ces derniers attendent une véritable relation équilibrée. La
relation entre la personne malade et celle qui veut la guérir ne sera effectivement jamais équilibrée.
Par conséquent, il n’est pas opportun de chercher à instaurer une relation parfaitement équilibrée qui
ne correspond ni à l’attente des patients ni à un bon exercice de la médecine.
En revanche, je suis convaincu que les usagers ont de fortes demandes. Vous constaterez que
j’emploie volontairement le terme « usager » au lieu du terme « malade », car la personne malade
rencontre parfois des difficultés pour exprimer une demande à cause de son état de faiblesse et de
relative dépendance. L’usager revêt une dimension collective qui permet d’exprimer une attente
légèrement détachée du vécu individuel.
J’ajouterai que la première demande des usagers concerne la qualité. Nous sommes passés d’une
confiance aveugle à une suspicion excessive, générant une exigence de qualité dans l’exercice
individuel de la médecine. Le débat sur les procédures d’habilitation est indéniablement demandé par
les malades, car ceux-ci veulent connaître les compétences et les qualifications de leur praticien. Ils
savent, en effet, que le métier est devenu plus complexe, que la spécialisation s’est accrue et que les
médecins n’ont pas la possibilité d’exercer toutes les facettes de la médecine. Le Conseil scientifique
de la CNAM a mené une enquête auprès des sociétés savantes sur ce thème démontrant que celles-
ci sont favorables à l’information des patients sur les qualifications de leur médecin. Bien que le sujet
reste tabou, car il entraîne de profondes modifications dans l’organisation de notre système de santé,
nous constatons que les sociétés savantes commencent à édicter des normes en matière de
formation, de nombre d’actes, d’environnement des actes, que les patients souhaiteraient connaître.
De plus, les patients pointent les problèmes de continuité et de coordination des soins, qui ont été
évoqués dans un texte rédigé, au mois de juin 2001, par l’Ordre des médecins sur les nouveaux
modes d’exercice. L’application de ces idées nécessite de réaliser des transformations profondes qui
affectent les modes de rémunération et les modes d’organisation du système de soins.
J’ajouterai que nous avons reçu, lors de l’organisation des Etats généraux de la Santé, de
nombreuses interrogations des patients sur les contours des métiers de chaque professionnel de
santé. Nous avons été surpris, par exemple, que la consultation systématique d’un ophtalmologiste
avant la réalisation d’un bilan visuel interpelle les patients, car d’autres pays ont retenu d’autres
organisations. Ces questions complètent, par exemple, le problème de la démographie médicale et
nous conduisent à nous interroger sur les conséquences de ce facteur sur l’évolution des métiers de
la santé. Nous pouvons imaginer que les techniques de numérisation des examens ophtalmologiques
permettront demain de confier la réalisation d’un fonds d’œil à un infirmier, ou à un technicien. Le
dépistage de certaines maladies, comme le diabète, serait peut-être plus performant qu’actuellement.