Sommet Social Tripartite

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SPEECH/04/153
Romano Prodi
President de la Commission européenne
Sommet Social Tripartite
Sommet Social Tripartite
Brussels, 25 March 2003
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs,
Jamais la réunion traditionnelle de printemps entre la Commission, les plus hauts
représentants du Conseil et les partenaires sociaux européens n’a revêtu un sens
symbolique aussi fort et jamais elle ne s'est tenue à un moment plus opportun.
Nous sommes tous profondément marqués par la douleur des récents attentats de
Madrid. Mais ce qui nous frappe encore plus, c’est le fait qu'on a voulu frapper
aveuglément des citoyens sans défense, dont beaucoup se rendaient à école ou au
travail.
Ces gens portaient en eux les mêmes préoccupations, les mêmes joies et les
mêmes responsabilités que des millions d’autres Européens, qui, au même
moment, faisaient la même chose.
À cet instant, nous nous sommes tous sentis madrilènes, nous avons tous eu le
sentiment de partager leur tragique destin, tant la barbarie qui les frappait était
grande et tant ses objectifs paraissaient absurdes et inhumains.
Mais avec la douleur, il y avait l'orgueil d'être européens, l’orgueil de voir nos
concitoyens répondre aux terroristes avec dignité et fermeté.
Dans toute l’Europe, des millions de personnes sont descendues dans la rue. Les
électeurs espagnols, trois jours seulement après la tragédie, sont sortis voter en
masse. Ce sont là des signaux extraordinaires.
Les Européens ont dit non à la barbarie et à la violence par leur participation à la vie
civile et à l'exercice de la démocratie. Il est clair qu’avec—ces gens-là, les
terroristes ont déjà perdu la partie sur les plans politique et idéologique.
La sérénité et la maturité exprimée en ces instants si tragiques par le vote du
peuple espagnol resteront un exemple pour l'Europe et pour le monde entier.
Toutefois, au-delà des élections, je me sens tenu de nous rappeler à tous,
organisations patronales et mouvements syndicaux, gouvernements et autorités,
notre devoir de rester mobilisés pour défendre nos valeurs fondamentales.
En de tels moments, des mots comme «dialogue», «concertation» et «partenariat»
pèsent plus lourd.
Autour de cette table sont représentées des forces politiques et sociales ayant des
intérêts différents et traditionnellement opposés, mais toujours unies dans leur
confiance en un dialogue civil et démocratique. Notre dialogue d'aujourd'hui peut
prouver que les partenaires sociaux forment un front uni contre les menaces
extérieures.
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«Partenariat européen pour le changement» est l’expression choisie par la
Présidence pour résumer le sens de notre dialogue de ce jour. Elle est bien choisie,
car, tout en ne cachant pas les défis, elle propose une méthode pour les relever et
les gagner.
Le principal défi concerne le système économique européen, qui doit changer en
profondeur si nous voulons assurer le succès de la stratégie de Lisbonne. Nous
n'avons pas d'autre choix dans une économie mondiale dominée par nos
concurrents internationaux traditionnels, comme les États-Unis et le Japon, et où les
nouveaux géants économiques asiatiques font leur entrée.
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Pour tenir le rythme de la mondialisation, nous devons construire une société et une
économie de la connaissance et nous reprendre la tête de l'innovation scientifique
et technologique dans le monde.
À cet égard, nous devons tirer parti des occasions offertes par l'élargissement, qui,
après le 1er mai, permettra d’opérer dans le plus grand marché intérieur au monde.
Enfin, nous devons réformer nos politiques pour faire face aux conséquences
économiques et sociales du vieillissement de la population. Et cela implique
aussi d’ouvrir avec sagesse nos marchés du travail à nos nouveaux concitoyens de
l'Europe orientale et méridionale.
Nous devons en outre créer un système d'incitations ciblant autant les entreprises
que les travailleurs et visant à allonger la vie active, et nous devons aussi revoir nos
systèmes de protection sociale et de retraite. Sur ce point, je tiens à réaffirmer avec
force ma pensée: ces réformes ne doivent pas servir à démanteler l'État social,
mais à le préserver pour les générations futures.
Compte tenu de ces faits, il est clair que les vrais défis lancés à l'Europe ont à
présent une nature et une dimension continentales. Nous ne pourrons les relever
que par une action concertée des partenaires sociaux dans toute l'Union.
La concertation sociale est le meilleur moyen de gérer et de conduire ces
changements, car l’opposition et la confrontation nous ralentiraient, alors même que
nos concurrents internationaux se meuvent plus rapidement.
Nous devons donc agir de concert et accélérer le pas dans la voie de nos objectifs,
qui sont la compétitivité, la croissance durable et plus d'emplois.
Pour augmenter durablement la compétitivité de notre système économique, il
nous faut investir plus et mieux dans la recherche, dans l’éducation et dans la
formation. En bref, nous devons miser sur le développement de nos ressources
humaines.
En outre, il nous faut créer des conditions favorables aux entrepreneurs et à
l’accélération du développement économique, sans oublier évidemment le pacte qui
nous lie aux générations futures. Nous devons donc miser sur une croissance
durable, tant sur le plan social que sur celui de l’environnement.
S’agissant du travail, la problématique est plus complexe: d'une part se pose la
question de la qualité et des conditions de travail dans les entreprises, de l'autre
celle de l'emploi.
À l’une et l’autre se superpose la question de la recherche du point d'équilibre entre
flexibilité et sûreté du travail. C’est probablement l'objectif le plus ambitieux du
dialogue social.
La faculté d'adaptation du système économique est un facteur de plus en plus
important du succès économique. La solution consiste, selon moi, à augmenter les
investissements pour permettre aux travailleurs de développer leurs qualifications et
de les adapter aux principales conditions du marché.
Toutefois, la question la plus sérieuse est cette de l'emploi, parce qu'elle est liée
très étroitement au problème de l'exclusion sociale. Dans quelques États membres,
les taux d'emploi restent encore trop bas. Leur relèvement doit rester une priorité de
l'action publique et des partenaires sociaux.
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Cela signifie que nous devons tout faire pour attirer davantage de gens dans le
monde du travail, et j’ajouterais que nos efforts doivent se diriger essentiellement
vers les femmes et les travailleurs âgés.
Ces questions, dans leur ensemble, sont au cœur du modèle européen de
développement économique et social. Ils sont complexes, mais la concertation
sociale et le dialogue avec les autorités publiques au niveau européen peuvent
produire des réponses efficaces et positives.
Hier, des Parlementaires de trois États membres m'ont transmis une pétition pour
l'Europe Sociale. Je crois utile d’en rappeler les objectifs: de l’emploi pour tous, une
société solidaire, un taux de pauvreté aussi bas que possible, un toit pour chacun,
l'égalité de traitement. Ces objectifs doivent, encore et toujours, rester bien clairs
afin de préserver le modèle de développement social et économique européen, dont
nous sommes à juste titre jaloux et fiers.
Je vous remercie.
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