Sémiologie des maladies respiratoires

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6-000-C-50
Sémiologie des maladies respiratoires
S. Jouneau, M. Kerjouan, R. Corre, P. Delaval, B. Desrues
La sémiologie respiratoire est riche. La connaître est important car cela permet d’émettre des hypothèses
diagnostiques fiables qui, confirmées ou non par des examens complémentaires ciblés, amèneront au
diagnostic. L’interrogatoire permet tout d’abord de préciser l’identité du patient, ses antécédents et son
contexte de vie, préalable nécessaire. Ensuite vient l’analyse des symptômes principaux des affections respiratoires : toux, dyspnée, douleur thoracique, expectoration, hémoptysie, sans oublier les signes associés
qui ont une importance majeure. Puis l’examen physique, au travers de l’inspection, l’auscultation, la
percussion et la palpation, conduit au dégagement de grands syndromes cliniques. Ces derniers permettront enfin l’établissement d’hypothèses diagnostiques. Ces étapes fondamentales de l’examen clinique
pneumologique seront successivement détaillées dans cet article.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Toux ; Expectoration ; Hémoptysie ; Dyspnée ; Douleur thoracique ; Inspection ; Vibrations vocales ;
Percussion ; Crépitants ; Sibilants
Plan
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Introduction
1
■
Interrogatoire
Motif de consultation
Antécédents
Traitements
Mode de vie
Histoire de la maladie
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2
2
2
3
■
Examen physique
Inspection
Palpation
Percussion
Auscultation
7
7
9
9
9
■
Conclusion
10
Introduction
La sémiologie est l’élément fondamental de la pratique médicale. En effet, les informations recueillies avec méthode et rigueur
lors de l’interrogatoire, renseignant sur le terrain, les signes
fonctionnels et généraux, combinées aux données de l’examen clinique, doivent permettre d’émettre les hypothèses diagnostiques
au sein desquelles émergera le diagnostic final. Seront abordées
successivement les données de l’interrogatoire et de l’examen
EMC - Pneumologie
Volume 0 > n◦ 0 > xxx 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-195X(14)56561-9
clinique. Le plan d’observation proposé dans cet article est partial, et chaque clinicien l’adaptera en fonction de ses habitudes,
l’essentiel étant d’être le plus exhaustif possible.
Interrogatoire
Outre son rôle essentiel dans la démarche diagnostique, cette
étape est importante car c’est au cours de l’interrogatoire que va
s’établir le lien de confiance avec le patient. L’interrogatoire permet de recueillir le motif de consultation, les données en rapport
avec le terrain (antécédents, traitements, mode de vie), et de retracer l’histoire de la maladie en analysant les signes fonctionnels
dont se plaint le patient.
Motif de consultation
Le plus souvent il s’agit d’un ou plusieurs signes fonctionnels
rapportés par le patient (détaillés ci-dessous) ou plus rarement par
son entourage.
Le patient peut consulter à la suite de la découverte fortuite
d’une anomalie sur une radiographie thoracique (médecine du
travail) ou un scanner réalisé pour une autre indication (bases pulmonaires visibles sur les coupes hautes d’un scanner abdominal,
coroscanner, etc.).
La présence de signes d’altération de l’état général, d’une fièvre
au long cours, d’un syndrome inflammatoire inexpliqué peut justifier la recherche d’une cause respiratoire.
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Antécédents
La connaissance du passé médical des patients, respiratoire et
extrarespiratoire, est indispensable et peut apporter des éléments
diagnostiques déterminants en relation avec le problème actuel.
Antécédents personnels
On doit considérer :
• les antécédents médicaux : la difficulté est le recueil le
plus exhaustif possible car certaines pathologies chroniques
comme le diabète, l’hypertension artérielle, l’insuffisance coronarienne, voire la notion d’une infection par le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) peuvent sembler pour le
patient éloignées du problème actuel et risquent de ne pas
être mentionnées. Par ailleurs, des maladies de l’enfance,
comme l’eczéma, l’asthme, les infections respiratoires à répétition ou la tuberculose risquent d’être oubliées par les
patients âgés. On devra rechercher un éventuel examen
radiologique thoracique antérieur afin de le comparer à
l’imagerie actuelle et ainsi orienter la prise de décision (stabilité d’un nodule avec recul de nombreuses années [1] ). Il
faudra rechercher des antécédents d’allergie en particulier
médicamenteuse du fait de sa valeur médicolégale. Un rash
cutané, un œdème de Quincke ou un choc anaphylactique
sont des contre-indications absolues à la réintroduction du
traitement incriminé alors qu’une diarrhée, une mycose ou
des vomissements évoquent une intolérance et non une allergie. Le syndrome de Widal associe une allergie/intolérance à
l’aspirine à un asthme et une polypose nasosinusienne. En
pneumologie, les allergènes inhalés ou pneumallergènes (pollens, acariens, poils d’animaux, etc.) doivent être recherchés
du fait de leur rôle important dans l’asthme et la rhinite
chronique allergique alors que les allergènes alimentaires (trophallergènes) peuvent être impliqués mais dans une moindre
proportion ;
• les antécédents chirurgicaux : toute chirurgie doit être précisée (nom du chirurgien, date et lieu de l’intervention) afin
de rechercher le compte-rendu opératoire. Certaines chirurgies
vont s’accompagner de traitements médicaux au long cours
comme une anticoagulation en cas de remplacement valvulaire par une valve mécanique ou un collyre bêtabloquant,
responsables de bronchospasme chez l’asthmatique [1] , en cas
de glaucome ;
• les antécédents gynéco-obstétricaux : la notion de fausses
couches à répétition peut orienter vers un syndrome des antiphospholipides, une stérilité vers une dilatation des bronches
(DDB) sur dyskinésie ciliaire. La ménopause est un facteur de
risque d’ostéoporose et de syndrome d’apnée du sommeil.
Antécédents familiaux
Certaines maladies comme la tuberculose se transmettent au
sein d’une famille. Ainsi, il faudra rechercher les notions de séjour
en sanatorium ou en préventorium, de « voile au poumon », de
point de pleurite chez un membre de la famille. Certains traits ou
maladies génétiques peuvent également être communs comme le
terrain atopique (eczéma, asthme, rhinite chronique allergique)
ou la mucoviscidose.
Traitements
La recherche exhaustive des traitements est essentielle pour
trois raisons. Ils vont « révéler » des pathologies « oubliées » par
le patient car pour lui sans lien apparent avec son problème respiratoire (par exemple, l’aspirine à faible dose en rapport avec une
cardiopathie ischémique stentée ou une artériopathie oblitérante
des membres inférieurs). Ils peuvent induire une pathologie respiratoire (le site www.pneumotox.com est dédié aux complications
respiratoires des médicaments). Enfin, ils pourront interagir avec
les traitements que l’on souhaite proposer. L’idéal est de disposer des ordonnances afin de prendre connaissance de l’intégralité
des médicaments et de leurs posologies. Quand on ne dispose
pas de ces informations, il faut reconnaître que l’enquête peut
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être difficile car les traitements pris de façon routinière depuis
des années, comme les sprays, les topiques cutanés ou les collyres
bêtabloquants, sont facilement « oubliés ». De plus, certains traitements, en lien avec une pathologie considérée par le patient
comme « honteuse » (non mentionnée spontanément d’ailleurs)
peuvent aussi être « cachés » (antidépresseurs, somnifères, médicaments favorisant l’érection, etc.). Enfin, il faudra rechercher les
médicaments en vente libre tels que les anti-inflammatoires non
stéroïdiens.
Mode de vie
Il faut aborder systématiquement de nombreux aspects de la vie
du patient, en particulier la profession, d’éventuelles intoxications
ou addictions, le statut marital, l’habitat, les loisirs, en particulier
les voyages et les animaux au domicile.
« Curriculum laboris »
Il ne faut pas se contenter de la dernière profession exercée
et il faudra faire préciser l’ensemble du parcours professionnel et
faire décrire les conditions de travail de métiers peu connus qui
pourraient être liés à une exposition particulière tant les aérocontaminants potentiellement responsables de maladies respiratoires
(et en règle professionnelles) sont variés (les plus connus :
silice, amiante, métaux lourds, isocyanates mais aussi poussières
organiques chez les agriculteurs). Certaines pathologies comme
les pneumoconioses, les asthmes et les cancers bronchiques
doivent faire envisager le recours aux services de pathologies professionnelles afin d’initier d’éventuelles mesures de
reconnaissance.
Statut marital
Il doit être connu. En effet, on hospitalisera un patient isolé
alors qu’il aurait pu rester à domicile avec un conjoint valide. On
pourra donc être amené à s’assurer de l’état de santé des personnes
de l’entourage [2, 3] .
Origine géographique et voyages
L’origine géographique peut orienter vers certaines pathologies,
notamment infectieuses. L’Afrique, l’Asie, l’Europe de l’Est sont
des zones de forte endémie tuberculeuse et de risque de souches
multirésistantes. Il faut connaître la zone de résidence ou de vie
dans l’enfance, le pays où a été effectué le service national ou
d’éventuels voyages professionnel ou pour les loisirs.
Addictions et intoxications
Tabagisme
On précisera l’âge de début, la durée, la date de sevrage éventuel.
L’intoxication tabagique est mesurée en nombre de paquetsannées (PA) : un paquet de 20 cigarettes (20 g de tabac) par jour
pendant un an correspond à 1 PA. Si l’on a fumé dix cigarettes par
jour pendant 20 ans, puis 40 cigarettes par jour pendant dix ans,
on totalisera 10 + 20 soit 30 PA. Cette intoxication conditionne
le développement de nombreuses pathologies respiratoires dont
la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) posttabagique et les cancers bronchiques.
Alcool
L’intoxication alcoolique est mesurée en grammes par jour. Une
unité d’alcool (un verre de vin de 10 cl ou 5 cl d’alcool fort) représente 10 g. Une consommation est considérée comme excessive si
elle dépasse 30 g d’alcool par jour, tous les jours.
Autres intoxications
La consommation de cannabis est en progression, en particulier chez les jeunes. Il peut être fumé sous forme de joint, inhalé
massivement sous forme de « bang ». La quantification se fait en
« joint-année » calqué sur le PA : un joint par jour pendant un
an correspond à un joint-année. Cocaïne, héroïne, ecstasy, LSD
doivent aussi être recherchés, ainsi que leur voie d’administration.
EMC - Pneumologie
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Animaux
La présence d’animaux peut être responsable d’allergies respiratoires et décompenser ou révéler un asthme. Les oiseaux peuvent
induire soit une pneumonie atypique, la psittacose, d’évolution
parfois fatale [4] , soit une pneumopathie d’hypersensibilité [5] , le
poumon d’éleveur d’oiseaux, liée à l’inhalation aiguë ou chronique d’allergènes en lien avec les déjections d’oiseaux ou les
plumes.
Loisirs
En fonction du motif de consultation ou du tableau clinique,
la revue des loisirs peut être importante : la pratique du kayak
peut exposer à la leptospirose. L’utilisation d’un jacuzzi expose au
risque de pneumopathie d’hypersensibilité (hot tub lung) [5] .
Histoire de la maladie
Elle repose sur l’analyse des cinq principaux signes fonctionnels
(ou symptômes) respiratoires : toux, expectoration, hémoptysie,
douleur thoracique et dyspnée, ces deux derniers étant partagés
avec la sémiologie cardiovasculaire. Étape relativement simple
chez un patient sans antécédent particulier consultant pour
une symptomatologie aiguë bien caractérisée, elle peut être plus
difficile à retracer chez un patient aux lourds antécédents pathologiques et/ou présentant une pathologie évoluant depuis plusieurs
mois, pour laquelle il a reçu de nombreux traitements. Dans ce
cas, il est d’abord essentiel de retracer de façon précise la chronologie des faits à cause du risque de confusion entre les événements
récents et plus anciens. L’analyse rigoureuse des signes fonctionnels est déterminante et oriente, dans la majorité des cas, vers les
hypothèses diagnostiques les plus vraisemblables.
Toux
La toux est un acte réflexe, neurogène, de défense de l’appareil
respiratoire [6] .
Mécanisme
Elle comporte trois phases :
• une phase inspiratoire ;
• une phase d’expiration active à glotte fermée puis ;
• une phase d’expiration lors de l’ouverture subite de la glotte
assurant une expulsion à très fort débit de l’air et des sécrétions contenues dans l’arbre trachéobronchique. Elle est le plus
souvent involontaire mais peut être commandée.
L’arc réflexe est le suivant :
• des récepteurs (surtout à l’irritation) et des nerfs afférents
(principalement le nerf vague ou X) provenant en particulier
des régions pharyngolaryngées, trachéobronchiques (éperons
de bifurcation des grosses bronches) et pleurales mais aussi
de l’oreille moyenne, du médiastin voire d’organes sousdiaphragmatiques, envoient les informations à ;
• des centres bulbaires (avec connexions corticales) qui activent ;
• des nerfs moteurs efférents à destinée glottique, intercostale,
diaphragmatique et musculaire abdominale. La musculature
abdominale joue un rôle majeur dans le caractère actif de
l’expiration forcée.
Analyse
• Chronologie : la toux peut être aiguë (< trois semaines), subaiguë (trois à huit semaines), le plus souvent liée à une pathologie
infectieuse bronchique ou des voies aériennes supérieures (VAS)
(ou une otite chez le petit enfant) ou chronique (> huit
semaines), imposant toujours la réalisation d’une radiographie
thoracique. Il faut en évaluer la périodicité : annuelle ou en lien
avec les saisons, hebdomadaire, pouvant être améliorée le soir
ou les week-ends, suggérant un lien avec l’habitat ou l’activité
professionnelle, et l’horaire : matinale, nocturne, etc.
• Circonstances de survenue : à l’occasion de changements de
position (reflux gastro-œsophagien [RGO] ou pathologie pleurale) ; lors de la déglutition (fausses routes) ; secondaire à une
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irritation pharyngée, avec sensation d’écoulement nasal postérieur ; liée à l’effort, aux changements de température (asthme).
• Caractères objectifs : elle peut être productive (toux grasse),
de timbre humide, produisant une expectoration qui peut
être déglutie, ce qui est la règle chez la femme et l’enfant
(cette toux peut être inefficace, nécessitant, pour permettre
l’issue des sécrétions, des manœuvres de kinésithérapie) ; sèche,
de timbre plus aigu, sans expectoration, souvent par quintes
faites de secousses répétitives, asthéniantes comme dans la
coqueluche (son caractère irritatif peut autoriser la prescription d’antitussifs, ce qui ne doit jamais être le cas pour
une toux productive ou chez l’insuffisant respiratoire) [7] ;
émétisante, compatible avec la coqueluche [8] ; douloureuse,
s’accompagnant d’un point de côté ; obnubilante, entraînant
une perte de connaissance (on parle aussi de toux syncopale).
Le timbre doit être analysé : toux éteinte, rauque, bitonale, ainsi
que le rythme : secousses espacées ou quintes pénibles.
Conséquences de la toux
La toux peut être à l’origine de complications urinaires (incontinence, surtout chez la femme), cutanées (pétéchies et purpura),
digestives (RGO, hernie inguinale, rupture de cicatrice chirurgicale), musculosquelettiques (fractures costales, augmentation
des créatines kinases sériques, rupture des muscles grands droits
de l’abdomen), cardiovasculaires (perte de conscience par hypotension artérielle, rupture des veines conjonctivales ou nasales),
neurologiques (céphalée post-tussive).
Valeur sémiologique et orientation diagnostique
La toux des maladies pleurales est sèche, douloureuse aux changements de position, augmentée à l’inspiration profonde.
La toux de la coqueluche est faite de quintes prolongées, très
pénibles, avec reprise inspiratoire bruyante (le « chant du coq »).
La toux des maladies laryngotrachéales est faite de quintes
sèches et de timbre rauque.
La toux chronique de la DDB est ancienne (remonte souvent à
l’enfance) et productive (purulente).
La toux sèche chronique du cancer bronchique apparue
quelques semaines auparavant chez un patient fumeur peut ramener une expectoration hémoptoïque.
La toux quinteuse, productive en rapport avec l’alimentation
survient soit lors de troubles de la déglutition (atteinte neurologique) soit en cas de fistule œsotrachéale, le plus souvent dans un
contexte de cancer de l’œsophage.
Principales étiologies des toux chroniques
Les trois principales étiologies des toux chroniques de l’adulte [6]
sont : l’écoulement nasal postérieur, la toux équivalent d’asthme,
le RGO.
Expectoration
Il s’agit de sécrétions anormales par leur abondance ou par
leur composition, d’origine sous-glottique, extériorisées lors d’un
effort de toux. Il ne faut pas confondre l’expectoration avec un
crachat salivaire ou avec un raclement de gorge ramenant des
sécrétions d’origine pharyngée ou nasosinusienne.
Mécanisme
La remontée des sécrétions bronchiques se fait physiologiquement en dehors de la toux grâce au tapis mucociliaire aboutissant
à une déglutition automatique (d’où la valeur du tubage gastrique
dans la recherche des bacilles tuberculeux).
Analyse
• Chronologie : la date d’apparition (récente ou très ancienne) et
l’horaire (diurne, ou à prédominance matinale) seront recherchés.
• Circonstances de survenue : spontanée ou provoquée par certaines positions ou par l’effort.
• Caractères objectifs : l’abondance allant de quelques crachats
espacés jusqu’à la vomique qui est l’issue subite d’un flot de pus
due à l’effraction dans une bronche d’une collection purulente,
à partir d’un abcès du poumon le plus souvent. Cette vomique
peut être fractionnée. D’aspect, elle est :
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◦ translucide ou blanche, filante et aérée : elle évoque la salive ;
◦ transparente et fluide : elle est dite séreuse ;
◦ blanche ou grisâtre, plus épaisse : muqueuse ;
◦ blanc rosé, mousseuse, saumonée dans l’œdème pulmonaire ;
◦ jaunâtre : mucopurulente ;
◦ verte : purulente ;
◦ rouge, sanglante aérée : hémoptoïque.
L’odeur est absente ou fétide, faisant évoquer alors une infection
à germes anaérobies.
Conséquences de l’expectoration
Libératrice, c’est la « toilette bronchique » des patients atteints
de DDB ; suffocante lors des grandes vomiques.
Valeur sémiologique et orientation diagnostique
Il s’agit d’un symptôme banal. Après avoir éliminé un
écoulement nasal postérieur en rapport avec une pathologie
nasosinusienne, une expectoration bien décrite peut être très évocatrice de certaines pathologies :
• dans la DDB, elle est chronique, matinale, provoquée par
les changements de position, très abondante (bronchorrhée
matinale de plusieurs dizaines de mililitres par jour), mucopurulente, parfois hémoptoïque ;
• dans la pneumonie franche lobaire aiguë à pneumocoque, elle
est peu abondante, nummulaire, de couleur « rouille », visqueuse, chez un adulte jeune venant de ressentir un point de
côté violent suivi d’un grand frisson et d’un pic fébrile à 40 ◦ C ;
• dans l’asthme, elle prend parfois l’aspect d’une expectoration
muqueuse abondante, aiguë, aérée dans laquelle on voit des
grains opalescents, « tapioca cuit » : c’est le « crachat perlé » de
Laënnec, qui termine une grande crise de dyspnée avec sifflements expiratoires ;
• dans l’œdème aigu du poumon cardiogénique, elle est aiguë,
abondante, aérée, rose saumonée, accompagnant une crise dyspnéique croissante, angoissante, survenant chez un patient en
orthopnée ;
• dans la bronchite chronique, elle est peu abondante, muqueuse
(parfois mucopurulente), chez un patient tabagique se plaignant d’une toux et d’une expectoration plus de trois mois
par an, plus de deux années consécutives. Toute modification
durable de la toux ou de l’expectoration doit alerter et faire
rechercher un cancer bronchique.
Hémoptysies
C’est le rejet par la bouche, lors d’un effort de toux, de sang
provenant de l’étage sous-glottique de l’arbre respiratoire [9] .
Mécanisme
On oppose les saignements d’origine artérielle pulmonaire,
à basse pression, rarement abondants, et les saignements plus
fréquents d’origine systémique à haute pression (artères bronchiques), faits de sang rouge vif, pouvant être abondants et mettre
en jeu le pronostic vital.
Analyse
• Chronologie : on en précisera l’ancienneté et l’horaire.
• Circonstances de survenue : brutalement ou annoncée par des
prodromes : chatouillements laryngés, sensation de chaleur
rétrosternale, saveur métallique dans la bouche, angoisse, lipothymies.
• Caractères objectifs : l’abondance doit être précisée en s’aidant
d’objets simples de quantification : cuillère à café, cuillère
à soupe, verre, bol, etc. L’hémoptysie de petite abondance
(< 50 ml) est la plus fréquente, elle est d’aspect variable : rejet
d’une petite gorgée de sang rouge, simples stries sanglantes
dans un crachat muqueux ou purulent, crachat hémoptoïque
noirâtre et visqueux. Même unique et minime, ce saignement
impose le même bilan étiologique qu’une hémoptysie plus
abondante. L’hémoptysie de moyenne abondance correspond
à un rejet de 50 à 200 ml de sang environ. Il est rutilant,
spumeux, aéré, plus ou moins mêlé de crachats. L’examen
physique peut montrer un patient pâle, angoissé, couvert de
sueurs et tachycarde. L’hémoptysie de grande abondance est
d’installation brutale mais parfois précédée d’épisodes moins
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abondants. Son volume est supérieur à 200 ml/h ou supérieur à 500 ml/j. Il existe des signes d’encombrement voire
d’asphyxie. Un traitement d’urgence s’impose, reposant principalement sur l’embolisation artérielle qui consiste à obturer
par voie endovasculaire les vaisseaux responsables du saignement. L’hémoptysie cataclysmique est mortelle en quelques
secondes.
Conséquences
La majeure partie des hémoptysies est de faible ou moyenne
abondance. L’hémoptysie est un signe angoissant qui inquiète
et fait généralement consulter rapidement. L’insuffisance respiratoire aiguë est exceptionnelle, et est secondaire soit à la
grande abondance de l’hémoptysie soit, en cas d’hémoptysies
moins abondantes, à une insuffisance respiratoire chronique
associée. Le patient ne peut pas être en état de choc hémorragique car il sera auparavant asphyxique et décédera avant de se
choquer.
Diagnostics différentiels d’une hémoptysie
Il faut s’assurer de la réalité de l’hémoptysie et éliminer une
hématémèse survenant lors d’efforts de vomissements. Le sang est
plus noir, non aéré, mêlé de caillots et d’aliments. L’hémoptysie
peut être précédée de prodromes digestifs (nausées, douleurs épigastriques) et sera suivie d’un melæna mais celui-ci peut aussi
être observé après une hémoptysie abondante en partie déglutie ; d’une épistaxis en faisant préciser au patient s’il a ressenti
un écoulement pharyngé postérieur précédant l’extériorisation
de sang par la bouche et s’il y a eu un véritable effort de toux.
L’examen de la sphère ORL est indispensable ; une hémosialorrhée qui est la présence de traces de sang dans la salive, par plaie
ou ulcération au sein de la cavité buccale, dont l’inspection est
indispensable devant toute suspicion d’hémoptysie. Ce diagnostic différentiel n’est pas toujours facile. On peut être en présence
d’une hémoptysie abondante en partie déglutie et vomie ou
d’une hématémèse inhalée et expectorée. La survenue dans les
jours suivant l’hémoptysie de quelques crachats de moins en
moins abondants passant du rouge rutilant initial à un aspect
noirâtre (la queue de l’hémoptysie) a une grande valeur rétrospective. Quoi qu’il en soit, une hémoptysie nécessite toujours,
sauf circonstances particulières, la réalisation d’une endoscopie
bronchique.
Causes d’hémoptysies
Les principales causes d’hémoptysies sont : aspergillose, bacille
de Koch (BK) (tuberculose), cancer bronchique, DDB, embolie pulmonaire (EP). En France, le cancer bronchique doit être évoqué
en premier, surtout s’il s’agit d’un patient fumeur. Le plus souvent, les hémoptysies sont répétées, mêlées à une expectoration
mucopurulente. La deuxième cause à envisager est la tuberculose
pulmonaire, l’hémoptysie pouvant en être révélatrice. Le diagnostic, suspecté devant des anomalies radiographiques prédominant
en règle aux sommets, est confirmé par la découverte de mycobactéries tuberculeuses dans les prélèvements (expectoration, tubage
gastrique ou lavage bronchiolo-alvéolaire [LBA]). Les expectorations purulentes de la DDB s’accompagnent parfois d’hémoptysies
qui peuvent être très abondantes. Dans l’EP, on peut observer
un crachat sanglant noirâtre (jus de pruneau) dans les heures
qui suivent des manifestations aiguës respiratoires (douleur, dyspnée, etc.) chez un patient alité, un opéré ou une accouchée. Il
existe de nombreuses autres causes comme l’aspergillose, mycétome aspergillaire développé dans des cavités parenchymateuses
détergées (emphysème, tuberculose, séquelles fibrosantes de sarcoïdose, etc.), les pneumonies nécrosantes, etc. Aucune cause n’est
retrouvée dans 15 % des cas. On dit qu’elle est cryptogénétique.
Un angioscanner thoracique et une fibroscopie bronchique sont
réalisés en urgence afin de localiser le territoire hémorragique,
de déterminer le diagnostic, et de cartographier les artères bronchiques en vue d’une éventuelle embolisation.
Douleur thoracique
Définition, mécanisme
Les poumons n’ayant pas d’innervation sensitive, les douleurs
thoraciques sont liées à des atteintes de la paroi (muscles, os ou
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articulations), de la plèvre, du cœur et des gros vaisseaux (péricarde, myocarde, aorte), de l’œsophage, voire à la projection de
douleurs d’organes sous-diaphragmatiques (vésicule biliaire, estomac, pancréas, reins, appendice iléocæcal).
Analyse
• Chronologie : on précisera le caractère aigu, l’heure pouvant
être précisée tant l’installation est subite ; chronique, souvent
d’apparition insidieuse ; la durée, allant de quelques secondes
à une douleur continue ; l’évolution, progressive ou régressive
ou fluctuante.
• Circonstances de survenue : à l’effort, elle évoque une origine coronarienne, surtout si elle régresse au repos ou à la
prise de trinitrine sublinguale. Une majoration lors de la
toux, des mouvements et à l’inspiration profonde évoque une
origine pleurale. La reproduction ou l’exacerbation à la palpation oriente vers une origine pariétale (toutefois, des douleurs
pleurales peuvent être modérément reproduites à la palpation ou à la percussion thoracique). Une douleur associée
à un syndrome fébrile avec ou sans frissons évoquera une
pneumonie.
• Caractères objectifs : le siège devra être précisé si possible
en montrant du doigt la zone douloureuse. Les irradiations
doivent être recherchées, vers la mandibule, les épaules ;
ou bien la douleur est transfixiante, épigastrique, etc. On
précisera :
◦ le type : douleur constrictive, en coup de poignard, en éclair,
à type de brûlure ;
◦ l’intensité : en évaluant la douleur à l’aide d’une échelle
numérique ou visuelle analogique. Il faut préciser si elle
est responsable de réveils nocturnes ou nécessite la prise
d’antalgiques et leur type (palier 1, 2 ou 3 de l’Organisation
mondiale de la santé).
Valeur sémiologique et orientation diagnostique
Hormis les poumons, non innervés, toutes les structures thoraciques sus-diaphragmatiques peuvent être à l’origine de douleurs.
Il faut ajouter à cela les douleurs induites par des organes
sous-diaphragmatiques. Ces douleurs, en particulier d’origine cardiaque, seront détaillées dans la sémiologie se rapportant à ces
organes. Bien décrite, la douleur thoracique (ou point de côté)
a l’intérêt de désigner le côté atteint, d’être un des principaux
signes révélateurs d’une maladie respiratoire, comme le « coup
de poignard » initial, brutal de la pneumonie franche lobaire
aiguë ou de certaines embolies pulmonaires (réaction pleurale
associée à ces affections) ; le point de côté aigu, parfois atroce
et durable des maladies de la plèvre à leur phase de début
(pneumothorax, pleurésie ou pleuropneumonie) ; le point de côté
lancinant et lentement progressif de certains cancers bronchopulmonaires ou pleuraux (mésothéliome). Les affections pariétales,
fréquentes, sont évoquées devant une anomalie évidente à la
palpation. Noter que la toux, en particulier aiguë, peut être
à l’origine de douleurs pariétales, plutôt d’origine musculaire.
Une douleur dorsale et médiane fera rechercher une anomalie
vertébrale.
Dyspnée
Elle se définit comme une gêne respiratoire subjective ressentie
par le patient et entraînant des modifications visibles de la ventilation. La respiration normale comporte une inspiration active
et une expiration passive, un peu plus longue que l’inspiration ;
ces cycles se succèdent à la fréquence de 12 à 16 par minute, sans
pause.
Analyse
• Chronologie : on distingue la dyspnée aiguë, récente, paroxystique, posant souvent un problème de prise en charge urgente ;
la dyspnée chronique, permanente, ancienne. On précisera
d’éventuelles modifications récentes, l’horaire et la périodicité.
• Circonstances de survenue : on recherchera en particulier les
liens avec l’effort, un état infectieux, un écart récent de régime
hyposodé, un traumatisme, la position, une inhalation toxique
ou allergénique.
EMC - Pneumologie
Tableau 1.
Classification de la New York Heart Association de la dyspnée.
Classe I
Aucune limitation des activités physiques
Classe II
Dyspnée lors d’activités physiques importantes
Classe III
Dyspnée lors des efforts de la vie courante
Classe IV
Dyspnée au repos, accentuée par le moindre effort
• Caractères objectifs :
◦ l’apnée est un arrêt respiratoire ;
◦ la bradypnée un ralentissement du rythme respiratoire ;
◦ la tachypnée une augmentation de la fréquence respiratoire
(FR) ;
◦ l’hyperpnée une augmentation de la ventilation par minute ;
◦ la polypnée une respiration rapide, éventuellement superficielle ;
◦ l’orthopnée une dyspnée survenant en décubitus dorsal
complet, améliorée par la verticalisation du thorax ;
◦ l’intensité doit être quantifiée par rapport à l’effort (nombre
d’étages ou de marches montés, marche en terrain plat, montée des côtes, efforts de la vie courante). Pour une dyspnée
de décubitus, on peut préciser le nombre d’oreillers nécessaires pour être soulagé. Afin de standardiser son intensité
en fonction de l’effort, plusieurs échelles de dyspnée ont
été élaborées comme la classification de la New York Heart
Association (NYHA) (Tableau 1) ;
◦ la FR est mesurée sur un minimum de 30 secondes en évitant
que le patient ne parle et en évitant de le prévenir de cette
mesure (risque de modification liée à l’anxiété). On peut la
mesurer à la fin de l’auscultation cardiorespiratoire ou chez
un patient allongé, en observant la cinétique abdominale ;
◦ le temps ventilatoire : on distingue la dyspnée inspiratoire en rapport avec un obstacle à la pénétration de l’air,
s’accompagnant souvent de bruits inspiratoires spontanément audibles : cornage laryngé, bruit inspiratoire intense,
plutôt de tonalité grave ; wheezing ou stridor, sifflement inspiratoire plutôt de tonalité aiguë ;
◦ une dyspnée expiratoire se traduit par une expiration active,
un temps expiratoire allongé. Elle peut être associée à une
hyperinflation thoracique ;
◦ le timbre peut être sifflant (sibilant) ou rauque ;
◦ les signes d’accompagnement possibles sont la cyanose,
les troubles de la voix, des signes de détresse respiratoire :
pincement (battement) des ailes du nez, signes de tirage
(dépression inspiratoire sus-sternale, de mise en jeu des
muscles sus-claviculaires et intercostaux).
Valeur sémiologique et orientation diagnostique
C’est un signe fonctionnel retrouvé dans de très nombreuses
maladies pouvant toucher l’appareil respiratoire, l’appareil circulatoire, l’appareil neurologique (commande ventilatoire), ou le
sang (anémie). C’est donc un signe d’alarme important mais de
signification très générale.
• La dyspnée aiguë inspiratoire est la dyspnée des obstacles
hauts situés (larynx, trachée, voire grosses bronches). Dans
les causes ORL, elle est souvent d’origine laryngée, avec un
rythme normal ou ralenti. Tirage, et surtout cornage et modifications de la voix (dysphonie) orientent vers une atteinte
du larynx. Chez l’enfant, les causes sont principalement les
laryngites virales, la rougeole, l’inhalation d’un corps étranger et, exceptionnellement maintenant, la diphtérie (croup
laryngé). Chez l’adulte, l’œdème de Quincke (allergique) et la
pathologie tumorale (cancer du larynx) sont les deux principales causes. Dans les causes sous-glottiques, elle est d’origine
trachéale avec sifflement (wheezing). On recherche alors, par
endoscopie, une sténose (souvent postintubation) ou un cancer comprimant ou envahissant la trachée ou les bronches
principales.
• La principale cause de dyspnée aiguë expiratoire est l’asthme
paroxystique, mais la dyspnée y est aussi inspiratoire. Il s’y associe des râles sibilants à l’auscultation. La répétition des crises est
caractéristique.
5
6-000-C-50 Sémiologie des maladies respiratoires
A
B
Figure 1. Dyspnée de Kussmaul et de Cheyne-Stokes.
A. Respiration normale.
B. Respiration de Kussmaul.
C. Respiration de Cheyne-Stokes.
C
• La dyspnée aiguë aux deux temps (inspiratoire et expiratoire) ou polypnée (ou hyperpnée) a de multiples causes :
œdème aigu pulmonaire (OAP) avec orthopnée et expectoration mousseuse et saumonée ; pneumonies avec leur syndrome
infectieux, EP avec angoisse associée et thrombophlébite
d’un membre inférieur, atélectasie et épanchements pleuraux,
qu’ils soient liquidiens ou gazeux, si leur installation est
subite.
• La dyspnée permanente, chronique apparaît dans de très
nombreuses circonstances. L’insuffisance respiratoire quelle
qu’en soit la cause se manifeste au début pour des efforts
importants mais elle peut devenir permanente, sans cependant
gêner le décubitus complet. Dans l’insuffisance cardiaque évoluée, à la dyspnée d’effort s’associe une orthopnée. Les embolies
pulmonaires répétitives minimes peuvent ne se traduire que
par une dyspnée et l’absence de toute anomalie évocatrice
d’insuffisance respiratoire ou cardiaque. Ne pas oublier qu’une
anémie peut être une cause de dyspnée.
• Les dyspnées d’origine centrale ou métabolique surviennent
dans un contexte en règle évocateur.
• La dyspnée de Kussmaul est une hyperpnée ample à quatre
temps (inspiration, pause, expiration, pause) pouvant être liée
à une atteinte neurologique ou une acidose (par exemple
diabète acidocétosique) (Fig. 1B). Dans ce cas, le rôle de la
dyspnée est de favoriser l’élimination du CO2 afin de limiter
l’acidose.
• La dyspnée de Cheyne-Stokes est une dyspnée périodique (mouvements d’amplitude croissante, puis décroissante, puis pause)
observée principalement dans l’insuffisance cardiaque gauche
chronique mais aussi dans l’acidose rénale, les anémies sévères,
et certaines intoxications (Fig. 1C).
Autres symptômes respiratoires
Ronflement
Il correspond à un bruit inspiratoire dû aux vibrations des
tissus pharyngés survenant uniquement pendant le sommeil.
Il peut être présent à l’expiration. Il est dû à une augmentation des résistances des VAS qui peut être favorisée par une
diminution du calibre des VAS due à différentes anomalies
comme une macroglossie, une hypertrophie des amygdales, une
micrognathie, une rétrognathie, une accumulation de graisse
au niveau de la paroi postérieure du pharynx, une obstruction nasale, une collapsibilité plus importante des VAS en
rapport avec une congestion de la muqueuse nasale ou pharyngée, ou une réduction d’efficacité des muscles dilatateurs des
VAS.
6
Analyse. Par l’interrogatoire du patient et surtout de
l’entourage on précisera :
• la chronologie, en particulier la date d’apparition, la périodicité,
c’est-à-dire le caractère intermittent ou permanent, toutes les
nuits ;
• les circonstances de survenue, en particulier les facteurs favorisants comme la prise d’alcool, de sédatifs ou la position (lien
avec le décubitus dorsal ou non) ;
• les caractères objectifs : le type : soit continu, d’amplitude égale
à chaque cycle, de basse fréquence, en règle bénin ; soit cyclique,
d’amplitude variable, à haute fréquence, avec des périodes silencieuses correspondant à des apnées ;
• les conséquences : le retentissement « social », en particulier la
nécessité pour le conjoint de faire chambre à part. Le retentissement sur la qualité du sommeil : calme ou agité, les éveils et
les levers nocturnes avec polyurie, la présence de céphalées ou
d’une asthénie matinales, une somnolence diurne évaluée au
mieux sur des échelles comme l’échelle d’Epworth.
Valeur sémiologique et orientation diagnostique. Le ronflement isolé, sans autre signe fonctionnel, ne nécessite pas
d’investigations complémentaires contrairement au ronflement
non isolé, associé à une somnolence diurne excessive ou à la
présence de comorbidités cardiovasculaires parfois mal expliquées (hypertension artérielle, troubles de la conduction, etc.).
Il conviendra, dans ce cas, de réaliser un enregistrement polygraphique du sommeil afin de rechercher un syndrome d’apnées du
sommeil.
Dysphonie
La dysphonie (ou enrouement) correspond à une altération
du timbre de la voix. Il peut s’agir d’extinction plus ou moins
complète ou de voix bitonale (avec production alternante de sons
graves et aigus). Sa cause est le plus souvent laryngée, l’examen
ORL ne trouvant parfois pas de lésion directe mais seulement une
paralysie d’une corde vocale, gauche le plus souvent, par atteinte
du nerf récurrent gauche dans son trajet intrathoracique par des
processus médiastinaux, surtout malins.
Hoquet
Le hoquet ou myoclonie phrénoglottique est un réflexe
caractérisé par une succession de contractions inspiratoires
spasmodiques, incontrôlables et involontaires des muscles inspiratoires (diaphragme, muscle intercostal externe, muscles scalènes
et parfois muscles intercostaux parasternaux et muscles sternocléidomastoïdiens) concomitante d’une inhibition des muscles
expiratoires, suivies d’une constriction de la glotte et une vibration des cordes vocales. Le hoquet traduit une atteinte du
diaphragme ou du nerf phrénique. Un hoquet persistant est
EMC - Pneumologie
Sémiologie des maladies respiratoires 6-000-C-50
Tableau 2.
Performans status (PS) de l’Organisation mondiale de la santé permettant
de quotter l’asthénie.
PS = 0
Pas d’asthénie, activité identique à celle précédant la
maladie
PS = 1
Asthénie modérée, n’entrainant pas d’alitement, capable
de travailler
PS = 2
Asthénie importante, néanmoins capable de prendre soin
de soi, alitement < 50 % du temps
PS = 3
Asthénie intense, capable seulement de quelques soins,
alitement > 50 %
PS = 4
Grabataire, alitement permanent
défini par une durée supérieure ou égale à 48 heures, un hoquet
« rebelle » est défini par une durée supérieure ou égale à un
mois [10] .
Symptômes généraux
Leur présence doit être systématiquement recherchée. En effet,
une douleur thoracique ou une dyspnée dans un contexte fébrile
ou associée à une altération de l’état général chronique orientera
vers des hypothèses diagnostiques différentes.
Asthénie
L’asthénie correspond à une « fatigue », qu’elle soit physique
et/ou psychique. Elle peut être difficile à faire préciser chez les
patients dyspnéiques qui ont tendance à confondre les deux
symptômes. C’est un paramètre important du performans status
(PS) qui évalue l’état général (Tableau 2).
Anorexie
L’anorexie correspond à une perte d’appétit. Elle doit être quantifiée et datée afin de séparer les anorexies aiguës (par exemple
pneumonies) des anorexies chroniques (par exemple cancer bronchopulmonaire).
Variations pondérales
Les variations pondérales devront être quantifiées en pesant et
mesurant le patient afin de calculer l’indice de masse corporelle
ou IMC (poids (kg)/taille (m)2 ) dont la norme varie entre 18,5
à 25 chez l’adulte. La cinétique de perte de poids doit être prise
en compte (−5 kg sur 12 mois à différencier de −5 kg sur deux
mois), tout comme le poids de base (−5 kg chez un patient de
100 kg et −5 kg chez un patient de 50 kg). On parle de maigreur
pour des IMC inférieurs à 18,5 ; d’obésité pour un IMC supérieur
ou égal à 30 ; et d’obésité morbide pour un IMC supérieur ou égal
à 40. Une prise pondérale peut être responsable de l’apparition
d’une dyspnée, d’une insuffisance respiratoire, ou d’un syndrome
d’apnées du sommeil.
Syndrome d’altération de l’état général
Le syndrome d’altération de l’état général associe, dans des proportions variables, asthénie, anorexie et amaigrissement.
Fièvre
La température corporelle normale ne doit pas excéder 37,5 ◦ C
le matin et 37,8 ◦ C l’après-midi. En fonction des auteurs, la fièvre
est définie par une température supérieure ou égale à 38,3 à
38,5 ◦ C [11–13] . Si la température est prise en axillaire, il faut ajouter
+0,9 ◦ C au chiffre du thermomètre, si la température est buccale
ou rectale, elle est directement interprétable. Si la température est
supérieure ou égale à 38,5 ◦ C, une étiologie infectieuse et notamment bactérienne doit être évoquée, et une hémoculture doit
être pratiquée. On parlera de syndrome fébrile en cas de fièvre,
et il est préférable d’éviter le terme de « syndrome infectieux ».
En effet, une fièvre, même si elle est élevée et/ou accompagnée
de frissons, n’est pas toujours d’origine infectieuse (bactérienne,
mycobactérienne, virale, fongique ou parasitaire) et peut révéler une pathologie tumorale solide (cancer bronchopulmonaire,
rénal, colique, etc.) ou hématologique (lymphomes hodgkiniens
ou non), une maladie systémique (lupus érythémateux disséminé [LED], polyarthrite rhumatoïde [PR], etc.) ou une maladie
EMC - Pneumologie
thromboembolique [14] . La fièvre peut être absente chez la personne âgée authentiquement infectée (maladie bactérienne ou
virale) [11] . Des sueurs nocturnes doivent également être recherchées à l’interrogatoire. Ce signe est un des plus difficiles à faire
préciser, et la définition varie dans la littérature [15] . On peut considérer comme pathologiques des sueurs nocturnes nécessitant de
changer les draps ou les vêtements une ou plusieurs fois dans
la nuit, en l’absence de température caniculaire. La présence de
sueurs nocturnes peut notamment orienter vers un diagnostic de
tuberculose ou de lymphome [15] .
Examen physique
Il se fait en quatre étapes : inspection, palpation, percussion et
auscultation. On doit toujours examiner les deux côtés symétriquement, et comparer chaque côté avec le côté opposé.
Inspection
Idéalement, l’inspection débute dès l’interrogatoire en observant le patient parler et respirer. Puis, lors de l’examen physique,
le patient est examiné dévêtu avec un bon éclairage. Il est d’abord
placé en position assise, puis est allongé sur le dos, pour examiner
la partie antérieure du thorax. L’inspection donne des renseignements sur la morphologie du thorax et sur la dynamique
respiratoire.
Morphologie thoracique (examen statique)
Le thorax normal est symétrique. Les côtes sont légèrement
obliques de haut en bas et d’arrière en avant. Chez l’adulte normal,
le rapport entre le diamètre antéropostérieur et le diamètre transversal est d’environ 1/2 alors qu’il est égal à 1 chez le nourrisson.
Il est possible d’observer :
• des déformations : thorax cylindrique, « en tonneau », avec augmentation du diamètre antéropostérieur et raccourcissement
du segment sus-sternal de la trachée, inférieur à quatre travers
de doigts (signe de Campbell) en cas de distension thoracique
comme dans l’emphysème ;
• une asymétrie par rétraction, avec affaissement d’un hémithorax, les côtes étant plus tombantes et les espaces intercostaux
pincés. Les causes peuvent être pulmonaires (séquelles fibreuses
de tuberculose, trouble de ventilation) ou pleurales (séquelles de
pleurésie ou d’hémothorax). Une asymétrie par voussure, avec
augmentation unilatérale des dimensions thoraciques (rare), les
côtes étant plus horizontales et les espaces intercostaux élargis,
peut être observée dans les épanchements pleuraux abondants,
le pneumothorax, les kystes aériens géants sous tension, certaines tumeurs ;
• une déformation du squelette : soit de la colonne vertébrale
(cyphose, scoliose ou cyphoscoliose) soit du thorax avec aspect
en « entonnoir » par dépression de la partie inférieure du
sternum (pectus excavatum) ou aspect en « carène » (pectus carnatum) ;
• un syndrome cave supérieur qui associe une circulation veineuse collatérale, un œdème en « pèlerine » (bilatéral), un
œdème du cou et de la face, des paupières gonflées au réveil
et un aspect cyanosé des lèvres. Le syndrome cave supérieur est
en général associé à une turgescence jugulaire et traduit une
obstruction de la veine cave supérieure, par compression, envahissement ou thrombose, le plus souvent dans un contexte
tumoral (Fig. 2). La circulation veineuse collatérale se traduit
par un réseau veineux superficiel apparent sur le thorax, avec
des veines dilatées et flexueuses.
Examen buccopharyngé et rhinosinusal
Il est systématique. Les lèvres peuvent être cyanosées. Leur
pâleur anormale incite à examiner la face interne de la paupière inférieure à la recherche d’une anémie. Autour des lèvres,
des vésicules d’herpès peuvent évoquer l’origine pneumococcique
d’une pneumonie. La présence d’aphtes, de télangiectasies peut
faire évoquer certaines affections (maladie de Behçet, maladie de
7
6-000-C-50 Sémiologie des maladies respiratoires
A
B
Figure 2.
A. Circulation veineuse collatérale thoracique associée à une turgescence jugulaire externe bilatérale spontanée (reproduit avec l’aimable autorisation de
l’éditeur).
B. Scanner thoracique de la même patiente, en coupe axiale, fenêtre médiastinale, avec injection de produit de contraste, montrant une masse tissulaire
médiastinale écrasant la veine cave supérieure (reproduit avec l’aimable autorisation de l’éditeur).
Tableau 3.
Principales étiologies de l’hippocratisme digital.
Respiratoires
Cancer bronchopulmonaire
Fibrose pulmonaire idiopathique
Dilatation des bronches
Mucoviscidose
Extrarespiratoires
Cirrhose
Cardiopathies cyanogènes
Idiopathiques
Diagnostic d’exclusion, rare
Rendu-Osler). La langue peut être recouverte d’un enduit blanchâtre (saburrale), lors d’une candidose ; sèche, si le malade est
déshydraté, il faudra alors rechercher systématiquement un pli
cutané, surtout chez le sujet âgé ; tremblotante chez l’éthylique en
sevrage (état de prédelirium tremens). La denture : la présence de
chicots ou simplement de caries peut favoriser une suppuration
bronchopulmonaire. La réalisation d’un orthopantomogramme
peut compléter cet examen. Dans le cadre des troubles respiratoires du sommeil, on recherchera une obstruction nasale, on
appréciera la longueur et la trophicité du voile du palais, une
hypertrophie des amygdales et/ou de la luette, une rétroposition
linguale et une rétromandibulie. Quoi qu’il en soit, cet examen
pourra être complété par un avis spécialisé. L’ensellure nasale
est une déformation du nez par destruction du cartilage. Ce
signe clinique est présent dans quelques pathologies comme la
granulomatose avec polyangéite (ex-maladie de Wegener) et la
polychondrite atrophiante, mais peut aussi être observé dans la
lèpre et la syphilis [16] .
Hippocratisme digital
L’hippocratisme digital est l’élargissement des extrémités des
doigts (et des orteils) avec bombements des ongles « en verre
de montre », donnant aux doigts un aspect en « baguettes
de tambour » (Fig. 3). Il peut être isolé ou faire partie
de l’ostéopathie hypertrophiante pneumique (de Pierre-Marie),
s’accompagnant alors d’arthralgies, de douleurs au niveau de
la diaphyse des os longs avec appositions périostées radiologiques (syndrome paranéoplasique du cancer bronchique). Les
principales étiologies de l’hippocratisme digital figurent dans le
Tableau 3.
Cyanose
La cyanose correspond à une coloration bleuâtre, sombre, parfois violacée des téguments et des muqueuses. Elle apparaît quand
le taux d’hémoglobine réduite est supérieur à 5 g/dl dans le sang
8
Figure 3.
Hippocratisme digital.
capillaire [17, 18] . Une cyanose est donc rare chez un patient anémique et très fréquente chez un patient polyglobulique, même
en l’absence d’hypoxémie. Lorsque la cyanose est importante,
elle est évidente. Si elle est plus discrète, il faut la chercher aux
parties distales des membres, extrémités des doigts et orteils,
dans la région sous-unguéale, et certaines zones électives comme
les lèvres, les joues, les ailes du nez, le pavillon de l’oreille, la
face antérieure des genoux. Elle s’accentue à l’effort. La cyanose
est le plus souvent due à une insuffisance respiratoire. Elle doit
conduire à la réalisation d’une gazométrie artérielle. Elle peut aussi
être due à une diminution du taux d’oxygène dans l’air inhalé
(atmosphère confinée, altitude), des troubles de l’hématose par
shunt droit–gauche anatomique ou fonctionnel, une stase circulatoire, des anomalies de l’hémoglobine (méthémoglobinémie par
exemple).
Mouvements respiratoires (examen dynamique)
On évalue la FR (cf. supra), le type de respiration soit abdominale, utilisant le diaphragme, soit thoracique supérieure. Il
existe souvent un mode intermédiaire, avec utilisation prédominante du diaphragme. On notera l’état de la paroi abdominale et
l’utilisation des muscles respiratoires accessoires.
EMC - Pneumologie
Sémiologie des maladies respiratoires 6-000-C-50
L’ampliation thoracique peut être diminuée globalement dans
l’emphysème et dans l’asthme grave. Il s’y associe une distension
et un tirage sus-sternal ou intercostal. Elle peut être diminuée unilatéralement, suggérant une pathologie pleurale ou pulmonaire
sous-jacente. Dans le cas de volets thoraciques (fractures étagées
de plusieurs côtes en deux points), une respiration paradoxale
peut s’observer se traduisant par l’incursion intrathoracique, à
l’inspiration, de la zone fracturaire. Lors de l’analyse dynamique
du thorax, la distension thoracique se traduit par le signe de
Hoover correspondant à la diminution du diamètre transverse du
thorax lors de l’inspiration par pincement inspiratoire des côtes
inférieures du fait de la contraction du diaphragme horizontalisé
par la distension thoracique [19] .
Le tirage est caractérisé par une dépression inspiratoire anormale des creux sus-claviculaires, de la région sus-sternale ou des
espaces intercostaux correspondant à la mise en jeu des muscles
respiratoires accessoires.
Le rythme est normalement régulier. Les troubles du rythme
peuvent affecter la régularité de la respiration. Celle-ci peut être
irrégulière, mais périodique (dyspnée de Cheyne-Stokes), ou irrégulière, apériodique, avec un rythme anarchique, comme dans
certains troubles bulbaires.
L’expiration à lèvres pincées est un signe de distension thoracique lié à l’emphysème. Elle permet de maintenir une pression
expiratoire positive évitant ainsi le collapsus des voies aériennes.
Palpation
Elle renseigne surtout sur la transmission des vibrations vocales.
Le thorax se comporte comme une caisse de résonance, vis-à-vis
des vibrations laryngées, surtout pour les voix graves.
Technique
On applique les mains bien à plat successivement sur les différentes régions de chaque hémithorax en faisant répéter le nombre
« 33 » ou « 44 ». On palpe et on compare toujours des zones symétriques du thorax.
Résultats
Normalement, les vibrations produites au niveau de la glotte
sont transmises à la paroi sous forme d’un frémissement léger
et symétrique. L’augmentation des vibrations vocales traduit une
condensation du parenchyme pulmonaire sous-jacent. La diminution ou l’abolition des vibrations vocales traduit l’interposition
d’une structure de densité différente du poumon, notamment
liquidienne ou tissulaire. Une paroi épaisse, notamment chez
l’obèse, ou une voix de faible intensité ou de tonalité aiguë
peuvent gêner l’interprétation de la palpation. La palpation permet enfin de rechercher des points douloureux, d’explorer les
aires ganglionnaires, de rechercher une tuméfaction mammaire,
sous-cutanée ou osseuse, de mettre en évidence la présence d’air
sous la peau (emphysème sous-cutané) donnant une sensation de
« crépitation neigeuse » comme quand on marche dans la neige.
Percussion
Elle ébranle la paroi thoracique en produisant des sons audibles,
permettant de déterminer si les tissus sous-jacents sont de densité
aérique, solide ou liquidienne.
Technique
Toujours comparative, elle peut être effectuée de deux façons :
• la percussion immédiate : l’extrémité des doigts recourbés
frappe directement la paroi thoracique en ses différents points ;
• la percussion médiate (la plus souvent utilisée) : l’extrémité du
médius de la main droite vient percuter l’index ou le médius de
la main gauche, appliqués bien à plat sur les espaces intercostaux. Le mouvement doit s’effectuer avec le poignet.
Résultats
Elle permet d’apprécier la sonorité et ainsi de définir :
EMC - Pneumologie
• une matité qui est une diminution de la sonorité. Son intensité est moins grande et sa tonalité moins grave. Le timbre est
peu différent. On observe une matité au niveau des aires de
projection du foie et du cœur. La matité est franche, absolue,
dans les épanchements liquidiens de la plèvre. La matité des
condensations pulmonaires est moins franche ;
• un tympanisme qui est une augmentation de la sonorité. Il
traduit un épanchement gazeux de la plèvre, ou un emphysème pulmonaire sous-jacent. On observe une hypersonorité
normale au niveau de la poche à air gastrique.
Auscultation
En 1816, Laënnec décrivait les bruits respiratoires entendus à l’aide d’un stéthoscope : l’auscultation médiate était née.
L’auscultation immédiate, directement à l’oreille, en vogue au
XIXe siècle, n’est plus utilisée. Dans la pratique, il faut reconnaître
que l’auscultation est de plus en plus réalisée avant la palpation et la percussion, ces dernières n’étant réalisées qu’en cas
d’auscultation pathologique.
Technique
Le malade doit respirer profondément et régulièrement par
la bouche. On ausculte de façon méthodique l’ensemble du
thorax : en arrière (les deux bases, les régions interscapulovertébrales et sus-scapulaires), en avant sans oublier les régions
axillaires, en comparant les deux côtés. On écoute la respiration
calme, les mouvements d’inspiration et d’expiration forcées, la
toux, et éventuellement la voix (faire dire « 33 »).
Résultats
L’analyse des bruits respiratoires doit être rigoureuse et permettre d’évaluer les bruits normaux et rechercher des bruits
surajoutés.
Bruits normaux
On distingue :
• le bruit trachéobronchique (ou bruit glottique, bruit laryngotrachéal). Il est perçu avec le maximum d’intensité au niveau du
creux sus-sternal. Il diminue d’intensité en déplaçant le stéthoscope, sur la face antérieure du thorax, en regard de la trachée
puis des bronches souches. Il s’entend également, plus faible, en
arrière, entre les deux scapulas. C’est un bruit rude et râpeux,
continu, de grande intensité, entendu aux deux temps de la
respiration ;
• le murmure vésiculaire qui est perçu dans les régions antérolatérales du thorax et dans le dos. Il réalise un murmure
continu, doux et moelleux, d’intensité faible, perçu durant
toute l’inspiration et seulement au début de l’expiration. Son
appellation de murmure vésiculaire vient du fait qu’il était attribué classiquement à la pénétration de l’air dans les alvéoles.
Son origine est en réalité plus complexe [20] . Dans la trachée
et les grosses bronches, de situation centrale dans le thorax, le flux d’air est bruyant car turbulent. À la suite des
divisions bronchiques, le flux se ralentit jusqu’à devenir laminaire, donc silencieux, à l’entrée des alvéoles, en périphérie du
poumon.
Modification des bruits normaux
Le murmure vésiculaire peut être :
• aboli en présence d’un épanchement pleural quand s’interpose
entre le poumon et la paroi une lame gazeuse (pneumothorax)
et/ou liquidienne (pleurésie). En cas de condensation pulmonaire, principalement si elle est rétractée (atélectasie) du fait
d’une disparition de la ventilation dans le poumon concerné ;
• diminué en cas d’épaississement important de la paroi (obésité),
en cas de destruction des alvéoles (emphysème).
Le bruit trachéobronchique peut être anormalement transmis
et perçu dans divers processus pathologiques. On parle alors de
souffle. Un souffle est caractérisé par son temps respiratoire, son
intensité, sa tonalité et son timbre. Les souffles les plus fréquemment rencontrés sont le souffle tubaire et le souffle pleurétique.
9
6-000-C-50 Sémiologie des maladies respiratoires
Le souffle tubaire réalise un bruit intense, rude, de tonalité élevée. Il est perçu aux deux temps de la respiration,
mais à prédominance inspiratoire. Il s’entend en regard d’une
condensation pulmonaire, essentiellement une pneumonie.
Celle-ci réalise un comblement alvéolaire sans obstruction des
bronches, et ainsi les bruits les plus intenses produits au niveau
des gros troncs bronchiques ne sont plus atténués par l’air
alvéolaire.
Le souffle pleurétique est doux, lointain, voilé, humé, expiratoire. Il s’entend à la limite supérieure d’un épanchement pleural
de moyenne abondance. Son mécanisme se rapproche de celui
du souffle tubaire : il est déterminé par la condensation du poumon refoulé par la pleurésie puis atténué par celle-ci, d’où ses
caractéristiques différentes.
Le souffle amphorique, plus rare, est de timbre métallique, de
tonalité élevée, expiratoire. Il est dû à la résonance des bruits
respiratoires normaux dans une poche gazeuse pleurale (pneumothorax), lorsqu’une brèche pleurale persiste.
Bruits surajoutés
Selon leur forme et leur durée, on distingue les bruits continus
et les bruits discontinus.
Bruits continus.
• Les sifflements sont d’origine bronchique. Ils sont d’intensité
variable parfois intenses et perçus à l’oreille à distance du
malade. On distingue plusieurs types de sifflements. Les sifflements localisés (wheezing dans la terminologie « française »). Il
s’agit d’un sifflement, toujours de même tonalité, inspiratoire
ou aux deux temps. Il est dû à une obstruction partielle et localisée de la trachée ou d’une grosse bronche par une tumeur ou un
corps étranger. Les sifflements diffus (synonymes : sibilances,
râles sibilants) : bilatéraux, de différentes tonalités traduisent
une obstruction bronchique périphérique. Ils sont entendus
classiquement dans la crise d’asthme. Dans cette pathologie,
ils sont entendus aux deux temps, mais surtout à l’expiration.
Leur intensité est fonction de la gravité de la crise d’asthme : ils
sont intenses dans une crise de gravité moyenne, peu audibles
dans une crise grave. Des sifflements diffus, expiratoires sont
perçus dans la bronchite chronique obstructive. Ils sont dus aux
vibrations des parois des grosses bronches qui ont tendance à
se collaber à l’expiration.
• Les ronflements (synonyme : ronchus au singulier, ronchi au
pluriel) sont d’origine bronchique, comme les sifflements. Ils
sont de tonalité grave, inspiratoires et expiratoires. La toux les
modifie. Ils naissent dans les grosses bronches et sont dus aux
vibrations des sécrétions adhérentes à la paroi bronchique. On
les entend dans la bronchite aiguë ou chronique avec hypersécrétion.
Bruits discontinus. Ce sont des bruits de durée brève
d’origine diverse. On en décrit trois types :
• les râles bulleux (synonymes : râles sous-crépitants, râles gras,
gargouillements, râles proto-inspiratoires) réalisent un bruit de
gargouillement dans les bronches et sont en rapport avec un
encombrement par des sécrétions. Ils sont irréguliers, inégaux
entre eux, intenses, perçus aux deux temps et modifiés par la
toux. S’ils sont perçus uniquement à l’inspiration, ils apparaissent, contrairement aux râles crépitants, dès le début de
l’inspiration (proto-inspiratoires). Ils sont entendus dans la
bronchite avec hypersécrétion ;
• les râles crépitants (synonymes : râles fins, crépitation, râles
Velcro) sont des bruits fins, secs, égaux entre eux, de tonalité
élevée, éclatant en bouffée en fin d’inspiration, jamais pendant l’expiration. Contrairement aux râles bulleux, ils ne sont
pas modifiés par la toux. Ils deviennent au contraire plus nets
après celle-ci. Ils indiquent un processus pathologique alvéolaire. On les attribue aux décollements qui se produisent entre
les parois alvéolaires et leur contenu pathologique. On les rencontre principalement dans la pneumonie et dans l’œdème
pulmonaire interstitiel de l’insuffisance ventriculaire gauche
mais aussi dans certaines pathologies plus rares comme dans
les fibroses pulmonaires et certaines pneumopathies interstitielles, où leur caractère très fin, sec, les fait comparer à du
Velcro ;
10
• les frottements pleuraux correspondent au frottement des deux
feuillets pleuraux, rigides et inflammatoires, l’un contre l’autre.
Ce sont des bruits secs, rugueux, superficiels, non modifiés
par la toux. Leur intensité est variable : soit discrète, à type
de « froissement de papier de soie » ; soit plus intense, « rude
comme le bruit râpeux du cuir neuf ». Ils sont perçus aux deux
temps de la respiration, parfois seulement à l’inspiration. Dans
ce cas, ils peuvent être confondus avec des râles crépitants
mais un caractère les distingue : ils apparaissent dès le début
la mobilisation du thorax. Ils sont perçus au stade initial d’une
pleurésie, à sa limite supérieure, ou après son évacuation.
Conclusion
Une analyse sémiologique de qualité doit permettre de bien
cerner une situation clinique même complexe et d’aboutir
à quelques hypothèses diagnostiques pertinentes et ainsi restreindre le nombre d’examens complémentaires qui confirmeront
ou infirmeront ces hypothèses. En effet, trop souvent ces examens,
dont certains sont coûteux, voire dangereux, ne sont demandés qu’afin de débrouiller une situation clinique en apparence
confuse, bien souvent du fait d’une analyse sémiologique superficielle. La maîtrise de l’interrogatoire et de l’examen clinique
est donc absolument indispensable à la pratique d’une médecine
rigoureuse et efficace.
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
relation avec cet article.
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Service de pneumologie, Hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex, France.
Institut de recherche en santé, environnement et travail, UMR 1085, Université de Rennes 1, Rennes, France.
M. Kerjouan.
Service de pneumologie, Hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex, France.
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R. Corre.
Service de pneumologie, Hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex, France.
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Service de pneumologie, Hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex, France.
Institut de recherche en santé, environnement et travail, UMR 1085, Université de Rennes 1, Rennes, France.
B. Desrues.
Service de pneumologie, Hôpital Pontchaillou, 2, rue Henri-Le-Guilloux, 35033 Rennes cedex, France.
Université de Rennes 1, Rennes, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Jouneau S, Kerjouan M, Corre R, Delaval P, Desrues B. Sémiologie des maladies respiratoires. EMC Pneumologie 2015;0(0):1-11 [Article 6-000-C-50].
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