L`avocat salarié ne doit pas abuser de sa liberté d

publicité
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
L’avocat salarié ne doit pas abuser de sa liberté
d’expression
le 16 décembre 2014
AVOCAT | Statuts fiscal et social de l'avocat
L’avocat salarié qui répond de façon virulente et excessive à un courrier de son employeur
critiquant son activité professionnelle abuse de sa liberté d’expression et commet une faute
constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Soc. 3 déc. 2014, n° 13-20.501, inédit
Un avocat est salarié d’un cabinet d’avocats rennais depuis de nombreuses années. Le cabinet lui a
adressé, à la suite d’un entretien avec l’une des associées, un courrier recommandé lui reprochant
un manque de rigueur dans son travail et lui demandant de redresser rapidement la situation.
L’avocat salarié prend ces reproches très à cœur et aux termes d’un courrier protestant contre les
critiques qui lui sont adressées, prétend subir du harcèlement moral de la part de son employeur. Il
adresse copie de ce courrier au bâtonnier, à la médecine du travail et à l’inspection du travail.
D’autres courriers sont échangés, et après une convocation à l’inspection du travail qui le déclare
apte, l’avocat est licencié pour faute grave après une mise à pied conservatoire. La lettre de
licenciement reprochait à l’avocat d’avoir mis en cause l’honnêteté et les qualités professionnelles
de son employeur et d’avoir transmis ces accusations au bâtonnier, à l’inspection du travail et à la
médecine du travail.
Requalification en cause réelle et sérieuse
Contestant son licenciement, l’avocat a porté le litige devant le bâtonnier. Il a, notamment, fait
valoir que son employeur ne pouvait lui reprocher d’avoir dénoncé des faits de harcèlement moral à
son endroit et d’en avoir alerté le bâtonnier, l’inspection et la médecine du travail. Le bâtonnier a
toutefois jugé que le licenciement, prononcé pour faute grave par l’employeur, est un licenciement
pour cause réelle et sérieuse et accorde en conséquence à l’avocat une indemnité de préavis et les
congés payés afférents et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pas d’« escalade des propos »
L’avocat a interjeté appel de la décision rendue, demandant devant la cour d’appel l’infirmation de
la décision du bâtonnier et l’attribution de dommages et intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse. Il a réitéré les arguments avancés en première instance et a soutenu que
contrairement à ce qu’avait jugé le bâtonnier, les propos tenu à l’égard de son employeur ne
pouvaient être qualifiés d’excessifs, dans la mesure où il n’avait fait que répondre de manière
proportionnée, aux critiques formulées par son employeur relatives à son activité professionnelle.
La cour d’appel n’a pas été sensible à cette argumentation et a confirmé la sentence arbitrale du
bâtonnier, jugeant que la virulence des propos de l’avocat salarié à l’égard de l’employeur justifiait
le licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Abus de liberté d’expression
L’avocat a formé un pourvoi en cassation, le moyen reprenant ce qui avait été avancé devant les
juges du fond et reprochant aux juges d’appel de n’avoir pas caractérisé l’abus de liberté
d’expression relevé à l’encontre du salarié. La chambre sociale a rejeté le pourvoi. Elle a constaté
que les juges du fond ont considéré que l’avocat salarié n’avait pas été licencié pour avoir dénoncé
des faits de harcèlement, mais en raison des accusations de malhonnêteté et d’incompétence
proférées contre son employeur et transmises à des tiers. C’est en vain que l’avocat a avancé que
n’étant soumis à un lien de subordination à l’égard de son employeur que pour la détermination
des conditions de travail, il ne pouvait commettre d’abus de sa liberté d’expression. Cependant, a
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr)
dit la Cour, les juges ont justement relevé que la lettre de l’employeur à laquelle il répondait
n’appelait pas la réponse excessive faite par le salarié. L’arrêt relève aussi que l’avocat avait
assuré la publicité de ses propos en transmettant ses lettres à des tiers. Il a bel et bien commis une
faute, en abusant de sa liberté d’expression, ce que les premiers juges ont caractérisé. Le
licenciement pour cause réelle et sérieuse était justifié.
par Anne Portmann
Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017
Téléchargement