Aphasie - Psychologie

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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10
17-018-L-10
Aphasie
F Viader
J Lambert
V de la Sayette
F Eustache
P Morin
I Morin
B Lechevalier
Résumé. – Cet article est une revue des formes cliniques, des causes et des lésions anatomiques de l’aphasie.
Il inclut également une étude détaillée des modèles du langage oral et écrit élaborés par la neuropsychologie
cognitive. Les troubles de la parole en dehors de l’aphasie (dysarthrie et dysphonie) sont brièvement passés
en revue. Un chapitre est consacré à l’aphasie de l’enfant, incluant le syndrome de Landau-Kleffner. Enfin, les
méthodes et les stratégies de rééducation de l’aphasie sont discutées.
© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : aphasie, alexie, agraphie, anarthrie, dysarthrie, dysphonie, syndrome de Landau-Kleffner,
rééducation, neuropsychologie cognitive.
Introduction
On a volontiers tendance à opposer une neuropsychologie
« clinique » d’autrefois, entièrement dédiée au diagnostic
topographique des lésions, à une neuropsychologie « cognitive »
d’aujourd’hui, qui, déchargée de ses servitudes médicales par la
neuro-imagerie moderne, pourrait se consacrer pleinement à
l’élucidation du fonctionnement cérébral. Ce dilemme n’est
qu’apparent, et l’étude des aphasies l’illustre de façon éclatante. Loin
de détourner les cliniciens de l’aphasiologie, les progrès de
l’imagerie diagnostique leur ont permis d’affiner la connaissance des
phénomènes pathologiques en multipliant les confrontations
clinicolésionnelles autrefois subordonnées à la neuropathologie. Les
rudes controverses passées entre localisationnistes et noéticiens ont
fait place à des échanges plus productifs autour de schémas à double
face anatomique et fonctionnelle, arbitrés par les études d’imagerie
fonctionnelle conduites tant chez les patients que chez les
volontaires sains. Enfin, les modèles inspirés de la psycholinguistique sont devenus moins ardus et plus accessibles aux
cliniciens, lesquels savent désormais y reconnaître un moyen
d’affiner leur connaissance des phénomènes pathologiques, mais
aussi une arme thérapeutique rendue plus efficace par une
délimitation plus précise des cibles de la rééducation.
Repères historiques
– 1861 : le 18 avril, Paul Broca, chirurgien de l’hospice de Bicêtre
présente à la Société d’anthropologie de Paris le cerveau d’un
homme de 51 ans nommé Leborgne, décédé la veille dans son
service où il était hospitalisé depuis vingt ans à la suite d’une perte
du langage qui se réduisait à la syllabe TAN alors qu’il comprenait
Fausto Viader : Professeur de neurologie, praticien hospitalier.
Jany Lambert : Orthophoniste.
Vincent de la Sayette : Neurologue, praticien hospitalier.
Francis Eustache : Professeur de psychologie à l’Université, Inserm U320.
Pierre Morin : Professeur de neurologie.
Isabelle Morin : Orthophoniste.
Bernard Lechevalier : Professeur de neurologie, membre de l’Académie de médecine, service de neurologie
Vastel, CHU Côte-de-Nacre, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France.
assez bien ce qu’on lui disait. Broca décrit un grand ramollissement
de l’hémisphère gauche qui atteint le lobe frontal dans sa quasitotalité, s’étend aux lobes pariétal et temporal. Il ne retient comme
origine de l’aphasie que la 3e circonvolution frontale gauche. En
1984, Signoret et al [170] soumettront le cerveau de Leborgne à un
examen scanographique qui confirmera la description de 1861 et
montrera, en outre, une atteinte du noyau caudé et de la partie
antérieure du noyau lenticulaire, l’aire de Wernicke et le gyrus
supramarginalis étant respectés.
– 1868 : Broca, qui a observé plusieurs cas anatomiques proches de
celui de Leborgne, écrit qu’il croit avoir découvert que « l’exercice
de la faculté du langage articulé est subordonné à l’intégrité (...) de
la moitié postérieure, peut-être même du tiers postérieur seulement
de la 3e circonvolution frontale » de l’hémisphère gauche.
– 1874 : Carl Wernicke, de Breslau, décrit d’autres types d’aphasies,
dont la forme qui porte maintenant son nom ou aphasie sensorielle
due à une lésion temporale gauche, l’aphasie motrice (Broca) et
l’aphasie de conduction.
– 1885 : Lichtheim publie dans Brain une mémorable description de
sept types d’aphasies : les aphasies corticales motrice (Broca) et
sensorielle (Wernicke), l’aphasie de conduction, les aphasies
transcorticales motrice et sensorielle, les aphasies sous-corticales
motrice et sensorielle.
– 1891 : S. Freud, dans une monographie restée célèbre, nie
l’existence des centres du langage : la région corticale du langage
est une aire continue du cortex hémisphérique gauche. La
représentation du mot déclenche de nombreuses associations :
visuelles, tactiles, acoustiques. Il décrit un symptôme nouveau :
l’agnosie.
– 1906 : Pierre Marie publie une monographie intitulée Révision de
la question de l’aphasie : la 3e circonvolution frontale gauche ne joue
aucun rôle spécial dans la fonction du langage. L’aphasie de Broca
(dont il ne nie pas l’existence) n’est que l’addition d’une aphasie de
Wernicke et d’une anarthrie. Celle-ci est due à une lésion située dans
un quadrilatère englobant les noyaux gris centraux et la capsule
interne.
– 1908 : Jules Déjerine, contre Pierre Marie, reste fidèle à la
conception de Broca. En 1892, il décrit l’alexie sans agraphie,
inaugurant la conception associationniste de l’aphasie.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J, de la Sayette V, Eustache F, Morin P, Morin I et Lechevalier B. Aphasie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits
réservés), Neurologie, 17-018-L-10, 2002, 32 p.
Aphasie
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– 1915 : Jackson est réticent pour localiser le langage. Il pense que
le langage propositionnel peut dépendre de l’hémisphère gauche,
mais que le langage automatique est plutôt hémisphérique droit.
– 1928 : Charles Foix établit des corrélations anatomocliniques
strictes entre le siège du ramollissement cérébral et le type d’aphasie
présentée.
– 1933 : Kurt Goldstein préconise une conception globaliste de
l’aphasie, résultat d’une perturbation de l’organisation fonctionnelle
du cerveau.
– 1939 : Théophile Alajouanine inaugure l’ère linguistique de
l’aphasie avec son ouvrage La Désintégration phonétique dans
l’aphasie, fruit de ses observations. Il se réfère au principe de
Baillarger-Jackson
pour
démontrer
la
dissociation
automaticovolontaire dans l’aphasie. Avec François Lhermitte et
Blanche Ducarne, il fonde à la Salpêtrière le premier centre de
rééducation du langage.
– 1964 : Alexandre Luria formule la première classification
neurolinguistique des aphasies.
– 1965 : Norman Geschwind réaffirme, dans deux grands articles
parus dans Brain, la pertinence des théories associationnistes.
– 1975 : un nouveau courant, la neuropsycholinguistique, s’assigne
pour objectif fondamental d’élaborer des théories du traitement de
l’information chez le sujet sain à partir de l’analyse des troubles
aphasiques. Dans un second temps, ses modèles théoriques et ses
méthodologies sont utilisés pour décrire et comprendre les
perturbations observées chez les patients. Cette approche cognitive
ne s’intéresse pas aux corrélations anatomocliniques. Dans la même
période se développent les techniques d’imagerie morphologique et
fonctionnelle du cerveau. Le scanner X puis l’imagerie par résonance
magnétique (IRM) permettent une visualisation précise des lésions.
Les mesures métaboliques en tomographie par émission de positons
(TEP) étudient leurs répercussions fonctionnelles dans des secteurs
plus étendus. Des activations verbales chez le sujet sain sont
entreprises avec la TEP et l’IRM fonctionnelle (IRMf).
Les travaux actuels tentent de concilier les modèles cognitivistes et
l’exploration fonctionnelle du cerveau. Opérations mentales et
activations cérébrales constituent la nouvelle formulation
dynamique des localisations cérébrales. Ces connaissances sont
exploitées pour la prise en charge et la rééducation. Celles-ci
intègrent à la fois des « approches écologiques », et des supports
techniques tels que la micro-informatique.
Examen d’un sujet aphasique
DÉFINITION DE L’APHASIE
Parmi les nombreuses définitions de l’aphasie, nous retiendrons celle
de AR Damasio [38] qui regroupe les caractéristiques différentielles
les plus importantes. L’aphasie représente « la perturbation de la
compréhension et de la formulation des messages verbaux qui
résulte d’une affection nouvellement acquise du système nerveux
central ». Chacun des termes de cette définition permet de
différencier l’aphasie d’autres pathologies et déviations
linguistiques : nouvellement acquise versus troubles du langage
congénitaux ou du développement ; du système nerveux central
versus utilisation déviante du langage en rapport avec un usage
social particulier ou une affection psychogène ; messages verbaux
versus trouble de la communication gestuelle ou émotionnelle ;
compréhension des messages verbaux versus troubles perceptifs auditifs
(surdité) ou visuels (cécité) ; formulation des messages verbaux versus
troubles de la phonation ou de l’articulation. Enfin, Damasio
différencie l’aphasie des troubles du langage pouvant être observés
dans les états de confusion mentale faisant suite à une altération de
la conscience.
EXAMEN CLINIQUE DES TROUBLES LINGUISTIQUES
DES APHASIES : MÉTHODES
Les examens les plus couramment utilisés en France sont :
– le test pour l’examen de l’aphasie [47] ;
2
Neurologie
Langage, parole, phonème
Le langage est une fonction abstraite pouvant être matérialisée en
expression orale par la parole et en expression écrite par l’écriture.
La parole est un acte moteur particulièrement complexe qui
nécessite la mise en jeu et la coordination des organes de la
phonation, du larynx et de l’appareil buccopharyngé. Le son de la
voix, support de la parole, est produit au cours de l’expiration par
la vibration des cordes vocales. Il est caractérisé par des paramètres
d’intensité (fonction de la pression sous-glottique), de timbre et de
hauteur. Il est ensuite modifié dans les espaces supraglottiques.
Les phonèmes constituent les sons de la parole. Leur articulation est
assurée par les cavités de résonance supralaryngées (pharynx, nez,
bouche, lèvres) qui sont elles-mêmes délimitées par la position de la
langue et du voile du palais. Ils résultent de la réalisation quasi
concomitante d’un groupe bien défini de traits phonétiques. Le
système phonologique français comprend des sons vocaliques (11
à 15, selon les variantes), des sons consonantiques (17) et des semiconsonnes (3). Du point de vue de la phonétique articulatoire, les
phonèmes représentent des entités phonologiques décomposables
en un faisceau de traits articulatoires et acoustiques organisés dans
un système binaire. Classiquement, les voyelles sont définies à
travers les traits (ouvert versus fermé, antérieur versus postérieur,
arrondi versus étiré, oral versus nasal), les consonnes par les traits
liés au mode d’articulation (occlusif versus constrictif), au point
d’articulation (labial versus dental, palatal ou vélaire), au délai
d’établissement de voisement (sourd versus sonore), ainsi que par
l’opposition oral versus nasal. Du point de vue de la phonétique
acoustique, les sons du langage sont des sons complexes, c’est-àdire comportant un son fondamental et des harmoniques. Les
voyelles sont des sons périodiques (chaque harmonique est un
multiple du fondamental). Les consonnes sont des bruits, c’està-dire des sons non périodiques dont le spectre de fréquence est plus
étendu que celui des voyelles. Toutefois, les consonnes sonores sont
produites avec des vibrations laryngées. Les consonnes peuvent
être caractérisées par les transitions de formants consonne-voyelle.
– l’échelle française pour l’examen de l’aphasie : HDAE [117, 135],
adaptation de l’échelle anglaise BDAE de Goodglass et Kaplan ;
– le protocole d’examen linguistique de l’aphasie MT86.
Ces batteries explorent les capacités linguistiques à travers les
mêmes principales fonctions : l’expression et la compréhension
orales, l’expression et la compréhension écrites, la répétition, la
lecture à haute voix et l’écriture sous dictée.
¶ Étude de l’expression orale
Elle distingue plusieurs situations.
– Le langage spontané ou conversationnel est induit par des
questions posées par l’examinateur.
– Le discours narratif est apprécié à partir de la description de scènes
imagées (ou éventuellement à partir d’un texte lu ou entendu). Ces
situations permettent d’évaluer non seulement la disponibilité
lexicale, mais aussi les capacités syntaxiques et la cohérence du récit,
de même que l’adéquation des productions sur le plan phonétique,
phonologique ou sémantique.
– Les épreuves de dénomination d’images pouvant représenter des
objets, des symboles, des formes géométriques, des couleurs, des
nombres ou des actions explorent l’accès lexical. Le choix des items
répond à des critères de fréquence, de classe (nom, verbe) à
l’opposition nom générique versus nom spécifique (outil versus
hache), au critère manipulable versus non manipulable (échelle
versus village), comme dans le MT86.
– Les épreuves de disponibilité lexicale (encore appelée fluence
verbale) sans support visuel consistent à faire évoquer des items
lexicaux suivant une contrainte sémantique (noms d’animaux) ou
formelle (mots commençant par la lettre P ou R) en un temps limité,
le plus souvent de 1 minute 30.
Neurologie
Aphasie
– L’exploration des « automatismes verbaux » est induite par
l’évocation des jours de la semaine, des mois de l’année, des
nombres de 1 à 20 ou encore par la complétion de phrases et de
proverbes.
– La répétition est explorée à partir de syllabes, de mots et de
phrases. Le choix des syllabes et des mots tient compte de la
complexité des mécanismes articulatoires et de la combinatoire du
système phonologique français. Les phrases se distinguent suivant
la longueur, la prédominance d’items lexicaux versus grammaticaux
ou encore le contenu sémantique concret versus abstrait. La
recherche d’un effet lexical (mot versus non-mot) est plus rarement
effectuée.
– La lecture à haute voix permet d’apprécier les capacités de
verbalisation du langage écrit, indépendamment des capacités de
compréhension. Le matériel proposé comprend des mots et des
phrases dont le choix a été guidé par les mêmes variables
psycholinguistiques retenues pour la répétition.
¶ Étude de la compréhension orale
Elle fait appel classiquement à des épreuves de désignation d’images
à partir d’une production verbale énoncée par l’examinateur. Cette
désignation s’effectue toujours en situation de choix multiple. Le
choix multiple est très variable d’un test à un autre. Une première
série d’épreuves étudie la compréhension au niveau lexical :
appariement d’un mot entendu avec sa représentation picturale. Les
subtests sont construits de façon que le choix multiple proposé
comporte un ou plusieurs distracteurs : phonémique (poule/moule),
sémantique (bouton/fermeture éclair), visuel (bouton/roue). Une
seconde série d’épreuves étudie la compréhension au niveau lexical,
syntaxique et morphologique : appariement d’une phrase entendue
avec une image. Les oppositions entre la cible et les distracteurs
peuvent se situer sur le plan lexical (stimulus entendu « l’homme
mange », images : l’homme boit, la femme boit, l’homme mange, la
femme mange), sur le plan morphosyntaxique (stimulus entendu :
« la petite fille montre la dame qui pousse le bébé », stimuli
représentés : la petite fille qui montre la dame pousse le bébé, la
petite fille que montre la dame pousse le bébé, la petite fille montre
la dame qui pousse le bébé). Dans le premier cas, la compréhension
s’appuie sur l’intégration lexicosémantique, dans le second, elle met
en jeu l’intégration des procédés syntaxiques. Les épreuves
précédemment citées utilisent un support visuel (l’image), d’autres
font appel à une réponse gestuelle et requièrent des praxies
gestuelles intactes comme l’exécution d’ordres simples et complexes.
D’autres encore demandent une réponse orale minimale à une
question (oui/non : est-ce qu’une pierre coule dans l’eau ?).
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automatisés. La copie de mots et de phrases met en jeu des
procédures de transposition visuographiques qui peuvent s’effectuer
sans recours à l’évocation orthographique du mot. Une large place
est faite à l’écriture sous dictée. Le choix des items tient compte d’un
certain nombre de variables linguistiques telles que la fréquence, la
longueur, la classe (il s’agit le plus souvent de substantifs), la
régularité versus l’ambiguïté ou encore l’irrégularité orthographique
(bac-pharmacien-femme). L’effet de lexicalité (mot versus non-mot)
est peu étudié dans les tests. Les phrases peuvent s’opposer suivant
leur longueur ou leur forte charge en items lexicaux versus
grammaticaux.
¶ Étude des praxies buccofaciales
Elle permet d’apprécier la motilité volontaire des organes
buccofaciaux.
COTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS
L’examen du langage des patients aphasiques donne lieu à une
cotation quantitative et qualitative. La cotation quantitative
s’exprime à travers des scores (points ou pourcentages)
comptabilisés pour chaque subtest. Elle permet d’effectuer des
comparaisons entre épreuves ou même à l’intérieur d’une épreuve
suivant les variables étudiées. La cotation qualitative répertorie les
types d’erreurs et éventuellement les modes de facilitation efficaces.
Ces données quantitatives et qualitatives sont reportées sur des
grilles d’analyse qui visualisent plus aisément le profil de
perturbations et le syndrome aphasique auquel il s’apparente.
Le recueil de ces données ne doit pas s’effectuer sans un certain
nombre de mises en garde. Toute tentative d’interprétation des
performances nécessite d’avoir suffisamment d’informations sur le
niveau socioculturel et professionnel, le niveau scolaire et le
comportement linguistique habituel du patient. L’interprétation d’un
score bas à une tâche nécessite de confronter les résultats obtenus à
différentes épreuves. Étant donné la pluralité des canaux sensoriels
sollicités lors d’une même tâche, l’examinateur doit toujours avoir
la préoccupation de déterminer si l’échec du patient est dû à une
défaillance de la fonction linguistique supposée être testée ou du
canal sensoriel utilisé pour évaluer cette fonction. Aussi, lorsqu’une
épreuve de désignation d’images à partir d’un mot oral est
perturbée, les questions suivantes doivent-elles être posées : s’agit-il
d’un déficit de perception visuelle en rapport avec l’image
présentée ? d’un déficit de perception auditive ? ou d’un défaut de
compréhension de niveau linguistique ? Ce dernier peut lui-même
être imputé à différents niveaux de perturbation dans le cadre d’une
interprétation cognitive.
¶ Étude de la compréhension écrite
Elle est évaluée par des épreuves d’appariement mot/image et
phrase/image qui suivent des principes identiques à ceux évoqués
pour la compréhension orale. Il s’agit d’épreuves d’appariement en
choix multiples, mais, dans ce cas, le « mot écrit » reste en
permanence à la vue du patient. De la même façon, on peut choisir
des distracteurs ayant avec la cible des similarités sur le plan
phonologique, sémantique ou visuel. Pour les phrases, le choix varie
selon le contenu lexical et la structure syntaxique. Certains tests
proposent des épreuves reposant uniquement sur la lecture, sans
recours à une représentation iconographique : il s’agit d’associations
de segments de phrases et de textes à partir d’un choix multiple de
phrases. Le récit d’une histoire lue peut être demandé aux patients
ne présentant pas de troubles importants de l’expression orale. Des
tâches de discrimination littérale et verbale (HDAE) explorent plus
particulièrement les capacités d’analyse visuelle des stimuli.
¶ Étude de l’expression écrite
Elle comporte plusieurs subtests : expression écrite spontanée,
narration écrite, dénomination écrite portant sur le même type
d’items qu’en expression orale. L’écriture de l’alphabet, ainsi que le
nom et l’adresse étudient les modes d’expression écrite les plus
PERTURBATIONS APHASIQUES : LES SIGNES
¶ Expression orale
Apraxie buccofaciale
Indépendante de toute perturbation motrice ou sensorielle
élémentaire, elle se traduit par l’impossibilité d’exécuter
volontairement certains gestes buccofaciaux qui peuvent en
revanche être produits de façon automatique ou réflexe. Elle est
fréquemment associée à l’aphasie.
Dysprosodie
La prosodie permet, par des variations de la fréquence fondamentale
et par des éléments rythmiques, d’introduire dans le discours des
nuances linguistiques et des contenus émotionnels. La prosodie
linguistique est marquée par des variations d’intonation (phrase
déclarative, interrogative, exclamative) ou d’accentuation (insistance
sur un mot dans une phrase). Dans d’autres langues que le français,
ces variations portent sur l’accentuation syllabique dans un mot
(stress en anglais) ou sur des variations tonales (dans des langues
dites à tons). D’autres facteurs, comme la durée des segments ou
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Aphasie
l’intensité et le timbre, participent à la prosodie. Dans les aphasies
non fluentes comme l’aphasie de Broca et les formes avec trouble
articulatoire, l’augmentation de la durée des segments phonémiques
et des pauses, ainsi que les difficultés de contrôle de paramètres
comme la hauteur et l’intensité perturbent le contour mélodique et
la place des accentuations. La courbe mélodique est plate ou bien,
dans certains cas, les modifications donnent un tableau de prosodie
étrangère (appelé encore syndrome d’accent étranger) : dysprosodie
anglo-saxonne surtout liée à des troubles parétiques des organes
buccopharyngés, dysprosodie de type germanique liée à des
phénomènes dystoniques et aux difficultés de production des
groupes consonantiques. La prosodie émotionnelle exprime les états
affectifs (joie, colère, surprise, tristesse). Chez les cérébrolésés
gauches, les études insistent sur la prédominance des altérations de
la fonction linguistique de la prosodie : interrogation, affirmation,
ordre. Chez les sujets cérébrolésés droits, les modifications les plus
importantes touchent la fonction émotionnelle : colère, joie, tristesse.
Troubles de la fluence
La taxonomie distingue les aphasies fluentes (aphasie de Wernicke,
aphasie de conduction) des aphasies non fluentes (aphasie globale,
aphasie de Broca). La fluence désigne le nombre de mots émis par
minute, environ 90 chez un sujet normal. Elle est évaluée au cours
du langage spontané ou de la description de scènes imagées et
dépend du nombre de pauses ou de leur allongement. Elle doit être
différenciée de la disponibilité lexicale, couramment appelée fluence
verbale, que l’on évalue par des tâches d’évocation lexicale
consistant à donner en un temps limité le plus grand nombre
possible de mots en suivant une contrainte déterminée, sémantique
(animaux) ou formelle (lettre p). Un aphasique peut à la fois être
« fluent », c’est-à-dire parler abondamment, et avoir une faible
disponibilité lexicale.
Mutisme
La suspension du langage peut être totale, parfois même aucun son
n’est émis. On distingue les mutismes liés principalement à des
difficultés articulatoires, et qui vont évoluer rapidement vers une
anarthrie, de ceux qui résultent de perturbations linguistiques de
plus haut niveau, notamment lexical. Enfin, le mutisme akinétique
survient dans le contexte d’une perte globale de l’initiative motrice.
Déviations phonétiques
Neurologie
erreurs portent sur la substitution, l’omission, l’ajout ou la
transposition d’un ou plusieurs phonèmes du mot (exemple : baleine
/balEn/→/banEn/, champignon /SãpiNf/ → /Sãpf/, bottes
/bOt/→/bOlt/, carotte /kaLOt /→/gaLOt/). Lorsque le mot cible
n’est plus identifiable (éléphant →/benEm/) et que la production
est très éloignée du mot cible (moins de 50 % de phonèmes
communs), le terme de néologisme est utilisé. Le jargon phonémique
ou néologique rend compte de l’abondance des néologismes dans
l’expression. Plus récemment, le terme « erreur segmentale » a été
préféré à celui de « paraphasie phonémique » dans le dessein de
rester neutre quant à la nature de ces erreurs. Leur interprétation est
en effet complexe : il est parfois difficile de savoir si l’erreur est due
à un trouble phonologique ou à un trouble de la programmation
des gestes moteurs articulatoires.
• Troubles affectant les mots
Le manque du mot est le signe le plus courant, présent quel que soit
le type d’aphasie. Ce défaut d’évocation lexicale, dont les origines
peuvent être diverses, réduit la qualité informative du langage. Il
peut toucher le lexique dans son ensemble ou ne se manifester que
lors de la recherche d’items appartenant à certaines classes de mots
(noms versus verbes) ou à certaines catégories sémantiques (objets
biologiques versus objets manufacturés).
Les erreurs lexicales sont les substitutions du mot cible par un mot
appartenant au lexique et comprennent plusieurs possibilités. Les
erreurs sémantiques partagent des liens sémantiques avec l’item cible
(soleil → ciel). Les liens sont répertoriés suivant une classification
linguistique de type hiérarchique. Ainsi pour les cibles, chien et
voiture : hyperonyme (animal, objet), co-hyponyme (loup, camion),
hyponyme (dogue, R5), relation contextuelle (os, route), évocation
d’attributs (patte, roue), lien fonctionnel (aboie, route). Les erreurs
verbales formelles sont des substitutions lexicales entretenant avec
l’item cible non une relation sémantique mais une relation de forme
(ressemblance phonologique) (bateau → râteau). Enfin, les erreurs
verbales n’entretiennent ni relation sémantique, ni relation de forme
avec l’item cible (bateau → patte). Ces paraphasies peuvent avoir la
même origine que les paraphasies phonémiques et résulter de la
substitution ou de l’omission de phonèmes (caneton → /katf..kanf/,
canon). Une grande abondance d’erreurs sémantiques ou d’erreurs
verbales réalise un tableau de jargon sémantique ou jargon verbal.
Les erreurs de lexicalisation désignent la substitution d’un non-mot
par un mot, en répétition par exemple (« brupa » → « brutal »).
Elles affectent la réalisation articulatoire d’un phonème. Les troubles
articulatoires se traduisent sur le plan acoustique par des distorsions
phonétiques. Les phonèmes sont difficilement identifiables.
Classiquement, on distingue les distorsions de type parétique liées à
une faiblesse articulatoire, les distorsions dystoniques liées à l’excès
de force articulatoire et les perturbations de type dyspraxique. Ces
troubles articulatoires sont caractéristiques de l’anarthrie (appelée
encore désintégration phonétique). Ils sont plus fréquemment
observés dans les aphasies « antérieures » comme l’aphasie de Broca
que dans les lésions postérieures. Les aspects dyspraxiques
caractérisent le syndrome d’apraxie de la parole, qui peut être observé
en l’absence d’apraxie buccofaciale. Les troubles articulatoires des
dysarthries affectent les étapes les plus périphériques des
mécanismes articulatoires et frappent par la stabilité des réalisations,
tandis que dans l’anarthrie, les performances peuvent varier, en
particulier au gré d’une dissociation automaticovolontaire.
• Agrammatisme
Paraphasies
Les termes de « paraphasie » ou d’« erreur » sont utilisés pour les
troubles observés en expression orale.
C’est une production itérative (syllabe, mot, syntagme) que le
patient ne peut inhiber et qui surgit lors de toute tentative
d’émission orale.
• Erreurs phonémiques
¶ Erreurs en lecture
Ce sont des transformations qui affectent la forme phonologique du
mot. Les productions ne sont pas des mots de la langue. Toutefois,
le mot cible est reconnaissable et les productions peuvent aisément
être transcrites à l’aide de l’alphabet phonétique international. Les
La lecture à haute voix fait appel à des mécanismes de production
orale, et peut donc subir des perturbations dans les mêmes
domaines : articulatoire, phonémique, et même sémantique. D’un
autre côté, elle met en jeu des processus qui lui sont propres et dont
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Il est défini par un trouble de l’agencement syntaxique et de la
morphologie des phrases dû à une utilisation insuffisante ou
défectueuse des morphèmes grammaticaux libres (articles,
prépositions, pronoms) ou liés (flexions concernant le genre, le
nombre, le temps). Classiquement, le terme d’agrammatisme était
réservé aux perturbations allant dans le sens d’une réduction (« style
télégraphique » des aphasies de Broca), tandis qu’une
désorganisation dans l’utilisation des procédés syntaxiques et des
mots fonctionnels était qualifiée de dyssyntaxie ou de
paragrammatisme. La distinction entre agrammatisme et
paragrammatisme semble aujourd’hui moins forte. L’agrammatisme
peut être associé ou non à un trouble de compréhension de même
nature.
• Stéréotypie
Aphasie
Neurologie
la perturbation s’exprime à travers des erreurs spécifiques. Le terme
de paralexie (phonémique, verbale, sémantique) est souvent
employé.
Erreurs visuelles
Elles désignent les substitutions du mot-cible par un mot de forme
écrite proche (bouquet → baquet). Elles peuvent affecter uniquement
la partie gauche (dessin → bassin) ou la partie droite (compléter →
complexe) d’un mot lors de déficits hémiattentionnels.
Erreurs phonologiquement plausibles
Elles traduisent un décodage phonologique correct des unités souslexicales (graphèmes) mais un non-respect des règles contextuelles
ou de l’irrégularité orthographique (cidre → /kidR/, gars → /gaR/,
oignon → /waNf/).
Erreurs phonémiques ou non phonologiquement plausibles
Il s’agit de productions qui ne correspondent pas à un mot de la
langue et qui contiennent des substitutions, des ajouts, des
omissions ou des transpositions de phonèmes par rapport au mot
cible.
Erreurs dérivationnelles ou morphologiques
La production est un mot erroné mais respectant le morphème
racine du mot-cible rêve → rêveur).
Erreurs de lexicalisation
On décrit également des erreurs de lexicalisation (voir supra).
¶ Erreurs en expression écrite
On les désigne par l’appellation « paragraphies ».
Erreurs non phonologiquement plausibles
Elles comprennent toutes les erreurs ne respectant pas la phonologie
du mot en raison de la substitution, l’omission, l’ajout ou la
transposition d’une ou plusieurs lettres (carabine → caribe). Les
termes de paragraphie « phonémique » ou même « graphémique »
sont moins employés actuellement. Une grande abondance de ce
type de perturbation réalise un tableau de jargonagraphie.
Erreurs phonologiquement plausibles
Elles ne respectent pas l’orthographe spécifique du mot mais
préservent sa forme phonologique (femme → fame ; second →
segon) en utilisant des règles de correspondance phonèmegraphème. (Le graphème est la représentation écrite d’un phonème.
Il peut s’agir d’une lettre : f, p, t, a, i ou de plusieurs lettres : ou, ph,
oin, ch).
17-018-L-10
Une autre limite concerne le niveau d’analyse des troubles. Les
bilans font l’inventaire des signes cliniques et aident à classer
l’aphasie du patient suivant une taxonomie de référence. Cette
opération suffit en général au neurologue pour poser un diagnostic,
discuter les corrélations clinicolésionnelles et en déterminer les
implications médicales, mais elle apporte peu d’informations sur les
mécanismes du langage. Cette lacune est aujourd’hui comblée par
l’approche cognitiviste qui, en appliquant des grilles d’analyse
inspirées par la linguistique, vise à exploiter les troubles causés par
la pathologie en vue tout à la fois d’élaborer des modèles théoriques
du langage normal et de prédire les conséquences de leurs
dysfonctionnements ( [161] ; Eustache, Lambert et Nore-Mary [57] dans
le domaine de l’expression écrite).
Enfin, au delà de son intérêt purement scientifique, l’analyse
neurolinguistisque permet, par sa précision, de saisir les singularités
de chaque cas d’aphasie et constitue, à ce titre, un complément
indispensable à la rééducation [96].
Étude clinique des aphasies
À la fin du XIXe siècle, la classification des aphasies n’était fondée ni
sur leurs caractères sémiologiques, ni sur le siège anatomique des
lésions responsables, mais sur un modèle prévoyant une stricte
correspondance terme à terme entre les éléments de ces deux
registres. Il était admis que les mots, unités constitutives du langage,
étaient représentés dans le cerveau sous forme d’« images » au
niveau de centres corticaux, dont au moins trois étaient bien
individualisés sur le plan anatomique : images motrices (aire de
Broca), images auditives (aire de Wernicke), images visuelles (pli
courbe). Ces centres étaient connectés :
– entre eux ;
– avec le centre cortical de l’idéation ;
– avec les récepteurs et effecteurs (périphériques et donc « souscorticaux ») ; chaque centre ayant son effecteur ou récepteur propre.
La fonction des centres était d’élaborer le langage intérieur, le centre
de l’idéation avait pour tâche de transmettre la pensée aux centres
du langage, et les effecteurs et récepteurs assuraient la mise en
œuvre des fonctions du langage. De ce modèle anatomofonctionnel
découlait naturellement la typologie suivante (fig 1) due à
Lichtheim :
– atteinte des centres = trouble du langage intérieur = aphasies
corticales (1, 2) ;
– dysconnexion entre aire de Broca et aire de Wernicke = aphasie de
conduction (3) ;
C
Erreurs de réalisation graphique
5
Elles affectent la réalisation de la lettre et perturbent l’agencement
de ses traits constitutifs : barres horizontales ou verticales, hampes
supérieures ou inférieures, boucles. La production ne correspond pas
à une vraie lettre et peut être difficilement identifiable. De même
que pour la lecture, des erreurs dérivationnelles, sémantiques,
verbales ou de lexicalisation peuvent être relevées.
1
2
M
LIMITES DES BILANS
Une première limite des protocoles d’évaluation des capacités
linguistiques réside dans l’arbitraire des situations de langage
induites, fort éloignées des comportements linguistiques habituels
qui reposent, eux, sur des situations d’échange. Ils s’opposent sur ce
point aux échelles fonctionnelles et pragmatiques (par exemple
l’échelle de communication verbale de Bordeaux [41]), qui visent à
évaluer le retentissement de l’aphasie sur les activités de la vie
quotidienne.
4
7
3
A
6
1
Schéma dit « de la maison » d’après Lichtheim [102]. A. Centre des images auditives des mots ; M. centre des images motrices des mots ; C. centre de l’idéation ; 1. aphasie de Wernicke ; 2. aphasie de Broca ; 3. aphasie de conduction ; 4. aphasie transcorticale sensorielle ; 5. aphasie transcorticale motrice ; 6. surdité verbale pure ; 7. anarthrie
pure.
5
Aphasie
17-018-L-10
– dysconnexion entre centres de l’idéation et du langage = aphasies
transcorticales (4, 5) ;
– dysconnexion entre centres et effecteurs ou récepteurs = aphasies
sous-corticales (6, 7).
Cette nomenclature, même si elle n’a plus aujourd’hui de
prétentions théoriques ou explicatives, a l’avantage de fournir une
grille dans laquelle toutes les variétés possibles d’aphasie trouvent
leur place et peuvent être classées selon des critères sémiologiques
simples en catégories mutuellement exclusives. Le modèle
anatomoclinique simple qu’elle proposait s’est considérablement
compliqué sous l’effet de la linguistique et de l’imagerie, et la
terminologie a, elle aussi, été rajeunie. Le terme générique
d’aphasies corticales, devenu à la fois trop imprécis et décidément
inexact, est tombé en désuétude, mais les appellations d’aphasie de
Broca et de Wernicke restent universellement utilisées en clinique.
Les termes d’aphasie de conduction et d’aphasie transcorticale ont
été consacrés par l’usage, parce qu’ils ont gardé toute leur efficacité
sémiologique : leur trait distinctif, l’atteinte ou la conservation,
respectivement, de la capacité de répéter est aussi celui qui les
oppose radicalement. Quant au terme purement anatomique
d’« aphasie sous-corticale », il a perdu son ancienne signification
d’« aphasie pure » pour désigner aujourd’hui certaines aphasies par
lésion du thalamus ou des noyaux gris centraux qui appartiennent à
la catégorie des aphasies transcorticales, mais dont les singularités
sémiologiques justifient l’individualisation comme une entité
anatomoclinique à part entière. La surdité verbale, qui figure au
chapitre de l’Encyclopédie médicochirurgicale consacré aux agnosies
auditives [103] ne sera pas traitée ici.
APHASIE DE BROCA
Le synonymes sont : aphasie motrice (Wernicke, 1874 [102]), aphasie
motrice corticale (Lichtheim, 1885 [102] ), aphasie d’expression
(Déjerine, 1914 [102]), aphasie verbale (Head, 1926 [102]), aphasie
motrice périphérique (Goldstein, 1948 [127]), aphasie motrice efférente
(Luria, 1964 [112]).
Deux traits essentiels sont nécessaires au diagnostic : l’expression
orale peu fluente et les troubles de l’articulation. Les difficultés sont
maximales en expression spontanée. Celle-ci est réduite, nécessitant
un effort considérable notamment d’initiation, et peut se limiter à
une stéréotypie, à quelques mots (noms, verbes d’action à l’infinitif)
ou à des formules automatiques. La parole est lente, laborieuse,
souvent syllabique et dysprosodique. Les transformations
phonétiques sont au premier plan, masquant des paraphasies
phonémiques qui deviennent plus nettes au cours de la
récupération. Le manque du mot est constant, d’intensité variable,
prédominant dans le langage spontané. La dénomination est
améliorée par l’ébauche orale (prononciation de la première syllabe,
voire simple mouvement des lèvres). La répétition est anormale,
mais meilleure que l’expression spontanée ; les difficultés principales
concernent la répétition des mots ou phrases dont l’expression
spontanée est déjà la plus perturbée (mots grammaticaux, structures
syntaxiques complexes). Le langage « automatique » (énumérer les
mois de l’année, les jours de la semaine) est également meilleur. Les
troubles arthriques peuvent s’atténuer, voire disparaître pour un
même mot selon qu’il est produit spontanément, lors d’une activité
de transposition (répétition ou lecture à haute voix), dans une série
automatique ou au cours de mélodies familières. La compréhension
orale est variable mais toujours supérieure à l’expression orale
spontanée. Les difficultés portent surtout sur les structures
grammaticales et syntaxiques complexes, les mots grammaticaux, les
messages complexes surtout lorsqu’un certain nombre
d’informations sont déterminées dans une séquence ordonnée (par
exemple toucher successivement différentes parties du corps).
La lecture à haute voix et la compréhension écrite sont mauvaises.
Là encore, les performances sont meilleures pour les mots isolés que
pour les phrases et la difficulté s’aggrave avec le degré de
complexité syntaxique. L’échec de la lecture à haute voix des lettres
et des non-mots (logatomes) contraste avec les capacités de lecture
des items lexicaux isolés. Dans l’écriture, on observe une réduction
6
Neurologie
de la production, un agrammatisme, des troubles du graphisme, des
paragraphies [127]. La réduction est particulièrement marquée dans
l’écriture spontanée et dictée par rapport à la copie ; la production
de substantifs et l’absence de mots grammaticaux peuvent aboutir à
une écriture agrammatique. Les caractères peuvent être
méconnaissables. Lorsque l’analyse de l’écriture est possible, les
paragraphies littérales constatées sont le plus souvent à type de
dysorthographie et d’oubli de lettres. L’évolution est fréquemment
marquée par une dissociation entre les performances du langage oral
et écrit, le plus souvent au détriment de l’écrit. L’écriture peut être
très peu altérée dans certaines formes d’aphasies où prédominent
les troubles arthriques, proches de l’anarthrie.
L’aphasie de Broca fait souvent suite à une aphasie globale ou à un
mutisme [ 1 0 2 ] . L’évolution est marquée par la récupération
progressive de mots concrets, le développement d’un agrammatisme
marqué par des phrases courtes, de style « télégraphique » (qui
n’existe jamais d’emblée) et un langage de plus en plus
propositionnel (Lecours et Lhermitte [102]). L’évolution des troubles
arthriques et de la réduction de la fluence peut être dissociée ; la
persistance d’un mutisme ou de stéréotypies est rare. Lorsque le
tableau initial est celui d’une aphasie de Broca, la récupération est
habituellement bonne. Les troubles neurologiques associés
comportent dans 80 % des cas une hémiplégie ou une hémiparésie
brachiofaciale sensitivomotrice droite, une apraxie idéomotrice de la
main gauche et, dans 90 % des cas, une apraxie bucccofaciale [44]. La
conscience aiguë que ces aphasiques ont de leur trouble génère des
« réactions catastrophiques » et de véritables états dépressifs face à
leurs échecs répétés dans leurs tentatives de communication avec
l’entourage. Cette dimension affective doit être prise en
considération dans l’interprétation des performances et justifie
souvent un traitement spécifique.
L’anarthrie pure (aphasie motrice pure, désintégration phonétique)
survient rarement d’emblée et constitue plutôt l’étape ultime d’une
aphasie de Broca [102]. La compréhension et l’expression écrite sont
normales. Les transformations phonétiques sont isolées,
prédominent en répétition ou en conversation et peuvent disparaître
complètement dans le langage automatique. L’apraxie buccofaciale
est constante. Dans les formes intermédiaires avec l’aphasie de
Broca, il existe des paraphasies phonémiques, un graphisme
maladroit et une dysorthographie. Le terme « aphémie » proposé en
1861 par Broca pour désigner « une perturbation acquise de la
faculté du langage articulé » reste de nos jours ambigu, même s’il
renvoie pour l’essentiel à des troubles arthriques dans une acception
très proche de l’anarthrie. Pour Schiff et al [155], l’aphémie recouvre
un syndrome dysarthrique sans aphasie ou presque, déterminé par
de petites lésions corticales ou sous-corticales du « système moteur
responsable de l’articulation ».
APHASIE DE WERNICKE
Les synonymes sont : aphasie sensorielle (Wernicke, 1874), aphasie
sensorielle corticale (Lichtheim, 1885), aphasie syntaxique (Head,
1926), aphasie sensorielle centrale (Goldstein, 1948), aphasie de
Wernicke de type I (Lecours et Lhermitte, 1979) [102, 127].
Une fluence normale ou exagérée, l’absence de trouble de
l’articulation, la production de nombreuses paraphasies, un langage
souvent vide de sens et des troubles importants de la compréhension
la caractérisent. La fluence ne traduit aucun effort de production ; la
longueur des phrases est normale et leur structure grammaticale
globale respectée. L’exagération de la fluence peut aboutir à une
logorrhée incontrôlable. L’articulation est normale, la prosodie
également, mais elle est souvent mal adaptée au contexte. En dépit
de la production correcte de nombreux mots et d’une syntaxe
normale, les pensées et les sentiments du patient ne peuvent être
correctement traduits ; seules persistent quelques phrases ou
expressions toutes faites. La production déviante comporte
l’addition de nombreuses syllabes en fin de mots et de mots en fin
de phrase, des paraphasies verbales et sémantiques, mais aussi
phonémiques et des néologismes. Quand la production est pour
l’essentiel constituée de paraphasies, le langage peut être totalement
Aphasie
Neurologie
incompréhensible et aboutir à une jargonaphasie. La répétition est
défectueuse, assez bien corrélée à la compréhension : ce qui est
correctement compris peut être relativement bien répété et
réciproquement. Le langage automatique (réciter les jours de la
semaine, les mois de l’année...), pour peu que l’attention du patient
puisse être captée et que celui-ci comprenne la consigne, peut être
meilleur. En dénomination, le manque du mot est très important,
non amélioré par l’ébauche orale et la production de paraphasies est
fréquente. Alors que les paraphasies constatées dans le langage
spontané sont essentiellement verbales, les erreurs en dénomination
sont plus fréquemment des néologismes ou des paraphasies
phonémiques. Cette fréquente « dissociation » n’est cependant pas
constante, de même que la dénomination peut, dans certains cas
rares, être de bonne qualité sans que le diagnostic d’aphasie de
Wernicke puisse être remis en cause.
Les troubles de la compréhension du langage parlé sont constants.
La compréhension peut être nulle. Souvent, un mot isolé ou une
courte phrase peuvent être compris, mais les difficultés croissent
rapidement avec l’augmentation du nombre d’informations. Ainsi, à
quelques secondes d’intervalle, un mot initialement compris peut
ne plus l’être, comme s’il existait une « saturation » des capacités de
compréhension. Les difficultés deviennent majeures lorsqu’il s’agit
de passer d’une tâche à une autre (par exemple montrer les
différents objets de la pièce, puis désigner sur des images différents
animaux). En revanche, les consignes à référence corporelle (toucher
une partie du corps, bouger un segment de membre, mimer tel ou
tel mouvement) sont souvent mieux exécutées que les autres tâches.
Les phrases longues ou à structure syntaxique complexe ne sont
habituellement pas comprises.
La lecture et la production écrite sont perturbées parallèlement à la
production orale. Dans l’écriture, les lettres sont bien formées et la
production abondante. Les caractères sont disposés en mots avec de
nombreuses paragraphies, verbales et littérales, et aussi des
néologismes. Les mots grammaticaux sont mieux écrits que les
substantifs. La copie est meilleure que l’écriture spontanée ou dictée.
Lecours et Lhermitte (1979) [102] ont qualifié d’aphasie de Wernicke
de type III les observations comportant une compréhension et une
expression écrites très inférieures aux performances orales (alexie
avec agraphie). Que ce soit pour la compréhension ou pour
l’expression, il existe des cas, rares mais spectaculaires, de
dissociation des performances entre l’oral et l’écrit (Hier et Mohr,
1977 [127]).
Habituellement, les déficits neurologiques associés à l’aphasie de
Wernicke sont peu marqués (il peut exister une hémiparésie, des
troubles de la sensibilité, une amputation du champ visuel,
notamment une quadranopsie supérieure droite). Forme d’aphasie
fréquente chez le sujet âgé, l’aphasie de Wernicke ne doit pas être
confondue avec un état confusionnel ou psychotique, risque d’autant
plus grand que les patients sont anosognosiques de leur trouble du
langage.
APHASIE DE CONDUCTION
Les synonymes sont : aphasie centrale (Goldstein, 1948 [127]), aphasie
motrice afférente [102], aphasie de conduction afférente et efférente
[88, 112]
.
L’existence de l’aphasie de conduction fut postulée dès 1874 par
Wernicke. Il supposa qu’une lésion interrompant la connexion entre
le cortex temporal et le cortex frontal devait entraîner une aphasie
caractéristique. Cette hypothèse fut ultérieurement reprise par
Lichtheim (1885) [102]. L’aphasie de conduction représenterait 10 à
15 % du total des aphasies [13]. Le langage spontané est fluent (moins
que dans l’aphasie de Wernicke, mais plus que dans l’aphasie de
Broca), riche en paraphasies. La longueur des phrases est légèrement
réduite. Le discours est entrecoupé d’hésitations traduisant les
tentatives spontanées d’autocorrection (conduites d’approche
phonémiques), d’autant plus abondantes que ces patients sont
parfaitement conscients de leurs difficultés. La dénomination est
perturbée par des paraphasies phonémiques, ou plus rarement
sémantiques, de même que la répétition ; les difficultés sont parfois
17-018-L-10
éludées par l’emploi d’une périphrase ou d’un synonyme. Tous les
mots (substantifs, adjectifs, verbes, mots grammaticaux) sont
concernés, et plus encore les non-mots. La compréhension orale est
bonne, avec parfois une difficulté pour des phrases complexes.
Comme l’expression orale, la lecture à haute voix est marquée de
paraphasies phonémiques, alors que la compréhension du message
écrit reste bonne. L’agraphie est constante, l’écriture spontanée
toujours plus perturbée que l’expression orale. Le graphisme est de
bonne qualité et la copie préservée. La production spontanée ou
dictée comporte de nombreuses paragraphies littérales, une
dysorthographie et une atteinte phonologique prédominante [127]. Les
mots grammaticaux sont plus souvent omis que les substantifs. La
grande difficulté ou l’incapacité d’écriture des non-mots est
caractéristique de l’aphasie de conduction. Les substitutions de
lettres peuvent rendre l’écriture quasi jargonnante (Assal, 1982 [127]).
Il existe, comme dans l’expression orale, de nombreuses tentatives
d’autocorrection.
L’aphasie de conduction peut exister d’emblée ou faire suite à une
aphasie de Wernicke. Les symptômes neurologiques associés
comportent une hémi-hypoesthésie, parfois suivie d’un syndrome
douloureux, une asymbolie à la douleur, une quadranopsie
supérieure ou inférieure ou une hémianopsie, une apraxie
idéomotrice sur commande verbale, mais non en imitation et, plus
rarement, une hémiplégie. Le pronostic de l’aphasie de conduction
est favorable.
APHASIE GLOBALE
L’aphasie globale est une altération sévère de toutes les fonctions
du langage. Le mutisme initial est fréquent, l’expression spontanée
est nulle ou très réduite, limitée à une syllabe, à quelques mots ou
stéréotypies. La compréhension est altérée, mais Benson (1979) [102]
souligne la compétence habituelle de ces patients à comprendre le
« langage non parlé » (gestes, mimiques, position du corps) et les
inflexions et intonations de la voix.
Le déficit neurologique associé est important (hémiplégie,
hémianesthésie, hémianopsie latérale homonyme). De rares
observations sont remarquables par la discrétion ou l’absence de
déficit neurologique ; ces dernières pourraient connaître une
évolution meilleure [38] et indiquer une lésion limitée aux territoires
de jonction en avant de l’aire de Broca et en arrière de l’aire de
Wernicke [175], une topographie plus habituellement rencontrée dans
l’aphasie transcorticale sensorielle.
APHASIES TRANSCORTICALES
Les aphasies transcorticales sont les aphasies respectant les capacités
de répétition.
¶ Aphasie transcorticale motrice
L’aphasie transcorticale motrice peut survenir d’emblée ou faire
suite à une aphasie de Broca. Elle se caractérise par une expression
spontanée nulle ou limitée à quelques syllabes, mots ou phrases
courtes et agrammatiques, hésitante, parfois écholalique [102] .
L’existence d’une dysarthrie la distingue de l’aphasie dynamique de
Luria [112], à laquelle elle est parfois assimilée. Pour Luria, « les pires
difficultés surgissent quand le malade doit composer de façon
indépendante un schéma d’énonciation et le développer dans le
langage spontané ». AR Damasio [38] signale la possibilité d’erreurs
phonétiques, phonémiques et lexicales. Benson (1979) [102] insiste sur
l’effet facilitant d’une activité motrice : un comportement de
déambulation ou des mouvements incessants de la main paraissent
favoriser, chez certains patients, la production orale. La disponibilité
lexicale est particulièrement faible et encore entravée par des
persévérations. La dénomination est entravée par le manque du mot
et surtout par des difficultés d’initiation et des persévérations, elle
est améliorée par l’ébauche orale ou les indices contextuels. Le
langage automatique est conservé à condition d’être initié par
l’examinateur. Les capacités à compléter les phrases, les proverbes,
les poèmes sont excellentes. La répétition est bonne, pour les lettres
7
Aphasie
17-018-L-10
comme les mots, les phrases ou les non-mots. La compréhension
orale est bonne. La compréhension écrite est meilleure que dans
l’aphasie de Broca. La lecture à haute voix est peu perturbée.
L’écriture spontanée, calquée sur la production orale, est réduite, le
graphisme est maladroit, avec des omissions de lettres ou de mots
et un agrammatisme.
Le déficit neurologique associé varie selon les lésions, mais comporte
habituellement une hémiplégie, qui prédomine souvent au membre
inférieur, et une apraxie idéomotrice. La récupération est variable
mais généralement bonne.
¶ Aphasie transcorticale sensorielle
Les synonymes [102] sont : aphasie nominale (Head, 1926), aphasie de
Wernicke de type II (Lecours et Lhermitte, 1979).
Le langage spontané est fluent et bien articulé, mais entravé par de
nombreuses erreurs (paraphasies sémantiques, néologismes,
paraphasies phonémiques) et par une écholalie. En dénomination,
le manque du mot est intense, compensé par des périphrases. La
répétition est parfaite et même servile, le patient pouvant répéter
sans poser de questions des items inhabituels sans les rectifier
(structures syntaxiques, mots ou phonèmes inappropriés) ni les
comprendre (non-mots ou phrases en langue étrangère). Initié par
l’examinateur, le langage automatique est bon, de même que le
complètement de proverbes et de phrases ou la récitation de
poèmes. La compréhension orale est défectueuse ; ce qui est répété
et complété n’est pas nécessairement compris. La désignation est
sévèrement perturbée. La lecture à haute voix est de qualité
variable ; le plus souvent, elle suscite de nombreuses paraphasies
ou une production sans rapport avec le texte. La compréhension de
l’écrit, même correctement lu, est déficiente. L’écriture serait
perturbée de façon assez semblable à ce qui est constaté dans
l’aphasie de Wernicke, avec des performances correctes en copie, et
meilleures en dictée qu’en écriture spontanée.
Les signes neurologiques associés peuvent être un déficit sensitif et
une hémianopsie ou une quadranopsie supérieure ou inférieure.
Comme dans l’aphasie de Wernicke, l’absence de signes
neurologiques focaux peut égarer et faire évoquer par erreur un
trouble psychiatrique. L’aphasie transcorticale sensorielle peut faire
suite à une aphasie initialement plus intense. Le pronostic à long
terme est incertain. L’aphasie transcorticale sensorielle peut aussi
s’installer peu à peu, dans le cadre d’une démence ou de toute autre
affection neurologique progressive. Elle est alors inaugurée par une
anomie.
¶ Aphasie transcorticale mixte
Cette aphasie cumule les déficits des aphasies transcorticales motrice
et sensorielle. Dans la majorité des cas, l’écholalie résume l’ensemble
de la production. La répétition est préservée, mais limitée à quelques
mots. Certains patients peuvent corriger une formulation
inappropriée en dépit de la compréhension défectueuse.
L’articulation est normale ou un peu dysarthrique et le langage
automatique est conservé. La compréhension orale et écrite est
défectueuse, souvent nulle, la lecture à haute voix impossible ou
très mauvaise. L’agraphie est le plus souvent totale, y compris en
copie et n’offre pas de dissociation semblable à celle de l’expression
orale.
Les signes neurologiques peuvent associer un déficit
sensitivomoteur et une hémianopsie.
APHASIE AMNÉSIQUE
Les synonymes sont : aphasie anomique (Benson, 1979 [102]), aphasie
sémantique (Head, 1926 [102]), anomie [67].
Le manque du mot est ici le trouble principal ou exclusif. La fluence
est normale ou réduite par des pauses, l’articulation et la prosodie
sont normales, les phrases correctement construites, mais pauvres
en substantifs, parfois inachevées. Le langage est peu informatif. La
dénomination est particulièrement défectueuse quelle que soit la
8
Neurologie
modalité : canal visuel, auditif, tactile ou évocation d’après la
définition. Le manque du mot est compensé par des périphrases,
des mots passe-partout (chose, machin) ou une définition par l’usage
(brosse : « pour se coiffer ») ou plus rarement des paraphasies
sémantiques. L’ébauche orale est inopérante. Les difficultés sont plus
marquées pour les noms propres et les substantifs que pour les
verbes. La disponibilité lexicale est déficiente. Le malade peut
éprouver des difficultés aux épreuves de classement sémantique et
même de décision lexicale (Lecours et Lhermitte, 1979 [102]). Le
manque du mot peut prédominer sur une catégorie sémantique (par
exemple êtres vivants versus objets) et, à l’intérieur d’une catégorie,
sur une sous-classe (par exemple végétaux versus animaux) [38]. La
mémoire verbale (mots couplés, apprentissage d’une liste de mots
ou d’un texte) est altérée. La répétition est normale. Dans les formes
pures d’aphasie amnésique, la compréhension, la lecture, l’écriture
copiée et dictée sont normales et l’écriture spontanée reflète le
trouble de l’expression orale [127].
Pour Benson (1979) [102] , l’aphasie transcorticale sensorielle et
l’aphasie amnésique sont les deux pôles d’un même processus
physiopathologique, que la pathologie peut parcourir dans un sens
ou dans l’autre. Ainsi, l’aphasie amnésique peut être soit le stade
initial d’un état démentiel, soit le stade final d’une aphasie
transcorticale sensorielle ayant évolué favorablement. Dans ce
dernier cas, la compréhension, la lecture et l’écriture peuvent rester
légèrement perturbées.
L’anomie a une faible valeur localisatrice. L’examen neurologique
est souvent normal par ailleurs. Cependant pour H Damasio [39], une
lésion de la partie antérieure du lobe temporal de l’hémisphère
dominant serait déterminante.
APHASIES SOUS-CORTICALES
Nous avons vu que pour les auteurs anciens, les centres du langage
étaient corticaux, et que les aphasies sous-corticales étaient
considérées comme des troubles « purs » (on dirait aujourd’hui
unimodaux) résultant d’une dysconnexion entre ces centres et
l’effecteur (aphasie motrice pure) ou le récepteur (surdité verbale
pure) périphérique. On comprend pourquoi, bien plus tard, Luria [113]
et ceux qui, à sa suite, entreprirent d’étudier la sémiologie
aphasiologique des lésions sous-corticales, commencèrent par
nommer prudemment « quasi-aphasie » les troubles qu’ils avaient
constatés. L’imagerie couplée à la neuropsychologie clinique a
prouvé depuis lors que de telles lésions peuvent être responsables
d’authentiques syndromes aphasiques [25, 133, 145].
L’étude de Puel et al [145] donne une idée de la répartition des
différents types d’aphasie observés. Sur 25 patients ayant une lésion
vasculaire sous-corticale définie par le scanner, quatre présentaient
une dysarthrie isolée, neuf une aphasie « classique » (deux aphasies
globales, trois aphasies de Broca, trois aphasies de Wernicke et une
aphasie de conduction) et 12 une sémiologie originale : défaut
d’incitation verbale, altérations de la parole avec hypophonie et
parfois dysarthrie, anomie « dissociée » (plus marquée en langage
spontané qu’en dénomination), paraphasies verbales étranges ou
bizarres, prédominant également dans le langage spontané et, enfin,
une incohérence du discours qui est peut-être l’aspect le plus
remarquable du tableau. La compréhension était imparfaite,
meilleure pour les mots que pour les phrases. La répétition et le
langage automatique étaient préservés. Il faut ajouter à ces
symptômes proprement aphasiques un trouble des apprentissages
et de la mémoire verbale. En résumé, il s’agit d’une aphasie avant
tout expressive, associant une perte de l’autonomie et de l’initiative
verbale, un trouble de la réalisation de la parole et une incohérence
sémantique due à une instabilité du discours et à des choix lexicaux
approximatifs. Cette aphasie, qui laisse intactes les capacités de
répétition, se rattache au groupe des aphasies transcorticales, mais
sa sémiologie (qualifiée par Puel et al de « dissidente ») justifie son
individualisation, admise par la plupart des auteurs actuels, sous le
terme d’aphasie sous-corticale.
Les lésions peuvent atteindre la substance blanche, les noyaux gris
ou les deux. Les infarctus profonds du territoire sylvien donnent
Aphasie
Neurologie
une aphasie motrice importante, voire une aphasie globale, les
lésions limitées au thalamus ou au striatum une aphasie de type
« sous-cortical », ainsi parfois que les lésions capsulaires internes.
Les lésions purement putaminales donnent une dysarthrie sans
aphasie. Les lacunes capsulaires ou latéroventriculaires ne donnent
pas d’aphasie, mais une dysarthrie [140] avec parfois une composante
cérébelleuse. Les hématomes profonds donnent presque toujours au
moins initialement une aphasie dont le pronostic dépend de
l’extension des lésions vers la substance blanche latéroventriculaire.
Les hématomes lobaires frontaux peuvent donner une aphasie
transcorticale motrice, les hématomes temporaux une aphasie de
Wernicke. Les lésions sous-jacentes au cortex insulaire ou au lobule
pariétal inférieur peuvent donner une aphasie de conduction. Les
lésions sous-corticales expansives donnent d’abord un manque du
mot en langage spontané puis en dénomination, qui peut résumer
longtemps le tableau clinique.
Les troubles associés varient naturellement selon les structures
atteintes. La présence d’une hémiplégie témoigne d’une atteinte de
la substance blanche latéroventriculaire antérieure ou capsulaire.
L’absence de troubles moteurs ou leur discrétion (négligence motrice
par exemple) oriente soit vers une lésion thalamique (on peut noter
alors des troubles associés de la mémoire, de la vigilance, de
l’oculomotricité ou de la sensibilité), soit vers une lésion de la
substance blanche postérieure (il existe alors une hémianopsie).
APHASIES CROISÉES
Stricto sensu, l’aphasie croisée résulte d’une lésion cérébrale
ipsilatérale à la main préférentiellement utilisée par le patient. Elle
correspond donc aux fréquentes aphasies par lésion gauche chez le
gaucher et aux rares aphasies par lésion droite chez le droitier. En
fait, seules ces dernières sont considérées comme des aphasies
croisées. Joanette [84] a fait une revue exhaustive de la littérature, et
n’a retenu, des 75 cas publiés, que les 11 qui lui semblaient présenter
tous les critères du diagnostic. Six d’entre eux ressemblent à une
aphasie de Broca, mais les cinq autres s’écartent de la typologie
classique.
La compréhension orale et écrite est respectée, l’expression
spontanée est souvent réduite avec un certain degré
d’agrammatisme, des paraphasies phonémiques et une bonne
articulation. L’expression écrite est moins réduite, moins
agrammatique et plus « jargonnante » que l’expression orale. Un cas
décrit par Assal (1982) [127] comporte une jargonagraphie. Les
activités de transposition sont en général défectueuses. La
récupération des troubles aphasiques serait assez favorable et
rapide. Au déficit du langage s’ajoutent fréquemment une apraxie
visuospatiale, une négligence gauche, une dyscalculie, ainsi que des
difficultés d’évaluation du temps chez deux patients. Enfin, la
fréquence inhabituelle des lésions sous-corticales est un autre point
original.
TROUBLES DE LA COMMUNICATION VERBALE
DANS LES LÉSIONS DE L’HÉMISPHÈRE DROIT CHEZ LE
DROITIER EN DEHORS DES APHASIES CROISÉES
La dominance de l’hémisphère gauche pour le langage, établie
depuis la découverte de Broca, mérite d’être nuancée (Hannequin et
al, 1987 [102]). D’une part, l’étude des dysconnexions calleuses a établi
que l’hémisphère droit peut accomplir certaines performances
linguistiques, en particulier au niveau lexicosémantique. D’autre
part, cet hémisphère intervient dans des aspects non verbaux de la
communication. Des troubles de la prosodie sont présents (sinon
toujours recherchés) chez les patients cérébrolésés droits. Les
troubles de la compréhension prosodique sont les mieux
documentés. Ils semblent liés, au moins en partie, à une perturbation
du décodage perceptif prosodique, indépendamment de sa fonction
linguistique ou émotionnelle. L’expression prosodique émotionnelle
est amoindrie chez certains de ces patients, mais il reste à savoir si
cette perturbation affecte la conception du contour intonatif
émotionnel ou sa mise en œuvre dans le langage parlé.
Enfin, on insiste sur les modifications du comportement langagier
en situation « naturelle » de communication : c’est le domaine de
17-018-L-10
l’organisation du discours, de la pragmatique, des actes de langage.
L’intégrité de l’hémisphère droit semble particulièrement importante
pour une adéquation contextuelle des comportements de
communication, y compris dans l’intégration de l’implicite du
langage (sous-entendus), dans l’usage des métaphores, voire de
l’humour.
Étiologies des aphasies
Sauf précision contraire, les indications topographiques données
dans ce chapitre s’appliquent à des lésions de l’hémisphère gauche.
APHASIES D’ORIGINE VASCULAIRE
Une étude prospective a trouvé, sur 881 accidents vasculaires
cérébraux aigus, 38 % d’aphasies (9/10 par lésion gauche, 1/10 par
lésion droite), dont la moitié d’aphasies sévères [142]. La gravité de
l’aphasie était corrélée à l’âge et à l’importance des autres signes
neurologiques. Le pronostic était fonction à la fois de la gravité de
l’aphasie et du tableau neurologique général, et 95 % des aphasiques
avaient atteint un plateau dans la récupération en 6 semaines.
Inversement, l’aphasie était en elle-même un facteur de gravité de
l’accident vasculaire, puisque la mortalité atteignait 31 % chez les
aphasiques contre 18 % en moyenne sur l’ensemble de la série.
¶ Infarctus cérébraux
Dans l’hémisphère gauche, les structures anatomiques nécessaires
au fonctionnement de la boucle audiphonatoire sont situées dans le
territoire sylvien. Des zones plus périphériques mais néanmoins
indispensables à l’accomplissement des fonctions linguistiques sont
vascularisées, soit par d’autres branches de la carotide (cérébrale
antérieure, choroïdienne antérieure), soit par la cérébrale postérieure.
Le type d’aphasie observé au cours d’un infarctus hémisphérique
gauche sera donc étroitement lié au territoire vasculaire.
Artère sylvienne
C’est la plus grosse branche de la carotide interne, et la plus
fréquemment affectée dans les accidents ischémiques [125]. Elle irrigue
la plus grande partie du cortex de la convexité hémisphérique. Son
territoire sous-cortical comprend le putamen, la partie latérale du
pallidum, une partie du noyau caudé, le claustrum et les capsules
externe et extrême, la partie supérieure de la capsule interne, ainsi
qu’une large étendue de substance blanche latéroventriculaire. Le
tronc de l’artère sylvienne donne naissance aux artères
lenticulostriées, qui vont irriguer le territoire sous-cortical. Ensuite,
la sylvienne se divise, le plus souvent, en deux branches : la branche
supérieure donne les artères à destinée frontale, rolandique et
pariétale antérieure, et porte souvent les lenticulostriées externes.
Pour cette raison, l’occlusion de la branche supérieure à son origine
entraîne un infarctus non seulement superficiel antérieur mais aussi
profond, capsulolenticulaire. La branche inférieure vascularise le
cortex temporal et pariétal postérieur.
L’infarctus sylvien total gauche, dû à une occlusion du tronc de la
sylvienne ou de la terminaison carotidienne, s’accompagne d’une
aphasie globale. Les infarctus sylviens profonds étendus donnent
des syndromes aphasiques variés affectant de façon prédominante
l’expression orale (supra « Aphasies sous-corticales »). Les petits
infarctus profonds correspondent le plus souvent à des lacunes [139].
Moins de 10 % donnent lieu à une aphasie. Dans ces cas, il s’agirait
en fait d’infarctus emboliques, comme semblent l’attester la présence
fréquente d’une source embolique et les dimensions de la lésion au
scanner, dépassant 15 mm de diamètre.
Les occlusions de la branche corticale supérieure donnent lieu à des
infarctus sus-sylviens. Ces lésions, même si elles intéressent l’aire de
Broca, donnent rarement une aphasie durable. En revanche, lorsque
les lenticulostriées externes naissent de la branche de bifurcation
supérieure, l’infarctus est cortico-sous-cortical. Le tableau est celui
d’une hémiplégie droite à prédominance brachiofaciale, associée à
9
17-018-L-10
Aphasie
Neurologie
des troubles sensitifs de même topographie et à une aphasie de
Broca. Les occlusions de la branche inférieure, épargnant les artères
à destinée rolandique, ne donnent pas d’hémiplégie mais une
aphasie de Wernicke. Celle-ci peut être dissociée, avec des troubles
prédominants de la compréhension orale (ramollissement temporopli courbe) ou du langage écrit (ramollissement pariéto-pli
courbe) [62]. Les embolies cruoriques, qui rendent compte de 15 à
30 % des infarctus [123], peuvent donner des aspects sémiologiques
particuliers. Du fait de leur aptitude à se déliter spontanément et à
migrer en aval de l’occlusion initiale, elles sont souvent responsables
de lésions du territoire sylvien postérieur. Un tableau d’aphasie de
Wernicke précédée d’une hémiplégie régressive [125] ou d’aphasie
globale aiguë [178] est particulièrement évocateur. Chez le sujet âgé,
la proportion d’aphasies de Wernicke d’origine vasculaire est plus
élevée que chez le sujet jeune. Classiquement attribué à une
modification de l’organisation fonctionnelle des aires du langage liée
à l’âge, ce fait serait dû, en réalité, à une surreprésentation des
infarctus postérieurs dans cette population [60].
d’infarctus thalamique peuvent causer une aphasie, y compris
parfois les lésions droites au début. L’aphasie est constante au cours
des infarctus tubérothalamiques gauches, fréquente dans les
infarctus paramédians, mais le pulvinar peut aussi être intéressé.
Devant une aphasie aiguë d’allure vasculaire, la topographie
thalamique de l’accident peut être suggérée par l’association de
troubles de la vigilance, de la mémoire ou du comportement, plus
inhabituels dans les accidents carotidiens.
Artère cérébrale antérieure
Plus d’un tiers des accidents ischémiques transitoires (AIT)
comportent un trouble du langage [100], mais toutes les aphasies
transitoires ne correspondent pas à des AIT. Le principal diagnostic
différentiel est l’aura migraineuse. La confusion est d’autant plus
facile qu’une céphalée peut accompagner ou précéder un AIT dans
30 % des cas [109], et que d’authentiques migraines peuvent se limiter
à l’aura, celle-ci comportant un trouble du langage dans 16 % des
cas [45]. En fait, le déroulement des symptômes permet de reconnaître
l’aura migraineuse. Les symptômes s’installent progressivement, en
plusieurs minutes (contre moins de 2 minutes dans un AIT), et
comportent presque toujours des prodromes visuels [45]. L’aphasie
transitoire peut aussi correspondre à un phénomène critique (voir
« Épilepsie et aphasie »). Enfin, elle peut révéler un hématome sousdural [130], une tumeur ou une hypoglycémie.
Elle vascularise deux structures importantes pour le langage : la tête
du noyau caudé, par sa branche profonde (l’artère de Heubner), et
l’aire motrice supplémentaire. Les infarctus de l’artère cérébrale
antérieure se traduisent typiquement par une hémiplégie à
prédominance crurale, un grasping, souvent des troubles
sphinctériens. Lorsque la lésion est gauche, il s’y associe une aphasie
transcorticale motrice par atteinte de l’aire motrice supplémentaire
ou de la substance blanche sous-jacente [15], voire une aphasie
transcorticale mixte en cas d’extension postérieure de l’infarctus. La
préservation de la répétition peut aller jusqu’à l’écholalie [153]. En
outre, les infarctus atteignant la partie antérieure du gyrus cingulaire
(territoire de l’artère péricalleuse) donnent un mutisme, qui peut
régresser totalement ou évoluer sous forme d’aphasie transcorticale
motrice.
Artère choroïdienne antérieure
Bien qu’étant la plus petite des branches terminales de la carotide
interne, elle vascularise un territoire d’une grande importance
fonctionnelle : le bras postérieur de la capsule interne (et la pointe
pallidale adjacente). L’infarctus résultant de son occlusion donne
une hémiplégie, pouvant s’associer à une hémianesthésie et à une
hémianopsie classiquement sans aphasie. En fait, l’occlusion de
l’artère choroïdienne antérieure gauche peut donner une aphasie de
type « sous-cortical », avec diminution de la fluence verbale et
difficulté dans le langage élaboré [27].
Infarctus des territoires de jonction des branches de la carotide
interne gauche
Ils épargnent les aires périsylviennes du langage. Dans 75 % des cas,
ils surviennent en aval d’une occlusion ou d’une sténose serrée de
la carotide interne, associée à un facteur supplémentaire de baisse
de la pression de perfusion : polyglobulie, hypotension,
cardiopathie [16]. Les infarctus de jonction antérieurs donnent une
aphasie transcorticale motrice ou un manque du mot isolé. Dans les
accidents de jonction postérieurs, l’aphasie est le plus souvent
transcorticale sensorielle, parfois de type Wernicke avec des troubles
de la répétition et un jargon. L’aphasie transcorticale mixte aiguë est
rare (1/300 accidents vasculaires cérébraux [AVC]) mais hautement
évocatrice d’une occlusion carotidienne [17].
Artère cérébrale postérieure
L’infarctus du territoire superficiel (cortex occipital et temporal
inférieur) de l’artère cérébrale postérieure gauche peut donner une
aphasie transcorticale sensorielle aiguë. L’évolution se fait vers la
régression en moins de 3 mois, avec parfois persistance d’une
anomie.
Le territoire profond inclut une partie du mésencéphale et le
thalamus. À l’exception des lacunes du noyau ventro-postéro-latéral
responsables du syndrome de Déjerine et Roussy, tous les types
10
Infarctus sous-corticaux [79]
La moitié des infarctus sous-corticaux de l’hémisphère gauche
supérieurs à 15 mm de diamètre sont responsables d’aphasie.
Contrairement aux lacunes, ces infarctus sont le plus souvent (deux
cas sur trois) de mécanisme embolique, et la présence de signes
« corticaux » tels que l’aphasie est un des principaux arguments
cliniques du diagnostic différentiel.
¶ Aphasies transitoires
¶ Accidents vasculaires cérébraux hémorragiques
Les hémorragies représentent 18 % de l’ensemble des AVC [124]. Les
hématomes profonds de l’hypertension atteignent soit les noyaux
gris, soit le thalamus, donnant des tableaux aphasiques en rapport
avec la localisation [26] . Les hématomes lobaires frontaux et
temporopariétaux donnent respectivement une aphasie dynamique
ou une aphasie de Wernicke. Sous réserve des complications
précoces liées à l’effet de masse, le pronostic fonctionnel de l’aphasie
après hématome intracérébral est nettement meilleur que celui des
infarctus.
La survenue d’une aphasie au cours d’une hémorragie méningée
oriente vers le diagnostic d’anévrisme sylvien gauche. Le trouble du
langage peut être dû à l’épanchement sanguin dans la vallée
sylvienne, ou bien à un infarctus sylvien compliquant un spasme
artériel. Il faut signaler la possibilité d’aphasies transitoires en
rapport avec des malformations artérielles ou artérioveineuses
n’ayant pas saigné, soit par migration embolique à partir d’un
anévrisme partiellement thrombosé, soit par hémodétournement lors
d’une fistule artérioveineuse à haut débit.
Enfin, les thromboses veineuses corticales peuvent, lorsqu’elles
affectent l’hémisphère gauche, donner une aphasie associée à
d’autres signes cliniques (épilepsie, fièvre, infarctus
hémorragique) [83].
TUMEURS
Les tumeurs malignes sont les plus génératrices d’aphasie (gliomes,
métastases, lymphomes). Chez le sujet âgé (> 65 ans), l’aphasie est,
avec la céphalée et la confusion mentale, l’un des trois principaux
symptômes révélateurs des tumeurs cérébrales [111]. Elle est le plus
souvent progressive sur 2 à 3 semaines, mais elle peut aussi être
soudaine ou paroxystique. Le trouble du langage le plus fréquent
est le manque du mot. Sa valeur localisatrice n’est pas absolue,
l’aphasie anomique pouvant être en rapport avec une hypertension
intracrânienne, même en l’absence de lésion focale des aires du
Neurologie
Aphasie
17-018-L-10
langage. En cas de tumeur hémisphérique gauche, l’anomie évolue
vers une aphasie plus spécifique : aphasie dynamique au cours des
tumeurs frontales, aphasie de Wernicke dans les tumeurs temporales
ou temporopariétales. L’aphasie de Broca et l’aphasie de conduction
ne sont jamais observées (Lecours et Lhermitte, 1979 [102]), sauf
circonstances exceptionnelles : une aphasie de Broca attribuée à un
oligodendrogliome est survenue dans le contexte particulier d’une
récidive postchirurgicale [33].
précédée d’un trouble du cours de la pensée, les paraphasies sont
plus souvent isolées quand l’aphasie fait suite à une sensation de
déjà vu. Le déroulement de ces phénomènes reflète la propagation
des décharges épileptiques au sein du système limbique suivant des
circuits bien définis.
Il convient enfin de mentionner la possibilité d’états de mal partiels
aphasiques, pouvant réaliser une aphasie isolée durant plusieurs
heures [156, 174].
APHASIES DE CAUSE INFECTIEUSE ET INFLAMMATOIRE
APHASIES POSTTRAUMATIQUES
– L’abcès temporal gauche est une cause rare, mais importante à
connaître, d’aphasie. Il faut l’évoquer en présence d’une aphasie
rapidement progressive avec des céphalées. La fièvre est inconstante.
Les agents pouvant être responsables d’aphasie sont trop nombreux
pour pouvoir être énumérés dans le cadre de cet article, mais les
étiologies infectieuses ou parasitaires doivent figurer
systématiquement au rang des diagnostics possibles en cas de lésion
intracrânienne responsable d’aphasie.
Les aphasies dues à des plaies craniocérébrales ne diffèrent des
aphasies vasculaires que par la constance des lésions corticales. En
revanche, les aphasies après des traumatismes crâniens fermés (TCF)
constituent une catégorie à part. Dans ce cas, les lésions sont des
contusions liées à la brusque décélération du crâne et au mouvement
relatif de la masse cérébrale à l’intérieur de celui-ci. Les pôles
frontaux, ainsi que les pôles et la convexité temporale en sont le
siège préférentiel. Des hématomes extracérébraux ou plus rarement
intracérébraux peuvent survenir, se comportant comme des
processus expansifs.
L’incidence de l’aphasie après un TCF varie selon la gravité de celuici. De l’ordre de 2 % sur un ensemble de TCF « tout-venant » [73], elle
atteint 30 % si l’on ne considère que les TCF avec coma, et 46 %
pour les TCF avec coma de plus de 24 heures [107]. L’aphasie la plus
fréquente est l’aphasie anomique. Le 2 e type est l’aphasie de
Wernicke. L’aphasie globale est plus rare. L’aphasie de Broca semble
exceptionnelle [182]. La suspension initiale complète de l’expression
orale, plus fréquente chez l’enfant que chez l’adulte, est souvent
associée à un hématome des noyaux gris. Son pronostic est
favorable.
La qualité de la récupération dépend de la gravité initiale de
l’aphasie. L’anomie est la séquelle la plus fréquente, mais il peut
persister une aphasie de Wernicke définitive. Il faut insister sur la
fréquence des troubles résiduels du langage élaboré et en particulier
du discours, qui sont à l’origine, malgré une bonne restauration des
capacités linguistiques élémentaires (dénomination, compréhension,
répétition), de troubles durables de la communication susceptibles
de compromettre la réinsertion socioprofessionnelle.
– L’aphasie représente 12 % des complications neurologiques du
sida [108] . Elle peut être causée par tous les types de lésions
cérébrales : infections (encéphalites virales, toxoplasmose, mycoses),
lymphomes, accidents vasculaires. L’aphasie est minime au cours
de l’encéphalite à virus d’immunodéficience humaine (VIH),
marquée seulement par une baisse de la fluidité verbale [134].
– L’encéphalite herpétique, qui comporte une aphasie dans 75 % des
cas, est une considération diagnostique majeure en cas d’aphasie
associée à une fièvre et à des crises d’épilepsie.
– L’aphasie est exceptionnelle dans la sclérose en plaques, de l’ordre
de 1 % des cas [85]. Elle survient volontiers dans un tableau évocateur
de tumeur [154] et s’accompagne fréquemment d’une épilepsie
focale [138]. Elle peut prendre la forme d’une aphasie de conduction [6].
La dysarthrie paroxystique, évoluant par accès de 15 à 20 secondes
répétés plusieurs fois dans la même journée et souvent associés à
une ataxie, est pathognomonique de cette affection [54].
– Une aphasie peut également survenir au cours d’affections
inflammatoires générales à détermination cérébrale, par
l’intermédiaire d’une vascularite, de troubles de la coagulation ou
de lésions démyélinisantes spécifiques (neurolupus, syndrome des
antiphospholipides, syndrome de Gougerot-Sjögren, angiopathie
cérébrale gigantocellulaire, thyroïdite de Hashimoto).
APHASIE ET ÉPILEPSIE
(EN DEHORS DU SYNDROME DE LANDAU-KLEFFNER)
Les troubles de la parole survenant au cours des crises sont de trois
catégories : vocalisations indifférenciées (bruits continus ou
discontinus, à type de cris, grognements, sifflements, râles),
lambeaux de langage normal (mots ou phrases identifiables)
stéréotypés ou non, ou langage anormal : arrêt de la parole,
dysarthrie, aphasie, ou langage « indifférencié ». Une aphasie de
type variable peut également s’observer dans la période postcritique.
La suspension de la parole peut survenir lors d’absences de type
« petit mal » ou de crises partielles. Associée à des vocalisations
élémentaires ou à des activités de langage répétitives (compter), elle
évoque des crises de l’aire motrice supplémentaire. L’aphasie
postcritique et les crises aphasiques évoquent un foyer épileptogène
temporal gauche. Les crises comportant des lambeaux de langage
normal proviennent du lobe temporal droit. Le déroulement des
crises aphasiques lui-même n’est pas aléatoire. Kanemoto et Janz [86]
ont étudié le déroulement de l’aura épileptique chez 143 patients
faisant des crises partielles complexes dont 24 avaient des crises
aphasiques. Dans tous les cas, l’aphasie survenait en fin d’aura
précédée le plus souvent de sensations de déjà vu ou de déjà vécu
ou de troubles du cours de la pensée (accélération de la pensée,
pensée forcée), elles-mêmes précédées de sensations plus
élémentaires (malaise épigastrique, hallucinations gustatives). Le
type d’aphasie varie en fonction du phénomène qui l’a précédé. Les
troubles de la compréhension prédominent lorsque l’aphasie est
DÉMENCES
¶ Maladie d’Alzheimer
Les troubles du langage sont présents dans un tiers des cas dès le
début de la maladie [43], mais cette proportion pourrait être plus
élevée si on y inclut les cas d’aphasie progressive qui se révèlent
être des maladies d’Alzheimer [66]. Les troubles de la compréhension
verbale et l’anomie sont d’aggravation plus rapide dans les formes
à début précoce que dans les formes à début tardif [82].
Les troubles du langage oral évoluent en trois stades (Huff, 1990 [55]).
Le premier est caractérisé par une baisse de la fluence verbale et un
manque du mot accompagné de paraphasies sémantiques. Ces
perturbations se rapprochent du tableau d’aphasie amnésique. Le
deuxième stade est marqué par une accentuation de ces symptômes
(manque du mot, circonlocutions, persévérations, paraphasies
sémantiques et verbales, néologismes) et l’apparition de troubles de
la compréhension verbale, mais la répétition reste préservée. Les
troubles lexicosémantiques contrastent avec une relative intégrité de
la syntaxe et de la phonologie. Le tableau se rapproche alors de
l’aphasie transcorticale sensorielle. Au troisième stade, toutes les
capacités linguistiques sont affectées, comme dans une aphasie
globale, mais le respect de certaines capacités de répétition peut
laisser persister des phénomènes d’écholalie. Cette règle générale
connaît des exceptions, avec par exemple la survenue précoce de
troubles phonémiques et phonétiques corrélés à une prédominance
périsylvienne gauche inhabituelle de l’atrophie corticale [34].
Les troubles de l’écriture peuvent aussi être décrits en trois stades
évolutifs (Platel et al, 1991 [55]). Le premier comporte des erreurs dites
11
17-018-L-10
Aphasie
de « régularisation » : erreurs phonologiquement plausibles à
l’écriture sous dictée de mots irréguliers (exemple : femme → fame)
(Rapcsak et al, 1989 [55] ). Le deuxième est caractérisé par une
prépondérance d’erreurs non phonologiquement plausibles touchant
les mots irréguliers et les non-mots. Ces erreurs résultent de
l’atteinte de processus centraux, mais également de processus plus
périphériques tels que le buffer graphémique et le système de
conversion allographique. Le troisième stade est dominé par des
troubles de la réalisation graphique s’apparentant à une agraphie
apraxique [56].
Le trouble de la lecture le plus caractéristique de la maladie
d’Alzheimer est, dans un premier temps, celui de « dyslexie de
surface » (utilisation préférentielle de la voie lexicale). Lorsque la
compréhension écrite est en même temps altérée, ce tableau évoque
une stratégie de lecture par voie lexicale non sémantique (3e voie).
Ultérieurement apparaît une lecture du type alexie lexicale
correspondant au recours exclusif à la voie phonologique, avec des
erreurs de régularisation des mots irréguliers.
Cette description schématique des troubles du langage dans la
maladie d’Alzheimer montre l’importance des perturbations
lexicosémantiques. En utilisant conjointement des épreuves
d’écriture sous dictée de mots réguliers, irréguliers et de logatomes,
et des tâches de décision à partir de mots et d’images faisant appel
à un traitement phonologique, lexical ou sémantique, Lambert et al
(1991) [55] ont montré que la perte ou la difficulté d’accès aux
représentations orthographiques des mots est indépendante des
capacités de traitement lexical et sémantique impliquées dans
d’autres modalités. Ainsi, le trouble lexicosémantique de l’écriture
dans la maladie d’Alzheimer serait spécifique à cette modalité. Il
semble en exister deux grands types. Le premier est un déficit
d’accès au lexique s’apparentant au manque du mot observé chez
les aphasiques (Grober et al, 1985 [55]). Ce déficit d’accès explique la
variabilité des performances pour un item donné et le fait que les
patients soient aidés par des indices lors de la dénomination telle
que la clef phonémique. Le second type de perturbations réalise une
« perte du concept » due à une atteinte de la mémoire sémantique.
Celle-ci toucherait plus spécifiquement l’organisation des attributs
spécifiques qui permettent de distinguer des concepts lexicaux
différents au sein de catégories sémantiques larges (Warrington,
1975 [55]). Les informations concernant ces dernières seraient au
contraire préservées. Il en résulte en dénomination des réponses
superordonnées ou évoquant des items appartenant à la même
catégorie sémantique. La constance des erreurs lors d’essais
successifs ou quel que soit le mode d’entrée lexical vient supporter
l’hypothèse d’une perte des informations lexicosémantiques. Ce type
de trouble, lorsqu’il survient isolément, correspond à la démence
sémantique (voir infra).
¶ Démence vasculaire
Dans la démence multi-infarctus, les troubles du langage varient
naturellement selon la topographie des lésions ischémiques.
L’existence d’une aphasie dans le tableau clinique d’un accident
vasculaire cérébral est un facteur de probabilité accrue d’évolution
vers une démence vasculaire [32].
Lorsque les lésions respectent les aires du langage (maladie de
Binswanger, états lacunaires) les troubles consistent en une réduction
de la complexité des phrases et les perturbations lexicosémantiques
sont moins marquées que dans la maladie d’Alzheimer [55]. La
dénomination est préservée et la baisse de la fluidité verbale est à
rapprocher d’un ralentissement plus global. Les troubles de la parole
sont fréquents, s’intégrant dans un syndrome pseudobulbaire.
¶ Démences « sous-corticales »
Les altérations du langage dépendent avant tout des troubles
moteurs ou cognitifs associés, en particulier les troubles de la parole,
le ralentissement idéomoteur et les éléments frontaux. Ils expliquent
la baisse de la fluence verbale, qui est particulièrement nette dans la
paralysie supranucléaire progressive. Dans la chorée de Huntington
apparaissent successivement une perte de l’initiative verbale, un
12
Neurologie
raccourcissement et une simplification de la structure syntaxique des
phrases, des troubles de l’écriture liés à l’incoordination motrice, des
erreurs de type visuel en dénomination [144], enfin des troubles de la
compréhension d’intensité proportionnelle à la détérioration
intellectuelle.
La démence à corps de Lewy peut comporter des troubles cognitifs
de type « cortical » analogues à ceux de la maladie d’Alzheimer, y
compris une aphasie [23]. La différenciation clinique repose sur
l’intensité plus nette du syndrome « fronto-sous-cortical » associé,
sur les fluctuations spontanées et sur les signes extrapyramidaux.
En dehors de toute démence, la maladie de Parkinson peut donner
des « troubles cognitifs mineurs » [69], comportant une baisse de la
fluence verbale qui, lorsqu’elle est associée à des troubles de
l’articulation et de la voix, amoindrit les capacités de
communication. Une véritable aphasie au cours d’un syndrome
extrapyramidal doit faire évoquer une démence à corps de Lewy, ou
toute autre étiologie. Après chirurgie fonctionnelle, les aphasies
transitoires succèdent plus volontiers aux interventions pallidales
que sous-thalamiques.
¶ Démences frontotemporales
Elles comportent un appauvrissement progressif du contenu
informatif du langage avec des persévérations idéiques et formelles,
contrastant avec une conservation des aspects phonémiques et
syntaxiques. La dégénérescence corticobasale peut débuter comme
une aphasie progressive non fluente si elle affecte de façon
prédominante l’hémisphère gauche. Certaines aphasies progressives
peuvent aussi marquer le stade initial d’une sclérose latérale
amyotrophique (SLA) avec démence, voire d’une maladie de
Creutzfeldt-Jakob.
¶ Atrophies corticales focales
[46]
Ce sont des affections dégénératives se manifestant par un trouble
cognitif d’évolution progressive, longtemps isolé, mais pouvant finir
par un état démentiel, en rapport avec une atrophie cérébrale
localisée. L’histologie est variable (lésions de maladie de Pick, de
maladie d’Alzheimer ou non spécifiques). Les atrophies focales
s’intègrent à un ensemble plus vaste (« complexe de Pick ») qui
inclut en outre les démences frontotemporales et la dégénérescence
corticobasale [87] et dont la caractéristique commune est l’existence
d’anomalies de la protéine tau. Cliniquement, les atrophies focales
progressives peuvent prendre la forme d’une apraxie, d’une
amnésie, de troubles visuels ou d’une aphasie, qui seule retiendra
notre attention ici. L’aphasie progressive [186] comprend trois aspects
cliniques :
– le premier fut décrit par Mesulam en 1982 : aphasie non fluente,
avec au premier plan un manque du mot, puis dans un second
temps des troubles phonémiques et syntaxiques, sans troubles
lexicosémantiques, une compréhension normale et une conservation
prolongée de l’autonomie ;
– le deuxième, également appelé anarthrie progressive [20], est aussi
une aphasie progressive non fluente, mais avec un syndrome de
désintégration phonétique associé à un agrammatisme et à une
apraxie buccofaciale. Le langage écrit est longtemps préservé. Des
troubles frontaux apparaissent ultérieurement ;
– le troisième, qui est la forme fluente de l’aphasie progressive, est
également appelé « démence sémantique » [78] et associe une anomie,
des troubles de la compréhension verbale, une dyslexie, une
agraphie de surface et une réduction de la fluence catégorielle,
contrastant avec une préservation de la compréhension en langage
conversationnel, de la syntaxe, de la phonologie, des capacités non
verbales et de la mémoire épisodique. Ce trouble est proche de
l’aphasie transcorticale sensorielle de la maladie d’Alzheimer, mais
dans ce dernier cas, la mémoire épisodique est toujours affectée.
Dans la démence sémantique, la perte des concepts est non
seulement longtemps isolée, mais sélective, épargnant une série de
connaissances pragmatiques nécessaires à la vie quotidienne d’où
une conservation parfois surprenante de l’autonomie. La
Aphasie
Neurologie
dissociation est telle que certains de ces patients ont pu être pris
pour des hystériques au début de leur maladie.
17-018-L-10
Analyse
visuelle
Analyse
auditive
LANGAGE DES SCHIZOPHRÈNES
Le délire schizophrénique se traduit par une incohérence verbale
marquée par des néologismes, un discours abstrait, une abondance
de formules énigmatiques, des métaphores obscures, associée à des
troubles du débit verbal [59].
Deux formes particulières de schizophasie méritent d’être
individualisées. Dans la glossomanie, le discours est fait de mots du
lexique, mais choisis non en fonction d’une finalité de
communication, mais de caractéristiques intrinsèques sans valeur
signifiante : glossomanie formelle (tous les mots, par exemple,
commencent par la même lettre), glossomanie sémantique
(utilisation systématique de mots appartenant tous au même champ
sémantique). La rareté des paraphasies, la disponibilité lexicale, le
maniement correct de la syntaxe, et parfois, l’analyse faite par le
sujet lui-même de ses productions verbales, distinguent ce trouble
d’une véritable aphasie. Dans la glossolalie, le discours est un
monologue néologique incompréhensible, semblable à une nouvelle
langue inventée par le sujet, caractérisée par la surreprésentation
d’un petit nombre de phonèmes, un débit accéléré, une modification
des accents et de la mélodie. La glossomanie et la glossolalie sont
des phénomènes temporaires, n’affectant que quelques patients [104].
Plus généralement, on insiste actuellement sur les altérations du
langage liés aux troubles de la pensée formelle, présents chez un
grand nombre de patients [149]. Les tests sémantiques révèlent une
désinhibition des associations sémantiques, en d’autres termes une
« hyperactivation » entre les concepts reliés sémantiquement. Cette
désinhibition des associations peut se traduire par des effets
d’hyperamorçage sémantique [128].
Aphasie et neuropsychologie cognitive
Depuis les années 1980, la psychologie cognitive a considérablement
influencé la pratique clinique et thérapeutique de la
neuropsychologie. La psychologie cognitive repose sur la notion
fondamentale que toute fonction peut être décomposée en un certain
nombre de processus autonomes. Son objectif est d’élucider
l’architecture de ces processus et de décrire les liens qu’ils
entretiennent entre eux. Pour y parvenir, elle cherche à identifier les
diverses opérations mentales requises lors de l’accomplissement
d’une tâche (enfoncer un clou par exemple). Ces opérations mentales
sont considérées comme autant de processus de traitement des
informations (celles-ci correspondant par exemple aux
représentations perceptives et aux représentations d’action dans
l’exemple du clou). Les modèles théoriques utilisés en psychologie
cognitive sont de deux types : les modèles sériels, décrivant les
processus comme des interactions entre différents modules placés à
la suite les uns des autres, et les modèles connexionnistes dans
lesquels le traitement est distribué de façon parallèle entre de
nombreuses unités disposées en couches. Ces derniers (qui sont
d’ailleurs appelés « réseaux de neurones ») ont l’avantage de
présenter une analogie de structure avec le système nerveux, et de
se prêter aux analyses et aux simulations de dysfonctionnements
conçues par les théoriciens de l’intelligence artificielle [105].
L’objectif de la neuropsychologie cognitive est de mettre à l’épreuve
de la pathologie ces modèles de traitement de l’information élaborés
par la psychologie cognitive et issus de l’étude de sujets sains. La
mise en évidence d’une double dissociation (perturbation d’un
processus A + préservation d’un processus B chez un patient et
déficit inverse chez un autre) permet en principe d’établir
l’indépendance fonctionnelle (« modularité ») entre les processus A
et B. Le langage est ainsi représenté comme un système lexical qui
peut rendre compte des différentes opérations mentales effectuées
par un sujet pour accomplir une activité linguistique. Les modèles
varient également dans leur degré de spécification en fonction de la
fenêtre d’analyse : traitement du mot isolé, traitement de la phrase,
traitement du discours.
Lexique
phonologique
d'entrée
Conversion
accousticophonologique
Système de
descriptions
structurales
Système
sémantique
Lexique
phonologique
de sortie
Mémoire tampon
phonologique
Expression orale
Lexique
orthographique
d'entrée
Conversion
graphèmephonème
Lexique
orthographique
de sortie
Conversion
phonème-graphème
Mémoire tampon
graphémique
Écriture
2
Modèle simplifié des mécanismes du langage. Les voies lexicales sont en traits
pleins et les voies phonologiques en pointillés (d’après [76, 114]).
En neuropsychologie, et particulièrement dans le domaine de
l’aphasie, la taxonomie clinique et la neuropsychologie cognitive
sont complémentaires car elles servent, encore aujourd’hui, des
objectifs différents. Indispensable à la connaissance des maladies, la
référence anatomique n’est pas nécessaire à la compréhension des
mécanismes mentaux de la cognition normale, et les
correspondances entre les syndromes décrits par ces deux approches
sont rares. On peut espérer que les correspondances déjà entrevues
entre la nouvelle sémiologie cognitive et les lésions cérébrales grâce
à l’imagerie fonctionnelle deviendront de plus en plus précises et
contribueront à un profond renouvellement de la neuropsychologie
clinique.
Nous restreindrons ici notre propos au traitement du mot isolé en
production orale (dénomination et répétition) et en compréhension.
Nous exposerons dans un premier temps l’architecture générale du
système lexical suivant un modèle cognitif sériel. Nous décrirons
ensuite les étapes de traitement et les syndromes cognitifs observés
en pathologie pour la dénomination, la répétition et la
compréhension. Enfin, nous donnerons un exemple de l’approche
connexionniste avec la compréhension orale. Le langage écrit
(lecture et écriture) sera abordé dans la section suivante.
ARCHITECTURE DU SYSTÈME LEXICAL (fig 2)
La modélisation de la production et de la reconnaissance des mots
isolés constitue le système lexical. La description de ses principales
composantes s’appuiera de façon prioritaire sur le modèle de
Patterson, 1986 [141] ou sur celui de l’équipe de Caramazza (Rapp et
Caramazza, 1991 [146] ; Hillis et Caramazza, 1994 [76] ; voir également
Segui et Ferrand, 2000 [158] ; Seron et Van der Linden 2000b [162] pour
revues). Le système lexical comporte les composantes suivantes.
¶ Représentations de différentes natures
(sémantique, phonologique, orthographique, perceptive)
Elles sont assimilées à des connaissances stockées à long terme et
schématisées sous la forme de systèmes ou de lexiques). La plupart
des modèles distinguent les lexiques recrutés dans la reconnaissance
de ceux impliqués dans la production, mais cette différenciation
lexique d’entrée versus lexique de sortie est parfois controversée [173]
13
Aphasie
17-018-L-10
(Valdois et de Partz [176] pour revue). Les lexiques d’entrée assurent
la reconnaissance d’une forme linguistique indépendamment de sa
signification et permettent d’effectuer une tâche de décision lexicale
qui consiste à distinguer les mots connus (déjà inscrits dans le
lexique) de non-mots : lexique phonologique d’entrée pour les mots
entendus et lexique orthographique d’entrée pour les mots vus. Les
lexiques de sortie sont les lieux des récupération des formes cibles :
lexique phonologique de sortie pour la production orale (évocation
spontanée, dénomination d’images, lecture à haute voix, répétition)
et lexique orthographique pour la production écrite (évocation
spontanée, dénomination écrite, épellation orale).
¶ Mécanismes de conversion
Ils mettent en correspondance et transforment des informations
acousticophonologiques en informations phonologiques (répétition),
des informations acousticophonologiques en informations
graphémiques (correspondance phonème-graphème en écriture sous
dictée) ou des informations graphémiques en informations
phonologiques (correspondance graphème-phonème en lecture à
haute voix). Ces mécanismes opèrent sur des unités sous-lexicales
(phonèmes, graphèmes, syllabes).
¶ Mécanismes de mémoire tampon (« buffers »)
Ils assurent le maintien à court terme d’informations. phonologiques
(mémoire tampon phonologique) ou d’informations graphémiques
(mémoire tampon graphémique).
¶ Composants plus « périphériques »
Ils sont également décrits : mécanismes perceptifs visuels et auditifs
ainsi que mécanismes impliqués dans la production orale (activation
des programmes articulatoires et exécution neuromusculaire) et dans
la production écrite (conversion allographique, activation des
programmes moteurs graphiques, exécution neuromusculaire).
¶ Composants moins spécifiques
Outre ces processus exclusivement verbaux, les modèles font parfois
figurer des composants moins spécifiquement linguistiques. Il s’agit
par exemple du système de représentations structurales visuelles qui
permet la reconnaissance d’un objet en tant qu’objet familier, recruté
lors de l’identification d’images.
Cette architecture rend compte également des connexions entre les
différents mécanismes, qui sont matérialisées par des flèches. Aussi
est-il possible de suivre sur le modèle les différentes étapes du
cheminement cognitif accompli lors de toute tâche verbale
(répétition, dénomination, évocation lexicale, compréhension orale
ou écrite, lecture à haute voix, copie…). Ce type de modélisation
suppose que le langage fait appel à deux types de traitement : un
traitement lexical avec activation des représentations lexicales quand
il s’agit de mots connus et un traitement qui procède par analyse et
mise en correspondance d’unités sous-lexicales pour des non-mots
ou des mots nouveaux. Un des postulats fondamentaux des modèles
cognitifs sériels est que le traitement de l’information s’effectue de
façon unidirectionnelle : le passage à une étape suivante suppose
que le traitement de l’étape précédente soit terminé. Les modèles
dits en « cascade » introduisent la notion d’un recouvrement
temporel partiel entre deux étapes de traitement.
DÉNOMINATION
¶ Étapes
Six étapes peuvent être distinguées au cours de la dénomination
d’images ou d’objets :
– analyse visuelle (incluant l’analyse de la forme, de la couleur, le
groupement perceptif) ;
– activation de la représentation structurale perceptive visuelle (relative
à la connaissance de la forme d’un objet et permettant l’identification
14
Neurologie
du percept comme objet réel). Ces deux premières étapes, qui
constituent des traitements non linguistiques, ne seront pas
développées dans cette section (voir Boucart, Hénaff et Belin pour
information [19]) ;
– activation des propriétés sémantiques dans le système sémantique ;
– activation de la représentation phonologique adéquate dans le
lexique phonologique de sortie ;
– maintien de cette représentation dans la mémoire tampon
phonologique ;
– activation des programmes articulatoires dans des systèmes de
programmation et d’exécution articulatoire liées à la commande et à
la
coordination
neuromusculaire
des
mouvements
bucco-pharyngo-laryngés.
Certains cas de la pathologie, qui restent cependant exceptionnels,
suggèrent une alternative à cette voie lexicosémantique classique
avec la possibilité de dénommer par une voie directe reliant le
système des représentations structurales au lexique phonologique
de sortie : il s’agit de patients qui dénomment correctement malgré
des performances médiocres à des tâches de compréhension
concernant les mêmes items [94].
Le lexique sémantique ou système sémantique est impliqué dans
l’extraction du sens des mots et dans la formulation conceptuelle. Il
concerne les propriétés sémantiques qui lient les concepts aux mots,
c’est-à-dire leur appartenance catégorielle et leurs attributs
spécifiques fonctionnels et physiques (exemple : « cerise » = [végétal]
+ [fruit] + [rouge] + [sucré] + [lisse]). Chaque concept est donc
représenté sous la forme d’un faisceau de traits sémantiques
pouvant être communs au moins partiellement à un autre concept.
Par exemple, les traits [végétal] + [fruit] + [sucré] sont partagés par
la cerise et la framboise. Ce type d’organisation postule par ailleurs
que l’activation d’un concept va se diffuser aux concepts voisins.
Dans les conceptions les plus couramment acceptées en
neuropsychologie, le système sémantique serait une étape de
traitement commune à différents types de stimuli (mots ou objets).
De plus, il est considéré comme une composante centrale commune
aux différentes modalités d’entrée et de sortie de l’information (mot
entendu ou lu, production orale ou écrite). Cette théorie amodale
(soutenue par Caramazza et al ou Humphreys et al [80, 81]) s’oppose à
d’autres propositions (Warrington et Shallice [184] ; Shallice [165]) qui
envisagent l’existence de systèmes sémantiques spécifiques et
différents pour les objets et les mots (Hannequin [70] pour revue).
Dans le lexique phonologique, les représentations phonologiques
correspondent à la forme sonore abstraite d’une unité lexicale et
contiennent des informations sur l’identité des phonèmes, sur la
structure syllabique et sur l’accent ou « stress » (voir Béland, Peretz,
Baum et Valdois [12] pour une description détaillée des différents
paliers de la représentation phonologique). Bock et Levelt [14] ont
suggéré l’existence d’un niveau lexical intermédiaire entre système
sémantique et lexèmes (représentations phonologiques). Cette étape
des Lemmas coderait l’item lexical cible sur le plan sémantique et sur
le plan de ses propriétés syntaxiques (catégorie grammaticale,
genre). Des arguments allant plutôt à l’encontre de cette distinction
lemmas versus lexèmes ont été exposés par Caramazza [28]. L’accès
aux représentations est décrit en termes d’activation. Chaque
représentation possède un niveau d’activation de base qui va être
modifié par les stimulations. Ainsi, après stimulation, le seuil
d’activation de la représentation se trouve momentanément abaissé
et celle-ci est plus rapidement accessible.
La mémoire tampon phonologique se trouve impliquée dans toute tâche
de production orale, y compris la répétition et la lecture à haute
voix. Le caractère séquentiel de la production orale nécessite la
reconstruction de la représentation phonologique avec la prise en
compte de l’information segmentale (phonèmes) et métrique
(nombre de syllabes, structure de la syllabe et structure accentuelle)
en vue de la récupération du geste articulatoire. En conséquence,
l’information phonologique issue du lexique phonologique doit être
maintenue en mémoire à court terme durant les opérations de
planification [12].
Neurologie
Aphasie
¶ Pathologie
Le dysfonctionnement de chacune de ces étapes de dénomination
orale occasionne des perturbations différentes [50, 51, 76] (voir
Lambert [97] , pour revue). Les dysfonctionnements des deux
premières étapes (analyse visuelle et système de représentation
structurale) donnent lieu à des tableaux d’agnosie visuelle [148].
Perturbation du système sémantique
Elle engendre des absences de réponse et des erreurs sémantiques.
Le patient a des difficultés dans toutes les tâches nécessitant un
traitement sémantique (dessin d’un objet non dénommé,
associations suivant un lien fonctionnel à partir d’images ou de
mots, questionnaires testant les connaissances sémantiques, et tout
particulièrement les attributs spécifiques). La dénomination écrite et
la dénomination orale donnent lieu aux mêmes erreurs. Suivant les
patients, le déficit peut affecter les représentations sémantiques dans
leur ensemble ou être spécifique de certaines catégories
sémantiques : de nombreuses dissociations ont été rapportées, mais
l’atteinte des objets animés semble être plus fréquente que celle des
objets inanimés. Ce niveau de perturbation peut donc provoquer les
tableaux d’aphasie anomique avec perte du sens des mots et
constitue vraisemblablement la principale cause des perturbations
linguistiques de la démence sémantique. Il est également incriminé
dans des aphasies globales en association à d’autres niveaux de
perturbation. La distinction entre un déficit sémantique central et un
défaut d’accès aux représentations sémantiques a fait l’objet de
nombreux débats. Selon Warrington et Shallice [184] ou Shallice [165], la
dégradation des représentations (trouble sémantique central) serait
caractérisée par :
– la constance des erreurs à différents temps d’examen ;
– un effet marqué de la fréquence lexicale ;
– la disparition de l’effet d’amorçage sémantique ;
– de meilleures performances pour le traitement d’informations
superordonnées par rapport aux attributs spécifiques ;
– l’absence d’amélioration par un rythme de présentation plus lent.
Un défaut d’accès (ou état réfractaire) serait caractérisé par un tableau
en miroir du précédent. La pertinence de ces critères a été
vigoureusement contestée (Rapp et Caramazza [147]), mais reste
soutenue par Warrington et Cipolotti [183]. Dans le cadre théorique
d’un modèle postulant un système sémantique amodal [ 7 7 ] ,
l’hypothèse d’un déficit d’accès aux représentations sémantiques
peut être posée lorsque le traitement sémantique est perturbé à
partir d’une modalité d’entrée, mais conservé à partir des autres
modalités.
Déficit d’accès au lexique phonologique de sortie
Lors d’un déficit d’accès au lexique phonologique de sortie, la
représentation phonologique est inaccessible et le patient montre des
absences de réponse souvent facilitées par l’ébauche orale, sans
aucune difficulté de compréhension ou de traitement sémantique
concernant les mots non dénommés. Des erreurs sémantiques
peuvent également être observées et sont expliquées de la façon
suivante : lorsque la représentation phonologique de l’item cible
n’est pas disponible, une autre représentation phonologique
partageant des traits sémantiques communs serait activée par
défaut. Des dissociations ont été rapportées : noms propres versus
noms communs ou noms versus verbes. Un déficit d’accès au
lexique phonologique de sortie n’affecte pas (ou peu) la répétition et
la lecture à haute voix [98]. Le mot entendu en vue de sa répétition
apporte une source directe d’activation (lexique phonologique
d’entrée vers le lexique phonologique de sortie). La lecture à haute
voix bénéficie également d’une activation supplémentaire directe à
partir du lexique orthographique d’entrée. De plus, la répétition et
la lecture à haute voix peuvent être réalisées par le biais de stratégies
phonologiques. À ce niveau, un dysfonctionnement n’a pas de
répercussion sur la production écrite et un certain nombre de cas
montrant une dissociation entre la perturbation de la dénomination
17-018-L-10
orale avec une relative préservation de la dénomination écrite ont
été publiés. Ce défaut d’accès à la forme phonologique des mots est
sans doute présent dans de nombreux types d’aphasie (aphasie
anomique, aphasie de Broca…).
Dégradation des représentations phonologiques elles-mêmes
ou récupération partielle
Elle pourrait se traduire selon Butterworth [22] par la production de
néologismes ou de paraphasies phonémiques. Ces erreurs se
caractériseraient alors par une grande constance d’occurrence
(erreurs identiques observées à différents temps sur les mêmes
items).
Situation de « blocage de réponse » [94]
Elle se réfère à une impossibilité de production du mot alors que le
stimulus a été correctement adressé dans le lexique phonologique
de sortie. Ce cas de figure est illustré par le comportement d’un
patient [74] qui, en cas d’absence de réponse, pouvait décrire le lien
d’homophonie de deux items. Ainsi lors de la présentation de
l’image d’une « fraise » (outil de fraisage) il disait : « je ne peux pas
trouver le mot mais cela a à voir avec un fruit ? »
Perturbation des étapes de planification phonologique
au niveau de la mémoire tampon phonologique
Elle entraîne des paraphasies phonémiques qui surviennent dans
toute tâche de production orale (dénomination, répétition et lecture
à haute voix) de mots et de non-mots. Les erreurs phonologiques
auraient ainsi deux sources (dégradation des représentations dans
le lexique phonologique de sortie et défaut de planification).
Certains travaux ont tenté de différencier ces deux déficits
(Nickels [136] pour revue). Les conduites d’approches successives,
devenant correctes, sont le signe que les représentations
phonologiques ne sont pas dégradées et qu’elles sont utilisées lors
des autocorrections. La possibilité de réaliser correctement des
tâches de jugements de rimes ou d’homophonie reposant sur une
phonologie « silencieuse » est également un argument en faveur de
la préservation des représentations lexicales phonologiques. En
revanche, une réalisation défectueuse ne constitue pas un élément
d’interprétation fiable dans la mesure où la difficulté peut aussi être
liée à une impossibilité à maintenir l’information à court terme en
vue de son traitement. Alors que dans le cas d’une difficulté de
planification, des performances similaires sont attendues aux tâches
de dénomination, de répétition et de lecture à haute voix, la
dénomination devrait être plus perturbée que les autres tâches dans
le cas d’un déficit touchant la représentation phonologique. Par
ailleurs, un effet de longueur est classiquement évoqué pour un
déficit postlexical. Dans la mesure où la mémoire tampon
phonologique est très liée au mécanisme de planification, plus un
item cible est long, plus la demande en maintien à court terme va
être importante et plus le risque d’erreur s’accroît. Ceci est
particulièrement manifeste pour les non-mots. Les mots peuvent être
moins touchés car ils offrent la possibilité de procédures de
rafraîchissement par le biais des représentations phonologiques
(intactes dans ce cas de déficit postlexical). Toutefois, les
propositions de distinction suivant des effets de fréquence (présents
dans un déficit lexical) et de longueur (présents dans un déficit
postlexical) semblent insuffisamment justifiées selon Nickels [136].
RÉPÉTITION
¶ Étapes
La répétition suppose tout d’abord la mise en jeu de mécanismes
d’analyse acoustique qui traitent le stimulus auditif dans ses
composantes acoustiques et phonétiques. Au-delà de cette étape,
plusieurs possibilités sont envisagées :
– voie lexicosémantique : activation du lexique phonologique d’entrée,
du système sémantique, récupération de la forme phonologique
dans le lexique phonologique de sortie, maintien à court terme et
planification phonologique ;
15
Aphasie
17-018-L-10
– voie lexicale directe : activation du lexique phonologique de sortie
à partir du lexique phonologique d’entrée sans passer par le système
sémantique. Dans ce cas, le patient répète sans comprendre ;
– voie phonologique utilisant un mécanisme de conversion
acousticophonologique. Cette dernière voie a été envisagée pour
rendre compte de la possibilité de répéter les non-mots n’ayant pas
de représentation phonologique stockée. La répétition partage un
certain nombre de mécanismes avec la production orale et la
compréhension orale (voir infra).
¶ Pathologie
Un déficit de l’analyse acoustique retentit sur le traitement des mots et
des non-mots entendus en vue de leur répétition, de leur écriture
sous dictée (avec soit des absences de réponse, soit des substitutions
par des items proches partageant un certain nombre de phonèmes :
cadeau → gâteau, cadeau → râteau) ou de leur compréhension. Ce
déficit est également appelé surdité au son des mots.
Les perturbations des voies lexicales peuvent résulter de différents
niveaux de localisation : lexique phonologique d’entrée, système
sémantique, lexique phonologique de sortie. Dans ce cas, la
répétition de mots et de non-mots serait possible par le biais de la
voie phonologique.
La perturbation de la voie phonologique entraîne un effet de lexicalité
avec une atteinte de la répétition des non-mots n’ayant pas de
représentation stockée, mais une préservation de la répétition des
mots.
Un déficit de la mémoire tampon phonologique altère la répétition de
mots et de non-mots (voir supra).
Le trouble de la répétition est classiquement considéré comme le
noyau sémiologique de l’aphasie de conduction. Celle-ci a été
« revisitée » par Shallice et Warrington [166] (voir aussi Kohn [92] pour
revue), qui en ont distingué deux types. Dans le premier, de type
« répétition », les patients ont des difficultés à répéter des listes de
mots mais non les mots isolés, et ne produisent pas d’erreurs
phonologiques. Shallice et Warrington attribuent ce trouble à un
déficit de mémoire à court terme. Le second, l’aphasie de conduction
de type « reproduction », qui serait la « véritable » aphasie de
conduction, s’applique à des patients qui ont du mal à répéter des
mots isolés. Cette difficulté se traduit par des erreurs phonologiques
et est plus importante pour les mots longs. Elle est observée non
seulement en répétition, mais également en expression orale
spontanée, en dénomination orale ou en lecture à haute voix. Cette
forme peut aussi être associée (mais non due) à un trouble de
mémoire à court terme. L’interprétation cognitive en serait un déficit
affectant la planification des unités phonologiques au niveau de la
mémoire tampon phonologique en vue de leur réalisation
articulatoire. Cette interprétation va dans le sens des études récentes
qui tendent à considérer davantage l’aphasie de conduction comme
le résultat d’un trouble phonologique (paraphasies phonémiques)
plutôt que comme un trouble de la répétition [4, 75].
Le tableau de dysphasie profonde a pour caractéristiques principales
des troubles de répétition (erreurs sémantiques, effet de concrétude
lors de la répétition de mots et effet de lexicalité – difficultés plus
importantes pour les non-mots). Il montre souvent l’association de
perturbations en production orale (erreurs phonémiques et erreurs
sémantiques), et d’un déficit de la mémoire verbale à court terme.
Du point de vue des modèles cognitifs, la dysphasie profonde
suppose plusieurs déficits associés : déficit d’accès aux informations
sémantiques à partir du lexique phonologique d’entrée, déficit de la
répétition en rapport avec une perturbation de la voie
acousticophonémique et déficit de la mémoire verbale à court terme.
COMPRÉHENSION
¶ Étapes
Selon Ellis, Franklin et Crerar
trois mécanismes :
16
Neurologie
– identification des sons de parole au niveau du système d’analyse
auditive ;
– activation des items lexicaux dans le lexique phonologique
d’entrée, ce qui permet à ce stade de différencier un percept familier
(mot ayant une représentation stockée à long terme dans le lexique)
d’un percept nouveau (non-mot ou mot inconnu) ;
– activation de la signification des mots dans le système sémantique.
Cette organisation séquentielle unidirectionnelle (de bas en haut),
très hiérarchisée, suppose que l’accès à un niveau supérieur
nécessite l’intégrité du niveau immédiatement inférieur. Dans une
publication ultérieure [52], les auteurs incluent l’existence de relations
bidirectionnelles entre lexique phonologique et système sémantique.
¶ Pathologie
Différents syndromes cognitifs concernant la perception d’un mot
entendu ont été décrits [50, 52] (voir également Lambert et Nespoulous
[97]
pour revue).
Surdité au son des mots
Elle résulte de la perturbation du système d’analyse auditive des
sons verbaux et correspond, dans la terminologie classique, au
syndrome de surdité verbale pure décrit par Lichtheim. Elle se
manifeste par de nombreuses erreurs lors d’épreuves de répétition
ou d’écriture sous dictée et lors de tâches de discrimination et
d’identification phonémique. La compréhension est améliorée par la
lecture labiale ou la connaissance du thème de la conversation. Cette
perturbation peut également être présente dans d’autres syndromes
aphasiques comme l’aphasie de Wernicke.
Surdité à la forme des mots
Elle résulte d’un trouble d’activation de la représentation
phonologique au niveau du lexique phonologique d’entrée. Les
épreuves de discrimination de phonèmes sont correctes en raison de
la fonctionnalité du système d’analyse auditive. Le patient échoue à
des épreuves de décision lexicale en modalité auditive alors qu’il
réussit en modalité écrite. Des erreurs entre mots phonologiquement
proches sont observées lors des tentatives de répétition. Ce
syndrome cognitif, qui n’a jamais été observé de façon pure, n’a pas
été repris dans la classification d’Ellis et Young [52].
Surdité au sens des mots
Ele a pour origine un déficit d’accès au système sémantique [63, 64, 91].
Le patient réussit les épreuves de discrimination phonémique et de
décision lexicale, ce qui indique que les deux premiers niveaux sont
fonctionnels. La compréhension des mots entendus est altérée alors
que la répétition est possible. De plus, la préservation de la
compréhension écrite permet d’exclure la perturbation du système
de traitement sémantique lui-même. Les perturbations peuvent
affecter plus spécifiquement les mots abstraits.
Atteinte du système sémantique
Elle correspond à une dégradation des représentations sémantiques.
Ce dernier syndrome ne constitue pas un trouble de compréhension
spécifique à la modalité auditive car la compréhension est
défectueuse quelle que soit la modalité de présentation. Des troubles
sont également présents en production orale ou écrite (voir supra la
section consacrée aux troubles de dénomination).
MODÈLES CONNEXIONNISTES
Les modèles connexionnistes diffèrent des modèles cognitifs sur le
plan du sens des activations et de leur étendue. Leur application à
la compréhension orale est bien implantée en neuropsychologie
(modèle Trace de McClelland et Elman, 1986 [116, 118]). Nous prendrons
pour exemple le modèle de Martin et Saffran.
¶ Compréhension
, la compréhension orale repose sur
[50]
L’architecture globale du modèle de Martin et Saffran [116] comporte
plusieurs niveaux d’unités (de type phonologique, lexical et
Neurologie
Aphasie
sémantique) connectés entre eux par des processus d’activation
bidirectionnels (« feedforward » et « feed-back »). Ses caractéristiques
fondamentales sont les suivantes :
– les activations des différents niveaux se recouvrent partiellement
sur le plan temporel ou peuvent s’effectuer de façon simultanée ;
– les processus « feedforward » propagent l’activation aux items
cibles et aux items proches d’une même couche d’unités (candidats
potentiels), alors que les processus « feed-back » servent à stabiliser
l’activation des items cibles à partir d’informations provenant des
niveaux inférieurs ou supérieurs. Les auteurs insistent sur le décours
temporel de la propagation des activations d’un niveau de
représentation à un autre et sur le caractère très éphémère des
activations au niveau phonologique.
¶ Pathologie
Cette modélisation a conduit à des interprétations différentes de
celles proposées dans le cadre de modèles cognitifs sériels [97].
La dysphasie profonde s’explique ici en termes de déclin
anormalement rapide de l’activation phonologique [116]. L’occurrence
d’erreurs sémantiques suggère que le niveau des représentations
sémantiques a été activé et qu’il ne s’agit pas d’un trouble de
propagation d’activation. L’effacement pathologique des indices
phonologiques empêche la poursuite des activations en boucle
unissant cibles phonologiques et sémantiques et ne permet plus de
guider le choix entre les représentations sémantiques activées (cible
et candidats potentiels).
Cette section consacrée à l’approche cognitive de l’aphasie a exposé
l’architecture générale des processus mentaux requis par la
production et la reconnaissance des mots. Les dysfonctionnements
des divers stades de traitement de l’information ont suscité un
certain nombre d’hypothèses qui, pour la plupart, ont été validées
par des cas relativement purs. L’apport original de l’interprétation
cognitive est de montrer que sous des aspects extérieurs similaires,
les troubles peuvent avoir des origines différentes. C’est le cas du
manque du mot, des erreurs sémantiques ou des erreurs
phonémiques. Cette approche constitue une base théorique
incontestable à la rééducation. Toutefois, une de ses limites réside
dans sa totale dépendance vis-à-vis du modèle théorique sur lequel
elle s’appuie, ce que nous venons d’illustrer avec l’exemple de la
dysphasie profonde. On peut espérer que de nouveaux
développements sauront mieux rendre compte de toute la
dynamique du langage en intégrant les interactions avec d’autres
fonctions comme par exemple l’attention, certains composants
mnésiques ou encore, les fonctions exécutives.
Troubles du langage écrit
DONNÉES DE LA MÉTHODE ANATOMOCLINIQUE
¶ Alexies
Déjerine (1891, 1892) [102] a décrit l’alexie pure ou agnosique et
l’alexie-agraphie. À ces deux formes est venue s’ajouter une
troisième alexie ou alexie antérieure.
Alexie pure
Le trouble de la lecture peut être total : aucun mot, aucune lettre ne
sont identifiés. Assez souvent, d’emblée ou après une phase d’alexie
totale, une lecture lettre à lettre est possible. L’écriture est en
principe normale, mais souvent un peu altérée par un défaut de
contrôle visuel. Le langage oral est lui aussi en principe normal. En
fait, un certain degré d’aphasie amnésique est fréquent. Par ailleurs,
le malade peut « lire » à condition qu’un canal non visuel soit
utilisé : lettres en relief palpées, mots reconstitués à partir de lettres
épelées par l’examinateur. Ceci permet d’affirmer que les
mécanismes linguistiques ou « centraux » de la lecture sont
conservés et que le trouble se situe sur un versant perceptif visuel.
17-018-L-10
Néanmoins, l’atteinte peut être parfaitement limitée aux symboles
écrits. D’autres troubles visuels sont fréquemment associés : une
hémianopsie latérale homonyme droite avec ou sans épargne
maculaire, un trouble de la vision des couleurs, beaucoup plus
rarement, une agnosie visuelle pour les objets et les images. Les
lésions responsables siègent toujours dans le lobe occipital
dominant. Il s’agit le plus souvent d’un infarctus du territoire de la
cérébrale postérieure détruisant la région calcarine et le splénium
du corps calleux. D’autres lésions, notamment tumorales, peuvent
être en cause. Selon la conception de Déjerine et plus récemment de
Geschwind, elles auraient toujours pour résultat de réaliser une
déconnexion entre informations visuelles et aires du langage.
Alexie-agraphie
Elle résulte pour Déjerine de la perte des images optiques des lettres
en rapport avec une lésion du gyrus angulaire de l’hémisphère
dominant. Cette atteinte centrale du langage écrit explique qu’elle
affecte ses deux modalités : réceptive et expressive. L’atteinte de la
lecture est massive avec une compréhension nulle, une lecture à
haute voix impossible ou jargonnée. Ce tableau peut être isolé ou
associé à des signes d’aphasie de Wernicke ou surtout d’aphasie
amnésique. Il est fréquent d’observer d’autres signes d’atteinte
pariétale : apraxie constructive et idéomotrice, syndrome de
Gerstmann.
Alexie de Benson ou troisième alexie
Elle s’observe en liaison avec l’aphasie de Broca. La lecture et la
compréhension sont meilleures pour les mots, surtout les substantifs
concrets. Elles sont particulièrement mauvaises pour les lettres
isolées. Ce syndrome, connu en fait depuis longtemps, avait été
retenu par Freud comme un argument contre la conception
localisatrice des aphasies puisque l’atteinte d’une région cérébrale
censée être spécialisée dans le contrôle de l’expression orale
entraînait aussi des troubles de la lecture (Freud, 1892 [102]).
Alexie des aphasies
En dehors des variétés d’alexie bien définies citées ci-dessus, la
lecture est troublée dans presque toutes les variétés d’aphasie. Le
plus souvent, la lecture à haute voix est altérée au même degré que
les autres variétés d’expression orale. Nous citerons quelques
situations où cette règle se trouve en défaut ou revêt des aspects
particuliers. Outre les rapports étroits unissant la troisième alexie et
l’aphasie de Broca, dans l’aphasie de conduction, la lecture est
fréquemment meilleure que la répétition. Les troubles prédominent
souvent sur les mots grammaticaux qui sont omis ou substitués
entre eux. Dans l’aphasie de Wernicke, il n’est pas rare d’observer
une dissociation entre les atteintes du langage oral et du langage
écrit. La prédominance des troubles sur ce dernier se rapproche de
l’alexie-agraphie. Le cas contraire a l’intérêt de montrer que le
langage écrit possède une certaine autonomie et n’est pas une simple
transposition du langage oral. Dans l’aphasie transcorticale
sensorielle, au contraire, le parallélisme entre les épreuves de
transposition, répétition et lecture à haute voix, toutes deux bien
effectuées mais sans compréhension, confirme une atteinte du
niveau sémantique, au-delà des mécanismes propres à chaque
modalité de langage.
¶ Agraphies
Parmi les classifications des agraphies, aucune n’est réellement
satisfaisante d’un point de vue sémiologique. La plupart s’appuient
sur les troubles associés ou sur des topographies anatomiques et
seulement de façon accessoire sur les caractères propres de la
production graphique (Morin et al, 1990 [102] ).Une description
clinique pourrait distinguer les agraphies suivantes.
Classique agraphie apraxique
La réalisation des lettres y est impossible ou si altérée qu’elles sont
méconnaissables.
17
17-018-L-10
Aphasie
Neurologie
Agraphie appelée « de l’aphasie de Broca »
Alexies périphériques
Elle accompagne assez régulièrement cette aphasie : la production,
réalisée le plus souvent de la main gauche, est très réduite, limitée à
quelques substantifs composés de grandes lettres majuscules très
maladroitement réalisées
Un déficit lors de l’analyse visuelle se traduit par une incapacité à
lire des lettres isolées ou des séquences de lettres, l’alexie littérale.
Un retard dans l’identification des lettres et des substitutions entre
lettres physiquement proches sont observés, ainsi qu’une
augmentation des difficultés lors de la présentation de mots longs.
La nature perceptive des troubles est particulièrement manifeste
chez des patients qui indiquent une impression de chevauchement
des lettres et dont la lecture est améliorée par un espacement plus
grand entre les lettres.
Un déficit de la composante attentionnelle peut expliquer une
difficulté à traiter en parallèle les différentes lettres d’un mot. Cette
perturbation est particulièrement démonstrative dans les troubles
d’attention spatiale unilatéraux qui montrent des omissions de
lettres au début ou à la fin de mots suivant la latéralisation
lésionnelle.
Autres
On peut regrouper le reste sous l’appellation d’agraphies fluentes,
caractérisées par l’exécution de lettres suffisamment bien formées et
par une production d’une certaine abondance. Ce groupe, très
important, est bien entendu hétérogène. En première analyse, on
peut distinguer d’abord des erreurs de type verbal avec des
paragraphies surtout démonstratives lorsqu’elles sont de type
sémantique ou morphologique, pouvant ou non se retrouver dans
l’expression orale. Un deuxième groupe comprendrait les erreurs
« phonologiquement plausibles » où les mots d’orthographe
irrégulière sont écrits « comme ils se prononcent ». Dans le troisième
groupe, on rencontrerait les erreurs littérales : substitutions,
déplacements, omissions, intrusions de lettres. Ces erreurs peuvent
être relativement rares, laissant le mot reconnaissable, ou très
nombreuses, pouvant aboutir à une jargonagraphie.
Agraphies pures
Elles ont été recherchées par des générations de neurologues comme
pouvant élucider les mystères de cette modalité du langage et
permettre de localiser un centre de l’agraphie conforme ou non à
celui qu’Exner (1881) [127] avait situé à la partie postérieure de la
deuxième circonvolution frontale. Elles sont restées très rares ou
imparfaitement pures, parfois décrites chez des sujets pour lesquels
l’époque et la profession faisaient douter qu’ils aient possédé avant
leur maladie une bonne maîtrise de l’écriture. Elles ne sont
univoques ni dans leur symptomatologie ni dans leur localisation
lésionnelle, cette dernière paraissant toutefois plus pariétale que
frontale.
APPORT DE LA PSYCHOLOGIE COGNITIVE
L’approche cognitive des troubles du langage écrit peut être
effectuée à partir du schéma général des activités de langage
proposé au chapitre précédent. Nous envisagerons successivement
les perturbations de la lecture à haute voix et celles de l’écriture en
différenciant les troubles centraux et les troubles périphériques [31],
Morin et al, 1990 [102, 176, 188].
¶ Lecture à haute voix
Modèle théorique
Les mécanismes de lecture à haute voix sont décrits à partir d’un
module d’analyse visuelle et de deux voies principales de lecture :
lexicale et phonologique [31, 102, 168, 169].
L’analyse visuelle regroupe différentes opérations qui assurent le
traitement des propriétés visuelles (analyse rétinocentrée en traits)
et l’identification des lettres suite à une analyse de regroupement
des traits (centrée sur le stimulus) et l’accès à un niveau de
représentation graphémique abstraite. Cette dernière étape est, selon
certains auteurs, assimilée à un buffer graphémique pouvant être
commun à la lecture et à l’écriture. Par ailleurs, ces différentes
opérations seraient sous l’étroite dépendance de processus
attentionnels (fenêtre attentionnelle, filtre attentionnel).
La voie lexicale, à partir du module d’analyse visuelle, gagne le
lexique orthographique d’entrée où est activée la représentation
orthographique correspondant au mot présenté, puis le système
sémantique où il est compris, le lexique phonologique de sortie où
est activée sa forme phonologique et enfin, la mémoire tampon
phonologique, relais obligé de toute expression orale. Une voie
lexicale non sémantique reliant le lexique orthographique au lexique
phonologique de sortie est envisagée.
La voie phonologique relie le module d’analyse visuelle à la mémoire
tampon phonologique en passant par un module de conversion des
graphèmes en phonèmes. Elle est utilisable pour les non-mots et les
mots à orthographe régulière.
18
Alexies centrales
L’alexie phonologique se caractérise par une impossibilité à lire les
logatomes ou non-mots : séries de lettres prononçables, mais ne
correspondant à aucun mot de la langue. La raison de cette
incapacité est évidente : quand on utilise exclusivement la voie
lexicale, seuls les mots figurant au lexique peuvent être lus. Cette
difficulté contraste avec une préservation de la lecture des mots
qu’ils soient d’orthographe régulière ou irrégulière (les mots
d’orthographe régulière sont ceux où le rapport graphème-phonème
est le plus habituel dans la langue et les mots d’orthographe
irrégulière ceux où ce rapport est inhabituel, par exemple « fusil »).
Ce trouble de la lecture peut être presque isolé [10] ou associé à
certains effets lexicaux tels un effet de classe des mots : les noms
sont mieux lus que les verbes, les adjectifs et les mots grammaticaux
sont encore plus mal lus et il existe des erreurs dérivationnelles : le
morphème central est conservé mais l’affixe est erroné (chanteur
→ chanson).
L’alexie profonde comporte les caractéristiques de la dyslexie
phonologique plus des erreurs sémantiques et un effet
d’imageabilité : les mots imageables sont mieux lus que les mots
abstraits non imageables tels que « option » [21]. L’interprétation de
ces faits est discutée. Pour certains, ils traduisent un
dysfonctionnement partiel du système lexicosémantique associé à
celui, prédominant, du système phonologique. Pour d’autres, ils
refléteraient le fonctionnement de la voie lexicosémantique seule,
amputée de la voie phonologique et de la voie lexicale non
sémantique. Selon un autre niveau d’analyse, la dyslexie profonde
surviendrait lorsque les activités de lecture sont assurées par
l’hémisphère droit en présence de lésions importantes de
l’hémisphère gauche. L’alexie phonologique et la dyslexie profonde
ne peuvent survenir que chez des sujets bien entraînés à la lecture,
et aussi dans les langues ayant une orthographe irrégulière comme
l’anglais et le français, conditions nécessaires au développement
d’une forte voie non phonologique.
L’alexie lexicale ou de surface se traduit par une incapacité à lire les
mots irréguliers avec conservation de la lecture des mots réguliers
et des non-mots [167]. Les erreurs concernant les mots irréguliers sont
le plus souvent une « régularisation » : les mots sont lus en
appliquant les règles de correspondance graphème-phonème les
plus usuelles (gars → acR).
¶ Écriture
Mécanismes d’écriture dictée
Ils comportent un module d’analyse auditive, une voie lexicale et
une voie phonologique qui convergent vers une mémoire tampon
graphémique puis mettent en jeu des mécanismes périphériques
[95, 173]
.
– L’analyse auditive traite les stimuli entendus sur le plan acoustique
et phonétique.
– La voie lexicale passe par le lexique phonologique d’entrée, le
système sémantique et le lexique orthographique de sortie pour
Neurologie
Aphasie
atteindre la mémoire tampon graphémique. Une voie lexicale directe
reliant le lexique phonologique d’entrée au lexique orthographique
de sortie est également envisagée.
– La voie phonologique relie le module d’analyse auditive à la
mémoire tampon graphémique par l’intermédiaire d’un module de
conversion des phonèmes en graphèmes et de la mémoire tampon
phonologique. Alors que la voie lexicale (lexicosémantique ou
lexicale directe) repose sur l’activation de représentations
orthographiques stockées (qui concernent les mots appris), la voie
phonologique est surtout utilisée pour l’écriture de non-mots ou de
mots inconnus, mais peut également être efficiente pour des mots
réguliers.
– La mémoire tampon graphémique constitue un centre de
convergence des voies phonologique et lexicale et le relais
obligatoire de toute expression écrite. Elle est assimilée à une
mémoire de travail spécifique du langage écrit qui a pour rôle le
maintien à court terme des informations graphémiques issues du
lexique orthographique ou de la voie phonologique, qu’il s’agisse
de mots ou de non-mots. Ces informations concernent l’identité
abstraite des graphèmes, leur nombre, leur agencement linéaire, leur
catégorie (consonne/voyelle), la structure graphosyllabique.
Troubles centraux
L’agraphie phonologique est caractérisée par des troubles sélectifs de
l’écriture des non-mots [164] . Des effets de classe des mots et
d’imageabilité, similaires à ceux décrits en lecture, peuvent être
notés.
La dysgraphie profonde associe les caractéristiques de l’agraphie
phonologique avec des erreurs sémantiques [21].
L’agraphie lexicale ou de surface comporte des troubles sélectifs de
l’écriture des mots irréguliers. Les erreurs sont principalement des
« erreurs phonologiquement plausibles » se faisant dans le sens de
la régularisation de l’orthographe (femme → fame). Un effet de
fréquence des mots est souvent présent [11].
L’alexie phonologique et l’agraphie de même nom sont presque
toujours associées, mais il existe des exceptions, notamment un cas
d’agraphie phonologique sans alexie et un autre où l’alexie est de
type lexical. Il est donc admis qu’il existe deux systèmes
phonologiques distincts pour la lecture et l’écriture et que
l’association habituelle de l’atteinte des deux modalités s’explique
par la probable proximité de leurs supports anatomiques [150] .
L’agraphie lexicale est, elle aussi, habituellement associée à une
alexie, mais celle-ci est de type variable : lexicale, phonologique ou
sans spécificité.
Les associations entre les deux grands types d’alexie ou d’agraphie
et les autres troubles des fonctions supérieures sont assez bien
définies. Les troubles phonologiques sont presque toujours associés
à une aphasie, de type variable, avec une prédominance des
aphasies de Broca. Les troubles lexicaux sont moins souvent en
liaison avec une aphasie, mais davantage avec des symptômes
évocateurs d’une lésion pariétale : apraxie idéomotrice ou
constructive, syndrome de Gerstmann. Un siège plus pariétal des
lésions, aux alentours du gyrus angulaire, peut ainsi être supposé.
L’atteinte de la mémoire tampon graphémique se caractérise par des
éléments négatifs. Il en est ainsi de l’absence de signe faisant penser
à une atteinte sélective des voies phonologiques et lexicales. Les
troubles sont similaires pour les mots réguliers et irréguliers et pour
les non-mots. Il n’y a pas d’erreur phonologiquement plausible,
d’effet de classe, d’imageabilité. Il n’y aura pas non plus de
différence entre les diverses modalités de réalisation de l’écriture :
manuscrite, épelée, réalisée avec des lettres mobiles ou à la machine.
Les symptômes positifs se limitent à des erreurs non
phonologiquement plausibles (carabine → cadabine), c’est-à-dire des
erreurs de lettres : omissions, substitutions, adjonctions,
déplacements. Ces troubles sont plus marqués pour les mots
longs [29].
17-018-L-10
Voie lexicale
Voie phonologique
Mémoire tampon
graphémique
Conversion
graphème - nom de
la lettre
Conversion
allographique
Lettres mobiles
Dactylographie
Processus moteurs
de la parole
Programmes
moteurs graphiques
Exécution
neuromusculaire
Écriture
Épellation
3
Modèle des mécanismes périphériques de l’écriture.
Mécanismes périphériques de l’écriture
Si l’écriture comporte une organisation centrale ou linguistique
parallèle à celle de la lecture, elle comporte aussi une organisation
« périphérique » [49, 115] qui lui est propre et qui met en jeu l’activation
successive du système allographique et des programmes moteurs
graphiques qui sont ensuite traduits en informations
neuromusculaires spécifiques. La figure 3 représente un modèle
simple susceptible de rendre compte de cette organisation.
Le système allographique reçoit les informations concernant les
représentations graphémiques abstraites maintenues au niveau de
la mémoire tampon graphémique et assure le choix de la forme
générale de la lettre en tenant compte des caractères particuliers :
majuscule ou minuscule, script ou cursive.
Les programmes moteurs graphiques spécifient pour chaque type de
lettre la séquence, la direction et la taille relative des traits. Cette
information est à son tour transformée en commande proprement
motrice par le système moteur.
L’existence même de représentations allographiques intermédiaires
entre mémoire tampon graphémique et programmes moteurs
graphiques n’est pas soutenue par tous les auteurs [165, 177].
L’ensemble du processus est soumis à un contrôle spatial assuré par
l’hémisphère mineur.
Des processus périphériques propres à chaque modalité de sortie
sont envisagés. Une voie de l’épellation orale se dégagerait à la
sortie de la mémoire tampon graphémique, et conduirait à la
traduction de l’identité abstraite des graphèmes en nom de lettre.
Des conceptions alternatives ont été proposées. Les mécanismes
relatifs à l’écriture avec des lettres mobiles ont été peu étudiés. Des
raisons théoriques plaideraient pour son individualisation après le
système allographique comme cela est indiqué sur la figure 3. Les
quelques observations publiées qui correspondent
vraisemblablement à une atteinte du système allographique seraient
plutôt en faveur d’une origine plus proximale, après la mémoire
tampon graphémique et parallèle aux voies de l’écriture manuscrite
et de l’épellation orale.
Perturbations périphériques
À partir de ces notions théoriques, il est possible de prévoir des
syndromes neuropsychologiques correspondant à l’atteinte des
différents modules. Si les observations évoquant une atteinte des
programmes moteurs graphiques sont nombreuses, elles restent en
19
Aphasie
17-018-L-10
très petit nombre quand il s’agit de l’atteinte allographique et
montrent de surcroît des tableaux sémiologiques disparates [57, 95].
En cas d’atteinte allographique, les prédictions théoriques sont les
suivantes : respect de l’épellation orale et absence de lettres mal
formées. La perturbation la plus caractéristique porterait sur le choix
des formes de lettres avec notamment des confusions entre
majuscules et minuscules (café → caFé), mais des erreurs quant au
choix de la forme générale de la lettre sont aussi décrites.
L’atteinte des programmes moteurs graphiques donne des altérations
morphologiques des lettres par la perturbation de la forme, de la
taille et de l’orientation des traits. Le tableau réalisé correspond à la
classique agraphie apraxique [8]. Un déficit concernant seulement
l’accès aux programmes moteurs a été évoqué pour des
perturbations se traduisant par des substitutions de lettres montrant
des similarités physiques, surtout graphomotrices.
La dysgraphie spatiale résulte d’une perte du contrôle assuré par
l’hémisphère mineur sur l’écriture : négligence de la partie gauche
de la page, mauvaise orientation des lignes, redoublement de lettres
et de jambages, superposition de lettres.
APPROCHE CONNEXIONNISTE
La première modélisation connexionniste des mécanismes de lecture
à haute voix a été conçue par Seidenberg et McClelland [159]. La
structure générale en est la suivante : trois couches d’unités
connectées entre elles, codant chacune pour des informations
spécifiques (visuo-orthographique, phonologique ou sémantique).
Dans ce modèle, la prononciation d’un mot écrit peut s’effectuer soit
par un réseau qui connecte directement l’orthographe à la
phonologie, soit par un réseau qui fait intervenir la couche
sémantique. Seule la mise en application sur ordinateur d’un
apprentissage résultant de connexions entre orthographe et
phonologie avait été réalisée. Plus récemment, un modèle
connexionniste alternatif a été proposé par Ans, Carbonnel, et
Valdois [5]. Il repose sur une base d’apprentissage qui comporte à la
fois des mots entiers et les segments syllabiques de ces mots et
permet d’obtenir des performances de lecture tout à fait comparables
à celles de sujets normaux en montrant notamment les mêmes effets
de fréquence et de régularité. De plus, deux lésions distinctes du
système aboutissent à des profils de lecture tout à fait proches des
tableaux d’alexie de surface et d’alexie phonologique rencontrés
chez des patients. Ces résultats sont d’un grand intérêt car ils
confortent la double dissociation (relative à l’atteinte phonologique
versus lexicale de la lecture) mise en évidence en pathologie
neuropsychologique qui a parfois été remise en question [30].
Neurobiologie des aphasies
Nous aborderons successivement dans cette section les corrélations
anatomocliniques des différents syndromes, puis des symptômes
aphasiques, les renseignements fournis par l’imagerie fonctionnelle
sur le support anatomique des différentes composantes du langage,
aussi bien chez le patient aphasique que chez le sujet normal et
enfin, les relations entre la préférence manuelle et la dominance
hémisphérique pour le langage.
CORRÉLATIONS ANATOMOCLINIQUES
DES SYNDROMES APHASIQUES (tableau I)
L’essentiel des connaissances dans ce domaine provient de l’étude
des accidents vasculaires cérébraux, qui représentent la première
cause d’aphasie chez l’adulte. La distribution des territoires
vasculaires, en traçant des frontières anatomiques peut-être
arbitraires d’un point de vue fonctionnel, a largement contribué à
dessiner les contours de la taxonomie classique, qui a le double
mérite d’être universellement connue des neurologues et d’être
applicable à la majorité des patients. Toutefois, cette taxonomie
atteint bien souvent ses limites lorsqu’il s’agit d’interpréter un
trouble du langage consécutif à des pathologies moins habituelles,
20
Neurologie
ou de tenter des corrélations avec les modèles de la psychologie
cognitive. Il faut alors conduire une description plus analytique de
l’aphasie, sous peine de méconnaître un trouble particulier par son
intérêt physiopathologique ou comme cible de la rééducation. Enfin,
l’anatomie (pathologique) de l’aphasie fût-elle élucidée, on ne
pourrait en déduire simplement l’anatomie (fonctionnelle) du
langage. L’imagerie fonctionnelle apporte aujourd’hui dans ce
domaine des informations inédites.
¶ Aphasie de Broca
Les infarctus limités à l’aire de Broca donnent une légère aphasie
motrice transitoire qui guérit rapidement. Les lésions pouvant
donner l’aphasie de Broca siégeraient dans la partie postérieure de
F3 et dans les régions voisines : partie inférieure du gyrus précentral,
insula antérieur, F2, partie adjacente du cortex temporal et pariétal,
putamen, noyau caudé et capsule interne. En définitive, l’aphasie de
Broca persistante avec agrammatisme et diminution de la fluence
verbale est associée à une large lésion frontopariétale gauche avec
généralement une extension sous-corticale. C’est d’ailleurs une telle
lésion qu’a montré l’examen au scanner du cerveau de Leborgne, le
cas princeps de Broca [170]. Il semble prouvé qu’une lésion profonde
peut donner une aphasie de Broca. Naeser et Hayward (1978) [102]
pensent que les lésions capsuloputaminales peuvent donner des
aphasies de Broca sans agrammatisme ni trouble de la
compréhension, ni trouble de l’écriture, tableau proche de l’anarthrie
pure. L’extension en arrière d’une telle lésion ajoute aux signes
précédents des troubles de la compréhension et des paraphasies.
¶ Aphasie de Wernicke
Quel que soit le type d’aphasie de Wernicke, l’atteinte de l’aire 22
de Brodmann (aire TA d’Economo) située en arrière des aires 41 et
42 (aires auditives primaires) dans la partie postérieure de T1 est
constante. La lésion peut s’étendre en avant au cortex auditif
primaire, en profondeur à la substance blanche sous-jacente et à
l’origine du faisceau arqué, en arrière au gyrus angularis (aire 39 ou
PG d’Economo) et au gyrus supramarginalis (l’aire 40 ou Pf), en bas
et en arrière aux aires 21 (2e temporale), 20 (3e temporale) ou 37
(4e temporale).
L’aphasie de Wernicke à prédominance de surdité verbale (type II)
correspond à une atteinte de la partie postérieure de Tl et T2, en
arrière du gyrus de Heschl, qui est presque toujours un infarctus du
territoire de l’artère temporopli courbe. La forme avec atteinte
prédominante du langage écrit (type III) s’observe dans les infarctus
pariéto-pli courbe occupant les aires 39 et 40. L’aphasie de Wernicke
est relativement plus fréquente chez le sujet âgé que l’aphasie de
Broca. Cette différence provient, d’une part du fait que les infarctus
sylviens affectent plus souvent le territoire postérieur chez les sujets
âgés que chez les sujets jeunes [60], et d’autre part que les tumeurs
cérébrales malignes, autre cause classique de l’aphasie de Wernicke,
sont également plus fréquentes chez le sujet âgé.
¶ Aphasie de conduction
Suivant le modèle classique de Lichtheim et Wernicke, repris par
Geschwind, l’aphasie de conduction résulte d’une interruption entre
l’aire de Wernicke (« centre des images auditives des mots » ou de
façon plus contemporaine support anatomique du lexique
phonologique) et l’aire de Broca (« centre des images motrices des
mots », responsable de la réalisation phonétique). Ce schéma cognitif
correspond ici à un processus langagier (la boucle audiphonatoire)
en même temps qu’à une structure anatomique (le faisceau arqué).
L’aphasie de conduction est, de fait, souvent associée à des lésions
sous-corticales atteignant la capsule externe ou la substance blanche
sous-jacente aux aires 22 et 40 [93], mais aussi à des lésions du cortex
insulaire ou pariétal inférieur. Un cas a été décrit au cours d’une
sclérose en plaques [6]. L’interprétation cognitive en termes de
dysconnexion doit être nuancée en tenant compte des cas dus à des
lésions corticales limitées ou même obtenus chez des sujets
épileptiques par des stimulations corticales limitées de la partie
postérieure de T1 [4]. Pour Alexander [3], l’aphasie de conduction
Aphasie
Neurologie
17-018-L-10
Tableau I. – Principaux types d’aphasie. Corrélations anatomocliniques généralement observées.
Type d’aphasie
Signes
Localisation
Étiologies habituelles
Signes associées
Aphasie globale
Expression et compréhension
orales et écrites très réduites ou
nulles
Lésion étendue corticale (frontotemporo-pariétale) ou souscorticale
Infarctus sylvien total, tumeur,
traumatisme, hémorragie
Hémiplégie, hémianopsie, hémianesthésie
Aphasie de Broca
Expression orale réduite
Agrammatisme
Troubles arthriques
Compréhension
relativement
préservée
Cortex frontal inférieur
Noyaux gris et substance blanche
sous-corticale du lobe frontal
Infarctus sylvien antérieur superficiel et/ou profond
Hématome profond
Hémiplégie brachiofaciale
Apraxie
Aphasie de Wernicke (type I)
Expression abondante
Troubles de la compréhension
Paraphasies
Lobe temporal, parfois lésions
thalamiques
Tumeur
Infarctus sylvien postérieur
Encéphalite herpétique
Hématome lobaire
Hémianopsie ou quadranopsie
Troubles sensitifs
Peu ou pas de troubles moteurs
Aphasie de conduction
Paraphasies phonémiques
Compréhension normale
Répétition perturbée
Cortex pariétal inférieur
Capsule externe
Infarctus sylvien postérieur (origine embolique fréquente)
Troubles sensitifs
Quadranopsie
Surdité verbale pure
(Wernicke type II)
Trouble de la compréhension et
de la répétition
Écriture sous dictée impossible
Gyrus temporal supérieur (lésion
gauche ou bilatérale)
Infarctus
Tumeur
Abcès
Aucun
Alexie-agraphie
(Wernicke type III)
Trouble de la lecture et de l’écriture
Expression et compréhension
orales préservées
Pli courbe (gyrus angulaire)
Infarctus
Tumeur
Hématome lobaire
Hémianopsie
Syndrome de Gerstmann
Alexie pure
(alexie sans agraphie*)
Trouble isolé de la lecture avec
conservation de l’écriture et du
langage oral
Lobe occipital et splénium du
corps calleux
Infarctus de l’artère cérébrale
postérieure
Hématome lobaire, tumeur
Hémianopsie
Agnosie visuelle
Aphasie anomique
Manque du mot isolé
Profondeur du lobe temporal
Région hippocampique (faible
valeur localisatrice)
Tumeur (ou autre processus
expansif)
Alzheimer
Infarctus ACP
Encéphalite herpétique
Apraxie
Peu ou pas de troubles sensitivomoteurs
Quadranopsie supérieure
Aphasie transcorticale motrice
Manque d’incitation verbale
Répétition et compréhension normales
Région préfrontale
Aire motrice supplémentaire
Noyaux gris
Infarctus ACA
ACA-ACM
Hématome
Tumeur
Syndrome frontal
Dysarthrie
Hémiplégie crurale
Aphasie transcorticale sensorielle
Compréhension perturbée avec
répétition conservée et langage
« creux ». Manque du mot
Jonction temporo-occipitale
Thalamus
Infarctus ACP étendu
Alzheimer
Infarctus de jonction postérieur
Démence
Hémianopsie
Aphasie transcorticale mixte
Langage écholalique
Zones de jonction entre territoires
sylvien et cérébral antérieur et
postérieur
Infarctus de jonction étendu uniou
bilatéral
(hypotension,
hypoxie, arrêt cardiaque)
Troubles de l’attention
Hémiplégie crurale unibilatérale
ou
jonction
ou
*Trouble n’appartenant pas au domaine de l’aphasie proprement dite. ACA : artère cérébrale antérieure ; ACM : artère cérébrale moyenne ; ACP : artère cérébrale postérieure.
constitue l’expression, dans le langage oral, d’un trouble
fondamental du maniement de la phonologie, pouvant se manifester
par ailleurs dans l’écriture ou dans la lecture sous la forme
respectivement de l’agraphie et de l’alexie phonologiques. Sa
corrélation anatomique la plus constante est l’atteinte du gyrus
supra-marginalis.
¶ Aphasies transcorticales
Types de lésions pouvant causer une aphasie transcorticale motrice
Ce sont celles du cortex prémoteur et préfrontal (aires 6 et 8 ;
aires 9, 10 et 11 ; aires 44, 45, 46) d’une part, celles de l’aire motrice
supplémentaire et des voies qui en viennent cheminant dans la
substance blanche juste en avant de la corne frontale d’autre part. Il
faut en rapprocher les lésions donnant des états prolongés de
mutisme.
du langage »), soit à une lésion profonde de la substance blanche ou
du thalamus. La survenue aiguë d’une aphasie transcorticale mixte
serait pathognomonique d’une occlusion carotidienne gauche.
¶ Aphasie globale
L’aphasie globale est due soit à une lésion étendue de l’hémisphère
gauche (infarctus sylvien total par exemple), soit à une lésion
profonde interrompant à la fois les voies motrices efférentes issues
de l’hémisphère gauche et les fibres d’origine calleuse provenant de
l’hémisphère droit. L’évolution pourrait être meilleure dans ce
dernier cas, laissant tout de même persister une réduction sévère et
durable de la fluence verbale. Sur le plan étiologique, il convient de
noter qu’une aphasie globale aiguë sans hémiplégie est
caractéristique d’un accident vasculaire cérébral de mécanisme
embolique [178].
¶ Aphasies sous-corticales
Aphasie transcorticale sensorielle
Aphasies par lésions du thalamus et du striatum
Elle se présente comme une aphasie de Wernicke sans trouble de la
répétition avec souvent une écholalie. Les lésions ne sont pas
univoques : sur la convexité de l’hémisphère gauche, elles touchent
les aires 37 et 39, elles peuvent s’étendre aux aires voisines 21 en
avant, 18 et 19 en arrière. D’autres fois, elles siègent en profondeur
dans la partie de la substance blanche irriguée par l’artère cérébrale
postérieure. L’aphasie transcorticale mixte est due soit à une lésion
entourant les aires périsylviennes en couronne (« isolement des aires
C’est l’étude des troubles du langage consécutifs aux lésions des
noyaux gris et en particulier du thalamus qui a conduit à la
description du syndrome d’« aphasie sous-corticale », au sens actuel
d’aphasie « dissidente », et dont on peut rappeler ici les trois niveaux
de perturbation (Cambier [25]) :
– dynamique attentionnelle et intentionnelle de la communication ;
– choix lexical et cohérence sémantique ;
21
Aphasie
17-018-L-10
CORTEX FRONTAL
CORTEX
MOTEUR
FRAA
+
C
L
A
+
Boucle
audiphonatoire
FA
NR
NC
_
_
PALL
_
VA
+
CM
PUL
CORTEX
AUDITIF
C
L
P
SYSTÈME
SÉMANTIQUE
CORTEX
VISUEL
4
Rôle présumé des structures sous-corticales dans le contrôle de la production
du langage. D’après Crosson [35, 36]. Le pallidum (PALL) inhibe en permanence
le noyau ventral antérieur (VA). Le noyau caudé (NC), lorsqu’il est stimulé, inhibe luimême le pallidum. Lorsqu’un segment linguistique est formulé par le « cortex linguistique antérieur » (CLA), celui-ci active partiellement le noyau caudé, mais cette action
est insuffisante pour mettre en marche le système. Grâce aux connexions entre CLA
et CLP (« cortex linguistique postérieur »), lesquelles passeraient notamment par le
pulvinar (PUL), le contenu sémantique du segment linguistique formulé par le CLA
est contrôlé par le CLP, qui active à son tour le noyau caudé. Le niveau d’activation
de celui-ci devient alors suffisant pour inhiber le pallidum, levant l’inhibition du VA
et permettant l’exécution du programme moteur nécessaire à l’énonciation de la phrase.
Le thalamus reçoit également les projections du cortex frontal relayées en partie par le
noyau réticulaire (NR), et de la formation réticulée activatrice ascendante (FRAA) relayée par le centre médian (CM). Des opérations réalisables sans recours au système sémantique comme la répétition et la lecture à haute voix, sont assurées par l’ensemble
CLP-faisceau arqué (FA)-CLA, et ne sont pas affectées par l’atteinte du dispositif précédent
– exécution motrice de la parole.
Crosson [35] , en s’appuyant sur les observations cliniques et
l’imagerie fonctionnelle, a proposé un modèle incluant le thalamus,
les noyaux caudé et lenticulaire, plusieurs aires corticales et leurs
connexions réciproques, dont s’inspire la figure 4. Les noyaux
thalamiques appelés à jouer un rôle dans le langage seraient le
ventral antérieur, le noyau réticulaire, le centre médian et le
pulvinar. L’hypophonie et la dysarthrie s’expliqueraient par une
atteinte du noyau ventrolatéral, celle du noyau antérieur et des
faisceaux mamillothalamique et amygdalo-dorso-médian expliquant
les troubles de la mémoire verbale. Pour rendre compte des
particularités sémiologiques des aphasies sous-corticales, Crosson
fait l’hypothèse d’un « engagement sélectif » de l’attention en vue
de la sélection lexicale, engagement dans lequel le thalamus jouerait
un rôle essentiel. En effet, en langage spontané ou même en
dénomination, le choix lexical est une opération beaucoup moins
contrainte, parce que moins automatisée, que ne le sont par exemple
la lecture ou la répétition. Il mobilise de ce fait une charge
attentionnelle élevée, et représente pour cette raison le maillon faible
de la chaîne de production verbale. La défaillance de cet engagement
sélectif provoque une instabilité de l’interface lexicosémantique,
d’où une sélection approximative dans un stock lexical par ailleurs
intact. Cette interprétation vise à expliquer la singularité de certaines
paraphasies et la fréquence des glissements sémantiques, parfois
favorisés par un certain degré de désinhibition où interviennent les
connexions thalamofrontales. Les cas d’aphasie thalamique avec
déficits lexicosémantiques catégoriels (anomie pour les noms
propres [126] ou pour les termes médicaux [36]) sont des arguments
supplémentaires en faveur de l’implication du thalamus dans les
processus sémantiques.
Aphasies par lésions de la substance blanche
Comme l’ont montré Puel et al [145], une lésion sous-corticale donne,
dans 50 % des cas, une aphasie de type « cortical » (Broca, Wernicke,
22
Neurologie
aphasie globale). L’imagerie fonctionnelle a révélé en pareil cas le
rôle de l’hypométabolisme cortical à distance (diaschisis inter- et
intra-hémisphérique), affectant l’activité neuronale des aires du
langage pourtant épargnées par la lésion [119, 127]. Le parallélisme
parfois observé entre la régression du diaschisis et la récupération
accrédite l’idée que l’aphasie, liée avant tout à une dysconnexion,
n’est alors « sous-corticale » qu’en apparence, expliquant les
analogies sémiologiques avec les aphasies classiques. Naeser et al [133]
puis Alexander (1989) [102] ont étudié des séries de patients ayant une
aphasie par lésions de la substance blanche sous-corticale, dont ils
ont effectué un repérage topographique en secteurs :
– la substance blanche périventriculaire, comprenant un secteur
antérolatéral situé autour des cornes frontales (qui inclut notamment
le faisceau sous-calleux) et un secteur supérieur divisé en trois
parties (tiers antérieur, moyen et postérieur) ;
– la substance blanche sous-corticale ;
– les isthmes frontal et temporal situés respectivement entre les
extrémités antérieure et postérieure du cortex insulaire et les
ventricules latéraux ;
– la capsule interne (bras antérieur, bras postérieur et genou).
Une lésion de la substance blanche périventriculaire antérolatérale
entraîne un mutisme transitoire suivi d’une réduction plus durable
du langage spontané. Il peut exister également un manque du mot
et parfois des paraphasies sémantiques, mais le défaut d’initiation
de la parole et de l’écriture est le trouble essentiel. Ces symptômes
résulteraient d’une interruption des voies issues de l’aire motrice
supplémentaire et du cortex moteur associatif. Une lésion de la
substance blanche périventriculaire supéroantérieure donne des
symptômes identiques avec, en outre, une dysarthrie, une
hémiparésie et une apraxie de la main gauche, dus à une
dysconnexion à la fois intra-hémisphérique (entre le lobe pariétal et
le cortex moteur associatif) et inter-hémisphérique entre les cortex
moteurs associatifs droit et gauche. Une lésion de la substance
blanche supéropostérieure est pratiquement sans effet sur le langage.
Une lésion combinée de la substance blanche antérolatérale et
supérieure (tiers antérieur et moyen) suffit, en coupant à la fois la
voie motrice et le faisceau sous-calleux, à entraîner une suspension
durable de l’expression orale ou une production réduite à quelques
stéréotypies. Ces lésions multiples de la substance blanche
périventriculaire joueraient un rôle primordial dans les formes
persistantes d’aphasie de Broca. Une lésion de la partie antérieure
de l’isthme temporal donnerait un trouble modéré de la
compréhension du langage oral en interrompant les connexions
entre le corps genouillé médian et le cortex auditif, déficit encore
majoré en cas de lésion périventriculaire supéropostérieure associée.
Une lésion postérieure de l’isthme temporal serait responsable d’un
tableau proche de l’aphasie transcorticale sensorielle.
Les atteintes de la substance blanche sous-jacente à l’opercule frontal
ou au cortex central inférieur sont associées à des paraphasies
phonémiques. La dysconnexion ainsi réalisée entre l’aire de
Wernicke et l’opercule frontal serait une des causes possibles des
substitutions phonémiques particulièrement fréquentes dans
l’aphasie de conduction.
CORRÉLATIONS ANATOMOCLINIQUES
DES SYMPTÔMES APHASIQUES (tableau II)
L’analyse neuropsychologique d’un trouble du langage ne permet
pas toujours d’aboutir à un diagnostic syndromique précis. Le
tableau de chaque patient, s’il peut être inclus dans l’une des
grandes catégories de la classification précédente, présente souvent
des spécificités qui nécessitent une analyse plus poussée. L’étude
des symptômes pris isolément a l’avantage d’une moindre
ambiguïté dans les définitions, et elle offre la possibilité d’une
quantification (pourcentage d’erreurs ou de réussite à des épreuves
de dénomination, compréhension, fluence) et d’une qualification
(proportion des différents types de paraphasies, ou des erreurs
phonologiques versus lexicales, par exemple) que ne permet pas
l’approche syndromique globale. Malgré ce surcroît de précision, les
Aphasie
Neurologie
17-018-L-10
Tableau II. – Corrélations des symptômes aphasiques (d’après [3] et [93]).
Symptômes
Surdité verbale pure
Alexie pure
Troubles lexicosémantiques
• Troubles de la compréhension
- trouble purement verbal
- trouble sémantique
- dissociation en fonction du contenu :
- objets animés (prépondérance des processus d’identification)
- objets inanimés (prépondérance des processus d’utilisation)
- dissociation en fonction du statut grammatical
- noms
- verbes
• Anomie
- langage spontané et épreuves de dénomination
- langage spontané seulement
- par entrée visuelle
Paraphasies verbales
Lésions
Aires 41 et 42 (gauches ou bilatérales)
Lésion occipitale gauche :
- cortex + splénium
- substance blanche sous-corticale
• Néocortex temporal gauche (aires 41, 42 et 22)
- lésion limitée
- lésion étendue (22, 37, 40)
- lésion inférieure (temporo-occipitale)
- lésion supérieure (temporopariétale)
- cortex temporal
- cortex frontal dorsolatéral ou pariétal
- aires corticales périsylviennes et toute lésion étendue
- lésions sous-corticales
- lésion occipitale gauche
• Lésions frontales, temporales et sous-corticales
Persévérations
• Noyau caudé
Paraphasies phonémiques
• Aires 40 et 22
Réduction de la production orale
« Aphasies non fluentes »
Syntaxe et discours
• Pertes de l’initiative verbale, mutisme régressif
• Déficit plus durable
• Troubles du discours (lacunaire, tronqué, diffluent)
• Syntaxe
Répétition
résultats des études à visée épidémiologique et de corrélation
lésionnelle portant sur les caractéristiques élémentaires des troubles
du langage se heurtent à une difficulté que la plus précise des
méthodologies ne peut vaincre, celle de la variabilité étiologique.
Les modifications du langage dues à une lésion cérébrale sont
influencées non seulement par la topographie de la lésion, mais par
la nature et la vitesse d’installation de celle-ci, deux facteurs ayant
une influence décisive sur la réorganisation fonctionnelle du
cerveau, sur laquelle va, en définitive, reposer le tableau clinique
observé. Les données supposées acquises sur les corrélations clinicoanatomiques des symptômes aphasiques sont donc à nuancer
sensiblement en fonction de l’étiologie et de l’évolution de la
maladie causale. Ces importantes réserves étant faites, nous faisons
figurer dans le tableau II ces corrélations, tirées d’études portant sur
des séries de patients cérébrolésés examinés par IRM [3, 93].
CERVEAU ET LANGAGE
¶ Aires de Broca et de Wernicke
L’aire de Broca est le support de la fonction syntaxique du langage.
Cette fonction comprend non seulement l’utilisation des mots
grammaticaux, mais aussi le maniement des verbes et, en particulier,
de l’expression et de la compréhension des verbes d’action. Les
autres éléments de l’ensemble syndromique constituant l’« aphasie
de Broca », telle qu’elle fut décrite par son auteur, sont imputables à
l’atteinte de structures avoisinantes : cortex moteur operculaire
(troubles arthriques et phonétiques), cortex pariétal inférieur
(troubles phonémiques), cortex frontal dorsolatéral (dynamique du
discours, mémoire de travail verbale, incitation verbale, inhibition
des persévérations, cohérence sémantique). L’aire motrice
supplémentaire et le gyrus cingulaire gauche interviendraient dans
l’incitation verbale, et les structures sous-corticales dans les aspects
moteurs, ainsi que dans la cohérence sémantique.
• Lésions frontales postéro-inférieures et sous-corticales
• Lésions frontales sous-corticales étendues
• Putamen
• Lésions rolandiques et sous-rolandiques
• Aire motrice supplémentaire et/ou gyrus cingulaire antérieur
• Lésion associée du corps calleux et de la substance blanche adjacente
- Cortex préfrontal
- Structures sous-corticales
• Aire de Broca
Insula et capsule externe
L’anatomie fonctionnelle de l’aire de Wernicke a été décrite sous des
formes tellement variées qu’il est difficile de prétendre actuellement
en donner une vision exacte ou même cohérente [ 1 8 7 ] .
Schématiquement, il est possible de retenir que la partie postérieure
du gyrus temporal moyen et les régions avoisinantes (aires 22, 21 et
37 de Brodmann) sont concernées par le traitement lexical et la
correspondance lexicosémantique. Des sous-spécialisations
catégorielles semblent exister, avec une relation fonctionnelle
préférentielle entre les noms d’animaux et êtres animés et le cortex
temporal latéral inférieur, les noms d’objets manufacturés et le cortex
temporal postérosupérieur à la jonction avec le lobe pariétal. Le
gyrus temporal supérieur et le gyrus supramarginal (aire 40) sont,
quant à eux, responsables du traitement phonologique, ainsi que de
la mémoire verbale à court terme. Le gyrus temporal supérieur luimême répond à la stimulation par des sons de parole (stimulation
phonétique), mais seule sa partie antérieure serait activée lorsque le
stimulus forme un message intelligible [157].
¶ Architecture tridimensionnelle des aires cérébrales
du langage
Alexander [3] a proposé les correspondances suivantes entre les
structures de l’hémisphère cérébral gauche et le langage envisagé
comme un ensemble de systèmes fonctionnels complémentaires :
– un système d’initiation impliquant l’aire motrice supplémentaire
et peut-être le cingulum antérieur. Ces structures projettent sur le
cortex frontal dorsolatéral via la substance blanche périventriculaire
antérolatérale ;
– un système de production de la parole assurant la qualité de
l’articulation et du volume vocal incluant l’opercule frontal et le
cortex moteur inférieur, qui projettent sur les noyaux gris centraux
(putamen et noyaux caudés) via la substance blanche
23
Aphasie
17-018-L-10
périventriculaire supérieure antérieure et moyenne, le genou de la
capsule interne et la partie postérieure du bras antérieur de la
capsule interne ;
– un système d’organisation phonémique impliquant l’opercule
frontal, le cortex moteur inférieur et leurs efférences (substance
blanche périventriculaire supérieure, antérieure et moyenne), ainsi
que l’aire de Wernicke et ses connexions vers l’opercule frontal qui
cheminent dans la substance blanche sous-corticale ;
– un système de compréhension auditive comprenant le cortex auditif,
l’aire de Wernicke, le cortex associatif temporopariétal et les
projections du thalamus sur le cortex d’association auditif via
l’isthme temporal ;
– un système sémantique qui impliquerait le thalamus antérieur et
latéral, la jonction temporo-occipito-pariétale, ainsi que leurs
connexions empruntant l’isthme temporal postérieur et la substance
blanche périventriculaire postérieure et supérieure.
APPORTS DE L’IMAGERIE FONCTIONNELLE (tableau III)
Les hypothèses visant à corréler les processus cognitifs à l’anatomie
cérébrale doivent désormais se confronter non plus seulement aux
données morphologiques, mais à celles de l’imagerie fonctionnelle.
¶ Techniques
L’imagerie fonctionnelle utilise trois types de protocoles :
Neurologie
– études du débit sanguin et/ou du métabolisme cérébral régional
au repos chez les aphasiques, permettant d’une part d’identifier des
régions hypométaboliques au-delà des lésions vues en imagerie
morphologique (diaschisis) et, d’autre part, d’effectuer des
corrélations clinicométaboliques ;
– études d’activation chez des aphasiques visant à comprendre les
mécanismes de la récupération ;
– études d’activation chez le sujet normal visant à repérer les
régions cérébrales dont le métabolisme est modifié au cours d’une
tâche donnée.
Les études au repos font généralement appel à la TEP, les activations
à la TEP ou à l’IRMf.
Nous avons fait figurer dans le tableau III un choix de données
recueillies chez le sujet sain ou aphasique, au repos ou en activation.
Compte tenu de la véritable explosion que connaît aujourd’hui la
recherche dans ce domaine, cette brève mise au point doit être
considérée comme provisoire.
¶ Résultats
Les premières mesures du débit sanguin cérébral chez des patients
aphasiques remontent à 1978 [172], montrant pour la première fois une
diminution du débit sanguin cérébral plus étendue que la lésion
visible au scanner. La confirmation que cet hypodébit reflète en
réalité un hypométabolisme à distance de la lésion a été apportée
par la TEP dès 1981 [119]. L’intérêt de ces constatations est renforcé
Tableau III. – Études en imagerie fonctionnelle chez le sujet sain ou aphasique.
Références
Étude
Imagerie
Génération de mot : commentaire sur test de Rorschach
IRMf
Volontaires sains
Corrélation entre production verbale et aires 22, 39
et 40 gauches
Bookheimer et al, 2000 [18]
Langage « automatique » : répétition de phonèmes, mois de l’année, passage de prose appris
par cœur
IRMf
Volontaires sains
Mois versus phonèmes : activation postérosupérieure du cortex temporal postéro supérieur G
Récit versus mois : aire de Broca G
Embick et al, 2000 [53]
Lecture : détection d’erreurs syntaxiques versus
orthographiques
IRMf
Volontaires sains
Activation prédominante de l’aire de Broca au
cours de la tâche syntaxique
Hickok et al, 2000 [75]
Dénomination subvocale
IRMf
Volontaires sains
Activation région dorsale postérieure du gyrus
temporal supérieur gauche
Ohyama et al, 1996 [137]
Répétition de mots
TEP
Volontaires sains
Activation bilatérale à prédominance gauche du
cortex frontal postéro-inférieur et temporal postérosupérieur
Ohyama et al, 1996 [137]
Répétition de mots
TEP
Aphasiques
Activation droite plus marquée que chez les volontaires sains, mais performances corrélées à l’activation gauche
Scott et al, 2000 [157]
Compréhension orale : sons versus phonèmes
versus parole intelligible
TEP
Volontaires sains
Activation du sillon temporal supérieur par la
parole, mais de sa partie antérieure seulement si
elle est intelligible
Friederici et al, 2000 [65]
Compréhension orale : phrases versus listes de
mots et de non-mots
IRMf
Volontaires sains
Langage normal : activation aires auditives primaires et secondaires bilatérales
Traitement syntaxique : opercule frontal gauche
Mummery et al, 1999 [132]
Audition parole versus bruit
TEP
Volontaires sains
Activation temporale postérosupérieure gauche
Mummery et al, 1999 [132]
Audition parole versus bruit
TEP
Aphasiques
Activation temporale postérosupérieure droite
[185]
Compréhension orale et génération de verbes
TEP
Volontaires sains
Activation aires de Wernicke et Broca (génération
de verbes) gauches et, à un moindre degré, droites
Weiller et al, 1995 [185]
Compréhension orale et génération de verbes
TEP
Aphasie de Wernicke
Activation aire de Broca gauche et aires de Broca et
Wernicke droites
Rosen et al, 2000 [151]
Génération de mots versus lecture
IRMf
Infarctus FIG (aire de Broca)
Activation aire de Broca D ; activation résiduelle
aire de Broca G corrélée aux performances
Miura et al, 1999 [121]
Tâches verbales
IRMf
1 aphasie de Broca
Activation croissante de l’aire de Broca gauche
avec la récupération
Adair et al, 2000 [1]
Lecture de non-mots avant et après rééducation
TEMp
1 alexie phonologique
Apparition d’une activation hémisphérique droite
(cortex périsylvien postérieur et aire de Broca)
après rééducation
Calvert et al, 2000 [124]
Épreuve de rimes
IRMf
1 aphasie de Broca
Activation frontale droite symétrique de l’aire de
Broca
Kircher et al, 2000
Weiller et al, 1995
[89]
Sujets
Résultats
Certains résultats ont été présentés de façon séparée pour plus de clarté. Les « résultats » mentionnés dans ce tableau, résumés en quelques mots, ne donnent qu’une idée très incomplète des travaux réalisés, et le lecteur intéressé est invité
à se reporter aux articles originaux. IRMf : imagerie par résonance magnétique fonctionnelle; TEP : tomographie par émission de positons ; TEMP : tomographie par émission monophotonique ; FIG : frontal inférieur gauche ; G : gauche ; D :
droit(e).
24
Aphasie
Neurologie
par les études de débit sanguin et/ou de métabolisme cérébral au
cours de la récupération des syndromes aphasiques. Pionniers en ce
domaine, Weiller et al [185] ont mesuré le débit sanguin cérébral au
repos, puis au cours d’une tâche de langage chez des patients ayant
récupéré d’une aphasie de Wernicke, et comparé les résultats avec
ceux d’un groupe de sujets normaux. Chez ces derniers, les tâches
linguistiques entraînaient une augmentation du débit sanguin
cérébral affectant presque exclusivement les aires corticales
temporales et frontales gauches, tandis que chez les patients
cérébrolésés, l’augmentation portait également sur les aires
homologues de l’hémisphère droit. Ces résultats suggèrent que la
récupération de l’aphasie repose en partie sur la mise en œuvre de
zones hémisphériques droites qui ne sont pas mises en jeu par le
langage en temps habituel. Malheureusement, comme l’ont montré
des études en TEP ou en IRMf [121, 137, 151], la compétence linguistique
de ces aires vicariantes est généralement insuffisante pour assurer
une récupération de qualité. Dans les trois études citées, les patients,
aphasiques en cours de récupération, soumis à des tâches de
langage, voient leur débit sanguin augmenter lors de cette activation
dans des proportions variables, mais la qualité de la récupération
clinique est seulement corrélée à l’activation des aires corticales
gauches juxtalésionnelles épargnées par la lésion, et jamais aux
activations des aires corticales homologues de l’hémisphère droit.
Par conséquent, chez les sujets adultes clairement latéralisés, les
chances de récupération reposent avant tout sur la préservation
d’une partie des aires normalement dévolues au langage au niveau
de l’hémisphère gauche.
LANGAGE ET PRÉFÉRENCE MANUELLE
La dominance gauche pour le langage varie de façon linéaire avec la
préférence manuelle, passant de 96 % chez les droitiers stricts à 27 %
chez les gauchers stricts [90]. Ces chiffres montrent aussi que chez les
trois quarts des gauchers, une lésion gauche risque d’être génératrice
d’aphasie, et que d’authentiques aphasies croisées peuvent survenir
chez seulement 4 % des droitiers. Chez les droitiers, les lésions
hémisphériques droites symétriques des aires du langage dans
l’hémisphère gauche donnent des troubles de la prosodie ou du
maniement d’aspects implicites du langage, ainsi que de la
reconnaissance de ces caractéristiques chez l’interlocuteur, suivant
que les lésions sont antérieures ou postérieures (voir supra). Les
sujets gauchers ayant une dominance gauche pour le langage ont,
comme les droitiers, un planum temporale plus étendu à gauche
qu’à droite, mais aussi un corps calleux plus épais que les sujets
dont la dominance manuelle et linguistique concorde [122]. Ce fait
suggère que la répartition dans les deux hémisphères des
représentations motrices liées à la dominance manuelle et des aires
du langage se traduit par une nécessité accrue de communication
interhémisphérique.
Troubles de la parole
en dehors de l’aphasie
Il s’agit des troubles dus à la perturbation de la motricité des
organes phonatoires, quelle qu’en soit la cause : affections des
muscles, de la plaque motrice, du nerf périphérique, du système
pyramidal et des systèmes de contrôle cérébelleux et
extrapyramidal. L’examen neurologique commence par l’écoute de
la production du malade et l’examen des organes phonatoires. Les
résultats de l’écoute sont entachés de subjectivité et l’examen ne
permet pas toujours un diagnostic précis. Si nécessaire, on peut
compléter cet examen par un enregistrement de la production
vocale, permettant une analyse plus précise des capacités
articulatoires, de la prosodie, de la qualité de la voix et du débit. Il
est classique de proposer des épreuves de tenue de son, de répétition
de phrases incluant les intonations déclaratives, interrogatives et
exclamatives. Cet examen apporte des indications sur la hauteur, le
timbre et l’intensité de la voix et permet d’identifier les altérations
de la parole : faiblesse articulatoire, explosion excessive,
assourdissement, imprécision des phonèmes.
17-018-L-10
Des méthodes instrumentales peuvent être utilisées en milieu
spécialisé. La laryngoscopie indirecte ou mieux directe par
fibroscope nasal permet de voir l’aspect des cordes vocales et leur
mobilité. La laryngostroboscopie permet l’examen du
fonctionnement des cordes vocales au cours de la voix chantée. Les
examens électromyographiques et cinéradiographiques renseignent
sur l’amplitude des mouvements articulatoires et les mesures
aérodynamiques étudient les mouvements d’expansion et de
contraction du thorax et le volume d’air utilisé lors de la respiration
et lors de la phonation. Les études acoustiques reposent sur
l’examen oscillographique. Il s’agit de l’analyse physique de l’onde
sonore qui est visualisée sur un écran cathodique et peut être filmée.
Cette technique permet l’analyse de l’intensité sonore, de la
fréquence fondamentale, de la structure acoustique et de la durée
des différents segments de la parole (phonèmes, mots, phrases), ainsi
que de la durée des pauses.
TROUBLES DE LA VOIX (DYSPHONIES)
Leur diagnostic repose sur la laryngoscopie, montrant l’aspect et la
mobilité des cordes vocales, et sur l’examen neurologique qui met
en évidence d’éventuels troubles associés. On décrit des paralysies
et des dysphonies fonctionnelles.
¶ Dysphonies paralytiques
L’innervation des muscles laryngés est assurée en totalité par la
dixième paire crânienne ou nerf pneumogastrique (X). Dans la
paralysie des cordes vocales par atteinte du X, la voix est faible,
parfois chuchotée, soufflée ou présente des cassures en fausset. Des
variantes existent selon que l’atteinte est uni- ou bilatérale (les
troubles sont évidemment plus marqués dans ce dernier cas) et selon
que la totalité du territoire du nerf ou seulement certaines de ses
branches sont atteintes. Les atteintes globales sont dues soit à une
lésion centrale (bulbaire), soit à une neuropathie, les lésions
partielles à une compression distale (intrathoracique ou cervicale).
Dans les lésions totales, une paralysie du voile avec nasonnement et
troubles de la déglutition s’ajoute aux troubles de la voix. Une
paralysie bilatérale des nerfs récurrents fixe les cordes vocales en
adduction, donnant une dyspnée inspiratoire intense associée à une
dysphonie. Une dyspnée laryngée sans dysphonie doit faire évoquer
un syndrome de Gerhardt (paralysie sélective des dilatateurs de la
glotte), qui peut être d’origine centrale (atteinte partielle du noyau
ambigu au cours du syndrome de Shy et Drager), ou périphérique
(polyradiculonévrite). On décrit enfin des cas de paralysie
idiopathique des cordes vocales, plus souvent unilatérale (plus
fréquente à gauche) que bilatérale, d’évolution régressive et qui
constitueraient une forme de mononeuropathie des nerfs crâniens.
¶ Dysphonies « fonctionnelles »
– Des phénomènes de conversion hystérique peuvent comporter
mutisme ou voix chuchotée, ou soufflée, enrouée, en fausset. Le
diagnostic se fait sur la conservation de la toux qui atteste d’une
capacité conservée de fermeture glottique.
– La dysphonie spasmodique est une forme de dystonie focale. La
voix est heurtée, bégayante, étranglée, produite avec effort. Le
trouble est variable, exagéré lors des émotions, parfois absent lors
d’une émission imprévue. À la laryngoscopie, il existe un spasme
en adduction des cordes. Elle peut s’accompagner d’un tremblement
de la voix. Son traitement repose sur l’injection locale de toxine
botulinique.
TROUBLES DE L’ARTICULATION (DYSARTHRIES)
¶ Sémiologie des dysarthries
Darley et al [40] distinguent :
– une dysarthrie flasque (paralysies périphériques :
polyradiculonévrites, myasthénie, paralysie bulbaire progressive) :
faiblesse articulatoire, forte nasalité, découplage de la parole et de la
respiration ;
25
17-018-L-10
Aphasie
– une dysarthrie spastique (syndromes pseudobulbaires) : faiblesse
articulatoire, parole lente, de tonalité basse, voix rauque et
étranglée ;
– une dysarthrie ataxique (syndromes cérébelleux) : accentuation
excessive et inégalement répartie, prolongation des phonèmes et des
intervalles, irrégularités dans la parole spontanée et la répétition,
lenteur d’élocution, intensité vocale souvent excessive et irrégulière ;
– une dysarthrie hypokinétique (maladie de Parkinson) : parole
monotone dans sa hauteur et son intensité, d’intensité globalement
réduite, de rapidité variable, comportant de courtes accélérations et
des silences inappropriés, parfois, une palilalie ;
– une dysarthrie hyperkinétique rapide des chorées où la précision de
l’articulation, le nasonnement et l’intensité varient rapidement d’un
moment à l’autre, celle des myoclonies où existent des interruptions
rythmiques de la parole et des nasonnements et celle du syndrome
de Gilles de la Tourette.
– une dysarthrie hyperkinétique lente (athétose, dyskinésies et
dystonies) : variations de la qualité articulatoire, prosodie excessive
et inadaptée, troubles intermittents de la voix ;
– une dysarthrie des tremblements (surtout tremblement essentiel) :
voix chevrotante du fait d’altérations rythmiques en hauteur et en
intensité ;
– une dysarthrie mixte : (SLA, SEP, maladie de Wilson) (voir infra) ;
– sclérose latérale amyotrophique combinant une atteinte
périphérique et pyramidale ;
– sclérose en plaques qui combine des éléments paralytiques et
cérébelleux ;
– maladie de Wilson de type hypokinétique avec monotonie de
l’accentuation, baisse de la hauteur et de l’intensité se distinguant
de la dysarthrie parkinsonienne par l’absence d’épisode
d’accélération.
¶ Étiologie des dysarthries
Accidents vasculaires cérébraux
Le syndrome dysarthrie-main malhabile [61] comporte une parésie
faciale centrale, une dysarthrie et une dysphagie combinées à une
incoordination manuelle unilatérale, de mécanisme tantôt
cérébelleux tantôt ataxique. Deux topographies lésionnelles sont
possibles : le pied de la protubérance à l’union du tiers supérieur et
du tiers moyen ou le genou de la capsule interne dans sa partie
supérieure, régions où les fibres pyramidales sont relativement
dispersées et où une atteinte sélective du contingent corticobulbaire
est possible. Un tableau analogue pourrait être dû à un infarctus
cortical, mais il existe alors un trouble sensitif péribuccal associé.
Une dysarthrie mixte (parétique et cérébelleuse) accompagne
également le syndrome d’hémiparésie ataxique, dû à une lésion
protubérantielle ou capsulaire interne. Une dysarthrie parétique est
fréquente au cours des lésions vasculaires sous-corticales affectant
la voie motrice principale ou les noyaux gris, et peut même résumer
la symptomatologie après lésion putaminale.
Autres causes
Les causes des dysarthries sont trop nombreuses pour être passées
en revue ici. Nous insisterons seulement sur celles dont le diagnostic
peut être difficile parce qu’elles constituent le signe inaugural ou
prédominant de la maladie.
Dans la sclérose latérale amyotrophique à début bulbaire et surtout
pseudobulbaire, la parole est lente, l’articulation faible, la voix
nasonnée, rauque et étranglée avec une perte de la prosodie. La
motilité de la langue est réduite. Des troubles de la déglutition
peuvent être associés. En cas d’atteinte du motoneurone
périphérique, l’examen montre une atrophie et des fasciculations de
la langue, avec, à l’électromyogramme (EMG), des signes
neurogènes dans la houppe du menton ou la langue et, en cas
26
Neurologie
d’atteinte centrale, une exagération du réflexe massétérin et une
labilité émotionnelle. La conservation du réflexe du voile contraste
avec une motilité volontaire médiocre.
La myasthénie peut réaliser un tableau très proche, mais il n’y a ni
fasciculations de la langue ni signes centraux. On peut recueillir la
notion d’une variabilité des troubles ou la mettre en évidence par
une épreuve de fatigabilité phonatoire (par exemple, compter
jusqu’à 100). Le diagnostic repose sur le test à la prostigmine ou au
chlorure d’édrophonium.
Dans la sclérose en plaques, de brefs épisodes de dysarthrie sont un
exemple typique des manifestations paroxystiques de la maladie.
Dans la maladie de Wilson, la dysarthrie serait, en fréquence, le
deuxième signe révélateur après le tremblement. Il s’agit d’une
dysarthrie typiquement hypokinétique avec une parole lente,
monotone et de faible volume qui s’évanouit avant la fin de la
phrase. Sa survenue chez un adolescent doit absolument faire
évoquer le diagnostic. Il s’y associe souvent une modification du
faciès avec un aspect figé et un peu grimaçant et une rétraction de la
lèvre supérieure qui donne au malade un air souriant mais niais.
Une dysarthrie progressive peut marquer le début d’une
dégénérescence corticobasale ou d’une atrophie corticale focale
progressive (voir « Étiologies »).
BÉGAIEMENT
Il s’agit d’un trouble de la parole caractérisé par des répétitions ou
prolongations involontaires de l’émission d’un son : syllabe ou mot.
Il s’y associe souvent une activité accessoire de l’appareil du
langage, donnant l’apparence d’une lutte ainsi qu’un état émotionnel
avec peur, tension, irritations [152]. Le bégaiement se rencontre plus
souvent chez l’homme que chez la femme et nettement plus souvent
chez l’enfant que chez l’adulte, ce qui implique que beaucoup de
cas, trois sur quatre environ, guérissent en chemin. L’incidence
familiale et même génétique est certaine puisque le bégaiement est
concordant à 90 % chez les jumeaux vrais et à 20 % chez les
dizygotes.
Le bégaiement disparaît lors du chant, de la parole en inhalation et,
le plus souvent, de la lecture à haute voix. L’audition d’un bruit
blanc ou de la parole différée du patient le fait également disparaître,
ce qui impliquerait le contrôle auditif dans la pathogénie des
troubles. Mais l’attention est surtout retenue par la possibilité d’un
désordre laryngé. Les blocages surviennent le plus souvent au début
des phrases et souvent à la transition entre sons voisés qui
demandent une adduction des cordes et sons non voisés qui
s’accompagnent de leur relâchement. Surtout, on a observé chez les
bègues un trouble de la relation entre agonistes et antagonistes du
larynx. Ce trouble peut être observé chez les bègues, même lorsque
la parole apparaît fluente, mais non dans l’imitation du bégaiement,
par des bègues ou des sujets normaux.
Différentes théories du bégaiement ont été proposées [143]. Certaines
insistent sur le rôle de la dominance cérébrale pour le langage qui
serait imparfaite chez ces sujets. Les études de dominance manuelle
ont donné des résultats incertains. Les autres théories sont d’ordre
psychodynamique : le bégaiement normal du jeune enfant qui
apprend la parole par essais et erreurs serait pérennisé par une
attitude inadéquate de l’entourage qui cristallise autour de la parole
anxiété et crainte de l’échec. Malgré un large succès d’opinion, ces
théories ne semblent pas avoir été suivies de résultats
thérapeutiques satisfaisants.
Des lésions cérébrales peuvent être responsables d’un
pseudobégaiement [101], présentant des différences sémiologiques
avec le bégaiement idiopathique : les blocages ne surviendraient pas
seulement au début des phrases et persisteraient dans la lecture, la
répétition et le chant. Les lésions sont vasculaires ou traumatiques,
concernant le plus souvent les aires motrices ou les noyaux gris [68].
La lésion responsable peut être droite ou gauche. Dans ce dernier
cas, le trouble est souvent associé à une aphasie sans qu’il y ait
toutefois de parallélisme dans l’évolution. Certains cas d’aphasie
transcorticale motrice peuvent faire exception : la difficulté à
Aphasie
Neurologie
progresser dans le discours, la tendance à la répétition peuvent être
directement responsables du bégaiement. Un bégaiement de
l’enfance disparu peut aussi réapparaître à l’occasion d’une affection
neurologique, accident vasculaire cérébral [131] ou maladie de
Parkinson [163].
Aphasie de l’enfant
L’aphasie de l’enfant est « un trouble du langage consécutif à une
atteinte objective du système nerveux central et survenant chez un
sujet ayant déjà acquis un certain niveau de connaissance
verbale » [160], c’est-à-dire l’âge d’acquisition des premières phrases,
estimé en moyenne à 2 ans [179]. Un trouble du langage plus précoce
entre dans la catégorie des « dysphasies de développement ». Le
diagnostic d’aphasie chez l’enfant exclut aussi les troubles de la
communication liés à un déficit sensoriel ou intellectuel, à un
autisme ou à une psychose, et les troubles de la parole comme le
bégaiement. Un mutisme peut être délicat à interpréter, car il peut
représenter la phase initiale d’une aphasie aiguë.
SÉMIOLOGIE
Les progrès des connaissances du développement du langage de
l’enfant et l’analyse plus fine des troubles d’expression et de
compréhension ont montré que la sémiologie est moins éloignée
qu’on ne le croyait autrefois de celle de l’adulte, avec cependant une
meilleure récupération dont les mécanismes restent hypothétiques.
Dans 85 % des cas, les troubles expressifs prédominent sur les
troubles de compréhension et la réduction peut aller jusqu’au
mutisme à la phase initiale. En fait, certains mutismes,
posttraumatiques notamment, sont dus à une inhibition
psychologique qu’il faut savoir lever pour mettre en évidence la
sémiologie proprement aphasique. La syntaxe serait plus incorrecte
que simplifiée [2]. Dans ce domaine, il est très important de comparer
avec l’expression de l’enfant du même âge, tout en sachant qu’il
existe une grande variabilité dans le développement normal. Les
troubles articulatoires seraient fréquents, sans toutefois de
stéréotypies ni de persévérations motrices [2] , mais les études
donnent des résultats contradictoires.
Les aphasies sensorielles sont, comme chez l’adulte, marquées par
des troubles de la compréhension, une articulation et une syntaxe
conservées et des paraphasies. Contrairement à ce qui est observé
chez l’adulte, il semble exister, avant l’âge de 8 ans, une corrélation
inverse entre l’abondance des paraphasies et la fluidité du débit
verbal. L’influence de l’âge de survenue de l’aphasie sur l’intensité
des troubles de la compréhension est débattue [2]. En revanche,
quand ils sont importants à la phase aiguë, ces troubles semblent de
pronostic défavorable [180].
Toutes les autres formes classiques d’aphasie de l’adulte (aphasies
transcorticales motrice et sensorielle, aphasie de conduction) ont
également été décrites chez l’enfant, avec des localisations
lésionnelles analogues, suggérant une spécialisation précoce des
aires cérébrales du langage.
Les troubles de la lecture peuvent être importants et durables. Ils
peuvent impliquer l’analyse graphémique, le décodage et la
compréhension. Quant aux capacités d’écriture, elles n’ont donné
lieu à aucune étude détaillée. Cependant, Alajouanine et Lhermitte [2]
et Hécaen [72] ont rapporté que le langage écrit était plus perturbé
que le langage oral et que ces difficultés avaient tendance à persister,
pouvant jouer un rôle important dans l’échec scolaire ultérieur de
ces enfants.
ÉTIOLOGIES
Les traumatismes crâniens sont la première cause d’aphasie chez
l’enfant. L’aphasie succède souvent à un coma initial suivi d’une
phase de mutisme akinétique. Le pronostic est lié à la gravité des
lésions plus encore qu’à l’âge. Les accidents vasculaires (dus à des
17-018-L-10
troubles de la coagulation, des malformations vasculaires ou des
cardiopathies emboligènes) donnent des aphasies identiques à celles
des adultes ayant des lésions de même topographie. Même si ces
aphasies vasculaires de l’enfant sont moins bénignes qu’on ne l’avait
supposé autrefois, leur évolution est comparativement plus
favorable que chez l’adulte. Les infections bactériennes génératrices
d’aphasie sont devenues rares chez l’enfant. En revanche,
l’encéphalite herpétique est une cause d’aphasie sensorielle pouvant
laisser de lourdes séquelles. Les tumeurs, plus souvent localisées à
la fosse postérieure qu’aux hémisphères cérébraux, sont une cause
d’aphasie beaucoup plus rare que chez l’adulte. Elles donnent
surtout lieu à une anomie.
PRONOSTIC ET RÉCUPÉRATION
Le pronostic est nettement plus favorable que chez l’adulte, mais 25
à 50 % des enfants aphasiques auraient encore des troubles du
langage 1 an après le début [179]. Une épilepsie est un élément
défavorable. D’autre part, les lésions diffuses et/ou bilatérales
(souvent d’étiologie infectieuse) sont de mauvais pronostic [181].
Lenneberg [106] a esquissé une évolution en fonction de l’âge
d’acquisition de la lésion. De 18 mois à 3 ans, on observe une reprise
de l’acquisition du langage après une brève période de mutisme
dont le caractère aphasique n’est pas démontré. Cette reprise se fait
selon le schéma du développement normal : lallations, mots isolés,
holophrases, mais à un rythme accéléré. Entre 3 et 4 ans, les troubles
aphasiques sont rapidement résorbés. De 4 à 10 ans, le tableau
d’aphasie de l’enfant typique (expression réduite, mais troubles de
compréhension modérés) se résorbe plus lentement, sans que la
vitesse de récupération soit clairement influencée par l’âge au
moment de la lésion [110].
« PRIX DE LA RÉCUPÉRATION »
[179]
Lenneberg a considéré la plasticité cérébrale comme le facteur
expliquant la meilleure récupération de l’enfant. Cette plasticité a
pour conséquence le transfert des capacités de langage, que les aires
initialement prévues sont devenues incapables d’assumer, vers
l’hémisphère contralatéral ou vers d’autres aires du même
hémisphère. Un effet pervers de ce mécanisme serait d’empêcher les
aires nouvellement investies de fonctions linguistiques d’accomplir
leur spécialisation dans des processus non verbaux, expliquant ainsi
une partie des difficultés scolaires que rencontrent les enfants
aphasiques en cours de récupération dans de multiples domaines
cognitifs autres que le langage. Une autre explication pour ces
difficultés serait la présence de lésions présentes initialement au
niveau de ces mêmes aires « vicariantes », mais passées inaperçues
en raison de leur relative discrétion par rapport à l’aphasie. Les
conséquences de ces lésions sur les capacités cognitives non verbales
deviendraient apparentes à la reprise d’une activité nécessitant une
mobilisation de l’ensemble du fonctionnement cérébral.
SYNDROME DE LANDAU-KLEFFNER
Le syndrome de Landau-Kleffner (SLK) associe une aphasie acquise
et des anomalies paroxystiques à l’électroencéphalogramme (EEG),
ainsi qu’une épilepsie dans 70 % des cas [99]. Les deux tiers des
patients sont des garçons. Le début se fait dans 80 % des cas entre 3
et 8 ans, dans 45 % des cas par une aphasie, dans 16 % des cas par
une épilepsie et dans 17 % par les deux simultanément [9]. L’aphasie
débute par des troubles de la compréhension orale, pouvant être
pris pour une surdité, puis comporte des paraphasies et des erreurs
phonémiques, une inattention et une agnosie auditives. Il peut s’y
associer une hyperkinésie. Dans les cas les plus précoces (10 %),
l’aphasie peut se présenter comme un retard de langage. Les tests
montrent une préservation des capacités non verbales. Les crises
d’épilepsie, quand elles surviennent, peuvent évoquer une épilepsie
à paroxysmes rolandiques, ou se présenter sous la forme de
clignements, de déviation du regard, de petits automatismes
moteurs ou de chute de la tête, suivis ou non d’une généralisation
27
17-018-L-10
Aphasie
secondaire. L’EEG est un élément essentiel du diagnostic. Il montre,
sur une activité de fond normale, des pointes et pointes-ondes de
grande amplitude à 2 Hz de topographie variable dans l’espace et
dans le temps, mais à prédominance temporale (50 % des cas) ou
temporo-occipitale (un tiers des cas). Ces anomalies sont bilatérales,
mais il a été montré par des tests pharmacologiques que le point de
départ est unilatéral avec une diffusion contralatérale [129]. Les
anomalies sont accentuées au cours du sommeil lent, où elles
peuvent prendre l’aspect d’un état de mal. Les signes EEG sont les
plus fréquents entre 3 et 5 ans, et disparaissent toujours au plus tard
après 15 ans.
L’imagerie morphologique (scanner et IRM) est normale. Les
mesures de débit sanguin et de métabolisme cérébral peuvent
montrer des zones d’hypo- ou d’hypermétabolisme correspondant
aux foyers EEG [37, 71]. Les anomalies métaboliques sont purement
corticales, sans altérations au niveau du thalamus [114]. La magnétoencéphalographie et les enregistrements par électrodes corticales ont
démontré que le maximum des anomalies paroxystiques se situe à
la partie postérieure de la face dorsale de la première circonvolution
temporale, en arrière du gyrus de Heschl [129]. L’évolution des
troubles du langage est d’autant plus sévère que le début est
précoce, pouvant aboutir à un tableau proche d’une surdi-mutité. À
l’inverse, l’épilepsie est peu invalidante et régresse toujours
totalement avant l’âge de 15 ans. La normalisation de l’aphasie suit
celle des tracés EEG. Cependant, 10 % des enfants gardent une
aphasie grave, et 40 % des difficultés suffisantes pour compromettre
leur insertion scolaire et sociale ultérieure.
Le diagnostic différentiel [171] comporte l’autisme et les retards
globaux de développement (dans lesquels les troubles cognitifs sont
plus diffus), les retards mentaux symptomatiques (dans lesquels il
existe des anomalies cliniques et en imagerie), les épilepsies
bénignes de l’enfant (où il n’y a pas de troubles du langage), et les
aphasies de développement (où manquent les signes EEG).
Le SLK est aujourd’hui considéré comme une forme clinique du
syndrome de pointes-ondes continues du sommeil lent (POCS) [48,
171]
. L’activité épileptique persistante bilatérale empêcherait, au
niveau d’un cortex temporal encore immature, la formation des
réseaux neuronaux nécessaires à l’acquisition du langage, sans
possibilité de compensation par le cortex contralatéral
(contrairement aux aphasies lésionnelles, dont la récupération est
bien meilleure chez l’enfant).
L’épilepsie, lorsqu’elle existe, répond en général favorablement à un
traitement par benzodiazépines, associées ou non à du valproate. Le
traitement à visée étiologique varie selon la gravité des troubles du
langage. Lorsque ces derniers sont sévères ou durables, la
corticothérapie est recommandée. Des succès ont été obtenus par la
chirurgie (transsections sous-piales intracorticales multiples [129]) et
par les immunoglobulines intraveineuses [120].
PRISE EN CHARGE DES ENFANTS APHASIQUES
Dans les cas d’aphasie de l’enfant comme dans ceux de syndrome
de Landau-Kleffner, une prise en charge pluridisciplinaire est
souhaitable. Un bilan orthophonique est nécessaire, même dans les
cas où le langage est cliniquement satisfaisant. En effet, des troubles
linguistiques discrets (de discrimination phonémique notamment)
peuvent ne se révéler handicapants que plus tard, au moment de
l’acquisition du langage écrit. Les troubles plus importants
nécessitent naturellement une rééducation. Elle doit s’accompagner
d’un examen psychologique pour évaluer la composante
psychoaffective du mutisme ou des troubles du comportement. Lors
de la prise en charge de ces enfants, il est sage d’éviter de formuler
trop tôt un pronostic, celui-ci étant incertain en l’état actuel des
connaissances.
Rééducation des troubles du langage
La bibliographie concernant la rééducation des troubles du langage
est désormais importante et nous renvoyons le lecteur à des
ouvrages récents (Azouvi et al [7], Eustache et al [58], Seron et Van Der
Linden [162]).
28
Neurologie
RÉCUPÉRATION SPONTANÉE
La restauration des mécanismes du langage dépend de multiples
facteurs qui viennent peser sur la récupération spontanée et
l’efficacité des techniques thérapeutiques.
¶ Mécanismes neurophysiologiques
Ils incluent la levée du diaschisis et les phénomènes de plasticité
cérébrale et de vicariance. Des travaux récents utilisant les
techniques d’imagerie fonctionnelle (TEP et IRMf) ont ainsi confirmé
le rôle tantôt de régions intrahémisphériques gauches, tantôt de
l’hémisphère droit dans la récupération de certaines fonctions
linguistiques. De plus, ils ont montré que la rééducation, même à
distance de la survenue de la lésion cérébrale pouvait améliorer les
performances déficitaires et modifier la réorganisation cérébrale
(patients suivis en thérapie mélodique et rythmée, alexie
phonologique rééduquée 25 ans après un accident vasculaire).
¶ Facteurs liés à la lésion
La taille de la lésion est le facteur prédictif de récupération le plus
important. L’étiologie est mentionnée avec une influence plus
positive lors de traumatismes crâniens que de lésions vasculaires.
Aucun résultat généralisable n’apparaît en ce qui concerne le site de
la lésion, ni le tableau clinique.
¶ Variables individuelles
Les données concernant l’âge sont parfois contradictoires, mais la
présence d’affections associées au cours du vieillissement pèse sur
les capacités de récupération. La préférence manuelle semble avoir
un impact, avec un avantage pour les gauchers (en raison d’une
organisation fonctionnelle cérébrale moins asymétrique que chez les
droitiers). Le niveau d’éducation aurait surtout une influence dans
le profil du tableau aphasique. Les effets liés au sexe et au
multilinguisme restent peu démonstratifs. La motivation et les
facteurs psychosociaux qui sont vraisemblablement très importants
ont été peu étudiés.
STRATÉGIES DE RÉÉDUCATION
Trois grandes orientations peuvent être distinguées.
¶ Approche empirique
L’intervention est basée sur la stimulation et/ou le réapprentissage
et s’appuie essentiellement sur des faits sémiologiques. Cette
démarche intuitive a inspiré durant des décennies les premières
techniques de rééducation. Si elle manque de justification théorique,
elle s’avère néanmoins souvent efficace et peut être rapidement mise
en place chez des patients pour lesquels un diagnostic de type
cognitif paraît difficilement envisageable.
¶ Approche cognitive
Ce type d’intervention, qui s’est développé depuis la fin des années
1980, montre beaucoup plus de rigueur théorique, tant dans
l’évaluation et l’interprétation des troubles que dans la délimitation
des objectifs de rééducation et des techniques choisies. Son principal
inconvénient réside dans la longueur des analyses devant conduire
au diagnostic cognitif, lequel consiste à faire des hypothèses sur les
mécanismes cognitifs lésés et préservés par rapport à un modèle de
fonctionnement du sujet sain. Cependant, cette étape de diagnostic
est tout à fait indispensable pour la mise en place de la thérapie.
Cette approche peut être envisagée même pour des patients
souffrant d’atteintes cognitives multiples (perturbation de la voie
phonologique de lecture + déficit d’accès au lexique phonologique
de sortie…). Dans ce cas, plusieurs objectifs sont fixés et le
thérapeute choisira d’y répondre dans le cadre d’interventions soit
successives, soit simultanées.
¶ Approche pragmatique (ou écologique)
Elle est centrée sur la communication. L’objectif de la thérapie n’est
pas la production de messages linguistiques normaux ou corrects
Aphasie
Neurologie
du point de vue formel, mais l’utilisation optimale de toutes les
capacités résiduelles de communication (mimiques, gestes, dessins).
Un des premiers exemples est la PACE (Promotion Aphasic’s
Communicative Efficiency) mise au point par Davis et Wilcox [42] qui
utilise diverses formes de communication non verbale et tient
compte des paramètres de la conversation spontanée avec le respect
de tours de parole pour susciter des échanges dans une situation de
communication naturelle. Cette thérapie est applicable à divers
moments de la prise en charge. Au stade initial, elle est intéressante
pour la mise en place de tableaux de communications. Elle est de
règle quand les essais de restauration des fonctions linguistiques
s’avèrent infructueux. Elle a pour avantage de favoriser les échanges
dans des situations moins arbitraires que celle de l’examen
orthophonique et sans doute de favoriser les transferts dans la vie
quotidienne, mais l’étendue de la communication reste limitée. La
rééducation en groupe, entre aphasiques ou avec des membres de
l’entourage, s’inscrit également dans ce type d’intervention.
MISE EN ŒUVRE DE LA RÉÉDUCATION
Les stratégies concernent les procédés mis en place en vue de
l’amélioration des performances ; il s’agit de restauration, de
réorganisation d’une fonction ou d’utilisation de stratégies
palliatives.
¶ Restauration
Cette stratégie vise à rétablir une conduite linguistique selon son
mode de fonctionnement antérieur à la lésion cérébrale. Ce
rétablissement peut s’appuyer sur des techniques de réapprentissage
ou de facilitation.
Réapprentissage
Il s’applique aux perturbations résultant d’une dégradation des
représentations ou des procédures. Il est utilisé par exemple dans le
cas d’agraphie lexicale où le patient garde la possibilité d’écrire en
utilisant la voie phonologique de transposition phonème-graphème,
mais présente une atteinte des représentations orthographiques qui
se traduit par des erreurs de régularisation (hôpital → opital, second
→ segon, antenne → entaine). Le travail consiste à réacquérir la
connaissance orthographique spécifique des mots. Ce
réapprentissage peut être soutenu par des techniques d’associations
de dessins venant souligner et s’intriquer dans les lettres à
mémoriser. C’est le cas également de techniques visant à restaurer
des représentations sémantiques à travers des exercices portant sur
les traits sémantiques constitutifs d’un concept (évocation,
différences entre deux concepts proches…).
Techniques basées sur la facilitation
Elles sont utilisées en cas de défaut d’accès à l’information versus
dégradation des représentations. Dans le cas d’un trouble de la
dénomination ayant pour origine un déficit d’accès au lexique
phonologique de sortie, plusieurs modes de facilitation peuvent être
fournis au patient : clef phonémique, c’est-à-dire première syllabe
du mot, ou phonème initial, induction du mot en fin de phrase ou
encore répétition et lecture à haute voix pour déclencher la
production du mot cible. Sur le plan théorique, il s’agit de restaurer
l’accès phonologique (et plus exactement d’abaisser les seuils
d’activation des unités lexicales se trouvant anormalement élevés [76])
en amenant le patient à produire le mot cible de façon itérative. Ce
procédé est ancien et son effet bénéfique à long terme avait été
contesté. Il a été au contraire démontré dans bon nombre d’études
récentes très rigoureuses sur le plan méthodologique, tant du point
de vue du diagnostic cognitif que de l’application de la thérapie et
de l’évaluation de son efficacité.
¶ Réorganisation
Elle est utilisée quand les stratégies de réapprentissage ou de
facilitation s’avèrent inefficaces. Elle vise à contourner le déficit par
17-018-L-10
le recours à des mécanismes ou à des voies préservés qui servent de
relais. Plusieurs publications ont montré l’intérêt et l’efficacité de
cette stratégie. Dans le cas d’un trouble de dénomination résultant
d’un déficit d’accès au lexique phonologique de sortie et associé à
des troubles modérés du langage écrit, la thérapie s’était donné pour
objectif de réorganiser cet accès en prenant appui sur la
représentation orthographique des mots. Dans un premier temps,
un travail a porté sur la restauration des capacités de transposition
graphème-phonème (voie phonologique de lecture). Dans un second
temps, en situation de dénomination, le thérapeute a amené le
patient à d’abord se représenter mentalement le mot écrit ou au
moins ses premières lettres, à lire à haute voix ces premiers
graphèmes et à utiliser cette verbalisation comme clef phonémique
en vue de produire le mot cible. Il s’agit donc d’accéder à la forme
phonologique du mot en utilisant un moyen de facilitation
phonémique généré à partir de la lecture des premières lettres du
mot.
¶ Stratégies palliatives
Elles font appel à des procédures de substitution telles que le
développement de la communication non verbale par recours aux
gestes, mimiques, dessins, pictogrammes. Elles visent parallèlement
l’aménagement de l’environnement. Il s’agit ici de recourir à d’autres
modes de communication que le langage et d’apprendre à
l’entourage familial à modifier et adapter sa parole (débit plus lent),
son langage (phrases simples, courtes), ainsi qu’à utiliser ou exagérer
les mimiques.
La rééducation neuropsychologique s’oriente vers des prises en
charges de plus en plus spécifiques et adaptées à un individu
particulier. Les différentes approches présentent des intérêts
complémentaires et ont parfois recours à des stratégies communes
ou aux mêmes exercices. Le rééducateur ne doit pas être partisan
d’un seul type de thérapie, et son choix doit être guidé par les
perturbations aphasiques du patient. Chez un même individu,
différentes approches et stratégies peuvent être envisagées en
fonction des phases d’évolution.
ÉVALUATION
Les tentatives d’évaluation de l’efficacité de la thérapie sont
longtemps restées difficilement interprétables en raison de
problèmes méthodologiques majeurs qui sont principalement :
– le regroupement de patients présentant des profils disparates du
point de vue de leurs perturbations cognitives, ou encore du point
de vue des variables sociodémographiques et psychologiques ;
– l’absence de prise en compte de la diversité des modes de
rééducation utilisés.
Cet état s’est considérablement modifié grâce au développement de
l’approche cognitive dont la rigueur méthodologique appliquée au
diagnostic et à la mise en œuvre de la thérapie a également servi la
construction de paradigmes d’évaluation fiables. Notons que
l’appréciation de l’effet thérapeutique n’est entreprise qu’au niveau
individuel. Ces paradigmes permettent de repérer des effets liés à la
récupération spontanée, un effet général de la prise en charge et,
plus précisément, de déterminer, parmi les techniques disponibles,
lesquelles sont les mieux adaptées au trouble. Ils permettent enfin
de mieux prendre en considération le retentissement de la thérapie
en termes de généralisation à des items ou à des tâches non
travaillées. Parallèlement, l’approche fonctionnelle tente également
d’élaborer des grilles d’évaluation de la communication verbale et
non verbale dans des situations simulant ou reproduisant la vie
quotidienne. On peut en effet se demander s’il serait justifié de
poursuivre une rééducation sans transfert des acquisitions dans la
vie quotidienne.
INTERVENTION : QUESTIONS PRATIQUES
Sur le plan pratique, il est actuellement difficile de donner des
indications généralisables concernant les questions qui suivent.
29
Aphasie
17-018-L-10
¶ À quel moment la rééducation doit-elle être initiée ?
Il faut envisager l’intervention du rééducateur aussitôt que possible.
Son rôle consiste alors à informer le patient et sa famille sur ses
troubles, sur leur origine et sur les possibilités de prise en charge.
Le bon sens veut que la rééducation elle-même débute dès que, et à
condition, que l’état de vigilance et de fatigue du patient le permet.
La précocité de l’intervention semble essentielle dans les cas de
mutisme afin d’éviter l’installation de stéréotypies. Toutefois, de
nombreuses études à orientation cognitive ont montré qu’une
thérapie pouvait être efficace même longtemps après un accident
vasculaire cérébral (plusieurs années) pour des objectifs bien
délimités avec des stratégies et des techniques bien définies sur le
plan théorique.
¶ À quel rythme la thérapie doit-elle être dispensée ?
Les données de la littérature semblent indiquer qu’une prise en
charge intensive mène à de meilleurs résultats qu’une prise en
charge sporadique. Toutefois, il faut considérer que la rééducation
ne se limite pas au travail effectué avec le thérapeute, mais qu’elle
inclut le travail fourni par le patient lui-même lorsqu’il a acquis un
certain degré d’autonomie. Parfois, il peut être envisagé d’alterner
des périodes de prise en charge intensive (six fois par semaine
pendant 3 mois suivant l’objectif visé) avec des périodes sans prise
en charge.
¶ Quelle est la durée optimale de la thérapie ?
Il n’est pas rare de mener des rééducations sur plusieurs années en
constatant une amélioration continuelle. Les objectifs évoluent au
cours de cette longue prise en charge : si, à la phase initiale, ils visent
la restauration totale du langage, ils se tournent, en cas de
récupération modérée, vers des objectifs moins ambitieux. De plus,
il paraît parfois difficile de travailler d’emblée et parallèlement
l’ensemble des mécanismes perturbés (concernant la compréhension,
l’écriture et la production orale par exemple) et le rééducateur est
contraint de planifier les objectifs sur le plan temporel. La question
de la poursuite de la prise en charge en l’absence de bénéfice notable
sur la vie quotidienne pose problème, mais est souvent justifiée par
un soutien psychologique indispensable. Dans ce cas, il serait
déraisonnable que le rythme des séances soit élevé. Cependant, le
travail de deuil des capacités antérieures pour le patient et pour les
proches doit faire partie des objectifs de rééducation. Notons que la
participation à des associations d’aphasiques permet de faciliter
l’acceptation du déficit.
Neurologie
ASPECTS MÉDICAUX ET PSYCHOLOGIQUES
Pour le praticien, neurologue ou médecin généraliste, qui suit un
patient aphasique en cours de rééducation, il est essentiel de faire
régulièrement l’inventaire des acquis du traitement et de leur
traduction en termes de qualité de vie. La rééducation n’a de sens
pour le patient que si elle lui permet d’améliorer ses capacités de
communication avec l’entourage et le milieu extérieur, et dans
certains cas particuliers, mais rarement de façon prioritaire, ses
capacités de lecture ou d’écriture. Il est judicieux de confronter
régulièrement les données de l’examen du patient avec les
témoignages de la famille ou des amis. Un tiers en moyenne des
patients rendus aphasiques par un accident vasculaire cérébral
souffrent d’un état dépressif. Celui-ci est réactionnel au handicap
causé par l’aphasie, et aussi favorisé, dans certains cas, par l’effet
direct des lésions sur le système limbique. Les essais de traitement
pharmacologique de l’aphasie, visant à lutter contre la réduction de
l’expression qui pèse sur les mécanismes d’initiation de la parole
dans les aphasies antérieures, n’ont pas fait la preuve de leur
efficacité. En revanche, un traitement antidépresseur, lorsqu’il est
justifié, peut faciliter l’adhésion du patient à la rééducation, lever
l’inhibition anxieuse, améliorer l’état général en agissant sur le
sommeil, et réduire les réactions agressives dont on connaît les effets
destructeurs sur l’entourage familial. Les états dépressifs peuvent
survenir aussi en cours d’évolution, et il faut savoir les détecter chez
un malade ayant des antécédents d’accident vasculaire cérébral et
qui se plaint, sans raison organique apparente, d’une aggravation
de séquelles aphasiques jusqu’alors stabilisées.
Lorsque l’état neurologique et général du patient aphasique permet
d’envisager une reprise de l’activité professionnelle, il est essentiel
de dresser un bilan des capacités restantes et du potentiel de
récupération, et d’en confronter le résultat aux exigences du poste
de travail définies par le médecin du travail. Ces précautions visent
à éviter soit de négliger une possibilité de reprise par surestimation
de la difficulté, soit au contraire, par une reprise prématurée ou mal
préparée, de risquer une situation d’échec qui rendrait les tentatives
ultérieures encore plus hasardeuses.
Enfin, on ne saurait trop insister sur l’importance de l’évaluation de
l’aphasie dans le cadre de l’expertise médicolégale. L’expert doit
savoir, chaque fois que la complexité, voire l’apparente discrétion
des troubles l’impose, dépasser l’examen sommaire du langage
effectué au cours de l’examen neurologique et demander un bilan
de langage fait par un(e) orthophoniste connaissant parfaitement
l’aphasie, sous peine de pénaliser le patient en sous-estimant ses
séquelles neuropsychologiques.
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