l’intensité et le timbre, participent à la prosodie. Dans les aphasies
non fluentes comme l’aphasie de Broca et les formes avec trouble
articulatoire, l’augmentation de la durée des segments phonémiques
et des pauses, ainsi que les difficultés de contrôle de paramètres
comme la hauteur et l’intensité perturbent le contour mélodique et
la place des accentuations. La courbe mélodique est plate ou bien,
dans certains cas, les modifications donnent un tableau de prosodie
étrangère (appelé encore syndrome d’accent étranger) : dysprosodie
anglo-saxonne surtout liée à des troubles parétiques des organes
buccopharyngés, dysprosodie de type germanique liée à des
phénomènes dystoniques et aux difficultés de production des
groupes consonantiques. La prosodie émotionnelle exprime les états
affectifs (joie, colère, surprise, tristesse). Chez les cérébrolésés
gauches, les études insistent sur la prédominance des altérations de
la fonction linguistique de la prosodie : interrogation, affirmation,
ordre. Chez les sujets cérébrolésés droits, les modifications les plus
importantes touchent la fonction émotionnelle : colère, joie, tristesse.
Troubles de la fluence
La taxonomie distingue les aphasies fluentes (aphasie de Wernicke,
aphasie de conduction) des aphasies non fluentes (aphasie globale,
aphasie de Broca). La fluence désigne le nombre de mots émis par
minute, environ 90 chez un sujet normal. Elle est évaluée au cours
du langage spontané ou de la description de scènes imagées et
dépend du nombre de pauses ou de leur allongement. Elle doit être
différenciée de la disponibilité lexicale, couramment appelée fluence
verbale, que l’on évalue par des tâches d’évocation lexicale
consistant à donner en un temps limité le plus grand nombre
possible de mots en suivant une contrainte déterminée, sémantique
(animaux) ou formelle (lettre p). Un aphasique peut à la fois être
« fluent », c’est-à-dire parler abondamment, et avoir une faible
disponibilité lexicale.
Mutisme
La suspension du langage peut être totale, parfois même aucun son
n’est émis. On distingue les mutismes liés principalement à des
difficultés articulatoires, et qui vont évoluer rapidement vers une
anarthrie, de ceux qui résultent de perturbations linguistiques de
plus haut niveau, notamment lexical. Enfin, le mutisme akinétique
survient dans le contexte d’une perte globale de l’initiative motrice.
Déviations phonétiques
Elles affectent la réalisation articulatoire d’un phonème. Les troubles
articulatoires se traduisent sur le plan acoustique par des distorsions
phonétiques. Les phonèmes sont difficilement identifiables.
Classiquement, on distingue les distorsions de type parétique liées à
une faiblesse articulatoire, les distorsions dystoniques liées à l’excès
de force articulatoire et les perturbations de type dyspraxique. Ces
troubles articulatoires sont caractéristiques de l’anarthrie (appelée
encore désintégration phonétique). Ils sont plus fréquemment
observés dans les aphasies « antérieures » comme l’aphasie de Broca
que dans les lésions postérieures. Les aspects dyspraxiques
caractérisent le syndrome d’apraxie de la parole, qui peut être observé
en l’absence d’apraxie buccofaciale. Les troubles articulatoires des
dysarthries affectent les étapes les plus périphériques des
mécanismes articulatoires et frappent par la stabilité des réalisations,
tandis que dans l’anarthrie, les performances peuvent varier, en
particulier au gré d’une dissociation automaticovolontaire.
Paraphasies
Les termes de « paraphasie » ou d’« erreur » sont utilisés pour les
troubles observés en expression orale.
•Erreurs phonémiques
Ce sont des transformations qui affectent la forme phonologique du
mot. Les productions ne sont pas des mots de la langue. Toutefois,
le mot cible est reconnaissable et les productions peuvent aisément
être transcrites à l’aide de l’alphabet phonétique international. Les
erreurs portent sur la substitution, l’omission, l’ajout ou la
transposition d’un ou plusieurs phonèmes du mot (exemple : baleine
/balEn/→/banEn/, champignon /SãpiNf/→/Sãpf/, bottes
/bOt/→/bOlt/, carotte /kaLOt/→/gaLOt/). Lorsque le mot cible
n’est plus identifiable (éléphant →/benEm/) et que la production
est très éloignée du mot cible (moins de 50 % de phonèmes
communs), le terme de néologisme est utilisé. Le jargon phonémique
ou néologique rend compte de l’abondance des néologismes dans
l’expression. Plus récemment, le terme « erreur segmentale » a été
préféré à celui de « paraphasie phonémique » dans le dessein de
rester neutre quant à la nature de ces erreurs. Leur interprétation est
en effet complexe : il est parfois difficile de savoir si l’erreur est due
à un trouble phonologique ou à un trouble de la programmation
des gestes moteurs articulatoires.
•Troubles affectant les mots
Le manque du mot est le signe le plus courant, présent quel que soit
le type d’aphasie. Ce défaut d’évocation lexicale, dont les origines
peuvent être diverses, réduit la qualité informative du langage. Il
peut toucher le lexique dans son ensemble ou ne se manifester que
lors de la recherche d’items appartenant à certaines classes de mots
(noms versus verbes) ou à certaines catégories sémantiques (objets
biologiques versus objets manufacturés).
Les erreurs lexicales sont les substitutions du mot cible par un mot
appartenant au lexique et comprennent plusieurs possibilités. Les
erreurs sémantiques partagent des liens sémantiques avec l’item cible
(soleil →ciel). Les liens sont répertoriés suivant une classification
linguistique de type hiérarchique. Ainsi pour les cibles, chien et
voiture : hyperonyme (animal, objet), co-hyponyme (loup, camion),
hyponyme (dogue, R5), relation contextuelle (os, route), évocation
d’attributs (patte, roue), lien fonctionnel (aboie, route). Les erreurs
verbales formelles sont des substitutions lexicales entretenant avec
l’item cible non une relation sémantique mais une relation de forme
(ressemblance phonologique) (bateau →râteau). Enfin, les erreurs
verbales n’entretiennent ni relation sémantique, ni relation de forme
avec l’item cible (bateau →patte). Ces paraphasies peuvent avoir la
même origine que les paraphasies phonémiques et résulter de la
substitution ou de l’omission de phonèmes (caneton →/katf..kanf/,
canon). Une grande abondance d’erreurs sémantiques ou d’erreurs
verbales réalise un tableau de jargon sémantique ou jargon verbal.
Les erreurs de lexicalisation désignent la substitution d’un non-mot
par un mot, en répétition par exemple (« brupa » →« brutal »).
•Agrammatisme
Il est défini par un trouble de l’agencement syntaxique et de la
morphologie des phrases dû à une utilisation insuffisante ou
défectueuse des morphèmes grammaticaux libres (articles,
prépositions, pronoms) ou liés (flexions concernant le genre, le
nombre, le temps). Classiquement, le terme d’agrammatisme était
réservé aux perturbations allant dans le sens d’une réduction (« style
télégraphique » des aphasies de Broca), tandis qu’une
désorganisation dans l’utilisation des procédés syntaxiques et des
mots fonctionnels était qualifiée de dyssyntaxie ou de
paragrammatisme. La distinction entre agrammatisme et
paragrammatisme semble aujourd’hui moins forte. L’agrammatisme
peut être associé ou non à un trouble de compréhension de même
nature.
•Stéréotypie
C’est une production itérative (syllabe, mot, syntagme) que le
patient ne peut inhiber et qui surgit lors de toute tentative
d’émission orale.
¶Erreurs en lecture
La lecture à haute voix fait appel à des mécanismes de production
orale, et peut donc subir des perturbations dans les mêmes
domaines : articulatoire, phonémique, et même sémantique. D’un
autre côté, elle met en jeu des processus qui lui sont propres et dont
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