Encyclopédie Médico-Chirurgicale 17-018-L-10 17-018-L-10 Aphasie F Viader J Lambert V de la Sayette F Eustache P Morin I Morin B Lechevalier Résumé. – Cet article est une revue des formes cliniques, des causes et des lésions anatomiques de l’aphasie. Il inclut également une étude détaillée des modèles du langage oral et écrit élaborés par la neuropsychologie cognitive. Les troubles de la parole en dehors de l’aphasie (dysarthrie et dysphonie) sont brièvement passés en revue. Un chapitre est consacré à l’aphasie de l’enfant, incluant le syndrome de Landau-Kleffner. Enfin, les méthodes et les stratégies de rééducation de l’aphasie sont discutées. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : aphasie, alexie, agraphie, anarthrie, dysarthrie, dysphonie, syndrome de Landau-Kleffner, rééducation, neuropsychologie cognitive. Introduction On a volontiers tendance à opposer une neuropsychologie « clinique » d’autrefois, entièrement dédiée au diagnostic topographique des lésions, à une neuropsychologie « cognitive » d’aujourd’hui, qui, déchargée de ses servitudes médicales par la neuro-imagerie moderne, pourrait se consacrer pleinement à l’élucidation du fonctionnement cérébral. Ce dilemme n’est qu’apparent, et l’étude des aphasies l’illustre de façon éclatante. Loin de détourner les cliniciens de l’aphasiologie, les progrès de l’imagerie diagnostique leur ont permis d’affiner la connaissance des phénomènes pathologiques en multipliant les confrontations clinicolésionnelles autrefois subordonnées à la neuropathologie. Les rudes controverses passées entre localisationnistes et noéticiens ont fait place à des échanges plus productifs autour de schémas à double face anatomique et fonctionnelle, arbitrés par les études d’imagerie fonctionnelle conduites tant chez les patients que chez les volontaires sains. Enfin, les modèles inspirés de la psycholinguistique sont devenus moins ardus et plus accessibles aux cliniciens, lesquels savent désormais y reconnaître un moyen d’affiner leur connaissance des phénomènes pathologiques, mais aussi une arme thérapeutique rendue plus efficace par une délimitation plus précise des cibles de la rééducation. Repères historiques – 1861 : le 18 avril, Paul Broca, chirurgien de l’hospice de Bicêtre présente à la Société d’anthropologie de Paris le cerveau d’un homme de 51 ans nommé Leborgne, décédé la veille dans son service où il était hospitalisé depuis vingt ans à la suite d’une perte du langage qui se réduisait à la syllabe TAN alors qu’il comprenait Fausto Viader : Professeur de neurologie, praticien hospitalier. Jany Lambert : Orthophoniste. Vincent de la Sayette : Neurologue, praticien hospitalier. Francis Eustache : Professeur de psychologie à l’Université, Inserm U320. Pierre Morin : Professeur de neurologie. Isabelle Morin : Orthophoniste. Bernard Lechevalier : Professeur de neurologie, membre de l’Académie de médecine, service de neurologie Vastel, CHU Côte-de-Nacre, avenue de la Côte-de-Nacre, 14033 Caen cedex, France. assez bien ce qu’on lui disait. Broca décrit un grand ramollissement de l’hémisphère gauche qui atteint le lobe frontal dans sa quasitotalité, s’étend aux lobes pariétal et temporal. Il ne retient comme origine de l’aphasie que la 3e circonvolution frontale gauche. En 1984, Signoret et al [170] soumettront le cerveau de Leborgne à un examen scanographique qui confirmera la description de 1861 et montrera, en outre, une atteinte du noyau caudé et de la partie antérieure du noyau lenticulaire, l’aire de Wernicke et le gyrus supramarginalis étant respectés. – 1868 : Broca, qui a observé plusieurs cas anatomiques proches de celui de Leborgne, écrit qu’il croit avoir découvert que « l’exercice de la faculté du langage articulé est subordonné à l’intégrité (...) de la moitié postérieure, peut-être même du tiers postérieur seulement de la 3e circonvolution frontale » de l’hémisphère gauche. – 1874 : Carl Wernicke, de Breslau, décrit d’autres types d’aphasies, dont la forme qui porte maintenant son nom ou aphasie sensorielle due à une lésion temporale gauche, l’aphasie motrice (Broca) et l’aphasie de conduction. – 1885 : Lichtheim publie dans Brain une mémorable description de sept types d’aphasies : les aphasies corticales motrice (Broca) et sensorielle (Wernicke), l’aphasie de conduction, les aphasies transcorticales motrice et sensorielle, les aphasies sous-corticales motrice et sensorielle. – 1891 : S. Freud, dans une monographie restée célèbre, nie l’existence des centres du langage : la région corticale du langage est une aire continue du cortex hémisphérique gauche. La représentation du mot déclenche de nombreuses associations : visuelles, tactiles, acoustiques. Il décrit un symptôme nouveau : l’agnosie. – 1906 : Pierre Marie publie une monographie intitulée Révision de la question de l’aphasie : la 3e circonvolution frontale gauche ne joue aucun rôle spécial dans la fonction du langage. L’aphasie de Broca (dont il ne nie pas l’existence) n’est que l’addition d’une aphasie de Wernicke et d’une anarthrie. Celle-ci est due à une lésion située dans un quadrilatère englobant les noyaux gris centraux et la capsule interne. – 1908 : Jules Déjerine, contre Pierre Marie, reste fidèle à la conception de Broca. En 1892, il décrit l’alexie sans agraphie, inaugurant la conception associationniste de l’aphasie. Toute référence à cet article doit porter la mention : Viader F, Lambert J, de la Sayette V, Eustache F, Morin P, Morin I et Lechevalier B. Aphasie. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Neurologie, 17-018-L-10, 2002, 32 p. Aphasie 17-018-L-10 – 1915 : Jackson est réticent pour localiser le langage. Il pense que le langage propositionnel peut dépendre de l’hémisphère gauche, mais que le langage automatique est plutôt hémisphérique droit. – 1928 : Charles Foix établit des corrélations anatomocliniques strictes entre le siège du ramollissement cérébral et le type d’aphasie présentée. – 1933 : Kurt Goldstein préconise une conception globaliste de l’aphasie, résultat d’une perturbation de l’organisation fonctionnelle du cerveau. – 1939 : Théophile Alajouanine inaugure l’ère linguistique de l’aphasie avec son ouvrage La Désintégration phonétique dans l’aphasie, fruit de ses observations. Il se réfère au principe de Baillarger-Jackson pour démontrer la dissociation automaticovolontaire dans l’aphasie. Avec François Lhermitte et Blanche Ducarne, il fonde à la Salpêtrière le premier centre de rééducation du langage. – 1964 : Alexandre Luria formule la première classification neurolinguistique des aphasies. – 1965 : Norman Geschwind réaffirme, dans deux grands articles parus dans Brain, la pertinence des théories associationnistes. – 1975 : un nouveau courant, la neuropsycholinguistique, s’assigne pour objectif fondamental d’élaborer des théories du traitement de l’information chez le sujet sain à partir de l’analyse des troubles aphasiques. Dans un second temps, ses modèles théoriques et ses méthodologies sont utilisés pour décrire et comprendre les perturbations observées chez les patients. Cette approche cognitive ne s’intéresse pas aux corrélations anatomocliniques. Dans la même période se développent les techniques d’imagerie morphologique et fonctionnelle du cerveau. Le scanner X puis l’imagerie par résonance magnétique (IRM) permettent une visualisation précise des lésions. Les mesures métaboliques en tomographie par émission de positons (TEP) étudient leurs répercussions fonctionnelles dans des secteurs plus étendus. Des activations verbales chez le sujet sain sont entreprises avec la TEP et l’IRM fonctionnelle (IRMf). Les travaux actuels tentent de concilier les modèles cognitivistes et l’exploration fonctionnelle du cerveau. Opérations mentales et activations cérébrales constituent la nouvelle formulation dynamique des localisations cérébrales. Ces connaissances sont exploitées pour la prise en charge et la rééducation. Celles-ci intègrent à la fois des « approches écologiques », et des supports techniques tels que la micro-informatique. Examen d’un sujet aphasique DÉFINITION DE L’APHASIE Parmi les nombreuses définitions de l’aphasie, nous retiendrons celle de AR Damasio [38] qui regroupe les caractéristiques différentielles les plus importantes. L’aphasie représente « la perturbation de la compréhension et de la formulation des messages verbaux qui résulte d’une affection nouvellement acquise du système nerveux central ». Chacun des termes de cette définition permet de différencier l’aphasie d’autres pathologies et déviations linguistiques : nouvellement acquise versus troubles du langage congénitaux ou du développement ; du système nerveux central versus utilisation déviante du langage en rapport avec un usage social particulier ou une affection psychogène ; messages verbaux versus trouble de la communication gestuelle ou émotionnelle ; compréhension des messages verbaux versus troubles perceptifs auditifs (surdité) ou visuels (cécité) ; formulation des messages verbaux versus troubles de la phonation ou de l’articulation. Enfin, Damasio différencie l’aphasie des troubles du langage pouvant être observés dans les états de confusion mentale faisant suite à une altération de la conscience. EXAMEN CLINIQUE DES TROUBLES LINGUISTIQUES DES APHASIES : MÉTHODES Les examens les plus couramment utilisés en France sont : – le test pour l’examen de l’aphasie [47] ; 2 Neurologie Langage, parole, phonème Le langage est une fonction abstraite pouvant être matérialisée en expression orale par la parole et en expression écrite par l’écriture. La parole est un acte moteur particulièrement complexe qui nécessite la mise en jeu et la coordination des organes de la phonation, du larynx et de l’appareil buccopharyngé. Le son de la voix, support de la parole, est produit au cours de l’expiration par la vibration des cordes vocales. Il est caractérisé par des paramètres d’intensité (fonction de la pression sous-glottique), de timbre et de hauteur. Il est ensuite modifié dans les espaces supraglottiques. Les phonèmes constituent les sons de la parole. Leur articulation est assurée par les cavités de résonance supralaryngées (pharynx, nez, bouche, lèvres) qui sont elles-mêmes délimitées par la position de la langue et du voile du palais. Ils résultent de la réalisation quasi concomitante d’un groupe bien défini de traits phonétiques. Le système phonologique français comprend des sons vocaliques (11 à 15, selon les variantes), des sons consonantiques (17) et des semiconsonnes (3). Du point de vue de la phonétique articulatoire, les phonèmes représentent des entités phonologiques décomposables en un faisceau de traits articulatoires et acoustiques organisés dans un système binaire. Classiquement, les voyelles sont définies à travers les traits (ouvert versus fermé, antérieur versus postérieur, arrondi versus étiré, oral versus nasal), les consonnes par les traits liés au mode d’articulation (occlusif versus constrictif), au point d’articulation (labial versus dental, palatal ou vélaire), au délai d’établissement de voisement (sourd versus sonore), ainsi que par l’opposition oral versus nasal. Du point de vue de la phonétique acoustique, les sons du langage sont des sons complexes, c’est-àdire comportant un son fondamental et des harmoniques. Les voyelles sont des sons périodiques (chaque harmonique est un multiple du fondamental). Les consonnes sont des bruits, c’està-dire des sons non périodiques dont le spectre de fréquence est plus étendu que celui des voyelles. Toutefois, les consonnes sonores sont produites avec des vibrations laryngées. Les consonnes peuvent être caractérisées par les transitions de formants consonne-voyelle. – l’échelle française pour l’examen de l’aphasie : HDAE [117, 135], adaptation de l’échelle anglaise BDAE de Goodglass et Kaplan ; – le protocole d’examen linguistique de l’aphasie MT86. Ces batteries explorent les capacités linguistiques à travers les mêmes principales fonctions : l’expression et la compréhension orales, l’expression et la compréhension écrites, la répétition, la lecture à haute voix et l’écriture sous dictée. ¶ Étude de l’expression orale Elle distingue plusieurs situations. – Le langage spontané ou conversationnel est induit par des questions posées par l’examinateur. – Le discours narratif est apprécié à partir de la description de scènes imagées (ou éventuellement à partir d’un texte lu ou entendu). Ces situations permettent d’évaluer non seulement la disponibilité lexicale, mais aussi les capacités syntaxiques et la cohérence du récit, de même que l’adéquation des productions sur le plan phonétique, phonologique ou sémantique. – Les épreuves de dénomination d’images pouvant représenter des objets, des symboles, des formes géométriques, des couleurs, des nombres ou des actions explorent l’accès lexical. Le choix des items répond à des critères de fréquence, de classe (nom, verbe) à l’opposition nom générique versus nom spécifique (outil versus hache), au critère manipulable versus non manipulable (échelle versus village), comme dans le MT86. – Les épreuves de disponibilité lexicale (encore appelée fluence verbale) sans support visuel consistent à faire évoquer des items lexicaux suivant une contrainte sémantique (noms d’animaux) ou formelle (mots commençant par la lettre P ou R) en un temps limité, le plus souvent de 1 minute 30. Neurologie Aphasie – L’exploration des « automatismes verbaux » est induite par l’évocation des jours de la semaine, des mois de l’année, des nombres de 1 à 20 ou encore par la complétion de phrases et de proverbes. – La répétition est explorée à partir de syllabes, de mots et de phrases. Le choix des syllabes et des mots tient compte de la complexité des mécanismes articulatoires et de la combinatoire du système phonologique français. Les phrases se distinguent suivant la longueur, la prédominance d’items lexicaux versus grammaticaux ou encore le contenu sémantique concret versus abstrait. La recherche d’un effet lexical (mot versus non-mot) est plus rarement effectuée. – La lecture à haute voix permet d’apprécier les capacités de verbalisation du langage écrit, indépendamment des capacités de compréhension. Le matériel proposé comprend des mots et des phrases dont le choix a été guidé par les mêmes variables psycholinguistiques retenues pour la répétition. ¶ Étude de la compréhension orale Elle fait appel classiquement à des épreuves de désignation d’images à partir d’une production verbale énoncée par l’examinateur. Cette désignation s’effectue toujours en situation de choix multiple. Le choix multiple est très variable d’un test à un autre. Une première série d’épreuves étudie la compréhension au niveau lexical : appariement d’un mot entendu avec sa représentation picturale. Les subtests sont construits de façon que le choix multiple proposé comporte un ou plusieurs distracteurs : phonémique (poule/moule), sémantique (bouton/fermeture éclair), visuel (bouton/roue). Une seconde série d’épreuves étudie la compréhension au niveau lexical, syntaxique et morphologique : appariement d’une phrase entendue avec une image. Les oppositions entre la cible et les distracteurs peuvent se situer sur le plan lexical (stimulus entendu « l’homme mange », images : l’homme boit, la femme boit, l’homme mange, la femme mange), sur le plan morphosyntaxique (stimulus entendu : « la petite fille montre la dame qui pousse le bébé », stimuli représentés : la petite fille qui montre la dame pousse le bébé, la petite fille que montre la dame pousse le bébé, la petite fille montre la dame qui pousse le bébé). Dans le premier cas, la compréhension s’appuie sur l’intégration lexicosémantique, dans le second, elle met en jeu l’intégration des procédés syntaxiques. Les épreuves précédemment citées utilisent un support visuel (l’image), d’autres font appel à une réponse gestuelle et requièrent des praxies gestuelles intactes comme l’exécution d’ordres simples et complexes. D’autres encore demandent une réponse orale minimale à une question (oui/non : est-ce qu’une pierre coule dans l’eau ?). 17-018-L-10 automatisés. La copie de mots et de phrases met en jeu des procédures de transposition visuographiques qui peuvent s’effectuer sans recours à l’évocation orthographique du mot. Une large place est faite à l’écriture sous dictée. Le choix des items tient compte d’un certain nombre de variables linguistiques telles que la fréquence, la longueur, la classe (il s’agit le plus souvent de substantifs), la régularité versus l’ambiguïté ou encore l’irrégularité orthographique (bac-pharmacien-femme). L’effet de lexicalité (mot versus non-mot) est peu étudié dans les tests. Les phrases peuvent s’opposer suivant leur longueur ou leur forte charge en items lexicaux versus grammaticaux. ¶ Étude des praxies buccofaciales Elle permet d’apprécier la motilité volontaire des organes buccofaciaux. COTATION ET ANALYSE DES RÉSULTATS L’examen du langage des patients aphasiques donne lieu à une cotation quantitative et qualitative. La cotation quantitative s’exprime à travers des scores (points ou pourcentages) comptabilisés pour chaque subtest. Elle permet d’effectuer des comparaisons entre épreuves ou même à l’intérieur d’une épreuve suivant les variables étudiées. La cotation qualitative répertorie les types d’erreurs et éventuellement les modes de facilitation efficaces. Ces données quantitatives et qualitatives sont reportées sur des grilles d’analyse qui visualisent plus aisément le profil de perturbations et le syndrome aphasique auquel il s’apparente. Le recueil de ces données ne doit pas s’effectuer sans un certain nombre de mises en garde. Toute tentative d’interprétation des performances nécessite d’avoir suffisamment d’informations sur le niveau socioculturel et professionnel, le niveau scolaire et le comportement linguistique habituel du patient. L’interprétation d’un score bas à une tâche nécessite de confronter les résultats obtenus à différentes épreuves. Étant donné la pluralité des canaux sensoriels sollicités lors d’une même tâche, l’examinateur doit toujours avoir la préoccupation de déterminer si l’échec du patient est dû à une défaillance de la fonction linguistique supposée être testée ou du canal sensoriel utilisé pour évaluer cette fonction. Aussi, lorsqu’une épreuve de désignation d’images à partir d’un mot oral est perturbée, les questions suivantes doivent-elles être posées : s’agit-il d’un déficit de perception visuelle en rapport avec l’image présentée ? d’un déficit de perception auditive ? ou d’un défaut de compréhension de niveau linguistique ? Ce dernier peut lui-même être imputé à différents niveaux de perturbation dans le cadre d’une interprétation cognitive. ¶ Étude de la compréhension écrite Elle est évaluée par des épreuves d’appariement mot/image et phrase/image qui suivent des principes identiques à ceux évoqués pour la compréhension orale. Il s’agit d’épreuves d’appariement en choix multiples, mais, dans ce cas, le « mot écrit » reste en permanence à la vue du patient. De la même façon, on peut choisir des distracteurs ayant avec la cible des similarités sur le plan phonologique, sémantique ou visuel. Pour les phrases, le choix varie selon le contenu lexical et la structure syntaxique. Certains tests proposent des épreuves reposant uniquement sur la lecture, sans recours à une représentation iconographique : il s’agit d’associations de segments de phrases et de textes à partir d’un choix multiple de phrases. Le récit d’une histoire lue peut être demandé aux patients ne présentant pas de troubles importants de l’expression orale. Des tâches de discrimination littérale et verbale (HDAE) explorent plus particulièrement les capacités d’analyse visuelle des stimuli. ¶ Étude de l’expression écrite Elle comporte plusieurs subtests : expression écrite spontanée, narration écrite, dénomination écrite portant sur le même type d’items qu’en expression orale. L’écriture de l’alphabet, ainsi que le nom et l’adresse étudient les modes d’expression écrite les plus PERTURBATIONS APHASIQUES : LES SIGNES ¶ Expression orale Apraxie buccofaciale Indépendante de toute perturbation motrice ou sensorielle élémentaire, elle se traduit par l’impossibilité d’exécuter volontairement certains gestes buccofaciaux qui peuvent en revanche être produits de façon automatique ou réflexe. Elle est fréquemment associée à l’aphasie. Dysprosodie La prosodie permet, par des variations de la fréquence fondamentale et par des éléments rythmiques, d’introduire dans le discours des nuances linguistiques et des contenus émotionnels. La prosodie linguistique est marquée par des variations d’intonation (phrase déclarative, interrogative, exclamative) ou d’accentuation (insistance sur un mot dans une phrase). Dans d’autres langues que le français, ces variations portent sur l’accentuation syllabique dans un mot (stress en anglais) ou sur des variations tonales (dans des langues dites à tons). D’autres facteurs, comme la durée des segments ou 3 17-018-L-10 Aphasie l’intensité et le timbre, participent à la prosodie. Dans les aphasies non fluentes comme l’aphasie de Broca et les formes avec trouble articulatoire, l’augmentation de la durée des segments phonémiques et des pauses, ainsi que les difficultés de contrôle de paramètres comme la hauteur et l’intensité perturbent le contour mélodique et la place des accentuations. La courbe mélodique est plate ou bien, dans certains cas, les modifications donnent un tableau de prosodie étrangère (appelé encore syndrome d’accent étranger) : dysprosodie anglo-saxonne surtout liée à des troubles parétiques des organes buccopharyngés, dysprosodie de type germanique liée à des phénomènes dystoniques et aux difficultés de production des groupes consonantiques. La prosodie émotionnelle exprime les états affectifs (joie, colère, surprise, tristesse). Chez les cérébrolésés gauches, les études insistent sur la prédominance des altérations de la fonction linguistique de la prosodie : interrogation, affirmation, ordre. Chez les sujets cérébrolésés droits, les modifications les plus importantes touchent la fonction émotionnelle : colère, joie, tristesse. Troubles de la fluence La taxonomie distingue les aphasies fluentes (aphasie de Wernicke, aphasie de conduction) des aphasies non fluentes (aphasie globale, aphasie de Broca). La fluence désigne le nombre de mots émis par minute, environ 90 chez un sujet normal. Elle est évaluée au cours du langage spontané ou de la description de scènes imagées et dépend du nombre de pauses ou de leur allongement. Elle doit être différenciée de la disponibilité lexicale, couramment appelée fluence verbale, que l’on évalue par des tâches d’évocation lexicale consistant à donner en un temps limité le plus grand nombre possible de mots en suivant une contrainte déterminée, sémantique (animaux) ou formelle (lettre p). Un aphasique peut à la fois être « fluent », c’est-à-dire parler abondamment, et avoir une faible disponibilité lexicale. Mutisme La suspension du langage peut être totale, parfois même aucun son n’est émis. On distingue les mutismes liés principalement à des difficultés articulatoires, et qui vont évoluer rapidement vers une anarthrie, de ceux qui résultent de perturbations linguistiques de plus haut niveau, notamment lexical. Enfin, le mutisme akinétique survient dans le contexte d’une perte globale de l’initiative motrice. Déviations phonétiques Neurologie erreurs portent sur la substitution, l’omission, l’ajout ou la transposition d’un ou plusieurs phonèmes du mot (exemple : baleine /balEn/→/banEn/, champignon /SãpiNf/ → /Sãpf/, bottes /bOt/→/bOlt/, carotte /kaLOt /→/gaLOt/). Lorsque le mot cible n’est plus identifiable (éléphant →/benEm/) et que la production est très éloignée du mot cible (moins de 50 % de phonèmes communs), le terme de néologisme est utilisé. Le jargon phonémique ou néologique rend compte de l’abondance des néologismes dans l’expression. Plus récemment, le terme « erreur segmentale » a été préféré à celui de « paraphasie phonémique » dans le dessein de rester neutre quant à la nature de ces erreurs. Leur interprétation est en effet complexe : il est parfois difficile de savoir si l’erreur est due à un trouble phonologique ou à un trouble de la programmation des gestes moteurs articulatoires. • Troubles affectant les mots Le manque du mot est le signe le plus courant, présent quel que soit le type d’aphasie. Ce défaut d’évocation lexicale, dont les origines peuvent être diverses, réduit la qualité informative du langage. Il peut toucher le lexique dans son ensemble ou ne se manifester que lors de la recherche d’items appartenant à certaines classes de mots (noms versus verbes) ou à certaines catégories sémantiques (objets biologiques versus objets manufacturés). Les erreurs lexicales sont les substitutions du mot cible par un mot appartenant au lexique et comprennent plusieurs possibilités. Les erreurs sémantiques partagent des liens sémantiques avec l’item cible (soleil → ciel). Les liens sont répertoriés suivant une classification linguistique de type hiérarchique. Ainsi pour les cibles, chien et voiture : hyperonyme (animal, objet), co-hyponyme (loup, camion), hyponyme (dogue, R5), relation contextuelle (os, route), évocation d’attributs (patte, roue), lien fonctionnel (aboie, route). Les erreurs verbales formelles sont des substitutions lexicales entretenant avec l’item cible non une relation sémantique mais une relation de forme (ressemblance phonologique) (bateau → râteau). Enfin, les erreurs verbales n’entretiennent ni relation sémantique, ni relation de forme avec l’item cible (bateau → patte). Ces paraphasies peuvent avoir la même origine que les paraphasies phonémiques et résulter de la substitution ou de l’omission de phonèmes (caneton → /katf..kanf/, canon). Une grande abondance d’erreurs sémantiques ou d’erreurs verbales réalise un tableau de jargon sémantique ou jargon verbal. Les erreurs de lexicalisation désignent la substitution d’un non-mot par un mot, en répétition par exemple (« brupa » → « brutal »). Elles affectent la réalisation articulatoire d’un phonème. Les troubles articulatoires se traduisent sur le plan acoustique par des distorsions phonétiques. Les phonèmes sont difficilement identifiables. Classiquement, on distingue les distorsions de type parétique liées à une faiblesse articulatoire, les distorsions dystoniques liées à l’excès de force articulatoire et les perturbations de type dyspraxique. Ces troubles articulatoires sont caractéristiques de l’anarthrie (appelée encore désintégration phonétique). Ils sont plus fréquemment observés dans les aphasies « antérieures » comme l’aphasie de Broca que dans les lésions postérieures. Les aspects dyspraxiques caractérisent le syndrome d’apraxie de la parole, qui peut être observé en l’absence d’apraxie buccofaciale. Les troubles articulatoires des dysarthries affectent les étapes les plus périphériques des mécanismes articulatoires et frappent par la stabilité des réalisations, tandis que dans l’anarthrie, les performances peuvent varier, en particulier au gré d’une dissociation automaticovolontaire. • Agrammatisme Paraphasies Les termes de « paraphasie » ou d’« erreur » sont utilisés pour les troubles observés en expression orale. C’est une production itérative (syllabe, mot, syntagme) que le patient ne peut inhiber et qui surgit lors de toute tentative d’émission orale. • Erreurs phonémiques ¶ Erreurs en lecture Ce sont des transformations qui affectent la forme phonologique du mot. Les productions ne sont pas des mots de la langue. Toutefois, le mot cible est reconnaissable et les productions peuvent aisément être transcrites à l’aide de l’alphabet phonétique international. Les La lecture à haute voix fait appel à des mécanismes de production orale, et peut donc subir des perturbations dans les mêmes domaines : articulatoire, phonémique, et même sémantique. D’un autre côté, elle met en jeu des processus qui lui sont propres et dont 4 Il est défini par un trouble de l’agencement syntaxique et de la morphologie des phrases dû à une utilisation insuffisante ou défectueuse des morphèmes grammaticaux libres (articles, prépositions, pronoms) ou liés (flexions concernant le genre, le nombre, le temps). Classiquement, le terme d’agrammatisme était réservé aux perturbations allant dans le sens d’une réduction (« style télégraphique » des aphasies de Broca), tandis qu’une désorganisation dans l’utilisation des procédés syntaxiques et des mots fonctionnels était qualifiée de dyssyntaxie ou de paragrammatisme. La distinction entre agrammatisme et paragrammatisme semble aujourd’hui moins forte. L’agrammatisme peut être associé ou non à un trouble de compréhension de même nature. • Stéréotypie Aphasie Neurologie la perturbation s’exprime à travers des erreurs spécifiques. Le terme de paralexie (phonémique, verbale, sémantique) est souvent employé. Erreurs visuelles Elles désignent les substitutions du mot-cible par un mot de forme écrite proche (bouquet → baquet). Elles peuvent affecter uniquement la partie gauche (dessin → bassin) ou la partie droite (compléter → complexe) d’un mot lors de déficits hémiattentionnels. Erreurs phonologiquement plausibles Elles traduisent un décodage phonologique correct des unités souslexicales (graphèmes) mais un non-respect des règles contextuelles ou de l’irrégularité orthographique (cidre → /kidR/, gars → /gaR/, oignon → /waNf/). Erreurs phonémiques ou non phonologiquement plausibles Il s’agit de productions qui ne correspondent pas à un mot de la langue et qui contiennent des substitutions, des ajouts, des omissions ou des transpositions de phonèmes par rapport au mot cible. Erreurs dérivationnelles ou morphologiques La production est un mot erroné mais respectant le morphème racine du mot-cible rêve → rêveur). Erreurs de lexicalisation On décrit également des erreurs de lexicalisation (voir supra). ¶ Erreurs en expression écrite On les désigne par l’appellation « paragraphies ». Erreurs non phonologiquement plausibles Elles comprennent toutes les erreurs ne respectant pas la phonologie du mot en raison de la substitution, l’omission, l’ajout ou la transposition d’une ou plusieurs lettres (carabine → caribe). Les termes de paragraphie « phonémique » ou même « graphémique » sont moins employés actuellement. Une grande abondance de ce type de perturbation réalise un tableau de jargonagraphie. Erreurs phonologiquement plausibles Elles ne respectent pas l’orthographe spécifique du mot mais préservent sa forme phonologique (femme → fame ; second → segon) en utilisant des règles de correspondance phonèmegraphème. (Le graphème est la représentation écrite d’un phonème. Il peut s’agir d’une lettre : f, p, t, a, i ou de plusieurs lettres : ou, ph, oin, ch). 17-018-L-10 Une autre limite concerne le niveau d’analyse des troubles. Les bilans font l’inventaire des signes cliniques et aident à classer l’aphasie du patient suivant une taxonomie de référence. Cette opération suffit en général au neurologue pour poser un diagnostic, discuter les corrélations clinicolésionnelles et en déterminer les implications médicales, mais elle apporte peu d’informations sur les mécanismes du langage. Cette lacune est aujourd’hui comblée par l’approche cognitiviste qui, en appliquant des grilles d’analyse inspirées par la linguistique, vise à exploiter les troubles causés par la pathologie en vue tout à la fois d’élaborer des modèles théoriques du langage normal et de prédire les conséquences de leurs dysfonctionnements ( [161] ; Eustache, Lambert et Nore-Mary [57] dans le domaine de l’expression écrite). Enfin, au delà de son intérêt purement scientifique, l’analyse neurolinguistisque permet, par sa précision, de saisir les singularités de chaque cas d’aphasie et constitue, à ce titre, un complément indispensable à la rééducation [96]. Étude clinique des aphasies À la fin du XIXe siècle, la classification des aphasies n’était fondée ni sur leurs caractères sémiologiques, ni sur le siège anatomique des lésions responsables, mais sur un modèle prévoyant une stricte correspondance terme à terme entre les éléments de ces deux registres. Il était admis que les mots, unités constitutives du langage, étaient représentés dans le cerveau sous forme d’« images » au niveau de centres corticaux, dont au moins trois étaient bien individualisés sur le plan anatomique : images motrices (aire de Broca), images auditives (aire de Wernicke), images visuelles (pli courbe). Ces centres étaient connectés : – entre eux ; – avec le centre cortical de l’idéation ; – avec les récepteurs et effecteurs (périphériques et donc « souscorticaux ») ; chaque centre ayant son effecteur ou récepteur propre. La fonction des centres était d’élaborer le langage intérieur, le centre de l’idéation avait pour tâche de transmettre la pensée aux centres du langage, et les effecteurs et récepteurs assuraient la mise en œuvre des fonctions du langage. De ce modèle anatomofonctionnel découlait naturellement la typologie suivante (fig 1) due à Lichtheim : – atteinte des centres = trouble du langage intérieur = aphasies corticales (1, 2) ; – dysconnexion entre aire de Broca et aire de Wernicke = aphasie de conduction (3) ; C Erreurs de réalisation graphique 5 Elles affectent la réalisation de la lettre et perturbent l’agencement de ses traits constitutifs : barres horizontales ou verticales, hampes supérieures ou inférieures, boucles. La production ne correspond pas à une vraie lettre et peut être difficilement identifiable. De même que pour la lecture, des erreurs dérivationnelles, sémantiques, verbales ou de lexicalisation peuvent être relevées. 1 2 M LIMITES DES BILANS Une première limite des protocoles d’évaluation des capacités linguistiques réside dans l’arbitraire des situations de langage induites, fort éloignées des comportements linguistiques habituels qui reposent, eux, sur des situations d’échange. Ils s’opposent sur ce point aux échelles fonctionnelles et pragmatiques (par exemple l’échelle de communication verbale de Bordeaux [41]), qui visent à évaluer le retentissement de l’aphasie sur les activités de la vie quotidienne. 4 7 3 A 6 1 Schéma dit « de la maison » d’après Lichtheim [102]. A. Centre des images auditives des mots ; M. centre des images motrices des mots ; C. centre de l’idéation ; 1. aphasie de Wernicke ; 2. aphasie de Broca ; 3. aphasie de conduction ; 4. aphasie transcorticale sensorielle ; 5. aphasie transcorticale motrice ; 6. surdité verbale pure ; 7. anarthrie pure. 5 Aphasie 17-018-L-10 – dysconnexion entre centres de l’idéation et du langage = aphasies transcorticales (4, 5) ; – dysconnexion entre centres et effecteurs ou récepteurs = aphasies sous-corticales (6, 7). Cette nomenclature, même si elle n’a plus aujourd’hui de prétentions théoriques ou explicatives, a l’avantage de fournir une grille dans laquelle toutes les variétés possibles d’aphasie trouvent leur place et peuvent être classées selon des critères sémiologiques simples en catégories mutuellement exclusives. Le modèle anatomoclinique simple qu’elle proposait s’est considérablement compliqué sous l’effet de la linguistique et de l’imagerie, et la terminologie a, elle aussi, été rajeunie. Le terme générique d’aphasies corticales, devenu à la fois trop imprécis et décidément inexact, est tombé en désuétude, mais les appellations d’aphasie de Broca et de Wernicke restent universellement utilisées en clinique. Les termes d’aphasie de conduction et d’aphasie transcorticale ont été consacrés par l’usage, parce qu’ils ont gardé toute leur efficacité sémiologique : leur trait distinctif, l’atteinte ou la conservation, respectivement, de la capacité de répéter est aussi celui qui les oppose radicalement. Quant au terme purement anatomique d’« aphasie sous-corticale », il a perdu son ancienne signification d’« aphasie pure » pour désigner aujourd’hui certaines aphasies par lésion du thalamus ou des noyaux gris centraux qui appartiennent à la catégorie des aphasies transcorticales, mais dont les singularités sémiologiques justifient l’individualisation comme une entité anatomoclinique à part entière. La surdité verbale, qui figure au chapitre de l’Encyclopédie médicochirurgicale consacré aux agnosies auditives [103] ne sera pas traitée ici. APHASIE DE BROCA Le synonymes sont : aphasie motrice (Wernicke, 1874 [102]), aphasie motrice corticale (Lichtheim, 1885 [102] ), aphasie d’expression (Déjerine, 1914 [102]), aphasie verbale (Head, 1926 [102]), aphasie motrice périphérique (Goldstein, 1948 [127]), aphasie motrice efférente (Luria, 1964 [112]). Deux traits essentiels sont nécessaires au diagnostic : l’expression orale peu fluente et les troubles de l’articulation. Les difficultés sont maximales en expression spontanée. Celle-ci est réduite, nécessitant un effort considérable notamment d’initiation, et peut se limiter à une stéréotypie, à quelques mots (noms, verbes d’action à l’infinitif) ou à des formules automatiques. La parole est lente, laborieuse, souvent syllabique et dysprosodique. Les transformations phonétiques sont au premier plan, masquant des paraphasies phonémiques qui deviennent plus nettes au cours de la récupération. Le manque du mot est constant, d’intensité variable, prédominant dans le langage spontané. La dénomination est améliorée par l’ébauche orale (prononciation de la première syllabe, voire simple mouvement des lèvres). La répétition est anormale, mais meilleure que l’expression spontanée ; les difficultés principales concernent la répétition des mots ou phrases dont l’expression spontanée est déjà la plus perturbée (mots grammaticaux, structures syntaxiques complexes). Le langage « automatique » (énumérer les mois de l’année, les jours de la semaine) est également meilleur. Les troubles arthriques peuvent s’atténuer, voire disparaître pour un même mot selon qu’il est produit spontanément, lors d’une activité de transposition (répétition ou lecture à haute voix), dans une série automatique ou au cours de mélodies familières. La compréhension orale est variable mais toujours supérieure à l’expression orale spontanée. Les difficultés portent surtout sur les structures grammaticales et syntaxiques complexes, les mots grammaticaux, les messages complexes surtout lorsqu’un certain nombre d’informations sont déterminées dans une séquence ordonnée (par exemple toucher successivement différentes parties du corps). La lecture à haute voix et la compréhension écrite sont mauvaises. Là encore, les performances sont meilleures pour les mots isolés que pour les phrases et la difficulté s’aggrave avec le degré de complexité syntaxique. L’échec de la lecture à haute voix des lettres et des non-mots (logatomes) contraste avec les capacités de lecture des items lexicaux isolés. Dans l’écriture, on observe une réduction 6 Neurologie de la production, un agrammatisme, des troubles du graphisme, des paragraphies [127]. La réduction est particulièrement marquée dans l’écriture spontanée et dictée par rapport à la copie ; la production de substantifs et l’absence de mots grammaticaux peuvent aboutir à une écriture agrammatique. Les caractères peuvent être méconnaissables. Lorsque l’analyse de l’écriture est possible, les paragraphies littérales constatées sont le plus souvent à type de dysorthographie et d’oubli de lettres. L’évolution est fréquemment marquée par une dissociation entre les performances du langage oral et écrit, le plus souvent au détriment de l’écrit. L’écriture peut être très peu altérée dans certaines formes d’aphasies où prédominent les troubles arthriques, proches de l’anarthrie. L’aphasie de Broca fait souvent suite à une aphasie globale ou à un mutisme [ 1 0 2 ] . L’évolution est marquée par la récupération progressive de mots concrets, le développement d’un agrammatisme marqué par des phrases courtes, de style « télégraphique » (qui n’existe jamais d’emblée) et un langage de plus en plus propositionnel (Lecours et Lhermitte [102]). L’évolution des troubles arthriques et de la réduction de la fluence peut être dissociée ; la persistance d’un mutisme ou de stéréotypies est rare. Lorsque le tableau initial est celui d’une aphasie de Broca, la récupération est habituellement bonne. Les troubles neurologiques associés comportent dans 80 % des cas une hémiplégie ou une hémiparésie brachiofaciale sensitivomotrice droite, une apraxie idéomotrice de la main gauche et, dans 90 % des cas, une apraxie bucccofaciale [44]. La conscience aiguë que ces aphasiques ont de leur trouble génère des « réactions catastrophiques » et de véritables états dépressifs face à leurs échecs répétés dans leurs tentatives de communication avec l’entourage. Cette dimension affective doit être prise en considération dans l’interprétation des performances et justifie souvent un traitement spécifique. L’anarthrie pure (aphasie motrice pure, désintégration phonétique) survient rarement d’emblée et constitue plutôt l’étape ultime d’une aphasie de Broca [102]. La compréhension et l’expression écrite sont normales. Les transformations phonétiques sont isolées, prédominent en répétition ou en conversation et peuvent disparaître complètement dans le langage automatique. L’apraxie buccofaciale est constante. Dans les formes intermédiaires avec l’aphasie de Broca, il existe des paraphasies phonémiques, un graphisme maladroit et une dysorthographie. Le terme « aphémie » proposé en 1861 par Broca pour désigner « une perturbation acquise de la faculté du langage articulé » reste de nos jours ambigu, même s’il renvoie pour l’essentiel à des troubles arthriques dans une acception très proche de l’anarthrie. Pour Schiff et al [155], l’aphémie recouvre un syndrome dysarthrique sans aphasie ou presque, déterminé par de petites lésions corticales ou sous-corticales du « système moteur responsable de l’articulation ». APHASIE DE WERNICKE Les synonymes sont : aphasie sensorielle (Wernicke, 1874), aphasie sensorielle corticale (Lichtheim, 1885), aphasie syntaxique (Head, 1926), aphasie sensorielle centrale (Goldstein, 1948), aphasie de Wernicke de type I (Lecours et Lhermitte, 1979) [102, 127]. Une fluence normale ou exagérée, l’absence de trouble de l’articulation, la production de nombreuses paraphasies, un langage souvent vide de sens et des troubles importants de la compréhension la caractérisent. La fluence ne traduit aucun effort de production ; la longueur des phrases est normale et leur structure grammaticale globale respectée. L’exagération de la fluence peut aboutir à une logorrhée incontrôlable. L’articulation est normale, la prosodie également, mais elle est souvent mal adaptée au contexte. En dépit de la production correcte de nombreux mots et d’une syntaxe normale, les pensées et les sentiments du patient ne peuvent être correctement traduits ; seules persistent quelques phrases ou expressions toutes faites. La production déviante comporte l’addition de nombreuses syllabes en fin de mots et de mots en fin de phrase, des paraphasies verbales et sémantiques, mais aussi phonémiques et des néologismes. Quand la production est pour l’essentiel constituée de paraphasies, le langage peut être totalement Aphasie Neurologie incompréhensible et aboutir à une jargonaphasie. La répétition est défectueuse, assez bien corrélée à la compréhension : ce qui est correctement compris peut être relativement bien répété et réciproquement. Le langage automatique (réciter les jours de la semaine, les mois de l’année...), pour peu que l’attention du patient puisse être captée et que celui-ci comprenne la consigne, peut être meilleur. En dénomination, le manque du mot est très important, non amélioré par l’ébauche orale et la production de paraphasies est fréquente. Alors que les paraphasies constatées dans le langage spontané sont essentiellement verbales, les erreurs en dénomination sont plus fréquemment des néologismes ou des paraphasies phonémiques. Cette fréquente « dissociation » n’est cependant pas constante, de même que la dénomination peut, dans certains cas rares, être de bonne qualité sans que le diagnostic d’aphasie de Wernicke puisse être remis en cause. Les troubles de la compréhension du langage parlé sont constants. La compréhension peut être nulle. Souvent, un mot isolé ou une courte phrase peuvent être compris, mais les difficultés croissent rapidement avec l’augmentation du nombre d’informations. Ainsi, à quelques secondes d’intervalle, un mot initialement compris peut ne plus l’être, comme s’il existait une « saturation » des capacités de compréhension. Les difficultés deviennent majeures lorsqu’il s’agit de passer d’une tâche à une autre (par exemple montrer les différents objets de la pièce, puis désigner sur des images différents animaux). En revanche, les consignes à référence corporelle (toucher une partie du corps, bouger un segment de membre, mimer tel ou tel mouvement) sont souvent mieux exécutées que les autres tâches. Les phrases longues ou à structure syntaxique complexe ne sont habituellement pas comprises. La lecture et la production écrite sont perturbées parallèlement à la production orale. Dans l’écriture, les lettres sont bien formées et la production abondante. Les caractères sont disposés en mots avec de nombreuses paragraphies, verbales et littérales, et aussi des néologismes. Les mots grammaticaux sont mieux écrits que les substantifs. La copie est meilleure que l’écriture spontanée ou dictée. Lecours et Lhermitte (1979) [102] ont qualifié d’aphasie de Wernicke de type III les observations comportant une compréhension et une expression écrites très inférieures aux performances orales (alexie avec agraphie). Que ce soit pour la compréhension ou pour l’expression, il existe des cas, rares mais spectaculaires, de dissociation des performances entre l’oral et l’écrit (Hier et Mohr, 1977 [127]). Habituellement, les déficits neurologiques associés à l’aphasie de Wernicke sont peu marqués (il peut exister une hémiparésie, des troubles de la sensibilité, une amputation du champ visuel, notamment une quadranopsie supérieure droite). Forme d’aphasie fréquente chez le sujet âgé, l’aphasie de Wernicke ne doit pas être confondue avec un état confusionnel ou psychotique, risque d’autant plus grand que les patients sont anosognosiques de leur trouble du langage. APHASIE DE CONDUCTION Les synonymes sont : aphasie centrale (Goldstein, 1948 [127]), aphasie motrice afférente [102], aphasie de conduction afférente et efférente [88, 112] . L’existence de l’aphasie de conduction fut postulée dès 1874 par Wernicke. Il supposa qu’une lésion interrompant la connexion entre le cortex temporal et le cortex frontal devait entraîner une aphasie caractéristique. Cette hypothèse fut ultérieurement reprise par Lichtheim (1885) [102]. L’aphasie de conduction représenterait 10 à 15 % du total des aphasies [13]. Le langage spontané est fluent (moins que dans l’aphasie de Wernicke, mais plus que dans l’aphasie de Broca), riche en paraphasies. La longueur des phrases est légèrement réduite. Le discours est entrecoupé d’hésitations traduisant les tentatives spontanées d’autocorrection (conduites d’approche phonémiques), d’autant plus abondantes que ces patients sont parfaitement conscients de leurs difficultés. La dénomination est perturbée par des paraphasies phonémiques, ou plus rarement sémantiques, de même que la répétition ; les difficultés sont parfois 17-018-L-10 éludées par l’emploi d’une périphrase ou d’un synonyme. Tous les mots (substantifs, adjectifs, verbes, mots grammaticaux) sont concernés, et plus encore les non-mots. La compréhension orale est bonne, avec parfois une difficulté pour des phrases complexes. Comme l’expression orale, la lecture à haute voix est marquée de paraphasies phonémiques, alors que la compréhension du message écrit reste bonne. L’agraphie est constante, l’écriture spontanée toujours plus perturbée que l’expression orale. Le graphisme est de bonne qualité et la copie préservée. La production spontanée ou dictée comporte de nombreuses paragraphies littérales, une dysorthographie et une atteinte phonologique prédominante [127]. Les mots grammaticaux sont plus souvent omis que les substantifs. La grande difficulté ou l’incapacité d’écriture des non-mots est caractéristique de l’aphasie de conduction. Les substitutions de lettres peuvent rendre l’écriture quasi jargonnante (Assal, 1982 [127]). Il existe, comme dans l’expression orale, de nombreuses tentatives d’autocorrection. L’aphasie de conduction peut exister d’emblée ou faire suite à une aphasie de Wernicke. Les symptômes neurologiques associés comportent une hémi-hypoesthésie, parfois suivie d’un syndrome douloureux, une asymbolie à la douleur, une quadranopsie supérieure ou inférieure ou une hémianopsie, une apraxie idéomotrice sur commande verbale, mais non en imitation et, plus rarement, une hémiplégie. Le pronostic de l’aphasie de conduction est favorable. APHASIE GLOBALE L’aphasie globale est une altération sévère de toutes les fonctions du langage. Le mutisme initial est fréquent, l’expression spontanée est nulle ou très réduite, limitée à une syllabe, à quelques mots ou stéréotypies. La compréhension est altérée, mais Benson (1979) [102] souligne la compétence habituelle de ces patients à comprendre le « langage non parlé » (gestes, mimiques, position du corps) et les inflexions et intonations de la voix. Le déficit neurologique associé est important (hémiplégie, hémianesthésie, hémianopsie latérale homonyme). De rares observations sont remarquables par la discrétion ou l’absence de déficit neurologique ; ces dernières pourraient connaître une évolution meilleure [38] et indiquer une lésion limitée aux territoires de jonction en avant de l’aire de Broca et en arrière de l’aire de Wernicke [175], une topographie plus habituellement rencontrée dans l’aphasie transcorticale sensorielle. APHASIES TRANSCORTICALES Les aphasies transcorticales sont les aphasies respectant les capacités de répétition. ¶ Aphasie transcorticale motrice L’aphasie transcorticale motrice peut survenir d’emblée ou faire suite à une aphasie de Broca. Elle se caractérise par une expression spontanée nulle ou limitée à quelques syllabes, mots ou phrases courtes et agrammatiques, hésitante, parfois écholalique [102] . L’existence d’une dysarthrie la distingue de l’aphasie dynamique de Luria [112], à laquelle elle est parfois assimilée. Pour Luria, « les pires difficultés surgissent quand le malade doit composer de façon indépendante un schéma d’énonciation et le développer dans le langage spontané ». AR Damasio [38] signale la possibilité d’erreurs phonétiques, phonémiques et lexicales. Benson (1979) [102] insiste sur l’effet facilitant d’une activité motrice : un comportement de déambulation ou des mouvements incessants de la main paraissent favoriser, chez certains patients, la production orale. La disponibilité lexicale est particulièrement faible et encore entravée par des persévérations. La dénomination est entravée par le manque du mot et surtout par des difficultés d’initiation et des persévérations, elle est améliorée par l’ébauche orale ou les indices contextuels. Le langage automatique est conservé à condition d’être initié par l’examinateur. Les capacités à compléter les phrases, les proverbes, les poèmes sont excellentes. La répétition est bonne, pour les lettres 7 Aphasie 17-018-L-10 comme les mots, les phrases ou les non-mots. La compréhension orale est bonne. La compréhension écrite est meilleure que dans l’aphasie de Broca. La lecture à haute voix est peu perturbée. L’écriture spontanée, calquée sur la production orale, est réduite, le graphisme est maladroit, avec des omissions de lettres ou de mots et un agrammatisme. Le déficit neurologique associé varie selon les lésions, mais comporte habituellement une hémiplégie, qui prédomine souvent au membre inférieur, et une apraxie idéomotrice. La récupération est variable mais généralement bonne. ¶ Aphasie transcorticale sensorielle Les synonymes [102] sont : aphasie nominale (Head, 1926), aphasie de Wernicke de type II (Lecours et Lhermitte, 1979). Le langage spontané est fluent et bien articulé, mais entravé par de nombreuses erreurs (paraphasies sémantiques, néologismes, paraphasies phonémiques) et par une écholalie. En dénomination, le manque du mot est intense, compensé par des périphrases. La répétition est parfaite et même servile, le patient pouvant répéter sans poser de questions des items inhabituels sans les rectifier (structures syntaxiques, mots ou phonèmes inappropriés) ni les comprendre (non-mots ou phrases en langue étrangère). Initié par l’examinateur, le langage automatique est bon, de même que le complètement de proverbes et de phrases ou la récitation de poèmes. La compréhension orale est défectueuse ; ce qui est répété et complété n’est pas nécessairement compris. La désignation est sévèrement perturbée. La lecture à haute voix est de qualité variable ; le plus souvent, elle suscite de nombreuses paraphasies ou une production sans rapport avec le texte. La compréhension de l’écrit, même correctement lu, est déficiente. L’écriture serait perturbée de façon assez semblable à ce qui est constaté dans l’aphasie de Wernicke, avec des performances correctes en copie, et meilleures en dictée qu’en écriture spontanée. Les signes neurologiques associés peuvent être un déficit sensitif et une hémianopsie ou une quadranopsie supérieure ou inférieure. Comme dans l’aphasie de Wernicke, l’absence de signes neurologiques focaux peut égarer et faire évoquer par erreur un trouble psychiatrique. L’aphasie transcorticale sensorielle peut faire suite à une aphasie initialement plus intense. Le pronostic à long terme est incertain. L’aphasie transcorticale sensorielle peut aussi s’installer peu à peu, dans le cadre d’une démence ou de toute autre affection neurologique progressive. Elle est alors inaugurée par une anomie. ¶ Aphasie transcorticale mixte Cette aphasie cumule les déficits des aphasies transcorticales motrice et sensorielle. Dans la majorité des cas, l’écholalie résume l’ensemble de la production. La répétition est préservée, mais limitée à quelques mots. Certains patients peuvent corriger une formulation inappropriée en dépit de la compréhension défectueuse. L’articulation est normale ou un peu dysarthrique et le langage automatique est conservé. La compréhension orale et écrite est défectueuse, souvent nulle, la lecture à haute voix impossible ou très mauvaise. L’agraphie est le plus souvent totale, y compris en copie et n’offre pas de dissociation semblable à celle de l’expression orale. Les signes neurologiques peuvent associer un déficit sensitivomoteur et une hémianopsie. APHASIE AMNÉSIQUE Les synonymes sont : aphasie anomique (Benson, 1979 [102]), aphasie sémantique (Head, 1926 [102]), anomie [67]. Le manque du mot est ici le trouble principal ou exclusif. La fluence est normale ou réduite par des pauses, l’articulation et la prosodie sont normales, les phrases correctement construites, mais pauvres en substantifs, parfois inachevées. Le langage est peu informatif. La dénomination est particulièrement défectueuse quelle que soit la 8 Neurologie modalité : canal visuel, auditif, tactile ou évocation d’après la définition. Le manque du mot est compensé par des périphrases, des mots passe-partout (chose, machin) ou une définition par l’usage (brosse : « pour se coiffer ») ou plus rarement des paraphasies sémantiques. L’ébauche orale est inopérante. Les difficultés sont plus marquées pour les noms propres et les substantifs que pour les verbes. La disponibilité lexicale est déficiente. Le malade peut éprouver des difficultés aux épreuves de classement sémantique et même de décision lexicale (Lecours et Lhermitte, 1979 [102]). Le manque du mot peut prédominer sur une catégorie sémantique (par exemple êtres vivants versus objets) et, à l’intérieur d’une catégorie, sur une sous-classe (par exemple végétaux versus animaux) [38]. La mémoire verbale (mots couplés, apprentissage d’une liste de mots ou d’un texte) est altérée. La répétition est normale. Dans les formes pures d’aphasie amnésique, la compréhension, la lecture, l’écriture copiée et dictée sont normales et l’écriture spontanée reflète le trouble de l’expression orale [127]. Pour Benson (1979) [102] , l’aphasie transcorticale sensorielle et l’aphasie amnésique sont les deux pôles d’un même processus physiopathologique, que la pathologie peut parcourir dans un sens ou dans l’autre. Ainsi, l’aphasie amnésique peut être soit le stade initial d’un état démentiel, soit le stade final d’une aphasie transcorticale sensorielle ayant évolué favorablement. Dans ce dernier cas, la compréhension, la lecture et l’écriture peuvent rester légèrement perturbées. L’anomie a une faible valeur localisatrice. L’examen neurologique est souvent normal par ailleurs. Cependant pour H Damasio [39], une lésion de la partie antérieure du lobe temporal de l’hémisphère dominant serait déterminante. APHASIES SOUS-CORTICALES Nous avons vu que pour les auteurs anciens, les centres du langage étaient corticaux, et que les aphasies sous-corticales étaient considérées comme des troubles « purs » (on dirait aujourd’hui unimodaux) résultant d’une dysconnexion entre ces centres et l’effecteur (aphasie motrice pure) ou le récepteur (surdité verbale pure) périphérique. On comprend pourquoi, bien plus tard, Luria [113] et ceux qui, à sa suite, entreprirent d’étudier la sémiologie aphasiologique des lésions sous-corticales, commencèrent par nommer prudemment « quasi-aphasie » les troubles qu’ils avaient constatés. L’imagerie couplée à la neuropsychologie clinique a prouvé depuis lors que de telles lésions peuvent être responsables d’authentiques syndromes aphasiques [25, 133, 145]. L’étude de Puel et al [145] donne une idée de la répartition des différents types d’aphasie observés. Sur 25 patients ayant une lésion vasculaire sous-corticale définie par le scanner, quatre présentaient une dysarthrie isolée, neuf une aphasie « classique » (deux aphasies globales, trois aphasies de Broca, trois aphasies de Wernicke et une aphasie de conduction) et 12 une sémiologie originale : défaut d’incitation verbale, altérations de la parole avec hypophonie et parfois dysarthrie, anomie « dissociée » (plus marquée en langage spontané qu’en dénomination), paraphasies verbales étranges ou bizarres, prédominant également dans le langage spontané et, enfin, une incohérence du discours qui est peut-être l’aspect le plus remarquable du tableau. La compréhension était imparfaite, meilleure pour les mots que pour les phrases. La répétition et le langage automatique étaient préservés. Il faut ajouter à ces symptômes proprement aphasiques un trouble des apprentissages et de la mémoire verbale. En résumé, il s’agit d’une aphasie avant tout expressive, associant une perte de l’autonomie et de l’initiative verbale, un trouble de la réalisation de la parole et une incohérence sémantique due à une instabilité du discours et à des choix lexicaux approximatifs. Cette aphasie, qui laisse intactes les capacités de répétition, se rattache au groupe des aphasies transcorticales, mais sa sémiologie (qualifiée par Puel et al de « dissidente ») justifie son individualisation, admise par la plupart des auteurs actuels, sous le terme d’aphasie sous-corticale. Les lésions peuvent atteindre la substance blanche, les noyaux gris ou les deux. Les infarctus profonds du territoire sylvien donnent Aphasie Neurologie une aphasie motrice importante, voire une aphasie globale, les lésions limitées au thalamus ou au striatum une aphasie de type « sous-cortical », ainsi parfois que les lésions capsulaires internes. Les lésions purement putaminales donnent une dysarthrie sans aphasie. Les lacunes capsulaires ou latéroventriculaires ne donnent pas d’aphasie, mais une dysarthrie [140] avec parfois une composante cérébelleuse. Les hématomes profonds donnent presque toujours au moins initialement une aphasie dont le pronostic dépend de l’extension des lésions vers la substance blanche latéroventriculaire. Les hématomes lobaires frontaux peuvent donner une aphasie transcorticale motrice, les hématomes temporaux une aphasie de Wernicke. Les lésions sous-jacentes au cortex insulaire ou au lobule pariétal inférieur peuvent donner une aphasie de conduction. Les lésions sous-corticales expansives donnent d’abord un manque du mot en langage spontané puis en dénomination, qui peut résumer longtemps le tableau clinique. Les troubles associés varient naturellement selon les structures atteintes. La présence d’une hémiplégie témoigne d’une atteinte de la substance blanche latéroventriculaire antérieure ou capsulaire. L’absence de troubles moteurs ou leur discrétion (négligence motrice par exemple) oriente soit vers une lésion thalamique (on peut noter alors des troubles associés de la mémoire, de la vigilance, de l’oculomotricité ou de la sensibilité), soit vers une lésion de la substance blanche postérieure (il existe alors une hémianopsie). APHASIES CROISÉES Stricto sensu, l’aphasie croisée résulte d’une lésion cérébrale ipsilatérale à la main préférentiellement utilisée par le patient. Elle correspond donc aux fréquentes aphasies par lésion gauche chez le gaucher et aux rares aphasies par lésion droite chez le droitier. En fait, seules ces dernières sont considérées comme des aphasies croisées. Joanette [84] a fait une revue exhaustive de la littérature, et n’a retenu, des 75 cas publiés, que les 11 qui lui semblaient présenter tous les critères du diagnostic. Six d’entre eux ressemblent à une aphasie de Broca, mais les cinq autres s’écartent de la typologie classique. La compréhension orale et écrite est respectée, l’expression spontanée est souvent réduite avec un certain degré d’agrammatisme, des paraphasies phonémiques et une bonne articulation. L’expression écrite est moins réduite, moins agrammatique et plus « jargonnante » que l’expression orale. Un cas décrit par Assal (1982) [127] comporte une jargonagraphie. Les activités de transposition sont en général défectueuses. La récupération des troubles aphasiques serait assez favorable et rapide. Au déficit du langage s’ajoutent fréquemment une apraxie visuospatiale, une négligence gauche, une dyscalculie, ainsi que des difficultés d’évaluation du temps chez deux patients. Enfin, la fréquence inhabituelle des lésions sous-corticales est un autre point original. TROUBLES DE LA COMMUNICATION VERBALE DANS LES LÉSIONS DE L’HÉMISPHÈRE DROIT CHEZ LE DROITIER EN DEHORS DES APHASIES CROISÉES La dominance de l’hémisphère gauche pour le langage, établie depuis la découverte de Broca, mérite d’être nuancée (Hannequin et al, 1987 [102]). D’une part, l’étude des dysconnexions calleuses a établi que l’hémisphère droit peut accomplir certaines performances linguistiques, en particulier au niveau lexicosémantique. D’autre part, cet hémisphère intervient dans des aspects non verbaux de la communication. Des troubles de la prosodie sont présents (sinon toujours recherchés) chez les patients cérébrolésés droits. Les troubles de la compréhension prosodique sont les mieux documentés. Ils semblent liés, au moins en partie, à une perturbation du décodage perceptif prosodique, indépendamment de sa fonction linguistique ou émotionnelle. L’expression prosodique émotionnelle est amoindrie chez certains de ces patients, mais il reste à savoir si cette perturbation affecte la conception du contour intonatif émotionnel ou sa mise en œuvre dans le langage parlé. Enfin, on insiste sur les modifications du comportement langagier en situation « naturelle » de communication : c’est le domaine de 17-018-L-10 l’organisation du discours, de la pragmatique, des actes de langage. L’intégrité de l’hémisphère droit semble particulièrement importante pour une adéquation contextuelle des comportements de communication, y compris dans l’intégration de l’implicite du langage (sous-entendus), dans l’usage des métaphores, voire de l’humour. Étiologies des aphasies Sauf précision contraire, les indications topographiques données dans ce chapitre s’appliquent à des lésions de l’hémisphère gauche. APHASIES D’ORIGINE VASCULAIRE Une étude prospective a trouvé, sur 881 accidents vasculaires cérébraux aigus, 38 % d’aphasies (9/10 par lésion gauche, 1/10 par lésion droite), dont la moitié d’aphasies sévères [142]. La gravité de l’aphasie était corrélée à l’âge et à l’importance des autres signes neurologiques. Le pronostic était fonction à la fois de la gravité de l’aphasie et du tableau neurologique général, et 95 % des aphasiques avaient atteint un plateau dans la récupération en 6 semaines. Inversement, l’aphasie était en elle-même un facteur de gravité de l’accident vasculaire, puisque la mortalité atteignait 31 % chez les aphasiques contre 18 % en moyenne sur l’ensemble de la série. ¶ Infarctus cérébraux Dans l’hémisphère gauche, les structures anatomiques nécessaires au fonctionnement de la boucle audiphonatoire sont situées dans le territoire sylvien. Des zones plus périphériques mais néanmoins indispensables à l’accomplissement des fonctions linguistiques sont vascularisées, soit par d’autres branches de la carotide (cérébrale antérieure, choroïdienne antérieure), soit par la cérébrale postérieure. Le type d’aphasie observé au cours d’un infarctus hémisphérique gauche sera donc étroitement lié au territoire vasculaire. Artère sylvienne C’est la plus grosse branche de la carotide interne, et la plus fréquemment affectée dans les accidents ischémiques [125]. Elle irrigue la plus grande partie du cortex de la convexité hémisphérique. Son territoire sous-cortical comprend le putamen, la partie latérale du pallidum, une partie du noyau caudé, le claustrum et les capsules externe et extrême, la partie supérieure de la capsule interne, ainsi qu’une large étendue de substance blanche latéroventriculaire. Le tronc de l’artère sylvienne donne naissance aux artères lenticulostriées, qui vont irriguer le territoire sous-cortical. Ensuite, la sylvienne se divise, le plus souvent, en deux branches : la branche supérieure donne les artères à destinée frontale, rolandique et pariétale antérieure, et porte souvent les lenticulostriées externes. Pour cette raison, l’occlusion de la branche supérieure à son origine entraîne un infarctus non seulement superficiel antérieur mais aussi profond, capsulolenticulaire. La branche inférieure vascularise le cortex temporal et pariétal postérieur. L’infarctus sylvien total gauche, dû à une occlusion du tronc de la sylvienne ou de la terminaison carotidienne, s’accompagne d’une aphasie globale. Les infarctus sylviens profonds étendus donnent des syndromes aphasiques variés affectant de façon prédominante l’expression orale (supra « Aphasies sous-corticales »). Les petits infarctus profonds correspondent le plus souvent à des lacunes [139]. Moins de 10 % donnent lieu à une aphasie. Dans ces cas, il s’agirait en fait d’infarctus emboliques, comme semblent l’attester la présence fréquente d’une source embolique et les dimensions de la lésion au scanner, dépassant 15 mm de diamètre. Les occlusions de la branche corticale supérieure donnent lieu à des infarctus sus-sylviens. Ces lésions, même si elles intéressent l’aire de Broca, donnent rarement une aphasie durable. En revanche, lorsque les lenticulostriées externes naissent de la branche de bifurcation supérieure, l’infarctus est cortico-sous-cortical. Le tableau est celui d’une hémiplégie droite à prédominance brachiofaciale, associée à 9 17-018-L-10 Aphasie Neurologie des troubles sensitifs de même topographie et à une aphasie de Broca. Les occlusions de la branche inférieure, épargnant les artères à destinée rolandique, ne donnent pas d’hémiplégie mais une aphasie de Wernicke. Celle-ci peut être dissociée, avec des troubles prédominants de la compréhension orale (ramollissement temporopli courbe) ou du langage écrit (ramollissement pariéto-pli courbe) [62]. Les embolies cruoriques, qui rendent compte de 15 à 30 % des infarctus [123], peuvent donner des aspects sémiologiques particuliers. Du fait de leur aptitude à se déliter spontanément et à migrer en aval de l’occlusion initiale, elles sont souvent responsables de lésions du territoire sylvien postérieur. Un tableau d’aphasie de Wernicke précédée d’une hémiplégie régressive [125] ou d’aphasie globale aiguë [178] est particulièrement évocateur. Chez le sujet âgé, la proportion d’aphasies de Wernicke d’origine vasculaire est plus élevée que chez le sujet jeune. Classiquement attribué à une modification de l’organisation fonctionnelle des aires du langage liée à l’âge, ce fait serait dû, en réalité, à une surreprésentation des infarctus postérieurs dans cette population [60]. d’infarctus thalamique peuvent causer une aphasie, y compris parfois les lésions droites au début. L’aphasie est constante au cours des infarctus tubérothalamiques gauches, fréquente dans les infarctus paramédians, mais le pulvinar peut aussi être intéressé. Devant une aphasie aiguë d’allure vasculaire, la topographie thalamique de l’accident peut être suggérée par l’association de troubles de la vigilance, de la mémoire ou du comportement, plus inhabituels dans les accidents carotidiens. Artère cérébrale antérieure Plus d’un tiers des accidents ischémiques transitoires (AIT) comportent un trouble du langage [100], mais toutes les aphasies transitoires ne correspondent pas à des AIT. Le principal diagnostic différentiel est l’aura migraineuse. La confusion est d’autant plus facile qu’une céphalée peut accompagner ou précéder un AIT dans 30 % des cas [109], et que d’authentiques migraines peuvent se limiter à l’aura, celle-ci comportant un trouble du langage dans 16 % des cas [45]. En fait, le déroulement des symptômes permet de reconnaître l’aura migraineuse. Les symptômes s’installent progressivement, en plusieurs minutes (contre moins de 2 minutes dans un AIT), et comportent presque toujours des prodromes visuels [45]. L’aphasie transitoire peut aussi correspondre à un phénomène critique (voir « Épilepsie et aphasie »). Enfin, elle peut révéler un hématome sousdural [130], une tumeur ou une hypoglycémie. Elle vascularise deux structures importantes pour le langage : la tête du noyau caudé, par sa branche profonde (l’artère de Heubner), et l’aire motrice supplémentaire. Les infarctus de l’artère cérébrale antérieure se traduisent typiquement par une hémiplégie à prédominance crurale, un grasping, souvent des troubles sphinctériens. Lorsque la lésion est gauche, il s’y associe une aphasie transcorticale motrice par atteinte de l’aire motrice supplémentaire ou de la substance blanche sous-jacente [15], voire une aphasie transcorticale mixte en cas d’extension postérieure de l’infarctus. La préservation de la répétition peut aller jusqu’à l’écholalie [153]. En outre, les infarctus atteignant la partie antérieure du gyrus cingulaire (territoire de l’artère péricalleuse) donnent un mutisme, qui peut régresser totalement ou évoluer sous forme d’aphasie transcorticale motrice. Artère choroïdienne antérieure Bien qu’étant la plus petite des branches terminales de la carotide interne, elle vascularise un territoire d’une grande importance fonctionnelle : le bras postérieur de la capsule interne (et la pointe pallidale adjacente). L’infarctus résultant de son occlusion donne une hémiplégie, pouvant s’associer à une hémianesthésie et à une hémianopsie classiquement sans aphasie. En fait, l’occlusion de l’artère choroïdienne antérieure gauche peut donner une aphasie de type « sous-cortical », avec diminution de la fluence verbale et difficulté dans le langage élaboré [27]. Infarctus des territoires de jonction des branches de la carotide interne gauche Ils épargnent les aires périsylviennes du langage. Dans 75 % des cas, ils surviennent en aval d’une occlusion ou d’une sténose serrée de la carotide interne, associée à un facteur supplémentaire de baisse de la pression de perfusion : polyglobulie, hypotension, cardiopathie [16]. Les infarctus de jonction antérieurs donnent une aphasie transcorticale motrice ou un manque du mot isolé. Dans les accidents de jonction postérieurs, l’aphasie est le plus souvent transcorticale sensorielle, parfois de type Wernicke avec des troubles de la répétition et un jargon. L’aphasie transcorticale mixte aiguë est rare (1/300 accidents vasculaires cérébraux [AVC]) mais hautement évocatrice d’une occlusion carotidienne [17]. Artère cérébrale postérieure L’infarctus du territoire superficiel (cortex occipital et temporal inférieur) de l’artère cérébrale postérieure gauche peut donner une aphasie transcorticale sensorielle aiguë. L’évolution se fait vers la régression en moins de 3 mois, avec parfois persistance d’une anomie. Le territoire profond inclut une partie du mésencéphale et le thalamus. À l’exception des lacunes du noyau ventro-postéro-latéral responsables du syndrome de Déjerine et Roussy, tous les types 10 Infarctus sous-corticaux [79] La moitié des infarctus sous-corticaux de l’hémisphère gauche supérieurs à 15 mm de diamètre sont responsables d’aphasie. Contrairement aux lacunes, ces infarctus sont le plus souvent (deux cas sur trois) de mécanisme embolique, et la présence de signes « corticaux » tels que l’aphasie est un des principaux arguments cliniques du diagnostic différentiel. ¶ Aphasies transitoires ¶ Accidents vasculaires cérébraux hémorragiques Les hémorragies représentent 18 % de l’ensemble des AVC [124]. Les hématomes profonds de l’hypertension atteignent soit les noyaux gris, soit le thalamus, donnant des tableaux aphasiques en rapport avec la localisation [26] . Les hématomes lobaires frontaux et temporopariétaux donnent respectivement une aphasie dynamique ou une aphasie de Wernicke. Sous réserve des complications précoces liées à l’effet de masse, le pronostic fonctionnel de l’aphasie après hématome intracérébral est nettement meilleur que celui des infarctus. La survenue d’une aphasie au cours d’une hémorragie méningée oriente vers le diagnostic d’anévrisme sylvien gauche. Le trouble du langage peut être dû à l’épanchement sanguin dans la vallée sylvienne, ou bien à un infarctus sylvien compliquant un spasme artériel. Il faut signaler la possibilité d’aphasies transitoires en rapport avec des malformations artérielles ou artérioveineuses n’ayant pas saigné, soit par migration embolique à partir d’un anévrisme partiellement thrombosé, soit par hémodétournement lors d’une fistule artérioveineuse à haut débit. Enfin, les thromboses veineuses corticales peuvent, lorsqu’elles affectent l’hémisphère gauche, donner une aphasie associée à d’autres signes cliniques (épilepsie, fièvre, infarctus hémorragique) [83]. TUMEURS Les tumeurs malignes sont les plus génératrices d’aphasie (gliomes, métastases, lymphomes). Chez le sujet âgé (> 65 ans), l’aphasie est, avec la céphalée et la confusion mentale, l’un des trois principaux symptômes révélateurs des tumeurs cérébrales [111]. Elle est le plus souvent progressive sur 2 à 3 semaines, mais elle peut aussi être soudaine ou paroxystique. Le trouble du langage le plus fréquent est le manque du mot. Sa valeur localisatrice n’est pas absolue, l’aphasie anomique pouvant être en rapport avec une hypertension intracrânienne, même en l’absence de lésion focale des aires du Neurologie Aphasie 17-018-L-10 langage. En cas de tumeur hémisphérique gauche, l’anomie évolue vers une aphasie plus spécifique : aphasie dynamique au cours des tumeurs frontales, aphasie de Wernicke dans les tumeurs temporales ou temporopariétales. L’aphasie de Broca et l’aphasie de conduction ne sont jamais observées (Lecours et Lhermitte, 1979 [102]), sauf circonstances exceptionnelles : une aphasie de Broca attribuée à un oligodendrogliome est survenue dans le contexte particulier d’une récidive postchirurgicale [33]. précédée d’un trouble du cours de la pensée, les paraphasies sont plus souvent isolées quand l’aphasie fait suite à une sensation de déjà vu. Le déroulement de ces phénomènes reflète la propagation des décharges épileptiques au sein du système limbique suivant des circuits bien définis. Il convient enfin de mentionner la possibilité d’états de mal partiels aphasiques, pouvant réaliser une aphasie isolée durant plusieurs heures [156, 174]. APHASIES DE CAUSE INFECTIEUSE ET INFLAMMATOIRE APHASIES POSTTRAUMATIQUES – L’abcès temporal gauche est une cause rare, mais importante à connaître, d’aphasie. Il faut l’évoquer en présence d’une aphasie rapidement progressive avec des céphalées. La fièvre est inconstante. Les agents pouvant être responsables d’aphasie sont trop nombreux pour pouvoir être énumérés dans le cadre de cet article, mais les étiologies infectieuses ou parasitaires doivent figurer systématiquement au rang des diagnostics possibles en cas de lésion intracrânienne responsable d’aphasie. Les aphasies dues à des plaies craniocérébrales ne diffèrent des aphasies vasculaires que par la constance des lésions corticales. En revanche, les aphasies après des traumatismes crâniens fermés (TCF) constituent une catégorie à part. Dans ce cas, les lésions sont des contusions liées à la brusque décélération du crâne et au mouvement relatif de la masse cérébrale à l’intérieur de celui-ci. Les pôles frontaux, ainsi que les pôles et la convexité temporale en sont le siège préférentiel. Des hématomes extracérébraux ou plus rarement intracérébraux peuvent survenir, se comportant comme des processus expansifs. L’incidence de l’aphasie après un TCF varie selon la gravité de celuici. De l’ordre de 2 % sur un ensemble de TCF « tout-venant » [73], elle atteint 30 % si l’on ne considère que les TCF avec coma, et 46 % pour les TCF avec coma de plus de 24 heures [107]. L’aphasie la plus fréquente est l’aphasie anomique. Le 2 e type est l’aphasie de Wernicke. L’aphasie globale est plus rare. L’aphasie de Broca semble exceptionnelle [182]. La suspension initiale complète de l’expression orale, plus fréquente chez l’enfant que chez l’adulte, est souvent associée à un hématome des noyaux gris. Son pronostic est favorable. La qualité de la récupération dépend de la gravité initiale de l’aphasie. L’anomie est la séquelle la plus fréquente, mais il peut persister une aphasie de Wernicke définitive. Il faut insister sur la fréquence des troubles résiduels du langage élaboré et en particulier du discours, qui sont à l’origine, malgré une bonne restauration des capacités linguistiques élémentaires (dénomination, compréhension, répétition), de troubles durables de la communication susceptibles de compromettre la réinsertion socioprofessionnelle. – L’aphasie représente 12 % des complications neurologiques du sida [108] . Elle peut être causée par tous les types de lésions cérébrales : infections (encéphalites virales, toxoplasmose, mycoses), lymphomes, accidents vasculaires. L’aphasie est minime au cours de l’encéphalite à virus d’immunodéficience humaine (VIH), marquée seulement par une baisse de la fluidité verbale [134]. – L’encéphalite herpétique, qui comporte une aphasie dans 75 % des cas, est une considération diagnostique majeure en cas d’aphasie associée à une fièvre et à des crises d’épilepsie. – L’aphasie est exceptionnelle dans la sclérose en plaques, de l’ordre de 1 % des cas [85]. Elle survient volontiers dans un tableau évocateur de tumeur [154] et s’accompagne fréquemment d’une épilepsie focale [138]. Elle peut prendre la forme d’une aphasie de conduction [6]. La dysarthrie paroxystique, évoluant par accès de 15 à 20 secondes répétés plusieurs fois dans la même journée et souvent associés à une ataxie, est pathognomonique de cette affection [54]. – Une aphasie peut également survenir au cours d’affections inflammatoires générales à détermination cérébrale, par l’intermédiaire d’une vascularite, de troubles de la coagulation ou de lésions démyélinisantes spécifiques (neurolupus, syndrome des antiphospholipides, syndrome de Gougerot-Sjögren, angiopathie cérébrale gigantocellulaire, thyroïdite de Hashimoto). APHASIE ET ÉPILEPSIE (EN DEHORS DU SYNDROME DE LANDAU-KLEFFNER) Les troubles de la parole survenant au cours des crises sont de trois catégories : vocalisations indifférenciées (bruits continus ou discontinus, à type de cris, grognements, sifflements, râles), lambeaux de langage normal (mots ou phrases identifiables) stéréotypés ou non, ou langage anormal : arrêt de la parole, dysarthrie, aphasie, ou langage « indifférencié ». Une aphasie de type variable peut également s’observer dans la période postcritique. La suspension de la parole peut survenir lors d’absences de type « petit mal » ou de crises partielles. Associée à des vocalisations élémentaires ou à des activités de langage répétitives (compter), elle évoque des crises de l’aire motrice supplémentaire. L’aphasie postcritique et les crises aphasiques évoquent un foyer épileptogène temporal gauche. Les crises comportant des lambeaux de langage normal proviennent du lobe temporal droit. Le déroulement des crises aphasiques lui-même n’est pas aléatoire. Kanemoto et Janz [86] ont étudié le déroulement de l’aura épileptique chez 143 patients faisant des crises partielles complexes dont 24 avaient des crises aphasiques. Dans tous les cas, l’aphasie survenait en fin d’aura précédée le plus souvent de sensations de déjà vu ou de déjà vécu ou de troubles du cours de la pensée (accélération de la pensée, pensée forcée), elles-mêmes précédées de sensations plus élémentaires (malaise épigastrique, hallucinations gustatives). Le type d’aphasie varie en fonction du phénomène qui l’a précédé. Les troubles de la compréhension prédominent lorsque l’aphasie est DÉMENCES ¶ Maladie d’Alzheimer Les troubles du langage sont présents dans un tiers des cas dès le début de la maladie [43], mais cette proportion pourrait être plus élevée si on y inclut les cas d’aphasie progressive qui se révèlent être des maladies d’Alzheimer [66]. Les troubles de la compréhension verbale et l’anomie sont d’aggravation plus rapide dans les formes à début précoce que dans les formes à début tardif [82]. Les troubles du langage oral évoluent en trois stades (Huff, 1990 [55]). Le premier est caractérisé par une baisse de la fluence verbale et un manque du mot accompagné de paraphasies sémantiques. Ces perturbations se rapprochent du tableau d’aphasie amnésique. Le deuxième stade est marqué par une accentuation de ces symptômes (manque du mot, circonlocutions, persévérations, paraphasies sémantiques et verbales, néologismes) et l’apparition de troubles de la compréhension verbale, mais la répétition reste préservée. Les troubles lexicosémantiques contrastent avec une relative intégrité de la syntaxe et de la phonologie. Le tableau se rapproche alors de l’aphasie transcorticale sensorielle. Au troisième stade, toutes les capacités linguistiques sont affectées, comme dans une aphasie globale, mais le respect de certaines capacités de répétition peut laisser persister des phénomènes d’écholalie. Cette règle générale connaît des exceptions, avec par exemple la survenue précoce de troubles phonémiques et phonétiques corrélés à une prédominance périsylvienne gauche inhabituelle de l’atrophie corticale [34]. Les troubles de l’écriture peuvent aussi être décrits en trois stades évolutifs (Platel et al, 1991 [55]). Le premier comporte des erreurs dites 11 17-018-L-10 Aphasie de « régularisation » : erreurs phonologiquement plausibles à l’écriture sous dictée de mots irréguliers (exemple : femme → fame) (Rapcsak et al, 1989 [55] ). Le deuxième est caractérisé par une prépondérance d’erreurs non phonologiquement plausibles touchant les mots irréguliers et les non-mots. Ces erreurs résultent de l’atteinte de processus centraux, mais également de processus plus périphériques tels que le buffer graphémique et le système de conversion allographique. Le troisième stade est dominé par des troubles de la réalisation graphique s’apparentant à une agraphie apraxique [56]. Le trouble de la lecture le plus caractéristique de la maladie d’Alzheimer est, dans un premier temps, celui de « dyslexie de surface » (utilisation préférentielle de la voie lexicale). Lorsque la compréhension écrite est en même temps altérée, ce tableau évoque une stratégie de lecture par voie lexicale non sémantique (3e voie). Ultérieurement apparaît une lecture du type alexie lexicale correspondant au recours exclusif à la voie phonologique, avec des erreurs de régularisation des mots irréguliers. Cette description schématique des troubles du langage dans la maladie d’Alzheimer montre l’importance des perturbations lexicosémantiques. En utilisant conjointement des épreuves d’écriture sous dictée de mots réguliers, irréguliers et de logatomes, et des tâches de décision à partir de mots et d’images faisant appel à un traitement phonologique, lexical ou sémantique, Lambert et al (1991) [55] ont montré que la perte ou la difficulté d’accès aux représentations orthographiques des mots est indépendante des capacités de traitement lexical et sémantique impliquées dans d’autres modalités. Ainsi, le trouble lexicosémantique de l’écriture dans la maladie d’Alzheimer serait spécifique à cette modalité. Il semble en exister deux grands types. Le premier est un déficit d’accès au lexique s’apparentant au manque du mot observé chez les aphasiques (Grober et al, 1985 [55]). Ce déficit d’accès explique la variabilité des performances pour un item donné et le fait que les patients soient aidés par des indices lors de la dénomination telle que la clef phonémique. Le second type de perturbations réalise une « perte du concept » due à une atteinte de la mémoire sémantique. Celle-ci toucherait plus spécifiquement l’organisation des attributs spécifiques qui permettent de distinguer des concepts lexicaux différents au sein de catégories sémantiques larges (Warrington, 1975 [55]). Les informations concernant ces dernières seraient au contraire préservées. Il en résulte en dénomination des réponses superordonnées ou évoquant des items appartenant à la même catégorie sémantique. La constance des erreurs lors d’essais successifs ou quel que soit le mode d’entrée lexical vient supporter l’hypothèse d’une perte des informations lexicosémantiques. Ce type de trouble, lorsqu’il survient isolément, correspond à la démence sémantique (voir infra). ¶ Démence vasculaire Dans la démence multi-infarctus, les troubles du langage varient naturellement selon la topographie des lésions ischémiques. L’existence d’une aphasie dans le tableau clinique d’un accident vasculaire cérébral est un facteur de probabilité accrue d’évolution vers une démence vasculaire [32]. Lorsque les lésions respectent les aires du langage (maladie de Binswanger, états lacunaires) les troubles consistent en une réduction de la complexité des phrases et les perturbations lexicosémantiques sont moins marquées que dans la maladie d’Alzheimer [55]. La dénomination est préservée et la baisse de la fluidité verbale est à rapprocher d’un ralentissement plus global. Les troubles de la parole sont fréquents, s’intégrant dans un syndrome pseudobulbaire. ¶ Démences « sous-corticales » Les altérations du langage dépendent avant tout des troubles moteurs ou cognitifs associés, en particulier les troubles de la parole, le ralentissement idéomoteur et les éléments frontaux. Ils expliquent la baisse de la fluence verbale, qui est particulièrement nette dans la paralysie supranucléaire progressive. Dans la chorée de Huntington apparaissent successivement une perte de l’initiative verbale, un 12 Neurologie raccourcissement et une simplification de la structure syntaxique des phrases, des troubles de l’écriture liés à l’incoordination motrice, des erreurs de type visuel en dénomination [144], enfin des troubles de la compréhension d’intensité proportionnelle à la détérioration intellectuelle. La démence à corps de Lewy peut comporter des troubles cognitifs de type « cortical » analogues à ceux de la maladie d’Alzheimer, y compris une aphasie [23]. La différenciation clinique repose sur l’intensité plus nette du syndrome « fronto-sous-cortical » associé, sur les fluctuations spontanées et sur les signes extrapyramidaux. En dehors de toute démence, la maladie de Parkinson peut donner des « troubles cognitifs mineurs » [69], comportant une baisse de la fluence verbale qui, lorsqu’elle est associée à des troubles de l’articulation et de la voix, amoindrit les capacités de communication. Une véritable aphasie au cours d’un syndrome extrapyramidal doit faire évoquer une démence à corps de Lewy, ou toute autre étiologie. Après chirurgie fonctionnelle, les aphasies transitoires succèdent plus volontiers aux interventions pallidales que sous-thalamiques. ¶ Démences frontotemporales Elles comportent un appauvrissement progressif du contenu informatif du langage avec des persévérations idéiques et formelles, contrastant avec une conservation des aspects phonémiques et syntaxiques. La dégénérescence corticobasale peut débuter comme une aphasie progressive non fluente si elle affecte de façon prédominante l’hémisphère gauche. Certaines aphasies progressives peuvent aussi marquer le stade initial d’une sclérose latérale amyotrophique (SLA) avec démence, voire d’une maladie de Creutzfeldt-Jakob. ¶ Atrophies corticales focales [46] Ce sont des affections dégénératives se manifestant par un trouble cognitif d’évolution progressive, longtemps isolé, mais pouvant finir par un état démentiel, en rapport avec une atrophie cérébrale localisée. L’histologie est variable (lésions de maladie de Pick, de maladie d’Alzheimer ou non spécifiques). Les atrophies focales s’intègrent à un ensemble plus vaste (« complexe de Pick ») qui inclut en outre les démences frontotemporales et la dégénérescence corticobasale [87] et dont la caractéristique commune est l’existence d’anomalies de la protéine tau. Cliniquement, les atrophies focales progressives peuvent prendre la forme d’une apraxie, d’une amnésie, de troubles visuels ou d’une aphasie, qui seule retiendra notre attention ici. L’aphasie progressive [186] comprend trois aspects cliniques : – le premier fut décrit par Mesulam en 1982 : aphasie non fluente, avec au premier plan un manque du mot, puis dans un second temps des troubles phonémiques et syntaxiques, sans troubles lexicosémantiques, une compréhension normale et une conservation prolongée de l’autonomie ; – le deuxième, également appelé anarthrie progressive [20], est aussi une aphasie progressive non fluente, mais avec un syndrome de désintégration phonétique associé à un agrammatisme et à une apraxie buccofaciale. Le langage écrit est longtemps préservé. Des troubles frontaux apparaissent ultérieurement ; – le troisième, qui est la forme fluente de l’aphasie progressive, est également appelé « démence sémantique » [78] et associe une anomie, des troubles de la compréhension verbale, une dyslexie, une agraphie de surface et une réduction de la fluence catégorielle, contrastant avec une préservation de la compréhension en langage conversationnel, de la syntaxe, de la phonologie, des capacités non verbales et de la mémoire épisodique. Ce trouble est proche de l’aphasie transcorticale sensorielle de la maladie d’Alzheimer, mais dans ce dernier cas, la mémoire épisodique est toujours affectée. Dans la démence sémantique, la perte des concepts est non seulement longtemps isolée, mais sélective, épargnant une série de connaissances pragmatiques nécessaires à la vie quotidienne d’où une conservation parfois surprenante de l’autonomie. La Aphasie Neurologie dissociation est telle que certains de ces patients ont pu être pris pour des hystériques au début de leur maladie. 17-018-L-10 Analyse visuelle Analyse auditive LANGAGE DES SCHIZOPHRÈNES Le délire schizophrénique se traduit par une incohérence verbale marquée par des néologismes, un discours abstrait, une abondance de formules énigmatiques, des métaphores obscures, associée à des troubles du débit verbal [59]. Deux formes particulières de schizophasie méritent d’être individualisées. Dans la glossomanie, le discours est fait de mots du lexique, mais choisis non en fonction d’une finalité de communication, mais de caractéristiques intrinsèques sans valeur signifiante : glossomanie formelle (tous les mots, par exemple, commencent par la même lettre), glossomanie sémantique (utilisation systématique de mots appartenant tous au même champ sémantique). La rareté des paraphasies, la disponibilité lexicale, le maniement correct de la syntaxe, et parfois, l’analyse faite par le sujet lui-même de ses productions verbales, distinguent ce trouble d’une véritable aphasie. Dans la glossolalie, le discours est un monologue néologique incompréhensible, semblable à une nouvelle langue inventée par le sujet, caractérisée par la surreprésentation d’un petit nombre de phonèmes, un débit accéléré, une modification des accents et de la mélodie. La glossomanie et la glossolalie sont des phénomènes temporaires, n’affectant que quelques patients [104]. Plus généralement, on insiste actuellement sur les altérations du langage liés aux troubles de la pensée formelle, présents chez un grand nombre de patients [149]. Les tests sémantiques révèlent une désinhibition des associations sémantiques, en d’autres termes une « hyperactivation » entre les concepts reliés sémantiquement. Cette désinhibition des associations peut se traduire par des effets d’hyperamorçage sémantique [128]. Aphasie et neuropsychologie cognitive Depuis les années 1980, la psychologie cognitive a considérablement influencé la pratique clinique et thérapeutique de la neuropsychologie. La psychologie cognitive repose sur la notion fondamentale que toute fonction peut être décomposée en un certain nombre de processus autonomes. Son objectif est d’élucider l’architecture de ces processus et de décrire les liens qu’ils entretiennent entre eux. Pour y parvenir, elle cherche à identifier les diverses opérations mentales requises lors de l’accomplissement d’une tâche (enfoncer un clou par exemple). Ces opérations mentales sont considérées comme autant de processus de traitement des informations (celles-ci correspondant par exemple aux représentations perceptives et aux représentations d’action dans l’exemple du clou). Les modèles théoriques utilisés en psychologie cognitive sont de deux types : les modèles sériels, décrivant les processus comme des interactions entre différents modules placés à la suite les uns des autres, et les modèles connexionnistes dans lesquels le traitement est distribué de façon parallèle entre de nombreuses unités disposées en couches. Ces derniers (qui sont d’ailleurs appelés « réseaux de neurones ») ont l’avantage de présenter une analogie de structure avec le système nerveux, et de se prêter aux analyses et aux simulations de dysfonctionnements conçues par les théoriciens de l’intelligence artificielle [105]. L’objectif de la neuropsychologie cognitive est de mettre à l’épreuve de la pathologie ces modèles de traitement de l’information élaborés par la psychologie cognitive et issus de l’étude de sujets sains. La mise en évidence d’une double dissociation (perturbation d’un processus A + préservation d’un processus B chez un patient et déficit inverse chez un autre) permet en principe d’établir l’indépendance fonctionnelle (« modularité ») entre les processus A et B. Le langage est ainsi représenté comme un système lexical qui peut rendre compte des différentes opérations mentales effectuées par un sujet pour accomplir une activité linguistique. Les modèles varient également dans leur degré de spécification en fonction de la fenêtre d’analyse : traitement du mot isolé, traitement de la phrase, traitement du discours. Lexique phonologique d'entrée Conversion accousticophonologique Système de descriptions structurales Système sémantique Lexique phonologique de sortie Mémoire tampon phonologique Expression orale Lexique orthographique d'entrée Conversion graphèmephonème Lexique orthographique de sortie Conversion phonème-graphème Mémoire tampon graphémique Écriture 2 Modèle simplifié des mécanismes du langage. Les voies lexicales sont en traits pleins et les voies phonologiques en pointillés (d’après [76, 114]). En neuropsychologie, et particulièrement dans le domaine de l’aphasie, la taxonomie clinique et la neuropsychologie cognitive sont complémentaires car elles servent, encore aujourd’hui, des objectifs différents. Indispensable à la connaissance des maladies, la référence anatomique n’est pas nécessaire à la compréhension des mécanismes mentaux de la cognition normale, et les correspondances entre les syndromes décrits par ces deux approches sont rares. On peut espérer que les correspondances déjà entrevues entre la nouvelle sémiologie cognitive et les lésions cérébrales grâce à l’imagerie fonctionnelle deviendront de plus en plus précises et contribueront à un profond renouvellement de la neuropsychologie clinique. Nous restreindrons ici notre propos au traitement du mot isolé en production orale (dénomination et répétition) et en compréhension. Nous exposerons dans un premier temps l’architecture générale du système lexical suivant un modèle cognitif sériel. Nous décrirons ensuite les étapes de traitement et les syndromes cognitifs observés en pathologie pour la dénomination, la répétition et la compréhension. Enfin, nous donnerons un exemple de l’approche connexionniste avec la compréhension orale. Le langage écrit (lecture et écriture) sera abordé dans la section suivante. ARCHITECTURE DU SYSTÈME LEXICAL (fig 2) La modélisation de la production et de la reconnaissance des mots isolés constitue le système lexical. La description de ses principales composantes s’appuiera de façon prioritaire sur le modèle de Patterson, 1986 [141] ou sur celui de l’équipe de Caramazza (Rapp et Caramazza, 1991 [146] ; Hillis et Caramazza, 1994 [76] ; voir également Segui et Ferrand, 2000 [158] ; Seron et Van der Linden 2000b [162] pour revues). Le système lexical comporte les composantes suivantes. ¶ Représentations de différentes natures (sémantique, phonologique, orthographique, perceptive) Elles sont assimilées à des connaissances stockées à long terme et schématisées sous la forme de systèmes ou de lexiques). La plupart des modèles distinguent les lexiques recrutés dans la reconnaissance de ceux impliqués dans la production, mais cette différenciation lexique d’entrée versus lexique de sortie est parfois controversée [173] 13 Aphasie 17-018-L-10 (Valdois et de Partz [176] pour revue). Les lexiques d’entrée assurent la reconnaissance d’une forme linguistique indépendamment de sa signification et permettent d’effectuer une tâche de décision lexicale qui consiste à distinguer les mots connus (déjà inscrits dans le lexique) de non-mots : lexique phonologique d’entrée pour les mots entendus et lexique orthographique d’entrée pour les mots vus. Les lexiques de sortie sont les lieux des récupération des formes cibles : lexique phonologique de sortie pour la production orale (évocation spontanée, dénomination d’images, lecture à haute voix, répétition) et lexique orthographique pour la production écrite (évocation spontanée, dénomination écrite, épellation orale). ¶ Mécanismes de conversion Ils mettent en correspondance et transforment des informations acousticophonologiques en informations phonologiques (répétition), des informations acousticophonologiques en informations graphémiques (correspondance phonème-graphème en écriture sous dictée) ou des informations graphémiques en informations phonologiques (correspondance graphème-phonème en lecture à haute voix). Ces mécanismes opèrent sur des unités sous-lexicales (phonèmes, graphèmes, syllabes). ¶ Mécanismes de mémoire tampon (« buffers ») Ils assurent le maintien à court terme d’informations. phonologiques (mémoire tampon phonologique) ou d’informations graphémiques (mémoire tampon graphémique). ¶ Composants plus « périphériques » Ils sont également décrits : mécanismes perceptifs visuels et auditifs ainsi que mécanismes impliqués dans la production orale (activation des programmes articulatoires et exécution neuromusculaire) et dans la production écrite (conversion allographique, activation des programmes moteurs graphiques, exécution neuromusculaire). ¶ Composants moins spécifiques Outre ces processus exclusivement verbaux, les modèles font parfois figurer des composants moins spécifiquement linguistiques. Il s’agit par exemple du système de représentations structurales visuelles qui permet la reconnaissance d’un objet en tant qu’objet familier, recruté lors de l’identification d’images. Cette architecture rend compte également des connexions entre les différents mécanismes, qui sont matérialisées par des flèches. Aussi est-il possible de suivre sur le modèle les différentes étapes du cheminement cognitif accompli lors de toute tâche verbale (répétition, dénomination, évocation lexicale, compréhension orale ou écrite, lecture à haute voix, copie…). Ce type de modélisation suppose que le langage fait appel à deux types de traitement : un traitement lexical avec activation des représentations lexicales quand il s’agit de mots connus et un traitement qui procède par analyse et mise en correspondance d’unités sous-lexicales pour des non-mots ou des mots nouveaux. Un des postulats fondamentaux des modèles cognitifs sériels est que le traitement de l’information s’effectue de façon unidirectionnelle : le passage à une étape suivante suppose que le traitement de l’étape précédente soit terminé. Les modèles dits en « cascade » introduisent la notion d’un recouvrement temporel partiel entre deux étapes de traitement. DÉNOMINATION ¶ Étapes Six étapes peuvent être distinguées au cours de la dénomination d’images ou d’objets : – analyse visuelle (incluant l’analyse de la forme, de la couleur, le groupement perceptif) ; – activation de la représentation structurale perceptive visuelle (relative à la connaissance de la forme d’un objet et permettant l’identification 14 Neurologie du percept comme objet réel). Ces deux premières étapes, qui constituent des traitements non linguistiques, ne seront pas développées dans cette section (voir Boucart, Hénaff et Belin pour information [19]) ; – activation des propriétés sémantiques dans le système sémantique ; – activation de la représentation phonologique adéquate dans le lexique phonologique de sortie ; – maintien de cette représentation dans la mémoire tampon phonologique ; – activation des programmes articulatoires dans des systèmes de programmation et d’exécution articulatoire liées à la commande et à la coordination neuromusculaire des mouvements bucco-pharyngo-laryngés. Certains cas de la pathologie, qui restent cependant exceptionnels, suggèrent une alternative à cette voie lexicosémantique classique avec la possibilité de dénommer par une voie directe reliant le système des représentations structurales au lexique phonologique de sortie : il s’agit de patients qui dénomment correctement malgré des performances médiocres à des tâches de compréhension concernant les mêmes items [94]. Le lexique sémantique ou système sémantique est impliqué dans l’extraction du sens des mots et dans la formulation conceptuelle. Il concerne les propriétés sémantiques qui lient les concepts aux mots, c’est-à-dire leur appartenance catégorielle et leurs attributs spécifiques fonctionnels et physiques (exemple : « cerise » = [végétal] + [fruit] + [rouge] + [sucré] + [lisse]). Chaque concept est donc représenté sous la forme d’un faisceau de traits sémantiques pouvant être communs au moins partiellement à un autre concept. Par exemple, les traits [végétal] + [fruit] + [sucré] sont partagés par la cerise et la framboise. Ce type d’organisation postule par ailleurs que l’activation d’un concept va se diffuser aux concepts voisins. Dans les conceptions les plus couramment acceptées en neuropsychologie, le système sémantique serait une étape de traitement commune à différents types de stimuli (mots ou objets). De plus, il est considéré comme une composante centrale commune aux différentes modalités d’entrée et de sortie de l’information (mot entendu ou lu, production orale ou écrite). Cette théorie amodale (soutenue par Caramazza et al ou Humphreys et al [80, 81]) s’oppose à d’autres propositions (Warrington et Shallice [184] ; Shallice [165]) qui envisagent l’existence de systèmes sémantiques spécifiques et différents pour les objets et les mots (Hannequin [70] pour revue). Dans le lexique phonologique, les représentations phonologiques correspondent à la forme sonore abstraite d’une unité lexicale et contiennent des informations sur l’identité des phonèmes, sur la structure syllabique et sur l’accent ou « stress » (voir Béland, Peretz, Baum et Valdois [12] pour une description détaillée des différents paliers de la représentation phonologique). Bock et Levelt [14] ont suggéré l’existence d’un niveau lexical intermédiaire entre système sémantique et lexèmes (représentations phonologiques). Cette étape des Lemmas coderait l’item lexical cible sur le plan sémantique et sur le plan de ses propriétés syntaxiques (catégorie grammaticale, genre). Des arguments allant plutôt à l’encontre de cette distinction lemmas versus lexèmes ont été exposés par Caramazza [28]. L’accès aux représentations est décrit en termes d’activation. Chaque représentation possède un niveau d’activation de base qui va être modifié par les stimulations. Ainsi, après stimulation, le seuil d’activation de la représentation se trouve momentanément abaissé et celle-ci est plus rapidement accessible. La mémoire tampon phonologique se trouve impliquée dans toute tâche de production orale, y compris la répétition et la lecture à haute voix. Le caractère séquentiel de la production orale nécessite la reconstruction de la représentation phonologique avec la prise en compte de l’information segmentale (phonèmes) et métrique (nombre de syllabes, structure de la syllabe et structure accentuelle) en vue de la récupération du geste articulatoire. En conséquence, l’information phonologique issue du lexique phonologique doit être maintenue en mémoire à court terme durant les opérations de planification [12]. Neurologie Aphasie ¶ Pathologie Le dysfonctionnement de chacune de ces étapes de dénomination orale occasionne des perturbations différentes [50, 51, 76] (voir Lambert [97] , pour revue). Les dysfonctionnements des deux premières étapes (analyse visuelle et système de représentation structurale) donnent lieu à des tableaux d’agnosie visuelle [148]. Perturbation du système sémantique Elle engendre des absences de réponse et des erreurs sémantiques. Le patient a des difficultés dans toutes les tâches nécessitant un traitement sémantique (dessin d’un objet non dénommé, associations suivant un lien fonctionnel à partir d’images ou de mots, questionnaires testant les connaissances sémantiques, et tout particulièrement les attributs spécifiques). La dénomination écrite et la dénomination orale donnent lieu aux mêmes erreurs. Suivant les patients, le déficit peut affecter les représentations sémantiques dans leur ensemble ou être spécifique de certaines catégories sémantiques : de nombreuses dissociations ont été rapportées, mais l’atteinte des objets animés semble être plus fréquente que celle des objets inanimés. Ce niveau de perturbation peut donc provoquer les tableaux d’aphasie anomique avec perte du sens des mots et constitue vraisemblablement la principale cause des perturbations linguistiques de la démence sémantique. Il est également incriminé dans des aphasies globales en association à d’autres niveaux de perturbation. La distinction entre un déficit sémantique central et un défaut d’accès aux représentations sémantiques a fait l’objet de nombreux débats. Selon Warrington et Shallice [184] ou Shallice [165], la dégradation des représentations (trouble sémantique central) serait caractérisée par : – la constance des erreurs à différents temps d’examen ; – un effet marqué de la fréquence lexicale ; – la disparition de l’effet d’amorçage sémantique ; – de meilleures performances pour le traitement d’informations superordonnées par rapport aux attributs spécifiques ; – l’absence d’amélioration par un rythme de présentation plus lent. Un défaut d’accès (ou état réfractaire) serait caractérisé par un tableau en miroir du précédent. La pertinence de ces critères a été vigoureusement contestée (Rapp et Caramazza [147]), mais reste soutenue par Warrington et Cipolotti [183]. Dans le cadre théorique d’un modèle postulant un système sémantique amodal [ 7 7 ] , l’hypothèse d’un déficit d’accès aux représentations sémantiques peut être posée lorsque le traitement sémantique est perturbé à partir d’une modalité d’entrée, mais conservé à partir des autres modalités. Déficit d’accès au lexique phonologique de sortie Lors d’un déficit d’accès au lexique phonologique de sortie, la représentation phonologique est inaccessible et le patient montre des absences de réponse souvent facilitées par l’ébauche orale, sans aucune difficulté de compréhension ou de traitement sémantique concernant les mots non dénommés. Des erreurs sémantiques peuvent également être observées et sont expliquées de la façon suivante : lorsque la représentation phonologique de l’item cible n’est pas disponible, une autre représentation phonologique partageant des traits sémantiques communs serait activée par défaut. Des dissociations ont été rapportées : noms propres versus noms communs ou noms versus verbes. Un déficit d’accès au lexique phonologique de sortie n’affecte pas (ou peu) la répétition et la lecture à haute voix [98]. Le mot entendu en vue de sa répétition apporte une source directe d’activation (lexique phonologique d’entrée vers le lexique phonologique de sortie). La lecture à haute voix bénéficie également d’une activation supplémentaire directe à partir du lexique orthographique d’entrée. De plus, la répétition et la lecture à haute voix peuvent être réalisées par le biais de stratégies phonologiques. À ce niveau, un dysfonctionnement n’a pas de répercussion sur la production écrite et un certain nombre de cas montrant une dissociation entre la perturbation de la dénomination 17-018-L-10 orale avec une relative préservation de la dénomination écrite ont été publiés. Ce défaut d’accès à la forme phonologique des mots est sans doute présent dans de nombreux types d’aphasie (aphasie anomique, aphasie de Broca…). Dégradation des représentations phonologiques elles-mêmes ou récupération partielle Elle pourrait se traduire selon Butterworth [22] par la production de néologismes ou de paraphasies phonémiques. Ces erreurs se caractériseraient alors par une grande constance d’occurrence (erreurs identiques observées à différents temps sur les mêmes items). Situation de « blocage de réponse » [94] Elle se réfère à une impossibilité de production du mot alors que le stimulus a été correctement adressé dans le lexique phonologique de sortie. Ce cas de figure est illustré par le comportement d’un patient [74] qui, en cas d’absence de réponse, pouvait décrire le lien d’homophonie de deux items. Ainsi lors de la présentation de l’image d’une « fraise » (outil de fraisage) il disait : « je ne peux pas trouver le mot mais cela a à voir avec un fruit ? » Perturbation des étapes de planification phonologique au niveau de la mémoire tampon phonologique Elle entraîne des paraphasies phonémiques qui surviennent dans toute tâche de production orale (dénomination, répétition et lecture à haute voix) de mots et de non-mots. Les erreurs phonologiques auraient ainsi deux sources (dégradation des représentations dans le lexique phonologique de sortie et défaut de planification). Certains travaux ont tenté de différencier ces deux déficits (Nickels [136] pour revue). Les conduites d’approches successives, devenant correctes, sont le signe que les représentations phonologiques ne sont pas dégradées et qu’elles sont utilisées lors des autocorrections. La possibilité de réaliser correctement des tâches de jugements de rimes ou d’homophonie reposant sur une phonologie « silencieuse » est également un argument en faveur de la préservation des représentations lexicales phonologiques. En revanche, une réalisation défectueuse ne constitue pas un élément d’interprétation fiable dans la mesure où la difficulté peut aussi être liée à une impossibilité à maintenir l’information à court terme en vue de son traitement. Alors que dans le cas d’une difficulté de planification, des performances similaires sont attendues aux tâches de dénomination, de répétition et de lecture à haute voix, la dénomination devrait être plus perturbée que les autres tâches dans le cas d’un déficit touchant la représentation phonologique. Par ailleurs, un effet de longueur est classiquement évoqué pour un déficit postlexical. Dans la mesure où la mémoire tampon phonologique est très liée au mécanisme de planification, plus un item cible est long, plus la demande en maintien à court terme va être importante et plus le risque d’erreur s’accroît. Ceci est particulièrement manifeste pour les non-mots. Les mots peuvent être moins touchés car ils offrent la possibilité de procédures de rafraîchissement par le biais des représentations phonologiques (intactes dans ce cas de déficit postlexical). Toutefois, les propositions de distinction suivant des effets de fréquence (présents dans un déficit lexical) et de longueur (présents dans un déficit postlexical) semblent insuffisamment justifiées selon Nickels [136]. RÉPÉTITION ¶ Étapes La répétition suppose tout d’abord la mise en jeu de mécanismes d’analyse acoustique qui traitent le stimulus auditif dans ses composantes acoustiques et phonétiques. Au-delà de cette étape, plusieurs possibilités sont envisagées : – voie lexicosémantique : activation du lexique phonologique d’entrée, du système sémantique, récupération de la forme phonologique dans le lexique phonologique de sortie, maintien à court terme et planification phonologique ; 15 Aphasie 17-018-L-10 – voie lexicale directe : activation du lexique phonologique de sortie à partir du lexique phonologique d’entrée sans passer par le système sémantique. Dans ce cas, le patient répète sans comprendre ; – voie phonologique utilisant un mécanisme de conversion acousticophonologique. Cette dernière voie a été envisagée pour rendre compte de la possibilité de répéter les non-mots n’ayant pas de représentation phonologique stockée. La répétition partage un certain nombre de mécanismes avec la production orale et la compréhension orale (voir infra). ¶ Pathologie Un déficit de l’analyse acoustique retentit sur le traitement des mots et des non-mots entendus en vue de leur répétition, de leur écriture sous dictée (avec soit des absences de réponse, soit des substitutions par des items proches partageant un certain nombre de phonèmes : cadeau → gâteau, cadeau → râteau) ou de leur compréhension. Ce déficit est également appelé surdité au son des mots. Les perturbations des voies lexicales peuvent résulter de différents niveaux de localisation : lexique phonologique d’entrée, système sémantique, lexique phonologique de sortie. Dans ce cas, la répétition de mots et de non-mots serait possible par le biais de la voie phonologique. La perturbation de la voie phonologique entraîne un effet de lexicalité avec une atteinte de la répétition des non-mots n’ayant pas de représentation stockée, mais une préservation de la répétition des mots. Un déficit de la mémoire tampon phonologique altère la répétition de mots et de non-mots (voir supra). Le trouble de la répétition est classiquement considéré comme le noyau sémiologique de l’aphasie de conduction. Celle-ci a été « revisitée » par Shallice et Warrington [166] (voir aussi Kohn [92] pour revue), qui en ont distingué deux types. Dans le premier, de type « répétition », les patients ont des difficultés à répéter des listes de mots mais non les mots isolés, et ne produisent pas d’erreurs phonologiques. Shallice et Warrington attribuent ce trouble à un déficit de mémoire à court terme. Le second, l’aphasie de conduction de type « reproduction », qui serait la « véritable » aphasie de conduction, s’applique à des patients qui ont du mal à répéter des mots isolés. Cette difficulté se traduit par des erreurs phonologiques et est plus importante pour les mots longs. Elle est observée non seulement en répétition, mais également en expression orale spontanée, en dénomination orale ou en lecture à haute voix. Cette forme peut aussi être associée (mais non due) à un trouble de mémoire à court terme. L’interprétation cognitive en serait un déficit affectant la planification des unités phonologiques au niveau de la mémoire tampon phonologique en vue de leur réalisation articulatoire. Cette interprétation va dans le sens des études récentes qui tendent à considérer davantage l’aphasie de conduction comme le résultat d’un trouble phonologique (paraphasies phonémiques) plutôt que comme un trouble de la répétition [4, 75]. Le tableau de dysphasie profonde a pour caractéristiques principales des troubles de répétition (erreurs sémantiques, effet de concrétude lors de la répétition de mots et effet de lexicalité – difficultés plus importantes pour les non-mots). Il montre souvent l’association de perturbations en production orale (erreurs phonémiques et erreurs sémantiques), et d’un déficit de la mémoire verbale à court terme. Du point de vue des modèles cognitifs, la dysphasie profonde suppose plusieurs déficits associés : déficit d’accès aux informations sémantiques à partir du lexique phonologique d’entrée, déficit de la répétition en rapport avec une perturbation de la voie acousticophonémique et déficit de la mémoire verbale à court terme. COMPRÉHENSION ¶ Étapes Selon Ellis, Franklin et Crerar trois mécanismes : 16 Neurologie – identification des sons de parole au niveau du système d’analyse auditive ; – activation des items lexicaux dans le lexique phonologique d’entrée, ce qui permet à ce stade de différencier un percept familier (mot ayant une représentation stockée à long terme dans le lexique) d’un percept nouveau (non-mot ou mot inconnu) ; – activation de la signification des mots dans le système sémantique. Cette organisation séquentielle unidirectionnelle (de bas en haut), très hiérarchisée, suppose que l’accès à un niveau supérieur nécessite l’intégrité du niveau immédiatement inférieur. Dans une publication ultérieure [52], les auteurs incluent l’existence de relations bidirectionnelles entre lexique phonologique et système sémantique. ¶ Pathologie Différents syndromes cognitifs concernant la perception d’un mot entendu ont été décrits [50, 52] (voir également Lambert et Nespoulous [97] pour revue). Surdité au son des mots Elle résulte de la perturbation du système d’analyse auditive des sons verbaux et correspond, dans la terminologie classique, au syndrome de surdité verbale pure décrit par Lichtheim. Elle se manifeste par de nombreuses erreurs lors d’épreuves de répétition ou d’écriture sous dictée et lors de tâches de discrimination et d’identification phonémique. La compréhension est améliorée par la lecture labiale ou la connaissance du thème de la conversation. Cette perturbation peut également être présente dans d’autres syndromes aphasiques comme l’aphasie de Wernicke. Surdité à la forme des mots Elle résulte d’un trouble d’activation de la représentation phonologique au niveau du lexique phonologique d’entrée. Les épreuves de discrimination de phonèmes sont correctes en raison de la fonctionnalité du système d’analyse auditive. Le patient échoue à des épreuves de décision lexicale en modalité auditive alors qu’il réussit en modalité écrite. Des erreurs entre mots phonologiquement proches sont observées lors des tentatives de répétition. Ce syndrome cognitif, qui n’a jamais été observé de façon pure, n’a pas été repris dans la classification d’Ellis et Young [52]. Surdité au sens des mots Ele a pour origine un déficit d’accès au système sémantique [63, 64, 91]. Le patient réussit les épreuves de discrimination phonémique et de décision lexicale, ce qui indique que les deux premiers niveaux sont fonctionnels. La compréhension des mots entendus est altérée alors que la répétition est possible. De plus, la préservation de la compréhension écrite permet d’exclure la perturbation du système de traitement sémantique lui-même. Les perturbations peuvent affecter plus spécifiquement les mots abstraits. Atteinte du système sémantique Elle correspond à une dégradation des représentations sémantiques. Ce dernier syndrome ne constitue pas un trouble de compréhension spécifique à la modalité auditive car la compréhension est défectueuse quelle que soit la modalité de présentation. Des troubles sont également présents en production orale ou écrite (voir supra la section consacrée aux troubles de dénomination). MODÈLES CONNEXIONNISTES Les modèles connexionnistes diffèrent des modèles cognitifs sur le plan du sens des activations et de leur étendue. Leur application à la compréhension orale est bien implantée en neuropsychologie (modèle Trace de McClelland et Elman, 1986 [116, 118]). Nous prendrons pour exemple le modèle de Martin et Saffran. ¶ Compréhension , la compréhension orale repose sur [50] L’architecture globale du modèle de Martin et Saffran [116] comporte plusieurs niveaux d’unités (de type phonologique, lexical et Neurologie Aphasie sémantique) connectés entre eux par des processus d’activation bidirectionnels (« feedforward » et « feed-back »). Ses caractéristiques fondamentales sont les suivantes : – les activations des différents niveaux se recouvrent partiellement sur le plan temporel ou peuvent s’effectuer de façon simultanée ; – les processus « feedforward » propagent l’activation aux items cibles et aux items proches d’une même couche d’unités (candidats potentiels), alors que les processus « feed-back » servent à stabiliser l’activation des items cibles à partir d’informations provenant des niveaux inférieurs ou supérieurs. Les auteurs insistent sur le décours temporel de la propagation des activations d’un niveau de représentation à un autre et sur le caractère très éphémère des activations au niveau phonologique. ¶ Pathologie Cette modélisation a conduit à des interprétations différentes de celles proposées dans le cadre de modèles cognitifs sériels [97]. La dysphasie profonde s’explique ici en termes de déclin anormalement rapide de l’activation phonologique [116]. L’occurrence d’erreurs sémantiques suggère que le niveau des représentations sémantiques a été activé et qu’il ne s’agit pas d’un trouble de propagation d’activation. L’effacement pathologique des indices phonologiques empêche la poursuite des activations en boucle unissant cibles phonologiques et sémantiques et ne permet plus de guider le choix entre les représentations sémantiques activées (cible et candidats potentiels). Cette section consacrée à l’approche cognitive de l’aphasie a exposé l’architecture générale des processus mentaux requis par la production et la reconnaissance des mots. Les dysfonctionnements des divers stades de traitement de l’information ont suscité un certain nombre d’hypothèses qui, pour la plupart, ont été validées par des cas relativement purs. L’apport original de l’interprétation cognitive est de montrer que sous des aspects extérieurs similaires, les troubles peuvent avoir des origines différentes. C’est le cas du manque du mot, des erreurs sémantiques ou des erreurs phonémiques. Cette approche constitue une base théorique incontestable à la rééducation. Toutefois, une de ses limites réside dans sa totale dépendance vis-à-vis du modèle théorique sur lequel elle s’appuie, ce que nous venons d’illustrer avec l’exemple de la dysphasie profonde. On peut espérer que de nouveaux développements sauront mieux rendre compte de toute la dynamique du langage en intégrant les interactions avec d’autres fonctions comme par exemple l’attention, certains composants mnésiques ou encore, les fonctions exécutives. Troubles du langage écrit DONNÉES DE LA MÉTHODE ANATOMOCLINIQUE ¶ Alexies Déjerine (1891, 1892) [102] a décrit l’alexie pure ou agnosique et l’alexie-agraphie. À ces deux formes est venue s’ajouter une troisième alexie ou alexie antérieure. Alexie pure Le trouble de la lecture peut être total : aucun mot, aucune lettre ne sont identifiés. Assez souvent, d’emblée ou après une phase d’alexie totale, une lecture lettre à lettre est possible. L’écriture est en principe normale, mais souvent un peu altérée par un défaut de contrôle visuel. Le langage oral est lui aussi en principe normal. En fait, un certain degré d’aphasie amnésique est fréquent. Par ailleurs, le malade peut « lire » à condition qu’un canal non visuel soit utilisé : lettres en relief palpées, mots reconstitués à partir de lettres épelées par l’examinateur. Ceci permet d’affirmer que les mécanismes linguistiques ou « centraux » de la lecture sont conservés et que le trouble se situe sur un versant perceptif visuel. 17-018-L-10 Néanmoins, l’atteinte peut être parfaitement limitée aux symboles écrits. D’autres troubles visuels sont fréquemment associés : une hémianopsie latérale homonyme droite avec ou sans épargne maculaire, un trouble de la vision des couleurs, beaucoup plus rarement, une agnosie visuelle pour les objets et les images. Les lésions responsables siègent toujours dans le lobe occipital dominant. Il s’agit le plus souvent d’un infarctus du territoire de la cérébrale postérieure détruisant la région calcarine et le splénium du corps calleux. D’autres lésions, notamment tumorales, peuvent être en cause. Selon la conception de Déjerine et plus récemment de Geschwind, elles auraient toujours pour résultat de réaliser une déconnexion entre informations visuelles et aires du langage. Alexie-agraphie Elle résulte pour Déjerine de la perte des images optiques des lettres en rapport avec une lésion du gyrus angulaire de l’hémisphère dominant. Cette atteinte centrale du langage écrit explique qu’elle affecte ses deux modalités : réceptive et expressive. L’atteinte de la lecture est massive avec une compréhension nulle, une lecture à haute voix impossible ou jargonnée. Ce tableau peut être isolé ou associé à des signes d’aphasie de Wernicke ou surtout d’aphasie amnésique. Il est fréquent d’observer d’autres signes d’atteinte pariétale : apraxie constructive et idéomotrice, syndrome de Gerstmann. Alexie de Benson ou troisième alexie Elle s’observe en liaison avec l’aphasie de Broca. La lecture et la compréhension sont meilleures pour les mots, surtout les substantifs concrets. Elles sont particulièrement mauvaises pour les lettres isolées. Ce syndrome, connu en fait depuis longtemps, avait été retenu par Freud comme un argument contre la conception localisatrice des aphasies puisque l’atteinte d’une région cérébrale censée être spécialisée dans le contrôle de l’expression orale entraînait aussi des troubles de la lecture (Freud, 1892 [102]). Alexie des aphasies En dehors des variétés d’alexie bien définies citées ci-dessus, la lecture est troublée dans presque toutes les variétés d’aphasie. Le plus souvent, la lecture à haute voix est altérée au même degré que les autres variétés d’expression orale. Nous citerons quelques situations où cette règle se trouve en défaut ou revêt des aspects particuliers. Outre les rapports étroits unissant la troisième alexie et l’aphasie de Broca, dans l’aphasie de conduction, la lecture est fréquemment meilleure que la répétition. Les troubles prédominent souvent sur les mots grammaticaux qui sont omis ou substitués entre eux. Dans l’aphasie de Wernicke, il n’est pas rare d’observer une dissociation entre les atteintes du langage oral et du langage écrit. La prédominance des troubles sur ce dernier se rapproche de l’alexie-agraphie. Le cas contraire a l’intérêt de montrer que le langage écrit possède une certaine autonomie et n’est pas une simple transposition du langage oral. Dans l’aphasie transcorticale sensorielle, au contraire, le parallélisme entre les épreuves de transposition, répétition et lecture à haute voix, toutes deux bien effectuées mais sans compréhension, confirme une atteinte du niveau sémantique, au-delà des mécanismes propres à chaque modalité de langage. ¶ Agraphies Parmi les classifications des agraphies, aucune n’est réellement satisfaisante d’un point de vue sémiologique. La plupart s’appuient sur les troubles associés ou sur des topographies anatomiques et seulement de façon accessoire sur les caractères propres de la production graphique (Morin et al, 1990 [102] ).Une description clinique pourrait distinguer les agraphies suivantes. Classique agraphie apraxique La réalisation des lettres y est impossible ou si altérée qu’elles sont méconnaissables. 17 17-018-L-10 Aphasie Neurologie Agraphie appelée « de l’aphasie de Broca » Alexies périphériques Elle accompagne assez régulièrement cette aphasie : la production, réalisée le plus souvent de la main gauche, est très réduite, limitée à quelques substantifs composés de grandes lettres majuscules très maladroitement réalisées Un déficit lors de l’analyse visuelle se traduit par une incapacité à lire des lettres isolées ou des séquences de lettres, l’alexie littérale. Un retard dans l’identification des lettres et des substitutions entre lettres physiquement proches sont observés, ainsi qu’une augmentation des difficultés lors de la présentation de mots longs. La nature perceptive des troubles est particulièrement manifeste chez des patients qui indiquent une impression de chevauchement des lettres et dont la lecture est améliorée par un espacement plus grand entre les lettres. Un déficit de la composante attentionnelle peut expliquer une difficulté à traiter en parallèle les différentes lettres d’un mot. Cette perturbation est particulièrement démonstrative dans les troubles d’attention spatiale unilatéraux qui montrent des omissions de lettres au début ou à la fin de mots suivant la latéralisation lésionnelle. Autres On peut regrouper le reste sous l’appellation d’agraphies fluentes, caractérisées par l’exécution de lettres suffisamment bien formées et par une production d’une certaine abondance. Ce groupe, très important, est bien entendu hétérogène. En première analyse, on peut distinguer d’abord des erreurs de type verbal avec des paragraphies surtout démonstratives lorsqu’elles sont de type sémantique ou morphologique, pouvant ou non se retrouver dans l’expression orale. Un deuxième groupe comprendrait les erreurs « phonologiquement plausibles » où les mots d’orthographe irrégulière sont écrits « comme ils se prononcent ». Dans le troisième groupe, on rencontrerait les erreurs littérales : substitutions, déplacements, omissions, intrusions de lettres. Ces erreurs peuvent être relativement rares, laissant le mot reconnaissable, ou très nombreuses, pouvant aboutir à une jargonagraphie. Agraphies pures Elles ont été recherchées par des générations de neurologues comme pouvant élucider les mystères de cette modalité du langage et permettre de localiser un centre de l’agraphie conforme ou non à celui qu’Exner (1881) [127] avait situé à la partie postérieure de la deuxième circonvolution frontale. Elles sont restées très rares ou imparfaitement pures, parfois décrites chez des sujets pour lesquels l’époque et la profession faisaient douter qu’ils aient possédé avant leur maladie une bonne maîtrise de l’écriture. Elles ne sont univoques ni dans leur symptomatologie ni dans leur localisation lésionnelle, cette dernière paraissant toutefois plus pariétale que frontale. APPORT DE LA PSYCHOLOGIE COGNITIVE L’approche cognitive des troubles du langage écrit peut être effectuée à partir du schéma général des activités de langage proposé au chapitre précédent. Nous envisagerons successivement les perturbations de la lecture à haute voix et celles de l’écriture en différenciant les troubles centraux et les troubles périphériques [31], Morin et al, 1990 [102, 176, 188]. ¶ Lecture à haute voix Modèle théorique Les mécanismes de lecture à haute voix sont décrits à partir d’un module d’analyse visuelle et de deux voies principales de lecture : lexicale et phonologique [31, 102, 168, 169]. L’analyse visuelle regroupe différentes opérations qui assurent le traitement des propriétés visuelles (analyse rétinocentrée en traits) et l’identification des lettres suite à une analyse de regroupement des traits (centrée sur le stimulus) et l’accès à un niveau de représentation graphémique abstraite. Cette dernière étape est, selon certains auteurs, assimilée à un buffer graphémique pouvant être commun à la lecture et à l’écriture. Par ailleurs, ces différentes opérations seraient sous l’étroite dépendance de processus attentionnels (fenêtre attentionnelle, filtre attentionnel). La voie lexicale, à partir du module d’analyse visuelle, gagne le lexique orthographique d’entrée où est activée la représentation orthographique correspondant au mot présenté, puis le système sémantique où il est compris, le lexique phonologique de sortie où est activée sa forme phonologique et enfin, la mémoire tampon phonologique, relais obligé de toute expression orale. Une voie lexicale non sémantique reliant le lexique orthographique au lexique phonologique de sortie est envisagée. La voie phonologique relie le module d’analyse visuelle à la mémoire tampon phonologique en passant par un module de conversion des graphèmes en phonèmes. Elle est utilisable pour les non-mots et les mots à orthographe régulière. 18 Alexies centrales L’alexie phonologique se caractérise par une impossibilité à lire les logatomes ou non-mots : séries de lettres prononçables, mais ne correspondant à aucun mot de la langue. La raison de cette incapacité est évidente : quand on utilise exclusivement la voie lexicale, seuls les mots figurant au lexique peuvent être lus. Cette difficulté contraste avec une préservation de la lecture des mots qu’ils soient d’orthographe régulière ou irrégulière (les mots d’orthographe régulière sont ceux où le rapport graphème-phonème est le plus habituel dans la langue et les mots d’orthographe irrégulière ceux où ce rapport est inhabituel, par exemple « fusil »). Ce trouble de la lecture peut être presque isolé [10] ou associé à certains effets lexicaux tels un effet de classe des mots : les noms sont mieux lus que les verbes, les adjectifs et les mots grammaticaux sont encore plus mal lus et il existe des erreurs dérivationnelles : le morphème central est conservé mais l’affixe est erroné (chanteur → chanson). L’alexie profonde comporte les caractéristiques de la dyslexie phonologique plus des erreurs sémantiques et un effet d’imageabilité : les mots imageables sont mieux lus que les mots abstraits non imageables tels que « option » [21]. L’interprétation de ces faits est discutée. Pour certains, ils traduisent un dysfonctionnement partiel du système lexicosémantique associé à celui, prédominant, du système phonologique. Pour d’autres, ils refléteraient le fonctionnement de la voie lexicosémantique seule, amputée de la voie phonologique et de la voie lexicale non sémantique. Selon un autre niveau d’analyse, la dyslexie profonde surviendrait lorsque les activités de lecture sont assurées par l’hémisphère droit en présence de lésions importantes de l’hémisphère gauche. L’alexie phonologique et la dyslexie profonde ne peuvent survenir que chez des sujets bien entraînés à la lecture, et aussi dans les langues ayant une orthographe irrégulière comme l’anglais et le français, conditions nécessaires au développement d’une forte voie non phonologique. L’alexie lexicale ou de surface se traduit par une incapacité à lire les mots irréguliers avec conservation de la lecture des mots réguliers et des non-mots [167]. Les erreurs concernant les mots irréguliers sont le plus souvent une « régularisation » : les mots sont lus en appliquant les règles de correspondance graphème-phonème les plus usuelles (gars → acR). ¶ Écriture Mécanismes d’écriture dictée Ils comportent un module d’analyse auditive, une voie lexicale et une voie phonologique qui convergent vers une mémoire tampon graphémique puis mettent en jeu des mécanismes périphériques [95, 173] . – L’analyse auditive traite les stimuli entendus sur le plan acoustique et phonétique. – La voie lexicale passe par le lexique phonologique d’entrée, le système sémantique et le lexique orthographique de sortie pour Neurologie Aphasie atteindre la mémoire tampon graphémique. Une voie lexicale directe reliant le lexique phonologique d’entrée au lexique orthographique de sortie est également envisagée. – La voie phonologique relie le module d’analyse auditive à la mémoire tampon graphémique par l’intermédiaire d’un module de conversion des phonèmes en graphèmes et de la mémoire tampon phonologique. Alors que la voie lexicale (lexicosémantique ou lexicale directe) repose sur l’activation de représentations orthographiques stockées (qui concernent les mots appris), la voie phonologique est surtout utilisée pour l’écriture de non-mots ou de mots inconnus, mais peut également être efficiente pour des mots réguliers. – La mémoire tampon graphémique constitue un centre de convergence des voies phonologique et lexicale et le relais obligatoire de toute expression écrite. Elle est assimilée à une mémoire de travail spécifique du langage écrit qui a pour rôle le maintien à court terme des informations graphémiques issues du lexique orthographique ou de la voie phonologique, qu’il s’agisse de mots ou de non-mots. Ces informations concernent l’identité abstraite des graphèmes, leur nombre, leur agencement linéaire, leur catégorie (consonne/voyelle), la structure graphosyllabique. Troubles centraux L’agraphie phonologique est caractérisée par des troubles sélectifs de l’écriture des non-mots [164] . Des effets de classe des mots et d’imageabilité, similaires à ceux décrits en lecture, peuvent être notés. La dysgraphie profonde associe les caractéristiques de l’agraphie phonologique avec des erreurs sémantiques [21]. L’agraphie lexicale ou de surface comporte des troubles sélectifs de l’écriture des mots irréguliers. Les erreurs sont principalement des « erreurs phonologiquement plausibles » se faisant dans le sens de la régularisation de l’orthographe (femme → fame). Un effet de fréquence des mots est souvent présent [11]. L’alexie phonologique et l’agraphie de même nom sont presque toujours associées, mais il existe des exceptions, notamment un cas d’agraphie phonologique sans alexie et un autre où l’alexie est de type lexical. Il est donc admis qu’il existe deux systèmes phonologiques distincts pour la lecture et l’écriture et que l’association habituelle de l’atteinte des deux modalités s’explique par la probable proximité de leurs supports anatomiques [150] . L’agraphie lexicale est, elle aussi, habituellement associée à une alexie, mais celle-ci est de type variable : lexicale, phonologique ou sans spécificité. Les associations entre les deux grands types d’alexie ou d’agraphie et les autres troubles des fonctions supérieures sont assez bien définies. Les troubles phonologiques sont presque toujours associés à une aphasie, de type variable, avec une prédominance des aphasies de Broca. Les troubles lexicaux sont moins souvent en liaison avec une aphasie, mais davantage avec des symptômes évocateurs d’une lésion pariétale : apraxie idéomotrice ou constructive, syndrome de Gerstmann. Un siège plus pariétal des lésions, aux alentours du gyrus angulaire, peut ainsi être supposé. L’atteinte de la mémoire tampon graphémique se caractérise par des éléments négatifs. Il en est ainsi de l’absence de signe faisant penser à une atteinte sélective des voies phonologiques et lexicales. Les troubles sont similaires pour les mots réguliers et irréguliers et pour les non-mots. Il n’y a pas d’erreur phonologiquement plausible, d’effet de classe, d’imageabilité. Il n’y aura pas non plus de différence entre les diverses modalités de réalisation de l’écriture : manuscrite, épelée, réalisée avec des lettres mobiles ou à la machine. Les symptômes positifs se limitent à des erreurs non phonologiquement plausibles (carabine → cadabine), c’est-à-dire des erreurs de lettres : omissions, substitutions, adjonctions, déplacements. Ces troubles sont plus marqués pour les mots longs [29]. 17-018-L-10 Voie lexicale Voie phonologique Mémoire tampon graphémique Conversion graphème - nom de la lettre Conversion allographique Lettres mobiles Dactylographie Processus moteurs de la parole Programmes moteurs graphiques Exécution neuromusculaire Écriture Épellation 3 Modèle des mécanismes périphériques de l’écriture. Mécanismes périphériques de l’écriture Si l’écriture comporte une organisation centrale ou linguistique parallèle à celle de la lecture, elle comporte aussi une organisation « périphérique » [49, 115] qui lui est propre et qui met en jeu l’activation successive du système allographique et des programmes moteurs graphiques qui sont ensuite traduits en informations neuromusculaires spécifiques. La figure 3 représente un modèle simple susceptible de rendre compte de cette organisation. Le système allographique reçoit les informations concernant les représentations graphémiques abstraites maintenues au niveau de la mémoire tampon graphémique et assure le choix de la forme générale de la lettre en tenant compte des caractères particuliers : majuscule ou minuscule, script ou cursive. Les programmes moteurs graphiques spécifient pour chaque type de lettre la séquence, la direction et la taille relative des traits. Cette information est à son tour transformée en commande proprement motrice par le système moteur. L’existence même de représentations allographiques intermédiaires entre mémoire tampon graphémique et programmes moteurs graphiques n’est pas soutenue par tous les auteurs [165, 177]. L’ensemble du processus est soumis à un contrôle spatial assuré par l’hémisphère mineur. Des processus périphériques propres à chaque modalité de sortie sont envisagés. Une voie de l’épellation orale se dégagerait à la sortie de la mémoire tampon graphémique, et conduirait à la traduction de l’identité abstraite des graphèmes en nom de lettre. Des conceptions alternatives ont été proposées. Les mécanismes relatifs à l’écriture avec des lettres mobiles ont été peu étudiés. Des raisons théoriques plaideraient pour son individualisation après le système allographique comme cela est indiqué sur la figure 3. Les quelques observations publiées qui correspondent vraisemblablement à une atteinte du système allographique seraient plutôt en faveur d’une origine plus proximale, après la mémoire tampon graphémique et parallèle aux voies de l’écriture manuscrite et de l’épellation orale. Perturbations périphériques À partir de ces notions théoriques, il est possible de prévoir des syndromes neuropsychologiques correspondant à l’atteinte des différents modules. Si les observations évoquant une atteinte des programmes moteurs graphiques sont nombreuses, elles restent en 19 Aphasie 17-018-L-10 très petit nombre quand il s’agit de l’atteinte allographique et montrent de surcroît des tableaux sémiologiques disparates [57, 95]. En cas d’atteinte allographique, les prédictions théoriques sont les suivantes : respect de l’épellation orale et absence de lettres mal formées. La perturbation la plus caractéristique porterait sur le choix des formes de lettres avec notamment des confusions entre majuscules et minuscules (café → caFé), mais des erreurs quant au choix de la forme générale de la lettre sont aussi décrites. L’atteinte des programmes moteurs graphiques donne des altérations morphologiques des lettres par la perturbation de la forme, de la taille et de l’orientation des traits. Le tableau réalisé correspond à la classique agraphie apraxique [8]. Un déficit concernant seulement l’accès aux programmes moteurs a été évoqué pour des perturbations se traduisant par des substitutions de lettres montrant des similarités physiques, surtout graphomotrices. La dysgraphie spatiale résulte d’une perte du contrôle assuré par l’hémisphère mineur sur l’écriture : négligence de la partie gauche de la page, mauvaise orientation des lignes, redoublement de lettres et de jambages, superposition de lettres. APPROCHE CONNEXIONNISTE La première modélisation connexionniste des mécanismes de lecture à haute voix a été conçue par Seidenberg et McClelland [159]. La structure générale en est la suivante : trois couches d’unités connectées entre elles, codant chacune pour des informations spécifiques (visuo-orthographique, phonologique ou sémantique). Dans ce modèle, la prononciation d’un mot écrit peut s’effectuer soit par un réseau qui connecte directement l’orthographe à la phonologie, soit par un réseau qui fait intervenir la couche sémantique. Seule la mise en application sur ordinateur d’un apprentissage résultant de connexions entre orthographe et phonologie avait été réalisée. Plus récemment, un modèle connexionniste alternatif a été proposé par Ans, Carbonnel, et Valdois [5]. Il repose sur une base d’apprentissage qui comporte à la fois des mots entiers et les segments syllabiques de ces mots et permet d’obtenir des performances de lecture tout à fait comparables à celles de sujets normaux en montrant notamment les mêmes effets de fréquence et de régularité. De plus, deux lésions distinctes du système aboutissent à des profils de lecture tout à fait proches des tableaux d’alexie de surface et d’alexie phonologique rencontrés chez des patients. Ces résultats sont d’un grand intérêt car ils confortent la double dissociation (relative à l’atteinte phonologique versus lexicale de la lecture) mise en évidence en pathologie neuropsychologique qui a parfois été remise en question [30]. Neurobiologie des aphasies Nous aborderons successivement dans cette section les corrélations anatomocliniques des différents syndromes, puis des symptômes aphasiques, les renseignements fournis par l’imagerie fonctionnelle sur le support anatomique des différentes composantes du langage, aussi bien chez le patient aphasique que chez le sujet normal et enfin, les relations entre la préférence manuelle et la dominance hémisphérique pour le langage. CORRÉLATIONS ANATOMOCLINIQUES DES SYNDROMES APHASIQUES (tableau I) L’essentiel des connaissances dans ce domaine provient de l’étude des accidents vasculaires cérébraux, qui représentent la première cause d’aphasie chez l’adulte. La distribution des territoires vasculaires, en traçant des frontières anatomiques peut-être arbitraires d’un point de vue fonctionnel, a largement contribué à dessiner les contours de la taxonomie classique, qui a le double mérite d’être universellement connue des neurologues et d’être applicable à la majorité des patients. Toutefois, cette taxonomie atteint bien souvent ses limites lorsqu’il s’agit d’interpréter un trouble du langage consécutif à des pathologies moins habituelles, 20 Neurologie ou de tenter des corrélations avec les modèles de la psychologie cognitive. Il faut alors conduire une description plus analytique de l’aphasie, sous peine de méconnaître un trouble particulier par son intérêt physiopathologique ou comme cible de la rééducation. Enfin, l’anatomie (pathologique) de l’aphasie fût-elle élucidée, on ne pourrait en déduire simplement l’anatomie (fonctionnelle) du langage. L’imagerie fonctionnelle apporte aujourd’hui dans ce domaine des informations inédites. ¶ Aphasie de Broca Les infarctus limités à l’aire de Broca donnent une légère aphasie motrice transitoire qui guérit rapidement. Les lésions pouvant donner l’aphasie de Broca siégeraient dans la partie postérieure de F3 et dans les régions voisines : partie inférieure du gyrus précentral, insula antérieur, F2, partie adjacente du cortex temporal et pariétal, putamen, noyau caudé et capsule interne. En définitive, l’aphasie de Broca persistante avec agrammatisme et diminution de la fluence verbale est associée à une large lésion frontopariétale gauche avec généralement une extension sous-corticale. C’est d’ailleurs une telle lésion qu’a montré l’examen au scanner du cerveau de Leborgne, le cas princeps de Broca [170]. Il semble prouvé qu’une lésion profonde peut donner une aphasie de Broca. Naeser et Hayward (1978) [102] pensent que les lésions capsuloputaminales peuvent donner des aphasies de Broca sans agrammatisme ni trouble de la compréhension, ni trouble de l’écriture, tableau proche de l’anarthrie pure. L’extension en arrière d’une telle lésion ajoute aux signes précédents des troubles de la compréhension et des paraphasies. ¶ Aphasie de Wernicke Quel que soit le type d’aphasie de Wernicke, l’atteinte de l’aire 22 de Brodmann (aire TA d’Economo) située en arrière des aires 41 et 42 (aires auditives primaires) dans la partie postérieure de T1 est constante. La lésion peut s’étendre en avant au cortex auditif primaire, en profondeur à la substance blanche sous-jacente et à l’origine du faisceau arqué, en arrière au gyrus angularis (aire 39 ou PG d’Economo) et au gyrus supramarginalis (l’aire 40 ou Pf), en bas et en arrière aux aires 21 (2e temporale), 20 (3e temporale) ou 37 (4e temporale). L’aphasie de Wernicke à prédominance de surdité verbale (type II) correspond à une atteinte de la partie postérieure de Tl et T2, en arrière du gyrus de Heschl, qui est presque toujours un infarctus du territoire de l’artère temporopli courbe. La forme avec atteinte prédominante du langage écrit (type III) s’observe dans les infarctus pariéto-pli courbe occupant les aires 39 et 40. L’aphasie de Wernicke est relativement plus fréquente chez le sujet âgé que l’aphasie de Broca. Cette différence provient, d’une part du fait que les infarctus sylviens affectent plus souvent le territoire postérieur chez les sujets âgés que chez les sujets jeunes [60], et d’autre part que les tumeurs cérébrales malignes, autre cause classique de l’aphasie de Wernicke, sont également plus fréquentes chez le sujet âgé. ¶ Aphasie de conduction Suivant le modèle classique de Lichtheim et Wernicke, repris par Geschwind, l’aphasie de conduction résulte d’une interruption entre l’aire de Wernicke (« centre des images auditives des mots » ou de façon plus contemporaine support anatomique du lexique phonologique) et l’aire de Broca (« centre des images motrices des mots », responsable de la réalisation phonétique). Ce schéma cognitif correspond ici à un processus langagier (la boucle audiphonatoire) en même temps qu’à une structure anatomique (le faisceau arqué). L’aphasie de conduction est, de fait, souvent associée à des lésions sous-corticales atteignant la capsule externe ou la substance blanche sous-jacente aux aires 22 et 40 [93], mais aussi à des lésions du cortex insulaire ou pariétal inférieur. Un cas a été décrit au cours d’une sclérose en plaques [6]. L’interprétation cognitive en termes de dysconnexion doit être nuancée en tenant compte des cas dus à des lésions corticales limitées ou même obtenus chez des sujets épileptiques par des stimulations corticales limitées de la partie postérieure de T1 [4]. Pour Alexander [3], l’aphasie de conduction Aphasie Neurologie 17-018-L-10 Tableau I. – Principaux types d’aphasie. Corrélations anatomocliniques généralement observées. Type d’aphasie Signes Localisation Étiologies habituelles Signes associées Aphasie globale Expression et compréhension orales et écrites très réduites ou nulles Lésion étendue corticale (frontotemporo-pariétale) ou souscorticale Infarctus sylvien total, tumeur, traumatisme, hémorragie Hémiplégie, hémianopsie, hémianesthésie Aphasie de Broca Expression orale réduite Agrammatisme Troubles arthriques Compréhension relativement préservée Cortex frontal inférieur Noyaux gris et substance blanche sous-corticale du lobe frontal Infarctus sylvien antérieur superficiel et/ou profond Hématome profond Hémiplégie brachiofaciale Apraxie Aphasie de Wernicke (type I) Expression abondante Troubles de la compréhension Paraphasies Lobe temporal, parfois lésions thalamiques Tumeur Infarctus sylvien postérieur Encéphalite herpétique Hématome lobaire Hémianopsie ou quadranopsie Troubles sensitifs Peu ou pas de troubles moteurs Aphasie de conduction Paraphasies phonémiques Compréhension normale Répétition perturbée Cortex pariétal inférieur Capsule externe Infarctus sylvien postérieur (origine embolique fréquente) Troubles sensitifs Quadranopsie Surdité verbale pure (Wernicke type II) Trouble de la compréhension et de la répétition Écriture sous dictée impossible Gyrus temporal supérieur (lésion gauche ou bilatérale) Infarctus Tumeur Abcès Aucun Alexie-agraphie (Wernicke type III) Trouble de la lecture et de l’écriture Expression et compréhension orales préservées Pli courbe (gyrus angulaire) Infarctus Tumeur Hématome lobaire Hémianopsie Syndrome de Gerstmann Alexie pure (alexie sans agraphie*) Trouble isolé de la lecture avec conservation de l’écriture et du langage oral Lobe occipital et splénium du corps calleux Infarctus de l’artère cérébrale postérieure Hématome lobaire, tumeur Hémianopsie Agnosie visuelle Aphasie anomique Manque du mot isolé Profondeur du lobe temporal Région hippocampique (faible valeur localisatrice) Tumeur (ou autre processus expansif) Alzheimer Infarctus ACP Encéphalite herpétique Apraxie Peu ou pas de troubles sensitivomoteurs Quadranopsie supérieure Aphasie transcorticale motrice Manque d’incitation verbale Répétition et compréhension normales Région préfrontale Aire motrice supplémentaire Noyaux gris Infarctus ACA ACA-ACM Hématome Tumeur Syndrome frontal Dysarthrie Hémiplégie crurale Aphasie transcorticale sensorielle Compréhension perturbée avec répétition conservée et langage « creux ». Manque du mot Jonction temporo-occipitale Thalamus Infarctus ACP étendu Alzheimer Infarctus de jonction postérieur Démence Hémianopsie Aphasie transcorticale mixte Langage écholalique Zones de jonction entre territoires sylvien et cérébral antérieur et postérieur Infarctus de jonction étendu uniou bilatéral (hypotension, hypoxie, arrêt cardiaque) Troubles de l’attention Hémiplégie crurale unibilatérale ou jonction ou *Trouble n’appartenant pas au domaine de l’aphasie proprement dite. ACA : artère cérébrale antérieure ; ACM : artère cérébrale moyenne ; ACP : artère cérébrale postérieure. constitue l’expression, dans le langage oral, d’un trouble fondamental du maniement de la phonologie, pouvant se manifester par ailleurs dans l’écriture ou dans la lecture sous la forme respectivement de l’agraphie et de l’alexie phonologiques. Sa corrélation anatomique la plus constante est l’atteinte du gyrus supra-marginalis. ¶ Aphasies transcorticales Types de lésions pouvant causer une aphasie transcorticale motrice Ce sont celles du cortex prémoteur et préfrontal (aires 6 et 8 ; aires 9, 10 et 11 ; aires 44, 45, 46) d’une part, celles de l’aire motrice supplémentaire et des voies qui en viennent cheminant dans la substance blanche juste en avant de la corne frontale d’autre part. Il faut en rapprocher les lésions donnant des états prolongés de mutisme. du langage »), soit à une lésion profonde de la substance blanche ou du thalamus. La survenue aiguë d’une aphasie transcorticale mixte serait pathognomonique d’une occlusion carotidienne gauche. ¶ Aphasie globale L’aphasie globale est due soit à une lésion étendue de l’hémisphère gauche (infarctus sylvien total par exemple), soit à une lésion profonde interrompant à la fois les voies motrices efférentes issues de l’hémisphère gauche et les fibres d’origine calleuse provenant de l’hémisphère droit. L’évolution pourrait être meilleure dans ce dernier cas, laissant tout de même persister une réduction sévère et durable de la fluence verbale. Sur le plan étiologique, il convient de noter qu’une aphasie globale aiguë sans hémiplégie est caractéristique d’un accident vasculaire cérébral de mécanisme embolique [178]. ¶ Aphasies sous-corticales Aphasie transcorticale sensorielle Aphasies par lésions du thalamus et du striatum Elle se présente comme une aphasie de Wernicke sans trouble de la répétition avec souvent une écholalie. Les lésions ne sont pas univoques : sur la convexité de l’hémisphère gauche, elles touchent les aires 37 et 39, elles peuvent s’étendre aux aires voisines 21 en avant, 18 et 19 en arrière. D’autres fois, elles siègent en profondeur dans la partie de la substance blanche irriguée par l’artère cérébrale postérieure. L’aphasie transcorticale mixte est due soit à une lésion entourant les aires périsylviennes en couronne (« isolement des aires C’est l’étude des troubles du langage consécutifs aux lésions des noyaux gris et en particulier du thalamus qui a conduit à la description du syndrome d’« aphasie sous-corticale », au sens actuel d’aphasie « dissidente », et dont on peut rappeler ici les trois niveaux de perturbation (Cambier [25]) : – dynamique attentionnelle et intentionnelle de la communication ; – choix lexical et cohérence sémantique ; 21 Aphasie 17-018-L-10 CORTEX FRONTAL CORTEX MOTEUR FRAA + C L A + Boucle audiphonatoire FA NR NC _ _ PALL _ VA + CM PUL CORTEX AUDITIF C L P SYSTÈME SÉMANTIQUE CORTEX VISUEL 4 Rôle présumé des structures sous-corticales dans le contrôle de la production du langage. D’après Crosson [35, 36]. Le pallidum (PALL) inhibe en permanence le noyau ventral antérieur (VA). Le noyau caudé (NC), lorsqu’il est stimulé, inhibe luimême le pallidum. Lorsqu’un segment linguistique est formulé par le « cortex linguistique antérieur » (CLA), celui-ci active partiellement le noyau caudé, mais cette action est insuffisante pour mettre en marche le système. Grâce aux connexions entre CLA et CLP (« cortex linguistique postérieur »), lesquelles passeraient notamment par le pulvinar (PUL), le contenu sémantique du segment linguistique formulé par le CLA est contrôlé par le CLP, qui active à son tour le noyau caudé. Le niveau d’activation de celui-ci devient alors suffisant pour inhiber le pallidum, levant l’inhibition du VA et permettant l’exécution du programme moteur nécessaire à l’énonciation de la phrase. Le thalamus reçoit également les projections du cortex frontal relayées en partie par le noyau réticulaire (NR), et de la formation réticulée activatrice ascendante (FRAA) relayée par le centre médian (CM). Des opérations réalisables sans recours au système sémantique comme la répétition et la lecture à haute voix, sont assurées par l’ensemble CLP-faisceau arqué (FA)-CLA, et ne sont pas affectées par l’atteinte du dispositif précédent – exécution motrice de la parole. Crosson [35] , en s’appuyant sur les observations cliniques et l’imagerie fonctionnelle, a proposé un modèle incluant le thalamus, les noyaux caudé et lenticulaire, plusieurs aires corticales et leurs connexions réciproques, dont s’inspire la figure 4. Les noyaux thalamiques appelés à jouer un rôle dans le langage seraient le ventral antérieur, le noyau réticulaire, le centre médian et le pulvinar. L’hypophonie et la dysarthrie s’expliqueraient par une atteinte du noyau ventrolatéral, celle du noyau antérieur et des faisceaux mamillothalamique et amygdalo-dorso-médian expliquant les troubles de la mémoire verbale. Pour rendre compte des particularités sémiologiques des aphasies sous-corticales, Crosson fait l’hypothèse d’un « engagement sélectif » de l’attention en vue de la sélection lexicale, engagement dans lequel le thalamus jouerait un rôle essentiel. En effet, en langage spontané ou même en dénomination, le choix lexical est une opération beaucoup moins contrainte, parce que moins automatisée, que ne le sont par exemple la lecture ou la répétition. Il mobilise de ce fait une charge attentionnelle élevée, et représente pour cette raison le maillon faible de la chaîne de production verbale. La défaillance de cet engagement sélectif provoque une instabilité de l’interface lexicosémantique, d’où une sélection approximative dans un stock lexical par ailleurs intact. Cette interprétation vise à expliquer la singularité de certaines paraphasies et la fréquence des glissements sémantiques, parfois favorisés par un certain degré de désinhibition où interviennent les connexions thalamofrontales. Les cas d’aphasie thalamique avec déficits lexicosémantiques catégoriels (anomie pour les noms propres [126] ou pour les termes médicaux [36]) sont des arguments supplémentaires en faveur de l’implication du thalamus dans les processus sémantiques. Aphasies par lésions de la substance blanche Comme l’ont montré Puel et al [145], une lésion sous-corticale donne, dans 50 % des cas, une aphasie de type « cortical » (Broca, Wernicke, 22 Neurologie aphasie globale). L’imagerie fonctionnelle a révélé en pareil cas le rôle de l’hypométabolisme cortical à distance (diaschisis inter- et intra-hémisphérique), affectant l’activité neuronale des aires du langage pourtant épargnées par la lésion [119, 127]. Le parallélisme parfois observé entre la régression du diaschisis et la récupération accrédite l’idée que l’aphasie, liée avant tout à une dysconnexion, n’est alors « sous-corticale » qu’en apparence, expliquant les analogies sémiologiques avec les aphasies classiques. Naeser et al [133] puis Alexander (1989) [102] ont étudié des séries de patients ayant une aphasie par lésions de la substance blanche sous-corticale, dont ils ont effectué un repérage topographique en secteurs : – la substance blanche périventriculaire, comprenant un secteur antérolatéral situé autour des cornes frontales (qui inclut notamment le faisceau sous-calleux) et un secteur supérieur divisé en trois parties (tiers antérieur, moyen et postérieur) ; – la substance blanche sous-corticale ; – les isthmes frontal et temporal situés respectivement entre les extrémités antérieure et postérieure du cortex insulaire et les ventricules latéraux ; – la capsule interne (bras antérieur, bras postérieur et genou). Une lésion de la substance blanche périventriculaire antérolatérale entraîne un mutisme transitoire suivi d’une réduction plus durable du langage spontané. Il peut exister également un manque du mot et parfois des paraphasies sémantiques, mais le défaut d’initiation de la parole et de l’écriture est le trouble essentiel. Ces symptômes résulteraient d’une interruption des voies issues de l’aire motrice supplémentaire et du cortex moteur associatif. Une lésion de la substance blanche périventriculaire supéroantérieure donne des symptômes identiques avec, en outre, une dysarthrie, une hémiparésie et une apraxie de la main gauche, dus à une dysconnexion à la fois intra-hémisphérique (entre le lobe pariétal et le cortex moteur associatif) et inter-hémisphérique entre les cortex moteurs associatifs droit et gauche. Une lésion de la substance blanche supéropostérieure est pratiquement sans effet sur le langage. Une lésion combinée de la substance blanche antérolatérale et supérieure (tiers antérieur et moyen) suffit, en coupant à la fois la voie motrice et le faisceau sous-calleux, à entraîner une suspension durable de l’expression orale ou une production réduite à quelques stéréotypies. Ces lésions multiples de la substance blanche périventriculaire joueraient un rôle primordial dans les formes persistantes d’aphasie de Broca. Une lésion de la partie antérieure de l’isthme temporal donnerait un trouble modéré de la compréhension du langage oral en interrompant les connexions entre le corps genouillé médian et le cortex auditif, déficit encore majoré en cas de lésion périventriculaire supéropostérieure associée. Une lésion postérieure de l’isthme temporal serait responsable d’un tableau proche de l’aphasie transcorticale sensorielle. Les atteintes de la substance blanche sous-jacente à l’opercule frontal ou au cortex central inférieur sont associées à des paraphasies phonémiques. La dysconnexion ainsi réalisée entre l’aire de Wernicke et l’opercule frontal serait une des causes possibles des substitutions phonémiques particulièrement fréquentes dans l’aphasie de conduction. CORRÉLATIONS ANATOMOCLINIQUES DES SYMPTÔMES APHASIQUES (tableau II) L’analyse neuropsychologique d’un trouble du langage ne permet pas toujours d’aboutir à un diagnostic syndromique précis. Le tableau de chaque patient, s’il peut être inclus dans l’une des grandes catégories de la classification précédente, présente souvent des spécificités qui nécessitent une analyse plus poussée. L’étude des symptômes pris isolément a l’avantage d’une moindre ambiguïté dans les définitions, et elle offre la possibilité d’une quantification (pourcentage d’erreurs ou de réussite à des épreuves de dénomination, compréhension, fluence) et d’une qualification (proportion des différents types de paraphasies, ou des erreurs phonologiques versus lexicales, par exemple) que ne permet pas l’approche syndromique globale. Malgré ce surcroît de précision, les Aphasie Neurologie 17-018-L-10 Tableau II. – Corrélations des symptômes aphasiques (d’après [3] et [93]). Symptômes Surdité verbale pure Alexie pure Troubles lexicosémantiques • Troubles de la compréhension - trouble purement verbal - trouble sémantique - dissociation en fonction du contenu : - objets animés (prépondérance des processus d’identification) - objets inanimés (prépondérance des processus d’utilisation) - dissociation en fonction du statut grammatical - noms - verbes • Anomie - langage spontané et épreuves de dénomination - langage spontané seulement - par entrée visuelle Paraphasies verbales Lésions Aires 41 et 42 (gauches ou bilatérales) Lésion occipitale gauche : - cortex + splénium - substance blanche sous-corticale • Néocortex temporal gauche (aires 41, 42 et 22) - lésion limitée - lésion étendue (22, 37, 40) - lésion inférieure (temporo-occipitale) - lésion supérieure (temporopariétale) - cortex temporal - cortex frontal dorsolatéral ou pariétal - aires corticales périsylviennes et toute lésion étendue - lésions sous-corticales - lésion occipitale gauche • Lésions frontales, temporales et sous-corticales Persévérations • Noyau caudé Paraphasies phonémiques • Aires 40 et 22 Réduction de la production orale « Aphasies non fluentes » Syntaxe et discours • Pertes de l’initiative verbale, mutisme régressif • Déficit plus durable • Troubles du discours (lacunaire, tronqué, diffluent) • Syntaxe Répétition résultats des études à visée épidémiologique et de corrélation lésionnelle portant sur les caractéristiques élémentaires des troubles du langage se heurtent à une difficulté que la plus précise des méthodologies ne peut vaincre, celle de la variabilité étiologique. Les modifications du langage dues à une lésion cérébrale sont influencées non seulement par la topographie de la lésion, mais par la nature et la vitesse d’installation de celle-ci, deux facteurs ayant une influence décisive sur la réorganisation fonctionnelle du cerveau, sur laquelle va, en définitive, reposer le tableau clinique observé. Les données supposées acquises sur les corrélations clinicoanatomiques des symptômes aphasiques sont donc à nuancer sensiblement en fonction de l’étiologie et de l’évolution de la maladie causale. Ces importantes réserves étant faites, nous faisons figurer dans le tableau II ces corrélations, tirées d’études portant sur des séries de patients cérébrolésés examinés par IRM [3, 93]. CERVEAU ET LANGAGE ¶ Aires de Broca et de Wernicke L’aire de Broca est le support de la fonction syntaxique du langage. Cette fonction comprend non seulement l’utilisation des mots grammaticaux, mais aussi le maniement des verbes et, en particulier, de l’expression et de la compréhension des verbes d’action. Les autres éléments de l’ensemble syndromique constituant l’« aphasie de Broca », telle qu’elle fut décrite par son auteur, sont imputables à l’atteinte de structures avoisinantes : cortex moteur operculaire (troubles arthriques et phonétiques), cortex pariétal inférieur (troubles phonémiques), cortex frontal dorsolatéral (dynamique du discours, mémoire de travail verbale, incitation verbale, inhibition des persévérations, cohérence sémantique). L’aire motrice supplémentaire et le gyrus cingulaire gauche interviendraient dans l’incitation verbale, et les structures sous-corticales dans les aspects moteurs, ainsi que dans la cohérence sémantique. • Lésions frontales postéro-inférieures et sous-corticales • Lésions frontales sous-corticales étendues • Putamen • Lésions rolandiques et sous-rolandiques • Aire motrice supplémentaire et/ou gyrus cingulaire antérieur • Lésion associée du corps calleux et de la substance blanche adjacente - Cortex préfrontal - Structures sous-corticales • Aire de Broca Insula et capsule externe L’anatomie fonctionnelle de l’aire de Wernicke a été décrite sous des formes tellement variées qu’il est difficile de prétendre actuellement en donner une vision exacte ou même cohérente [ 1 8 7 ] . Schématiquement, il est possible de retenir que la partie postérieure du gyrus temporal moyen et les régions avoisinantes (aires 22, 21 et 37 de Brodmann) sont concernées par le traitement lexical et la correspondance lexicosémantique. Des sous-spécialisations catégorielles semblent exister, avec une relation fonctionnelle préférentielle entre les noms d’animaux et êtres animés et le cortex temporal latéral inférieur, les noms d’objets manufacturés et le cortex temporal postérosupérieur à la jonction avec le lobe pariétal. Le gyrus temporal supérieur et le gyrus supramarginal (aire 40) sont, quant à eux, responsables du traitement phonologique, ainsi que de la mémoire verbale à court terme. Le gyrus temporal supérieur luimême répond à la stimulation par des sons de parole (stimulation phonétique), mais seule sa partie antérieure serait activée lorsque le stimulus forme un message intelligible [157]. ¶ Architecture tridimensionnelle des aires cérébrales du langage Alexander [3] a proposé les correspondances suivantes entre les structures de l’hémisphère cérébral gauche et le langage envisagé comme un ensemble de systèmes fonctionnels complémentaires : – un système d’initiation impliquant l’aire motrice supplémentaire et peut-être le cingulum antérieur. Ces structures projettent sur le cortex frontal dorsolatéral via la substance blanche périventriculaire antérolatérale ; – un système de production de la parole assurant la qualité de l’articulation et du volume vocal incluant l’opercule frontal et le cortex moteur inférieur, qui projettent sur les noyaux gris centraux (putamen et noyaux caudés) via la substance blanche 23 Aphasie 17-018-L-10 périventriculaire supérieure antérieure et moyenne, le genou de la capsule interne et la partie postérieure du bras antérieur de la capsule interne ; – un système d’organisation phonémique impliquant l’opercule frontal, le cortex moteur inférieur et leurs efférences (substance blanche périventriculaire supérieure, antérieure et moyenne), ainsi que l’aire de Wernicke et ses connexions vers l’opercule frontal qui cheminent dans la substance blanche sous-corticale ; – un système de compréhension auditive comprenant le cortex auditif, l’aire de Wernicke, le cortex associatif temporopariétal et les projections du thalamus sur le cortex d’association auditif via l’isthme temporal ; – un système sémantique qui impliquerait le thalamus antérieur et latéral, la jonction temporo-occipito-pariétale, ainsi que leurs connexions empruntant l’isthme temporal postérieur et la substance blanche périventriculaire postérieure et supérieure. APPORTS DE L’IMAGERIE FONCTIONNELLE (tableau III) Les hypothèses visant à corréler les processus cognitifs à l’anatomie cérébrale doivent désormais se confronter non plus seulement aux données morphologiques, mais à celles de l’imagerie fonctionnelle. ¶ Techniques L’imagerie fonctionnelle utilise trois types de protocoles : Neurologie – études du débit sanguin et/ou du métabolisme cérébral régional au repos chez les aphasiques, permettant d’une part d’identifier des régions hypométaboliques au-delà des lésions vues en imagerie morphologique (diaschisis) et, d’autre part, d’effectuer des corrélations clinicométaboliques ; – études d’activation chez des aphasiques visant à comprendre les mécanismes de la récupération ; – études d’activation chez le sujet normal visant à repérer les régions cérébrales dont le métabolisme est modifié au cours d’une tâche donnée. Les études au repos font généralement appel à la TEP, les activations à la TEP ou à l’IRMf. Nous avons fait figurer dans le tableau III un choix de données recueillies chez le sujet sain ou aphasique, au repos ou en activation. Compte tenu de la véritable explosion que connaît aujourd’hui la recherche dans ce domaine, cette brève mise au point doit être considérée comme provisoire. ¶ Résultats Les premières mesures du débit sanguin cérébral chez des patients aphasiques remontent à 1978 [172], montrant pour la première fois une diminution du débit sanguin cérébral plus étendue que la lésion visible au scanner. La confirmation que cet hypodébit reflète en réalité un hypométabolisme à distance de la lésion a été apportée par la TEP dès 1981 [119]. L’intérêt de ces constatations est renforcé Tableau III. – Études en imagerie fonctionnelle chez le sujet sain ou aphasique. Références Étude Imagerie Génération de mot : commentaire sur test de Rorschach IRMf Volontaires sains Corrélation entre production verbale et aires 22, 39 et 40 gauches Bookheimer et al, 2000 [18] Langage « automatique » : répétition de phonèmes, mois de l’année, passage de prose appris par cœur IRMf Volontaires sains Mois versus phonèmes : activation postérosupérieure du cortex temporal postéro supérieur G Récit versus mois : aire de Broca G Embick et al, 2000 [53] Lecture : détection d’erreurs syntaxiques versus orthographiques IRMf Volontaires sains Activation prédominante de l’aire de Broca au cours de la tâche syntaxique Hickok et al, 2000 [75] Dénomination subvocale IRMf Volontaires sains Activation région dorsale postérieure du gyrus temporal supérieur gauche Ohyama et al, 1996 [137] Répétition de mots TEP Volontaires sains Activation bilatérale à prédominance gauche du cortex frontal postéro-inférieur et temporal postérosupérieur Ohyama et al, 1996 [137] Répétition de mots TEP Aphasiques Activation droite plus marquée que chez les volontaires sains, mais performances corrélées à l’activation gauche Scott et al, 2000 [157] Compréhension orale : sons versus phonèmes versus parole intelligible TEP Volontaires sains Activation du sillon temporal supérieur par la parole, mais de sa partie antérieure seulement si elle est intelligible Friederici et al, 2000 [65] Compréhension orale : phrases versus listes de mots et de non-mots IRMf Volontaires sains Langage normal : activation aires auditives primaires et secondaires bilatérales Traitement syntaxique : opercule frontal gauche Mummery et al, 1999 [132] Audition parole versus bruit TEP Volontaires sains Activation temporale postérosupérieure gauche Mummery et al, 1999 [132] Audition parole versus bruit TEP Aphasiques Activation temporale postérosupérieure droite [185] Compréhension orale et génération de verbes TEP Volontaires sains Activation aires de Wernicke et Broca (génération de verbes) gauches et, à un moindre degré, droites Weiller et al, 1995 [185] Compréhension orale et génération de verbes TEP Aphasie de Wernicke Activation aire de Broca gauche et aires de Broca et Wernicke droites Rosen et al, 2000 [151] Génération de mots versus lecture IRMf Infarctus FIG (aire de Broca) Activation aire de Broca D ; activation résiduelle aire de Broca G corrélée aux performances Miura et al, 1999 [121] Tâches verbales IRMf 1 aphasie de Broca Activation croissante de l’aire de Broca gauche avec la récupération Adair et al, 2000 [1] Lecture de non-mots avant et après rééducation TEMp 1 alexie phonologique Apparition d’une activation hémisphérique droite (cortex périsylvien postérieur et aire de Broca) après rééducation Calvert et al, 2000 [124] Épreuve de rimes IRMf 1 aphasie de Broca Activation frontale droite symétrique de l’aire de Broca Kircher et al, 2000 Weiller et al, 1995 [89] Sujets Résultats Certains résultats ont été présentés de façon séparée pour plus de clarté. Les « résultats » mentionnés dans ce tableau, résumés en quelques mots, ne donnent qu’une idée très incomplète des travaux réalisés, et le lecteur intéressé est invité à se reporter aux articles originaux. IRMf : imagerie par résonance magnétique fonctionnelle; TEP : tomographie par émission de positons ; TEMP : tomographie par émission monophotonique ; FIG : frontal inférieur gauche ; G : gauche ; D : droit(e). 24 Aphasie Neurologie par les études de débit sanguin et/ou de métabolisme cérébral au cours de la récupération des syndromes aphasiques. Pionniers en ce domaine, Weiller et al [185] ont mesuré le débit sanguin cérébral au repos, puis au cours d’une tâche de langage chez des patients ayant récupéré d’une aphasie de Wernicke, et comparé les résultats avec ceux d’un groupe de sujets normaux. Chez ces derniers, les tâches linguistiques entraînaient une augmentation du débit sanguin cérébral affectant presque exclusivement les aires corticales temporales et frontales gauches, tandis que chez les patients cérébrolésés, l’augmentation portait également sur les aires homologues de l’hémisphère droit. Ces résultats suggèrent que la récupération de l’aphasie repose en partie sur la mise en œuvre de zones hémisphériques droites qui ne sont pas mises en jeu par le langage en temps habituel. Malheureusement, comme l’ont montré des études en TEP ou en IRMf [121, 137, 151], la compétence linguistique de ces aires vicariantes est généralement insuffisante pour assurer une récupération de qualité. Dans les trois études citées, les patients, aphasiques en cours de récupération, soumis à des tâches de langage, voient leur débit sanguin augmenter lors de cette activation dans des proportions variables, mais la qualité de la récupération clinique est seulement corrélée à l’activation des aires corticales gauches juxtalésionnelles épargnées par la lésion, et jamais aux activations des aires corticales homologues de l’hémisphère droit. Par conséquent, chez les sujets adultes clairement latéralisés, les chances de récupération reposent avant tout sur la préservation d’une partie des aires normalement dévolues au langage au niveau de l’hémisphère gauche. LANGAGE ET PRÉFÉRENCE MANUELLE La dominance gauche pour le langage varie de façon linéaire avec la préférence manuelle, passant de 96 % chez les droitiers stricts à 27 % chez les gauchers stricts [90]. Ces chiffres montrent aussi que chez les trois quarts des gauchers, une lésion gauche risque d’être génératrice d’aphasie, et que d’authentiques aphasies croisées peuvent survenir chez seulement 4 % des droitiers. Chez les droitiers, les lésions hémisphériques droites symétriques des aires du langage dans l’hémisphère gauche donnent des troubles de la prosodie ou du maniement d’aspects implicites du langage, ainsi que de la reconnaissance de ces caractéristiques chez l’interlocuteur, suivant que les lésions sont antérieures ou postérieures (voir supra). Les sujets gauchers ayant une dominance gauche pour le langage ont, comme les droitiers, un planum temporale plus étendu à gauche qu’à droite, mais aussi un corps calleux plus épais que les sujets dont la dominance manuelle et linguistique concorde [122]. Ce fait suggère que la répartition dans les deux hémisphères des représentations motrices liées à la dominance manuelle et des aires du langage se traduit par une nécessité accrue de communication interhémisphérique. Troubles de la parole en dehors de l’aphasie Il s’agit des troubles dus à la perturbation de la motricité des organes phonatoires, quelle qu’en soit la cause : affections des muscles, de la plaque motrice, du nerf périphérique, du système pyramidal et des systèmes de contrôle cérébelleux et extrapyramidal. L’examen neurologique commence par l’écoute de la production du malade et l’examen des organes phonatoires. Les résultats de l’écoute sont entachés de subjectivité et l’examen ne permet pas toujours un diagnostic précis. Si nécessaire, on peut compléter cet examen par un enregistrement de la production vocale, permettant une analyse plus précise des capacités articulatoires, de la prosodie, de la qualité de la voix et du débit. Il est classique de proposer des épreuves de tenue de son, de répétition de phrases incluant les intonations déclaratives, interrogatives et exclamatives. Cet examen apporte des indications sur la hauteur, le timbre et l’intensité de la voix et permet d’identifier les altérations de la parole : faiblesse articulatoire, explosion excessive, assourdissement, imprécision des phonèmes. 17-018-L-10 Des méthodes instrumentales peuvent être utilisées en milieu spécialisé. La laryngoscopie indirecte ou mieux directe par fibroscope nasal permet de voir l’aspect des cordes vocales et leur mobilité. La laryngostroboscopie permet l’examen du fonctionnement des cordes vocales au cours de la voix chantée. Les examens électromyographiques et cinéradiographiques renseignent sur l’amplitude des mouvements articulatoires et les mesures aérodynamiques étudient les mouvements d’expansion et de contraction du thorax et le volume d’air utilisé lors de la respiration et lors de la phonation. Les études acoustiques reposent sur l’examen oscillographique. Il s’agit de l’analyse physique de l’onde sonore qui est visualisée sur un écran cathodique et peut être filmée. Cette technique permet l’analyse de l’intensité sonore, de la fréquence fondamentale, de la structure acoustique et de la durée des différents segments de la parole (phonèmes, mots, phrases), ainsi que de la durée des pauses. TROUBLES DE LA VOIX (DYSPHONIES) Leur diagnostic repose sur la laryngoscopie, montrant l’aspect et la mobilité des cordes vocales, et sur l’examen neurologique qui met en évidence d’éventuels troubles associés. On décrit des paralysies et des dysphonies fonctionnelles. ¶ Dysphonies paralytiques L’innervation des muscles laryngés est assurée en totalité par la dixième paire crânienne ou nerf pneumogastrique (X). Dans la paralysie des cordes vocales par atteinte du X, la voix est faible, parfois chuchotée, soufflée ou présente des cassures en fausset. Des variantes existent selon que l’atteinte est uni- ou bilatérale (les troubles sont évidemment plus marqués dans ce dernier cas) et selon que la totalité du territoire du nerf ou seulement certaines de ses branches sont atteintes. Les atteintes globales sont dues soit à une lésion centrale (bulbaire), soit à une neuropathie, les lésions partielles à une compression distale (intrathoracique ou cervicale). Dans les lésions totales, une paralysie du voile avec nasonnement et troubles de la déglutition s’ajoute aux troubles de la voix. Une paralysie bilatérale des nerfs récurrents fixe les cordes vocales en adduction, donnant une dyspnée inspiratoire intense associée à une dysphonie. Une dyspnée laryngée sans dysphonie doit faire évoquer un syndrome de Gerhardt (paralysie sélective des dilatateurs de la glotte), qui peut être d’origine centrale (atteinte partielle du noyau ambigu au cours du syndrome de Shy et Drager), ou périphérique (polyradiculonévrite). On décrit enfin des cas de paralysie idiopathique des cordes vocales, plus souvent unilatérale (plus fréquente à gauche) que bilatérale, d’évolution régressive et qui constitueraient une forme de mononeuropathie des nerfs crâniens. ¶ Dysphonies « fonctionnelles » – Des phénomènes de conversion hystérique peuvent comporter mutisme ou voix chuchotée, ou soufflée, enrouée, en fausset. Le diagnostic se fait sur la conservation de la toux qui atteste d’une capacité conservée de fermeture glottique. – La dysphonie spasmodique est une forme de dystonie focale. La voix est heurtée, bégayante, étranglée, produite avec effort. Le trouble est variable, exagéré lors des émotions, parfois absent lors d’une émission imprévue. À la laryngoscopie, il existe un spasme en adduction des cordes. Elle peut s’accompagner d’un tremblement de la voix. Son traitement repose sur l’injection locale de toxine botulinique. TROUBLES DE L’ARTICULATION (DYSARTHRIES) ¶ Sémiologie des dysarthries Darley et al [40] distinguent : – une dysarthrie flasque (paralysies périphériques : polyradiculonévrites, myasthénie, paralysie bulbaire progressive) : faiblesse articulatoire, forte nasalité, découplage de la parole et de la respiration ; 25 17-018-L-10 Aphasie – une dysarthrie spastique (syndromes pseudobulbaires) : faiblesse articulatoire, parole lente, de tonalité basse, voix rauque et étranglée ; – une dysarthrie ataxique (syndromes cérébelleux) : accentuation excessive et inégalement répartie, prolongation des phonèmes et des intervalles, irrégularités dans la parole spontanée et la répétition, lenteur d’élocution, intensité vocale souvent excessive et irrégulière ; – une dysarthrie hypokinétique (maladie de Parkinson) : parole monotone dans sa hauteur et son intensité, d’intensité globalement réduite, de rapidité variable, comportant de courtes accélérations et des silences inappropriés, parfois, une palilalie ; – une dysarthrie hyperkinétique rapide des chorées où la précision de l’articulation, le nasonnement et l’intensité varient rapidement d’un moment à l’autre, celle des myoclonies où existent des interruptions rythmiques de la parole et des nasonnements et celle du syndrome de Gilles de la Tourette. – une dysarthrie hyperkinétique lente (athétose, dyskinésies et dystonies) : variations de la qualité articulatoire, prosodie excessive et inadaptée, troubles intermittents de la voix ; – une dysarthrie des tremblements (surtout tremblement essentiel) : voix chevrotante du fait d’altérations rythmiques en hauteur et en intensité ; – une dysarthrie mixte : (SLA, SEP, maladie de Wilson) (voir infra) ; – sclérose latérale amyotrophique combinant une atteinte périphérique et pyramidale ; – sclérose en plaques qui combine des éléments paralytiques et cérébelleux ; – maladie de Wilson de type hypokinétique avec monotonie de l’accentuation, baisse de la hauteur et de l’intensité se distinguant de la dysarthrie parkinsonienne par l’absence d’épisode d’accélération. ¶ Étiologie des dysarthries Accidents vasculaires cérébraux Le syndrome dysarthrie-main malhabile [61] comporte une parésie faciale centrale, une dysarthrie et une dysphagie combinées à une incoordination manuelle unilatérale, de mécanisme tantôt cérébelleux tantôt ataxique. Deux topographies lésionnelles sont possibles : le pied de la protubérance à l’union du tiers supérieur et du tiers moyen ou le genou de la capsule interne dans sa partie supérieure, régions où les fibres pyramidales sont relativement dispersées et où une atteinte sélective du contingent corticobulbaire est possible. Un tableau analogue pourrait être dû à un infarctus cortical, mais il existe alors un trouble sensitif péribuccal associé. Une dysarthrie mixte (parétique et cérébelleuse) accompagne également le syndrome d’hémiparésie ataxique, dû à une lésion protubérantielle ou capsulaire interne. Une dysarthrie parétique est fréquente au cours des lésions vasculaires sous-corticales affectant la voie motrice principale ou les noyaux gris, et peut même résumer la symptomatologie après lésion putaminale. Autres causes Les causes des dysarthries sont trop nombreuses pour être passées en revue ici. Nous insisterons seulement sur celles dont le diagnostic peut être difficile parce qu’elles constituent le signe inaugural ou prédominant de la maladie. Dans la sclérose latérale amyotrophique à début bulbaire et surtout pseudobulbaire, la parole est lente, l’articulation faible, la voix nasonnée, rauque et étranglée avec une perte de la prosodie. La motilité de la langue est réduite. Des troubles de la déglutition peuvent être associés. En cas d’atteinte du motoneurone périphérique, l’examen montre une atrophie et des fasciculations de la langue, avec, à l’électromyogramme (EMG), des signes neurogènes dans la houppe du menton ou la langue et, en cas 26 Neurologie d’atteinte centrale, une exagération du réflexe massétérin et une labilité émotionnelle. La conservation du réflexe du voile contraste avec une motilité volontaire médiocre. La myasthénie peut réaliser un tableau très proche, mais il n’y a ni fasciculations de la langue ni signes centraux. On peut recueillir la notion d’une variabilité des troubles ou la mettre en évidence par une épreuve de fatigabilité phonatoire (par exemple, compter jusqu’à 100). Le diagnostic repose sur le test à la prostigmine ou au chlorure d’édrophonium. Dans la sclérose en plaques, de brefs épisodes de dysarthrie sont un exemple typique des manifestations paroxystiques de la maladie. Dans la maladie de Wilson, la dysarthrie serait, en fréquence, le deuxième signe révélateur après le tremblement. Il s’agit d’une dysarthrie typiquement hypokinétique avec une parole lente, monotone et de faible volume qui s’évanouit avant la fin de la phrase. Sa survenue chez un adolescent doit absolument faire évoquer le diagnostic. Il s’y associe souvent une modification du faciès avec un aspect figé et un peu grimaçant et une rétraction de la lèvre supérieure qui donne au malade un air souriant mais niais. Une dysarthrie progressive peut marquer le début d’une dégénérescence corticobasale ou d’une atrophie corticale focale progressive (voir « Étiologies »). BÉGAIEMENT Il s’agit d’un trouble de la parole caractérisé par des répétitions ou prolongations involontaires de l’émission d’un son : syllabe ou mot. Il s’y associe souvent une activité accessoire de l’appareil du langage, donnant l’apparence d’une lutte ainsi qu’un état émotionnel avec peur, tension, irritations [152]. Le bégaiement se rencontre plus souvent chez l’homme que chez la femme et nettement plus souvent chez l’enfant que chez l’adulte, ce qui implique que beaucoup de cas, trois sur quatre environ, guérissent en chemin. L’incidence familiale et même génétique est certaine puisque le bégaiement est concordant à 90 % chez les jumeaux vrais et à 20 % chez les dizygotes. Le bégaiement disparaît lors du chant, de la parole en inhalation et, le plus souvent, de la lecture à haute voix. L’audition d’un bruit blanc ou de la parole différée du patient le fait également disparaître, ce qui impliquerait le contrôle auditif dans la pathogénie des troubles. Mais l’attention est surtout retenue par la possibilité d’un désordre laryngé. Les blocages surviennent le plus souvent au début des phrases et souvent à la transition entre sons voisés qui demandent une adduction des cordes et sons non voisés qui s’accompagnent de leur relâchement. Surtout, on a observé chez les bègues un trouble de la relation entre agonistes et antagonistes du larynx. Ce trouble peut être observé chez les bègues, même lorsque la parole apparaît fluente, mais non dans l’imitation du bégaiement, par des bègues ou des sujets normaux. Différentes théories du bégaiement ont été proposées [143]. Certaines insistent sur le rôle de la dominance cérébrale pour le langage qui serait imparfaite chez ces sujets. Les études de dominance manuelle ont donné des résultats incertains. Les autres théories sont d’ordre psychodynamique : le bégaiement normal du jeune enfant qui apprend la parole par essais et erreurs serait pérennisé par une attitude inadéquate de l’entourage qui cristallise autour de la parole anxiété et crainte de l’échec. Malgré un large succès d’opinion, ces théories ne semblent pas avoir été suivies de résultats thérapeutiques satisfaisants. Des lésions cérébrales peuvent être responsables d’un pseudobégaiement [101], présentant des différences sémiologiques avec le bégaiement idiopathique : les blocages ne surviendraient pas seulement au début des phrases et persisteraient dans la lecture, la répétition et le chant. Les lésions sont vasculaires ou traumatiques, concernant le plus souvent les aires motrices ou les noyaux gris [68]. La lésion responsable peut être droite ou gauche. Dans ce dernier cas, le trouble est souvent associé à une aphasie sans qu’il y ait toutefois de parallélisme dans l’évolution. Certains cas d’aphasie transcorticale motrice peuvent faire exception : la difficulté à Aphasie Neurologie progresser dans le discours, la tendance à la répétition peuvent être directement responsables du bégaiement. Un bégaiement de l’enfance disparu peut aussi réapparaître à l’occasion d’une affection neurologique, accident vasculaire cérébral [131] ou maladie de Parkinson [163]. Aphasie de l’enfant L’aphasie de l’enfant est « un trouble du langage consécutif à une atteinte objective du système nerveux central et survenant chez un sujet ayant déjà acquis un certain niveau de connaissance verbale » [160], c’est-à-dire l’âge d’acquisition des premières phrases, estimé en moyenne à 2 ans [179]. Un trouble du langage plus précoce entre dans la catégorie des « dysphasies de développement ». Le diagnostic d’aphasie chez l’enfant exclut aussi les troubles de la communication liés à un déficit sensoriel ou intellectuel, à un autisme ou à une psychose, et les troubles de la parole comme le bégaiement. Un mutisme peut être délicat à interpréter, car il peut représenter la phase initiale d’une aphasie aiguë. SÉMIOLOGIE Les progrès des connaissances du développement du langage de l’enfant et l’analyse plus fine des troubles d’expression et de compréhension ont montré que la sémiologie est moins éloignée qu’on ne le croyait autrefois de celle de l’adulte, avec cependant une meilleure récupération dont les mécanismes restent hypothétiques. Dans 85 % des cas, les troubles expressifs prédominent sur les troubles de compréhension et la réduction peut aller jusqu’au mutisme à la phase initiale. En fait, certains mutismes, posttraumatiques notamment, sont dus à une inhibition psychologique qu’il faut savoir lever pour mettre en évidence la sémiologie proprement aphasique. La syntaxe serait plus incorrecte que simplifiée [2]. Dans ce domaine, il est très important de comparer avec l’expression de l’enfant du même âge, tout en sachant qu’il existe une grande variabilité dans le développement normal. Les troubles articulatoires seraient fréquents, sans toutefois de stéréotypies ni de persévérations motrices [2] , mais les études donnent des résultats contradictoires. Les aphasies sensorielles sont, comme chez l’adulte, marquées par des troubles de la compréhension, une articulation et une syntaxe conservées et des paraphasies. Contrairement à ce qui est observé chez l’adulte, il semble exister, avant l’âge de 8 ans, une corrélation inverse entre l’abondance des paraphasies et la fluidité du débit verbal. L’influence de l’âge de survenue de l’aphasie sur l’intensité des troubles de la compréhension est débattue [2]. En revanche, quand ils sont importants à la phase aiguë, ces troubles semblent de pronostic défavorable [180]. Toutes les autres formes classiques d’aphasie de l’adulte (aphasies transcorticales motrice et sensorielle, aphasie de conduction) ont également été décrites chez l’enfant, avec des localisations lésionnelles analogues, suggérant une spécialisation précoce des aires cérébrales du langage. Les troubles de la lecture peuvent être importants et durables. Ils peuvent impliquer l’analyse graphémique, le décodage et la compréhension. Quant aux capacités d’écriture, elles n’ont donné lieu à aucune étude détaillée. Cependant, Alajouanine et Lhermitte [2] et Hécaen [72] ont rapporté que le langage écrit était plus perturbé que le langage oral et que ces difficultés avaient tendance à persister, pouvant jouer un rôle important dans l’échec scolaire ultérieur de ces enfants. ÉTIOLOGIES Les traumatismes crâniens sont la première cause d’aphasie chez l’enfant. L’aphasie succède souvent à un coma initial suivi d’une phase de mutisme akinétique. Le pronostic est lié à la gravité des lésions plus encore qu’à l’âge. Les accidents vasculaires (dus à des 17-018-L-10 troubles de la coagulation, des malformations vasculaires ou des cardiopathies emboligènes) donnent des aphasies identiques à celles des adultes ayant des lésions de même topographie. Même si ces aphasies vasculaires de l’enfant sont moins bénignes qu’on ne l’avait supposé autrefois, leur évolution est comparativement plus favorable que chez l’adulte. Les infections bactériennes génératrices d’aphasie sont devenues rares chez l’enfant. En revanche, l’encéphalite herpétique est une cause d’aphasie sensorielle pouvant laisser de lourdes séquelles. Les tumeurs, plus souvent localisées à la fosse postérieure qu’aux hémisphères cérébraux, sont une cause d’aphasie beaucoup plus rare que chez l’adulte. Elles donnent surtout lieu à une anomie. PRONOSTIC ET RÉCUPÉRATION Le pronostic est nettement plus favorable que chez l’adulte, mais 25 à 50 % des enfants aphasiques auraient encore des troubles du langage 1 an après le début [179]. Une épilepsie est un élément défavorable. D’autre part, les lésions diffuses et/ou bilatérales (souvent d’étiologie infectieuse) sont de mauvais pronostic [181]. Lenneberg [106] a esquissé une évolution en fonction de l’âge d’acquisition de la lésion. De 18 mois à 3 ans, on observe une reprise de l’acquisition du langage après une brève période de mutisme dont le caractère aphasique n’est pas démontré. Cette reprise se fait selon le schéma du développement normal : lallations, mots isolés, holophrases, mais à un rythme accéléré. Entre 3 et 4 ans, les troubles aphasiques sont rapidement résorbés. De 4 à 10 ans, le tableau d’aphasie de l’enfant typique (expression réduite, mais troubles de compréhension modérés) se résorbe plus lentement, sans que la vitesse de récupération soit clairement influencée par l’âge au moment de la lésion [110]. « PRIX DE LA RÉCUPÉRATION » [179] Lenneberg a considéré la plasticité cérébrale comme le facteur expliquant la meilleure récupération de l’enfant. Cette plasticité a pour conséquence le transfert des capacités de langage, que les aires initialement prévues sont devenues incapables d’assumer, vers l’hémisphère contralatéral ou vers d’autres aires du même hémisphère. Un effet pervers de ce mécanisme serait d’empêcher les aires nouvellement investies de fonctions linguistiques d’accomplir leur spécialisation dans des processus non verbaux, expliquant ainsi une partie des difficultés scolaires que rencontrent les enfants aphasiques en cours de récupération dans de multiples domaines cognitifs autres que le langage. Une autre explication pour ces difficultés serait la présence de lésions présentes initialement au niveau de ces mêmes aires « vicariantes », mais passées inaperçues en raison de leur relative discrétion par rapport à l’aphasie. Les conséquences de ces lésions sur les capacités cognitives non verbales deviendraient apparentes à la reprise d’une activité nécessitant une mobilisation de l’ensemble du fonctionnement cérébral. SYNDROME DE LANDAU-KLEFFNER Le syndrome de Landau-Kleffner (SLK) associe une aphasie acquise et des anomalies paroxystiques à l’électroencéphalogramme (EEG), ainsi qu’une épilepsie dans 70 % des cas [99]. Les deux tiers des patients sont des garçons. Le début se fait dans 80 % des cas entre 3 et 8 ans, dans 45 % des cas par une aphasie, dans 16 % des cas par une épilepsie et dans 17 % par les deux simultanément [9]. L’aphasie débute par des troubles de la compréhension orale, pouvant être pris pour une surdité, puis comporte des paraphasies et des erreurs phonémiques, une inattention et une agnosie auditives. Il peut s’y associer une hyperkinésie. Dans les cas les plus précoces (10 %), l’aphasie peut se présenter comme un retard de langage. Les tests montrent une préservation des capacités non verbales. Les crises d’épilepsie, quand elles surviennent, peuvent évoquer une épilepsie à paroxysmes rolandiques, ou se présenter sous la forme de clignements, de déviation du regard, de petits automatismes moteurs ou de chute de la tête, suivis ou non d’une généralisation 27 17-018-L-10 Aphasie secondaire. L’EEG est un élément essentiel du diagnostic. Il montre, sur une activité de fond normale, des pointes et pointes-ondes de grande amplitude à 2 Hz de topographie variable dans l’espace et dans le temps, mais à prédominance temporale (50 % des cas) ou temporo-occipitale (un tiers des cas). Ces anomalies sont bilatérales, mais il a été montré par des tests pharmacologiques que le point de départ est unilatéral avec une diffusion contralatérale [129]. Les anomalies sont accentuées au cours du sommeil lent, où elles peuvent prendre l’aspect d’un état de mal. Les signes EEG sont les plus fréquents entre 3 et 5 ans, et disparaissent toujours au plus tard après 15 ans. L’imagerie morphologique (scanner et IRM) est normale. Les mesures de débit sanguin et de métabolisme cérébral peuvent montrer des zones d’hypo- ou d’hypermétabolisme correspondant aux foyers EEG [37, 71]. Les anomalies métaboliques sont purement corticales, sans altérations au niveau du thalamus [114]. La magnétoencéphalographie et les enregistrements par électrodes corticales ont démontré que le maximum des anomalies paroxystiques se situe à la partie postérieure de la face dorsale de la première circonvolution temporale, en arrière du gyrus de Heschl [129]. L’évolution des troubles du langage est d’autant plus sévère que le début est précoce, pouvant aboutir à un tableau proche d’une surdi-mutité. À l’inverse, l’épilepsie est peu invalidante et régresse toujours totalement avant l’âge de 15 ans. La normalisation de l’aphasie suit celle des tracés EEG. Cependant, 10 % des enfants gardent une aphasie grave, et 40 % des difficultés suffisantes pour compromettre leur insertion scolaire et sociale ultérieure. Le diagnostic différentiel [171] comporte l’autisme et les retards globaux de développement (dans lesquels les troubles cognitifs sont plus diffus), les retards mentaux symptomatiques (dans lesquels il existe des anomalies cliniques et en imagerie), les épilepsies bénignes de l’enfant (où il n’y a pas de troubles du langage), et les aphasies de développement (où manquent les signes EEG). Le SLK est aujourd’hui considéré comme une forme clinique du syndrome de pointes-ondes continues du sommeil lent (POCS) [48, 171] . L’activité épileptique persistante bilatérale empêcherait, au niveau d’un cortex temporal encore immature, la formation des réseaux neuronaux nécessaires à l’acquisition du langage, sans possibilité de compensation par le cortex contralatéral (contrairement aux aphasies lésionnelles, dont la récupération est bien meilleure chez l’enfant). L’épilepsie, lorsqu’elle existe, répond en général favorablement à un traitement par benzodiazépines, associées ou non à du valproate. Le traitement à visée étiologique varie selon la gravité des troubles du langage. Lorsque ces derniers sont sévères ou durables, la corticothérapie est recommandée. Des succès ont été obtenus par la chirurgie (transsections sous-piales intracorticales multiples [129]) et par les immunoglobulines intraveineuses [120]. PRISE EN CHARGE DES ENFANTS APHASIQUES Dans les cas d’aphasie de l’enfant comme dans ceux de syndrome de Landau-Kleffner, une prise en charge pluridisciplinaire est souhaitable. Un bilan orthophonique est nécessaire, même dans les cas où le langage est cliniquement satisfaisant. En effet, des troubles linguistiques discrets (de discrimination phonémique notamment) peuvent ne se révéler handicapants que plus tard, au moment de l’acquisition du langage écrit. Les troubles plus importants nécessitent naturellement une rééducation. Elle doit s’accompagner d’un examen psychologique pour évaluer la composante psychoaffective du mutisme ou des troubles du comportement. Lors de la prise en charge de ces enfants, il est sage d’éviter de formuler trop tôt un pronostic, celui-ci étant incertain en l’état actuel des connaissances. Rééducation des troubles du langage La bibliographie concernant la rééducation des troubles du langage est désormais importante et nous renvoyons le lecteur à des ouvrages récents (Azouvi et al [7], Eustache et al [58], Seron et Van Der Linden [162]). 28 Neurologie RÉCUPÉRATION SPONTANÉE La restauration des mécanismes du langage dépend de multiples facteurs qui viennent peser sur la récupération spontanée et l’efficacité des techniques thérapeutiques. ¶ Mécanismes neurophysiologiques Ils incluent la levée du diaschisis et les phénomènes de plasticité cérébrale et de vicariance. Des travaux récents utilisant les techniques d’imagerie fonctionnelle (TEP et IRMf) ont ainsi confirmé le rôle tantôt de régions intrahémisphériques gauches, tantôt de l’hémisphère droit dans la récupération de certaines fonctions linguistiques. De plus, ils ont montré que la rééducation, même à distance de la survenue de la lésion cérébrale pouvait améliorer les performances déficitaires et modifier la réorganisation cérébrale (patients suivis en thérapie mélodique et rythmée, alexie phonologique rééduquée 25 ans après un accident vasculaire). ¶ Facteurs liés à la lésion La taille de la lésion est le facteur prédictif de récupération le plus important. L’étiologie est mentionnée avec une influence plus positive lors de traumatismes crâniens que de lésions vasculaires. Aucun résultat généralisable n’apparaît en ce qui concerne le site de la lésion, ni le tableau clinique. ¶ Variables individuelles Les données concernant l’âge sont parfois contradictoires, mais la présence d’affections associées au cours du vieillissement pèse sur les capacités de récupération. La préférence manuelle semble avoir un impact, avec un avantage pour les gauchers (en raison d’une organisation fonctionnelle cérébrale moins asymétrique que chez les droitiers). Le niveau d’éducation aurait surtout une influence dans le profil du tableau aphasique. Les effets liés au sexe et au multilinguisme restent peu démonstratifs. La motivation et les facteurs psychosociaux qui sont vraisemblablement très importants ont été peu étudiés. STRATÉGIES DE RÉÉDUCATION Trois grandes orientations peuvent être distinguées. ¶ Approche empirique L’intervention est basée sur la stimulation et/ou le réapprentissage et s’appuie essentiellement sur des faits sémiologiques. Cette démarche intuitive a inspiré durant des décennies les premières techniques de rééducation. Si elle manque de justification théorique, elle s’avère néanmoins souvent efficace et peut être rapidement mise en place chez des patients pour lesquels un diagnostic de type cognitif paraît difficilement envisageable. ¶ Approche cognitive Ce type d’intervention, qui s’est développé depuis la fin des années 1980, montre beaucoup plus de rigueur théorique, tant dans l’évaluation et l’interprétation des troubles que dans la délimitation des objectifs de rééducation et des techniques choisies. Son principal inconvénient réside dans la longueur des analyses devant conduire au diagnostic cognitif, lequel consiste à faire des hypothèses sur les mécanismes cognitifs lésés et préservés par rapport à un modèle de fonctionnement du sujet sain. Cependant, cette étape de diagnostic est tout à fait indispensable pour la mise en place de la thérapie. Cette approche peut être envisagée même pour des patients souffrant d’atteintes cognitives multiples (perturbation de la voie phonologique de lecture + déficit d’accès au lexique phonologique de sortie…). Dans ce cas, plusieurs objectifs sont fixés et le thérapeute choisira d’y répondre dans le cadre d’interventions soit successives, soit simultanées. ¶ Approche pragmatique (ou écologique) Elle est centrée sur la communication. L’objectif de la thérapie n’est pas la production de messages linguistiques normaux ou corrects Aphasie Neurologie du point de vue formel, mais l’utilisation optimale de toutes les capacités résiduelles de communication (mimiques, gestes, dessins). Un des premiers exemples est la PACE (Promotion Aphasic’s Communicative Efficiency) mise au point par Davis et Wilcox [42] qui utilise diverses formes de communication non verbale et tient compte des paramètres de la conversation spontanée avec le respect de tours de parole pour susciter des échanges dans une situation de communication naturelle. Cette thérapie est applicable à divers moments de la prise en charge. Au stade initial, elle est intéressante pour la mise en place de tableaux de communications. Elle est de règle quand les essais de restauration des fonctions linguistiques s’avèrent infructueux. Elle a pour avantage de favoriser les échanges dans des situations moins arbitraires que celle de l’examen orthophonique et sans doute de favoriser les transferts dans la vie quotidienne, mais l’étendue de la communication reste limitée. La rééducation en groupe, entre aphasiques ou avec des membres de l’entourage, s’inscrit également dans ce type d’intervention. MISE EN ŒUVRE DE LA RÉÉDUCATION Les stratégies concernent les procédés mis en place en vue de l’amélioration des performances ; il s’agit de restauration, de réorganisation d’une fonction ou d’utilisation de stratégies palliatives. ¶ Restauration Cette stratégie vise à rétablir une conduite linguistique selon son mode de fonctionnement antérieur à la lésion cérébrale. Ce rétablissement peut s’appuyer sur des techniques de réapprentissage ou de facilitation. Réapprentissage Il s’applique aux perturbations résultant d’une dégradation des représentations ou des procédures. Il est utilisé par exemple dans le cas d’agraphie lexicale où le patient garde la possibilité d’écrire en utilisant la voie phonologique de transposition phonème-graphème, mais présente une atteinte des représentations orthographiques qui se traduit par des erreurs de régularisation (hôpital → opital, second → segon, antenne → entaine). Le travail consiste à réacquérir la connaissance orthographique spécifique des mots. Ce réapprentissage peut être soutenu par des techniques d’associations de dessins venant souligner et s’intriquer dans les lettres à mémoriser. C’est le cas également de techniques visant à restaurer des représentations sémantiques à travers des exercices portant sur les traits sémantiques constitutifs d’un concept (évocation, différences entre deux concepts proches…). Techniques basées sur la facilitation Elles sont utilisées en cas de défaut d’accès à l’information versus dégradation des représentations. Dans le cas d’un trouble de la dénomination ayant pour origine un déficit d’accès au lexique phonologique de sortie, plusieurs modes de facilitation peuvent être fournis au patient : clef phonémique, c’est-à-dire première syllabe du mot, ou phonème initial, induction du mot en fin de phrase ou encore répétition et lecture à haute voix pour déclencher la production du mot cible. Sur le plan théorique, il s’agit de restaurer l’accès phonologique (et plus exactement d’abaisser les seuils d’activation des unités lexicales se trouvant anormalement élevés [76]) en amenant le patient à produire le mot cible de façon itérative. Ce procédé est ancien et son effet bénéfique à long terme avait été contesté. Il a été au contraire démontré dans bon nombre d’études récentes très rigoureuses sur le plan méthodologique, tant du point de vue du diagnostic cognitif que de l’application de la thérapie et de l’évaluation de son efficacité. ¶ Réorganisation Elle est utilisée quand les stratégies de réapprentissage ou de facilitation s’avèrent inefficaces. Elle vise à contourner le déficit par 17-018-L-10 le recours à des mécanismes ou à des voies préservés qui servent de relais. Plusieurs publications ont montré l’intérêt et l’efficacité de cette stratégie. Dans le cas d’un trouble de dénomination résultant d’un déficit d’accès au lexique phonologique de sortie et associé à des troubles modérés du langage écrit, la thérapie s’était donné pour objectif de réorganiser cet accès en prenant appui sur la représentation orthographique des mots. Dans un premier temps, un travail a porté sur la restauration des capacités de transposition graphème-phonème (voie phonologique de lecture). Dans un second temps, en situation de dénomination, le thérapeute a amené le patient à d’abord se représenter mentalement le mot écrit ou au moins ses premières lettres, à lire à haute voix ces premiers graphèmes et à utiliser cette verbalisation comme clef phonémique en vue de produire le mot cible. Il s’agit donc d’accéder à la forme phonologique du mot en utilisant un moyen de facilitation phonémique généré à partir de la lecture des premières lettres du mot. ¶ Stratégies palliatives Elles font appel à des procédures de substitution telles que le développement de la communication non verbale par recours aux gestes, mimiques, dessins, pictogrammes. Elles visent parallèlement l’aménagement de l’environnement. Il s’agit ici de recourir à d’autres modes de communication que le langage et d’apprendre à l’entourage familial à modifier et adapter sa parole (débit plus lent), son langage (phrases simples, courtes), ainsi qu’à utiliser ou exagérer les mimiques. La rééducation neuropsychologique s’oriente vers des prises en charges de plus en plus spécifiques et adaptées à un individu particulier. Les différentes approches présentent des intérêts complémentaires et ont parfois recours à des stratégies communes ou aux mêmes exercices. Le rééducateur ne doit pas être partisan d’un seul type de thérapie, et son choix doit être guidé par les perturbations aphasiques du patient. Chez un même individu, différentes approches et stratégies peuvent être envisagées en fonction des phases d’évolution. ÉVALUATION Les tentatives d’évaluation de l’efficacité de la thérapie sont longtemps restées difficilement interprétables en raison de problèmes méthodologiques majeurs qui sont principalement : – le regroupement de patients présentant des profils disparates du point de vue de leurs perturbations cognitives, ou encore du point de vue des variables sociodémographiques et psychologiques ; – l’absence de prise en compte de la diversité des modes de rééducation utilisés. Cet état s’est considérablement modifié grâce au développement de l’approche cognitive dont la rigueur méthodologique appliquée au diagnostic et à la mise en œuvre de la thérapie a également servi la construction de paradigmes d’évaluation fiables. Notons que l’appréciation de l’effet thérapeutique n’est entreprise qu’au niveau individuel. Ces paradigmes permettent de repérer des effets liés à la récupération spontanée, un effet général de la prise en charge et, plus précisément, de déterminer, parmi les techniques disponibles, lesquelles sont les mieux adaptées au trouble. Ils permettent enfin de mieux prendre en considération le retentissement de la thérapie en termes de généralisation à des items ou à des tâches non travaillées. Parallèlement, l’approche fonctionnelle tente également d’élaborer des grilles d’évaluation de la communication verbale et non verbale dans des situations simulant ou reproduisant la vie quotidienne. On peut en effet se demander s’il serait justifié de poursuivre une rééducation sans transfert des acquisitions dans la vie quotidienne. INTERVENTION : QUESTIONS PRATIQUES Sur le plan pratique, il est actuellement difficile de donner des indications généralisables concernant les questions qui suivent. 29 Aphasie 17-018-L-10 ¶ À quel moment la rééducation doit-elle être initiée ? Il faut envisager l’intervention du rééducateur aussitôt que possible. Son rôle consiste alors à informer le patient et sa famille sur ses troubles, sur leur origine et sur les possibilités de prise en charge. Le bon sens veut que la rééducation elle-même débute dès que, et à condition, que l’état de vigilance et de fatigue du patient le permet. La précocité de l’intervention semble essentielle dans les cas de mutisme afin d’éviter l’installation de stéréotypies. Toutefois, de nombreuses études à orientation cognitive ont montré qu’une thérapie pouvait être efficace même longtemps après un accident vasculaire cérébral (plusieurs années) pour des objectifs bien délimités avec des stratégies et des techniques bien définies sur le plan théorique. ¶ À quel rythme la thérapie doit-elle être dispensée ? Les données de la littérature semblent indiquer qu’une prise en charge intensive mène à de meilleurs résultats qu’une prise en charge sporadique. Toutefois, il faut considérer que la rééducation ne se limite pas au travail effectué avec le thérapeute, mais qu’elle inclut le travail fourni par le patient lui-même lorsqu’il a acquis un certain degré d’autonomie. Parfois, il peut être envisagé d’alterner des périodes de prise en charge intensive (six fois par semaine pendant 3 mois suivant l’objectif visé) avec des périodes sans prise en charge. ¶ Quelle est la durée optimale de la thérapie ? Il n’est pas rare de mener des rééducations sur plusieurs années en constatant une amélioration continuelle. Les objectifs évoluent au cours de cette longue prise en charge : si, à la phase initiale, ils visent la restauration totale du langage, ils se tournent, en cas de récupération modérée, vers des objectifs moins ambitieux. De plus, il paraît parfois difficile de travailler d’emblée et parallèlement l’ensemble des mécanismes perturbés (concernant la compréhension, l’écriture et la production orale par exemple) et le rééducateur est contraint de planifier les objectifs sur le plan temporel. La question de la poursuite de la prise en charge en l’absence de bénéfice notable sur la vie quotidienne pose problème, mais est souvent justifiée par un soutien psychologique indispensable. Dans ce cas, il serait déraisonnable que le rythme des séances soit élevé. Cependant, le travail de deuil des capacités antérieures pour le patient et pour les proches doit faire partie des objectifs de rééducation. Notons que la participation à des associations d’aphasiques permet de faciliter l’acceptation du déficit. Neurologie ASPECTS MÉDICAUX ET PSYCHOLOGIQUES Pour le praticien, neurologue ou médecin généraliste, qui suit un patient aphasique en cours de rééducation, il est essentiel de faire régulièrement l’inventaire des acquis du traitement et de leur traduction en termes de qualité de vie. La rééducation n’a de sens pour le patient que si elle lui permet d’améliorer ses capacités de communication avec l’entourage et le milieu extérieur, et dans certains cas particuliers, mais rarement de façon prioritaire, ses capacités de lecture ou d’écriture. Il est judicieux de confronter régulièrement les données de l’examen du patient avec les témoignages de la famille ou des amis. Un tiers en moyenne des patients rendus aphasiques par un accident vasculaire cérébral souffrent d’un état dépressif. Celui-ci est réactionnel au handicap causé par l’aphasie, et aussi favorisé, dans certains cas, par l’effet direct des lésions sur le système limbique. Les essais de traitement pharmacologique de l’aphasie, visant à lutter contre la réduction de l’expression qui pèse sur les mécanismes d’initiation de la parole dans les aphasies antérieures, n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. En revanche, un traitement antidépresseur, lorsqu’il est justifié, peut faciliter l’adhésion du patient à la rééducation, lever l’inhibition anxieuse, améliorer l’état général en agissant sur le sommeil, et réduire les réactions agressives dont on connaît les effets destructeurs sur l’entourage familial. Les états dépressifs peuvent survenir aussi en cours d’évolution, et il faut savoir les détecter chez un malade ayant des antécédents d’accident vasculaire cérébral et qui se plaint, sans raison organique apparente, d’une aggravation de séquelles aphasiques jusqu’alors stabilisées. Lorsque l’état neurologique et général du patient aphasique permet d’envisager une reprise de l’activité professionnelle, il est essentiel de dresser un bilan des capacités restantes et du potentiel de récupération, et d’en confronter le résultat aux exigences du poste de travail définies par le médecin du travail. Ces précautions visent à éviter soit de négliger une possibilité de reprise par surestimation de la difficulté, soit au contraire, par une reprise prématurée ou mal préparée, de risquer une situation d’échec qui rendrait les tentatives ultérieures encore plus hasardeuses. Enfin, on ne saurait trop insister sur l’importance de l’évaluation de l’aphasie dans le cadre de l’expertise médicolégale. L’expert doit savoir, chaque fois que la complexité, voire l’apparente discrétion des troubles l’impose, dépasser l’examen sommaire du langage effectué au cours de l’examen neurologique et demander un bilan de langage fait par un(e) orthophoniste connaissant parfaitement l’aphasie, sous peine de pénaliser le patient en sous-estimant ses séquelles neuropsychologiques. Références [1] Adair JC, Nadeau SE, Conway TW, Gonzalez-Rothi LJ, Heilman PC, Green IA et al. Alterations in the functional anatomy of reading induced by rehabilitation of an alexic patient. Neuropsychiatry Neuropsychol Behav Neurol 2000 ; 13 : 303-311 [2] Alajouanine T, Lhermitte F. Acquired aphasia in children. Brain 1965 ; 88 : 653-662 [3] Alexander MP. Aphasia : clinical and anatomic aspects. In : Feinberg TE, Farah MJ eds. Behavioral neurology and neuropsychology. New York : McGraw-Hill, 1997 : 133-149 [4] Anderson JM, Gilmore R, Roper S, Crosson B, Bauer RM, Nadeau S et al. Conduction aphasia and the arcuate fasciculus: a reexamination of the Wernicke-Geschwind model. Brain Lang 1999 ; 70 : 1-12 [5] Ans B, Carbonnel S, Valdois SA. Connectionist multipletrace model for polysyllabic word reading. Psychol Rev 1998 ; 105 : 678-723 [6] Arnett PA, Rao SM, Hussain M, Swanson SJ, Hammeke TA. Conduction aphasia in multiple sclerosis: a case report with MRI findings. Neurology 1996 ; 47 : 576-578 [7] Azouvi P, Perrier D, Van derLinden M. La rééducation en neuropsychologie : études de cas. Marseille : Solal, 1999 [8] Baxter D, Warrington EK. Ideational agraphia: a single case study. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1986 ; 49 : 369-374 [9] Beaumanoir A. Le syndrome de Landau-Kleffner. In : Roger J, Bureau M, Dravet C, Dreyfus FE, Perret A, Wolf P éd. Les syndromes épileptiques de l’enfant et de l’adolescent. Paris : John Libbey, 1992 : 231-244 30 [10] Beauvois MF, Derouesné J. Phonological processing in reading: data from alexia. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1979 ; 42 : 1125-1132 [11] Beauvois MF, Dérouesné J. Lexical or orthographic agraphia. Brain 1981 ; 104 : 21-49 [12] Béland R, Peretz I, Baum S, Valdois S. La sphère auditivovocale. In : Seron X, Van der Linden M éd. Traité de neuropsychologie clinique, Tome 1. Marseille : Solal, 2000 : 157-186 [13] Benson DF, Sheramata WA, Bouchard R, Segarra JM, Price D, Geschwind N. Conduction aphasia: a clinicopathological study. Arch Neurol 1973 ; 28 : 339-346 [14] Bock K, Levelt W. Language production. In : Gernbacher MA ed. Handbook of psycholinguistics. San Diego : Academic Press, 1994 : 945-978 [15] Bogousslavsky J, Assal G, Regli F. Infarctus du territoire de l’artère cérébrale antérieure gauche II : Troubles du langage. Rev Neurol 1987 ; 143 : 121-127 [16] Bogousslavsky J, Regli F. Unilateral watershed infarcts. Neurology 1986; 36 : 373-377 [17] Bogousslavsky J, Regli F, Assal G. Acute transcortical mixed aphasia. Brain 1988 ; 111 : 631-634 [18] Bookheimer SY, Zeffiro TA, Blaxton TA, Gaillard PW, Theodore WH. Activation of language cortex with automatic speech tasks. Neurology 2000 ; 55 : 1151-1157 [19] Boucart M, Hénaff MA, Belin C. Vision : aspects perceptifs et cognitifs. Marseille : Solal, 1998 [20] Broussolle E, Bakchine S, Tommasi M, Laurent B, Bazin B, Cinotti L et al. Slowly progressive anarthria with late anterior opercular syndrome: a variant form of frontal cortical atrophy syndromes. J Neurol Sci 1996 ; 144 : 44-58 [21] Bub D, Kertesz A. Deep agraphia. Brain Lang 1982 ; 17 : 146-165 [22] Butterworth B. Disorders of phonological encoding. Cognition 1992 ; 42 : 261-286 [23] Byrne EJ, Lennox G, Lowe J, Godwin-Austen RB. Diffuse Lewy body disease: clinical features in 15 cases. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1989 ; 52 : 709-717 [24] Calvert GA, Brammer MJ, Morris RG, Williams SC, King N, Matthews PM. Using fMRI to study recovery from acquired dysphasia. Brain Lang 2000 ; 71 : 391-399 [25] Cambier J. Les aphasies sous-corticales. In : Eustache F, Lechevalier B éd. Langage et aphasie. Bruxelles : De Boeck, 1993 : 71-84 [26] Cambier J, Elghozi D, Graveleau P. Neuropsychologie des lésions du thalamus. Rapport de neurologie du congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française. Paris : Masson, 1982 [27] Cambier J, Graveleau P, Decroix JP, Elghozi D, Masson M. Le syndrome de l’artère choroïdienne antérieure. Étude neuropsychologique de 4 cas. Rev Neurol 1983 ; 139 : 553-559 [28] Caramazza A. How many levels of processing are there in lexical access?Cogn Neuropsychol 1997 ; 14 : 177-208 Neurologie [29] Caramazza A, Miceli G, Villa G, Romani C. The role of the graphemic buffer in spelling: evidence from a case of acquired dysgraphia. Cognition 1987 ; 26 : 59-85 [30] Carbonnel S. Les dyslexies centrales : implications pour les modèles de la lecture. In : Carbonnel S, Gillet P, Martory MD, Valdois S éd. Approche cognitive des troubles de l’écriture chez l’enfant et l’adulte. Marseille : Solal, 1996 : 207-224 [31] Carbonnel S, Gillet P, Martory MD, Valdois S. Approche cognitive des troubles de l’écriture chez l’enfant et l’adulte. Marseille : Solal, 1996 [32] Censori B, Manara O, Agostinis C, Camerlingo M, Casto L, Galavo B et al. Dementia after first stroke. Stroke 1996 ; 27 : 1205-1210 [33] Cole SJ, Fraser DE, Whittle IR. Rapid resolution following chemotherapy of Broca’s dysphasia due to recurrent anaplastic astrocytoma. Br J Neurosurg 1994 ; 8 : 205-208 [34] Croot K, Hodges JR, Xuereb J, Patterson K. Phonological and articulatory impairment in Alzheimer’s disease: a case series. Brain Lang 2000 ; 75 : 277-309 [35] Crosson B. Subcortical mechanisms in language: lexicalsemantic mechanisms and the thalamus. Brain Cogn 1999 ; 40 : 414-438 [36] Crosson B, Moberg PJ, Boone JR, Rothi LJG, Raymer AM. Category-specific naming deficit for medical terms after dominant thalamic/capsular haemorrhage. Brain Lang 1997 ; 60 : 407-442 [37] Da Silva EA, Chugani DC, Muzik O, Chugani HT. LandauKleffner syndrome: metabolic abnormalities in temporal lobe are a common feature. J Child Neurol 1997 ; 12 : 489-495 [38] Damasio AR. Signs of aphasia. In : Sarno MT ed. Acquired aphasia. San Diego : Academic Press, 1991 : 27-43 [39] Damasio H. Neuroanatomical correlates of the aphasias. In : Sarno MT ed. Acquired aphasia. San Diego : Academic Press, 1991 : 45-71 [40] Darley FL, Aronson AE, Brown JR. Differential diagnosis patterns of dysarthria. J Speech Hear Disord 1969 ; 12 : 246-269 [41] Darrigaud B, Mazaux JM, Dutheil S, Kolek M, Pradat-Diehl P. Échelle de communication verbale de Bordeaux - ECVB. Isbergues : L’ortho-édition, 2001 [42] Davis A, Wilcox MS. Incorporating parameters of natural conversation in aphasia treatment. In : Chapey R ed. Language intervention strategies in adult aphasia. Baltimore : Williams and Wilkins, 1978 : 169-190 [43] Davous P, Delacourte A. Maladie d’Alzheimer. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Neurologie, 17-056-A-10, 1999 : 1-16 [44] De Renzi E, Pieczuro A, Vignolo LA. Oral apraxia and aphasia. Cortex 1966 ; 2 : 50-73 [45] Dennis M, Warlow C. Migraine aura without headache: transient ischemic attack or not ? J Neurol Neurosurg Psychiatry 1992 ; 55 : 437-440 [46] Didic M, Felician O, Ceccaldi M, Poncet M. Les atrophies corticales focales progressives. Rev Neurol 1999 ; 155 (suppl 4) : S73-S82 [47] Ducarne B. Test pour l’examen de l’aphasie. Paris : ECPA, 1989 [48] Dulac O. Épilepsies et convulsions de l’enfant. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Pédiatrie, 4-091-A-10, 1998 : 1-26 [49] Ellis AW. Normal writing processes and peripheral acquired dysgraphias. Lang Cogn Process 1988 ; 3 : 99-127 [50] Ellis AW, Franklin S, Crerar A. Cognitive neuropsychology and the remediation of disorders of spoken language. In : Riddoch MS, Humphreys GW eds. Cognitive neuropsychology and cognitive rehabilitation. Hove : LEA, 1994 : 287-315 [51] Ellis AW, Kay J, Franklin S. Anomia: differentiating between semantic and phonological deficits. In : Margolin DI ed. Cognitive neuropsychology in clinical practice. New York : Oxford University Press, 1992 : 207-228 [52] Ellis AW, Young AW. Recognising and understanding spoken words. In : Ellis AW, Young AW eds. Human cognitive neuropsychology: a textbook with readings. Hove : Psychology Press, 1996 : 143-161 [53] Embick D, Marantz A, Miyashita Y, O’Neil W, Sakai KL. A syntactic specialization for Broca’s area. Proc Natl Acad Sci USA 2000 ; 97 : 6150-6154 [54] Espir ML, Watkins SM, Smith HV. Paroxysmal dysarthria and other transient neurological disturbances in disseminated sclerosis. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1966 ; 29 : 323-330 [55] Eustache F. Langage, vieillissement et démences. In : Eustache F, Lechevalier B éd. Langage et aphasie. Bruxelles : De Boeck, 1993 : 205-227 [56] Eustache F, Lambert J. Les composantes apraxiques de l’agraphie. In : Le Gall D, Aubin G éd. Apraxie et désordres apparentés. Paris : Édition de la société de neuropsychologie de langue française, 1993 : 164-192 [57] Eustache F, Lambert J, Nore-Mary F. L’agraphie apraxique et les formes périphériques d’agraphie. In : Le Gall D, Aubin G eds. L’apraxie. Marseille : Solal, 2001 [58] Eustache F, Lambert J, Viader F. Rééducations neuropsychologiques. Bruxelles : De Boeck, 1997 [59] Ey H, Bernard P, Brisset C. Manuel de psychiatrie. Paris : Masson, 1978 Aphasie [60] Ferro JM, Madureira S. Aphasia type, age and cerebral infarct localisation. J Neurol 1997 ; 244 : 505-509 [61] Fisher CM. Lacunar strokes and infarcts: a review. Neurology 1982 ; 32 : 871-876 [62] Foix C, Lévy M. Les ramollissements sylviens. Rev Neurol 1927 ; 11 : 1-51 [63] Franklin S, Howard D, Patterson K. Abstract word meaning deafness. Cogn Neuropsychol 1994 ; 11 : 1-34 [64] Franklin S, Turner J, Lambon Ralph MA, Morris J, Bailey PJ. A distinctive case of word meaning deafness?Cogn Neuropsychol 1996 ; 13 : 1139-1162 [65] Friederici AD, Meyer M, VonCramon DY. Auditory language comprehension: an event-related fMRI study on the processing of syntactic and lexical information. Brain Lang 2000 ; 74 : 289-300 [66] Galton CJ, Patterson K, Xuereb J, Hodges JR. Atypical and typical presentations of Alzheimer’s disease: a clinical, neuropsychological, neuroimaging and pathological study of 13 cases. Brain 2000 ; 123 : 484-498 [67] Goodglass H, Kaplan E. The assessment of aphasia and related disorders. Philadelphia : Lea and Febiger, 1972 [68] Grant AC, Biousse V, Cook AA, Newman NJ. Strokeassociated stuttering. Arch Neurol 1999 ; 56 : 624-627 [69] Guillard A, Fénelon G, Mahieux F. Les altérations cognitives au cours de la maladie de Parkinson. Rev Neurol 1991 ; 147 : 337-355 [70] Hannequin D. Modèles de la mémoire sémantique. In : Eustache F, Lechevalier B, Viader F éd. La mémoire : neuropsychologie clinique et modèles cognitifs. Bruxelles : De Boeck, 1996 : 279-297 [71] Harbord MG, Singh R, Morony S. SPECT abnormalities in Landau-Kleffner syndrome. J Clin Neurosci 1999 ; 6 : 9-16 [72] Hécaen H. Acquired aphasia in children: revisited. Neuropsychologia 1983 ; 21 : 581-587 [73] Heilman KM, Safran A, Geschwind N. Closed head trauma and aphasia. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1971 ; 34 : 265-269 [74] Hénaff-Gonon MA, Bruckert R, Michel F. Lexicalization in an anomic patient. Neuropsychologia 1989 ; 27 : 391-407 [75] Hickok G, Erhard P, Kassubek J, Helms-Tillery AK, NaeveVelguth S, Strupp JP et al. A functional magnetic resonance imaging study of the role of left posterior superior temporal gyrus in speech production: implications for the explanation of conduction aphasia. Neurosci Lett 2000 ; 23 : 156-160 [76] Hillis AE, Caramazza A. Theories of lexical processing and rehabilitation of lexical deficits. In : Riddoch MJ, Humphreys GW eds. Cognitive neuropsychology and cognitive rehabilitation. Hove : LEA, 1994 : 449-484 [77] Hillis AE, Caramazza A. The computationality of lexical semantic representation: clues from semantic errors in object naming. Memory 1995 ; 3 : 333-358 [78] Hodges JR, Patterson K, Oxbury S, Funnel E. Semantic dementia. Progressive fluent aphasia with temporal lobe atrophy. Brain 1996 ; 115 : 1783-1806 [79] Horowitz D, Tuhrim S. Stroke mechanisms and clinical presentation in large subcortical infarctions. Neurology 1997 ; 49 : 1538-1541 [80] Humphreys GW, Lamote C, Lloyd-Jones TJ. An interactive activation approach to object processing: effects of structural similarity, name frequency and task in normality and pathology. Memory 1995 ; 3 : 535-586 [81] Humphreys GW, Riddoch MJ, Quinlan PT. Cascade process in picture identification. Cogn Neuropsychol 1988 ; 5 : 67-103 [82] Imamura T, Takatsuki Y, Fujimori M, Hirono N, Ikejiri Y, Shimomura T et al. Age at onset and language disturbances in Alzheimer’s disease. Neuropsychologia 1998 ; 36 : 945-949 [83] Jacobs K, Moulin T, Bogousslavsky J, Woimant F, Dehaene I, Tatu L et al. The stroke syndrome of cortical vein thrombosis. Neurology 1996 ; 46 : 376-382 [84] Joanette Y. Aphasia in left-handers and crossed aphasia. In : Boller F, Grafman J eds. Handbook of neuropsychology. Amsterdam : Elsevier, 1989 : 173-183 [85] Kahana E, Leibowitz U, Alter M. Cerebral muItiple sclerosis. Neurology 1971 ; 21 : 1179-1185 [86] Kanemoto K, Janz D. The temporal sequence of aurasensations in patients with complex focal seizures with particular attention to ictal aphasia. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1989 ; 52 : 52-56 [87] Kertesz A, Martinez-Lage P, Davidson W, Munoz DG. The corticobasal degeneration syndrome overlaps progressive aphasia and frontotemporal dementia. Neurology 2000 ; 55 : 1368-1375 [88] Kertesz A, Phipps JB. Numerical taxonomy of aphasia. Brain Lang 1977 ; 4 : 1-10 [89] Kircher TT, Brammer MJ, Williams SC, McGuire PK. Lexical retrieval during fluent speech production : an fMRI study. Neuroreport 2000 ; 11 : 4093-4096 [90] Knecht S, Dräger B, Deppe M, Bobe L, Lohmann H, Flöel A et al. Handedness and hemispheric language dominance in healthy humans. Brain 2000 ; 123 : 2512-2518 [91] Kohn S, Friedman R. Word-meaning deafness: a phonological-semantic dissociation. Cogn Neuropsychol 1986 ; 3 : 291-308 17-018-L-10 [92] Kohn SE. Conduction aphasia. Hillsdale : LEA, 1992 [93] Kreisler A, Godefroy O, Delmaire C, Debachy B, Leclercq M, Pruvo JP et al. The anatomy of aphasia revisited. Neurology 2000 ; 54 : 1117-1123 [94] Kremin H. Perturbations lexicales : les troubles de la dénomination. In : Seron X, Jeannerod M éd. Neuropsychologie humaine. Bruxelles : Mardaga, 1994 : 375-389 [95] Lambert J. Les dysgraphies périphériques. In : Carbonnel S, Gillet P, Martory MD, Valdois S eds. Approche cognitive des troubles de l’écriture chez l’enfant et l’adulte. Marseille : Solal, 1996 : 237-274 [96] Lambert J. Approche cognitive de la rééducation du langage. In : Eustache F, Lambert J, Viader F éd. Rééducations neuropsychologiques. Bruxelles : De Boeck, 1997 : 43-82 [97] Lambert J, Nespoulous JL. Perception auditive et compréhension du langage. Marseille : Solal, 1997 [98] Lambon Ralph MA, Cipolotti L, Patterson K. Oral naming and oral reading: do they speak the same language? Cogn Neuropsychol 1999 ; 16 : 157-169 [99] Landau WM, Kleffner FR. Syndrome of acquired aphasia with convulsive disorder in children. Neurology 1957 ; 7 : 523-530 [100] Larsen BH, Sorensen PS, Marquardsen J. Transient ischemic attacks in young patients: a thrombo-embolic or migrainous manifestation? J Neurol Neurosurg Psychiatry 1990 ; 53 : 1029-1033 [101] Lebrun Y. Le bégaiement neurogène. Rééduc Orthophon 1992 ; 170 : 217-227 [102] Lechevalier B. Neurobiologie des aphasies. In : Eustache F, Lechevalier B éd. Langage et aphasie. Bruxelles : De Boeck, 1993 : 41-70 [103] Lechevalier B, Lambert J, Eustache F, Platel H. Agnosies auditives et syndromes voisins. Étude clinique, cognitive et physiopathologique. Encycl Méd Chir (Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), Neurologie, 17-021-B-20, 1999 : 1-9 [104] Lecours AR, Navet M, Ross-Chouinard A. Langage et pensée du schizophrène. Confront Psychiatr 1981 ; 19 : 109-144 [105] Lemaire P. Psychologie cognitive. Bruxelles : De Boeck, 1999 [106] Lenneberg E. Biological foundations of language. New York : Wiley, 1967 [107] Levin HS. Aphasia after head injury. In : Sarno MS ed. Acquired aphasia. San Diego : Academic Press, 1991 : 455-498 [108] Levy RM, Bredesen DE. Central nervous system dysfunction in acquired immuno-deficiency syndrome. In : Rosenblum ML, Levy RM, Bredesen DE eds. AIDS and the nervous system. New York : Raven Press, 1988 : 29-63 [109] Loeb C, Gandolfo C. Transient neurologic deficits. In : Vinken PJ, Bruyn GW, Klawans HL eds. Handbook of clinical neurology. Vascular diseases (part 1). Amsterdam : Elsevier, 1990 : 257-290 [110] Loonen MC, Van Dongen HR. Acquired childhood aphasia. Arch Neurol 1990 ; 47 : 1324-1328 [111] Lowry JK, Snyder JJ, Lowry PW. Brain tumors in the elderly : recent trends in a Minnesota cohort study. Arch Neurol 1998 ; 55 : 922-928 [112] Luria AR. Factors and forms of aphasia. In : De Renck ASO’Connor M eds. Disorders of language. London : Churchill Livingstone, 1964 : 1-143 [113] Luria AR. Les fonctions corticales supérieures de l’homme. Paris : PUF, 1978 : 1-570 [114] Maquet P, Hirsch E, Metz-Lutz MN, Motte J, Dive D, Marescaux C et al. Regional cerebral glucose metabolism in children with deterioration of one or more cognitive functions and continuous spike-and-wave discharges during sleep. Brain 1995 ; 118 : 1497-1520 [115] Margolin DI, Goodman-Schulman R. Oral and written spelling impairments. In : Margolin DI ed. Cognitive neuropsychology in clinical practice. New York : Oxford University Press, 1992 : 263-297 [116] Martin N, Saffran EM. A computational account of deep dysphasia: evidence from a single case study. Brain Lang 1992 ; 43 : 240-274 [117] Mazaux JM, Orgogozo JM. Boston diagnostic aphasia examination - HDAE - échelle française. Paris : ESP, 1981 [118] McClelland JL, Elman JL. The TRACE model of speech perception. Cogn Psychol 1986 ; 18 : 1-86 [119] Metter EJ, Wasterlain CG, Kuhl DE, Hanson WR, Phelps ME. 18FDG Positron emission computed tomography in a study of aphasia. Ann Neurol 1981 ; 10 : 1973-1983 [120] Mikati MA, Saab R. Successful use of intravenous immunoglobulin as initial monotherapy in LandauKleffner syndrome. Epilepsia 2000 ; 41 : 880-886 [121] Miura K, Nakamura Y, Miura F, Yamada I, Takahashi M, Yoshikawa A et al. Functional magnetic resonance imaging to word generation task in a patient with Broca’s aphasia. J Neurol 1999 ; 246 : 939-942 [122] Moffat SD, Hampson E, Lee DH. Morphology of the planum temporale and corpus callosum in left handers with evidence of left and right hemisphere speech representations. Brain 1998 ; 121 : 2369-2379 31 17-018-L-10 [123] Mohr JP, Barnett HJ. Classification of ischemic strokes. In : Barnett HJ, Stein BM, Mohr JP, Yatsu FM eds. Stroke. New York : Churchill Livingstone, 1986 : 281-292 [124] Mohr JP, Caplan LR, Melski JW, Goldstein RJ, Duncan GW, Kistler JP et al. The Harvard cooperative stroke registry: a prospective registry. Neurology 1978 ; 28 : 754-762 [125] Mohr JP, Gautier JC, Hier DB, Stein RW. Middle cerebral artery. In : Barnett HJ, Stein BM, Mohr JP, Yatsu FM eds. Stroke. New York : Churchill Livingstone, 1986 : 377-450 [126] Moreaud O, Pellat J, Charnallet A, Carbonnel S, Brennen T. Deficiency in the reproduction and learning proper names after left tubero-thalamic ischemic lesion. Rev Neurol 1995 ; 151 : 93-99 [127] Morin P, Viader F, Eustache F, Lambert J. Rapport de neurologie. Les agraphies. Congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française. Paris : Masson, 1990 [128] Moritz S, Mersmann K, Kloss M, Jacobsen D, Andresen B, Krausz M et al. Enhanced semantic priming in thought-disordered schizophrenic patients using a word pronunciation task. Schizophr Res 2001 ; 48 : 301-305 [129] Morrell F, Whisler WW, Smith MC, Hoepner TJ, De Toledo-Morrell L, Pierre-Louis SJC et al. Landau-Kleffner syndrome. Treatment with subpial intracortical transections. Brain 1995 ; 118 : 1529-1546 [130] Moster ML, Johnston DE, Reinmuth OM. Chronic subdural hematoma with transient neurological deficits. A review of 15 cases. Ann Neurol 1983 ; 14 : 539-542 [131] Mouradian MS, Paslawski T, Shuaib A. Return of stuttering after stroke. Brain Lang 2000 ; 73 : 120-123 [132] Mummery CJ, Ashburner J, Scott SK, Wise RJ. Functional neuroimaging of speech perception in six normal and two aphasic subjects. J Acoust Soc Am 1999 ; 106 : 449-457 [133] Naeser MA, Alexander MP, Helm-Estabrooks N, Levine HL, Laughlin SA, Geschwind N. Aphasia with predominantly subcortical lesion sites. Arch Neurol 1982 ; 39 : 2-14 [134] Navia BA, Price RW. The acquired immunodeficiency dementia complex as the presenting or sole manifestation of human immunodeficiency virus infection. Arch Neurol 1987 ; 44 : 65-69 [135] Nespoulous JL, Lecours AR, Lafond D, Lemay A, Puel M, Joanette Y et al. Protocole Montréal-Toulouse d’examen linguistique de l’aphasie. Isbergues : L’ortho-édition, 1986 [136] Nickels L. Spoken word production and its breakdown in aphasia. Hove : Psychology Press, 1997 [137] Ohyama M, Senda M, Kitamura S, Ishii K, Mishina M, Terashi A. Role of the nondominant hemisphere and undamaged area during word repetition in poststroke aphasics. A PET activation study. Stroke 1996 ; 27 : 897-903 [138] Olmos-lau N, Ginsberg MD, Geller JB. Aphasia in multiple sclerosis. Neurology 1977 ; 27 : 623-626 [139] Orgogozo JM, Bogousslavsky J. Lacunar syndromes. In : Vinken PJ, Bruyn GW, Klawans HL eds. Handbook of clinical neurology. Vascular diseases, part II, Amsterdam : Elsevier, 1989 : 235-269 [140] Ozaki 1, Baba M, Narita S, Matsunaga M, Takabe K. Pure dysarthria due to internal capsule and/or corona radiata infarction. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1986 ; 49 : 1435-1437 [141] Patterson K. Lexical but non semantic spelling?Cogn Neuropsychol 1986 ; 3 : 341-357 [142] Pedersen PM, Jorgensen HS, Nakayama H, Raaschou HO, Olsen TS. Aphasia in acute stroke: incidence, determinants, and recovery. Ann Neurol 1995 ; 38 : 659-666 32 Aphasie [143] Perkins WH. What is stuttering? J Speech Hear Disord 1990 ; 55 : 370-382 [144] Podoll K, Caspary P, Lange HW, Noth J. Language functions in Huntington’s disease. Brain 1988 ; 111 : 1475-1503 [145] Puel M, Demonet JF, Cardebat D, Bonafé A, Gazounaud Y, Guiraud-Chaumeil B, et al. Aphasies sous-corticales. Étude neurolinguistique avec scanner X de 25 cas. Rev Neurol 1984 ; 140 : 695-710 [146] Rapp BC, Caramazza A. Lexical deficits. In : Damasio AR ed. Acquired aphasia. New York : Academic Press, 1991 : 181-222 [147] Rapp BC, Caramazza A. On the distinction between deficits of access and deficits of storage: a question of theory. Cogn Neuropsychol 1993 ; 10 : 113-141 [148] Riddoch MJ, Humphreys GW, Boucart M. Hiérarchie des déficits dans l’agnosie visuelle. In : Boucart M, Hénaff MA, Belin C éd. Vision : aspects perceptifs et cognitifs. Marseille : Solal, 1998 : 259-277 [149] Rodriguez-Ferrera S, McCarthy RA, McKenna PJ. Language in schizophrenia and its relationship to formal thought disorder. Psychol Med 2001 ; 31 : 197-205 [150] Roeltgen DP. Agraphia. In : Heilman KM, Valenstein E eds. Clinical neuropsychology. New York : Oxford University Press, 1993 : 63-89 [151] Rosen HJ, Petersen SE, Linenweber MR, Snyder AZ, White DA, Chapman L et al. Neural correlates of recovery from aphasia after damage to left inferior frontal cortex. Neurology 2000 ; 55 : 1883-1894 [152] Rosenfeld DB, Boller F. Stuttering. In : Fredericks SA ed. Handbook of neurology. Amsterdam : Elsevier, 1985 : 21-46 [153] Rubens AB. Aphasia with infarction in the territory of the anterior cerebral artery. Cortex 1976 ; 11 : 239-250 [154] Sagar HJ, Warlow CP, Sheldon PW, Esiri MM. Multiple sclerosis with clinical and radiological features of cerebral tumor. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1982 ; 45 : 802-808 [155] Schiff HB, Alexander MP, Naeser MA, Galaburda AM. Aphemia: Clinical-anatomic correlations. Arch Neurol 1983 ; 40 : 720-727 [156] Scholtes FB, Renier WO, Meinardi H. Simple partial status epilepticus: causes, treatment, and outcome in 47 patients. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1996 ; 61 : 90-92 [157] Scott SK, Blank CC, Rosen S, Wise R. Identification of a pathway for intelligible speech in the left temporal lobe. Brain 2000 ; 123 : 2400-2406 [158] Segui J, Ferrand L. Leçons de parole. Paris : Odile Jacob, 2000 [159] Seidenberg MS, McClelland JL. A distributed developmental model of word recognition and naming. Psychol Rev 1989 ; 96 : 523-568 [160] Seron X. L’aphasie de l’enfant, quelques questions sans réponses. Enfance 1977 ; 2 : 149-170 [161] Seron X, Van der Linden M. Traité de neuropsychologie clinique : Tome 1 : Évaluation. Marseille : Solal, 2000 [162] Seron X, Van der Linden M. Traité de neuropsychologie clinique : Tome 2 : Rééducation. Marseille : Solal, 2000 [163] Shahed J, Jankovic J. Re-emergence of childhood stuttering in Parkinson’s disease: a hypothesis. Mov Disord 2001 ; 16 : 114-118 [164] Shallice T. Phonological agraphia and the lexical route in writing. Brain 1981 ; 104 : 413-429 [165] Shallice T. From neuropsychology to mental structure. Cambridge : Cambridge University Press, 1988 [166] Shallice T, Warrington EK. Auditory-verbal short-term memory impairment and conduction aphasia. Brain Lang 1977 ; 4 : 479-491 Neurologie [167] Shallice T, Warrington EK, McCarthy R. Reading without semantics. Q J Exp Psychol 1983 ; 35 : 111-138 [168] Siéroff E. Les dyslexies périphériques : principaux syndromes et questions théoriques. In : Carbonnel S, Gillet P, Martory MD, Valdois S éd. Approche cognitive des troubles de l’écriture chez l’enfant et l’adulte. Marseille : Solal, 1996 : 195-206 [169] Siéroff E. Alexie sans agraphie. In : Boucart M, Hénaff MA, Belin C éd. Vision : aspects perceptifs et cognitifs. Marseille : Solal, 1998 : 323-337 [170] Signoret JL, Castaigne P, Lhermitte F, Abelanet R, Lavorel P. Rediscovery of Leborgne’s brain: anatomical description with CT scan. Brain Lang 1984 ; 22 : 303-319 [171] Smith MC. Landau-Kleffner syndrome and continuous spikes and waves during slow sleep. In : Engel J Jr, Pedley TA eds. Epilepsy: a comprehensive textbook. Philadelphia : Lippincott-Raven Publishers, 1997 : 2367-2377 [172] Soh K, Larsen B, Skinhoj E, Lassen NA. Regional cerebral blood flow in aphasia. Arch Neurol 1978 ; 35 : 625-632 [173] Tainturier MJ. Les dysgraphies centrales : état des recherches et nouvelles perspectives. In : Carbonnel S, Gillet P, Martory MD, Valdois S éd. Approche cognitive des troubles de l’écriture chez l’enfant et l’adulte. Marseille : Solal, 1996 : 253-274 [174] Thomas P, Kullman B, Chatel M. État de mal épileptique à expression aphasique. Rev Neurol 1991 ; 147 : 246-250 [175] Tranel D, Biller J, Damasio H, Adams HP, Cornell S. Global aphasia without hemiparesis. Arch Neurol 1987 ; 44 : 304-308 [176] Valdois S, DePartz MP. Approche cognitive des dyslexies et dysorthographies. In : Seron X, van der Linden M éd. Traité de neuropsychologie clinique : Tome 1. Marseille : Solal, 2000 : 157-186 [177] VanGalen GP. Handwriting: issues for a psychomotor theory. Hum Mov Sci 1991; 10 : 165-191 [178] VanHorn G, Hawes A. Global aphasia without hemiparesis. A sign of embolic encephalopathy. Neurology 1982 ; 32 : 403-406 [179] VanHout A. Acquired aphasia in children. Semin Pediatr Neurol 1997 ; 4 : 102-108 [180] VanHout A, Evrard P, Lyon G. On the positive semiology of aphasia in acquired aphasa in children. Dev Med Child Neurol 1985 ; 27 : 231-241 [181] VanHout A, Lyon G. Wernicke’s aphasia in a 10-years old boy. Brain Lang 1986 ; 26 : 268-285 [182] VanZomeren AH, Saan RJ. Psychological and social sequelae of severe head injury. In : Braakman R ed. Handbook of clinical neurology: head injury. Amsterdam : Elsevier Science Publishers, 1990 : 397-420 [183] Warrington EK, Cipolotti L. Word comprehension: the distinction between refractory and storage impairments. Brain 1996 ; 119 : 611-625 [184] Warrington EK, Shallice T. Semantic access dyslexia. Brain 1979 ; 102 : 43-63 [185] Weiller C, Isensee C, Rijntjes M, Huber W, Muller S, Bier D et al. Recovery from Wernicke’s aphasia: a positron emission tomographic study. Ann Neurol 1995 ; 37 : 723-732 [186] Westbury C, Bub D. Primary progressive aphasia. Brain Lang 1997 ; 60 : 381-406 [187] Wise RJ, Scott SK, Blank SC, Mummery CJ, Murphy K, Warburton EA. Separate neural subsystems within ’Wernicke’s area’. Brain 2001 ; 124 : 83-95 [188] Zesiger P. Écrire : Approches cognitive, neuropsychologique et développementale. Paris : PUF, 1995