Formules de Taylor, Développements limités 1 Définition

Universit´e Pierre et Marie Curie 1M001
Formules de Taylor, D´eveloppements limit´es
1 D´efinition
On introduit le d´eveloppement limit´e d’ordre nen x0d’une fonction f: c’est une approximation
(d’autant plus pr´ecise que l’ordre nest grand) de la fonction fau voisinage du point x0par un
polynˆome. L’erreur de l’approximation sera petite devant (xx0)n. On v´erifie bien que cette erreur
devient petite lorsque ngrandit. Math´ematiquement, l’erreur sera de la forme (xx0)nε(xx0)
o`u ε(xx0) est une fonction qui a une limite nulle en x0.
D´efinition. Soit Iun intervalle et f:IRune fonction. Soit x0I. On dit que fadmet en
x0un d´eveloppement limit´e d’ordre n(not´e DLn(x0)) s’il existe des r´eels a0, a1, . . . , antels que
f(x) = a0+a1(xx0) + . . . +an(xx0)n+ (xx0)nε(xx0).
On appellera a0+a1(xx0)+. . .+an(xx0)nla partie polynˆome du DLnet (xx0)nε(xx0)
le reste du DLn.
Exemples. 1) Un polynˆome admet un d´eveloppement limit´e de tout ordre en 0. Si f(x) =
a0+. . .+anxn, alors le DLk(0) de fest a0+a1x+. . .+akxk+xkε(x) si kn, et a0+. . .+anxn+xkε(x)
si kn(en d’autres termes: la partie polynˆome du DLk(0) est obtenue en tronquant fau degr´e k).
Preuve. Notons Pk(x) := a0+a1x+. . .+akxksi k < n et Pk(x) := a0+a1x+. . .+anxnsi kn.
On doit montrer que Pk(x) est un polynˆome de degr´e au plus ket que f(x)Pk(x) = xkε(x) pour
une certaine fonction ε(x) qui v´erifie limx0ε(x) = 0. V´erifions-le: Pk(x) est bien un polynˆome
de degr´e inf´erieur ou ´egal `a k. Si k < n,f(x)Pk(x) = ak+1xk+1 +. . . +anxn=xkε(x) avec
ε(x) := ak+1x+. . . +anxnket on a bien limx0ε(x) = 0. Si kn,f(x)Pn(x) = xnε(x) avec
ε(x) = 0 et on a bien limx0ε(x) = 0.
2) Si une fonction admet un DLn(x0), elle admet un DLk(x0) pour tout kn. Il suffit de
tronquer la partie polynˆome du DLn(x0) au degr´e k.
Remarque. Une fonction n’admet pas forc´ement de d´eveloppement limit´e. On a d´ej`a vu (cf
cours 5) que fadmet un DL1(x0) si et seulement si fest d´erivable en x0.
Remarque. Si fadmet un DLn(x0) avec n1 alors on a n´ecessairement a0=f(x0) et
a1=f0(x0). (cf cours 5).
1
Remarque. La fonction ε(xx0) intervenant dans le DLn(x0) n’a pas besoin d’ˆetre explicit´ee.
C’est une ´ecriture g´en´erique pour d´esigner une fonction qui tend vers 0 quand xtend vers x0.
Remarque. Si fadmet un DLn(x0) de partie polynˆome non nulle, alors fest ´equivalente en
x0`a ak(xx0)ko`u kest le plus petit entier tel que ak6= 0.
Remarque. Soit g(h) := f(x0+h). Alors fadmet un DLn(x0) si et seulement si gadmet un
DLn(0). Si g(h)=a0+a1h+. . . +anhn+hnε(h), alors f(x)=a0+a1(xx0) + . . . +an(xx0)n+
(xx0)nε(xx0). Dans la pratique, on se ram`enera toujours en 0.
Exemple. Supposons que l’on veuille un DL2(1) de la fonction f(x) = x2. On se ram`ene
en 0 en posant x= 1 + h, d’o`u f(1 + h) = (1 + h)2et on cherche le DL2(0) de f(1 + h).
On a f(1 + h) = 1 + 2h+h2+h2ε(h). Finalement, on remplace hpar x1, et on obtient
f(x) = 1 + 2(x1) + (x1)2+ (x1)2ε(x1).
Exemple. Soit f(x) = 1
xpour x > 0 et soit a > 0. Trouver le DLn(a) de f. D’abord on se
ram`ene en 0 en posant x=a+h. On a donc f(a+h) = 1
a+het on cherche le DLn(0) de h1
a+h.
On remarque que 1
a+h=1
a
1
1+(h/a). Or
1xn+1
1x= 1 + x+x2+. . . +xn.
Donc 1
1x= 1 + x+x2+. . . +xn+xnx
1x= 1 + x+x2+. . . +xn+xnε(x).
En rempla¸cant xpar (h/a), on obtient (noter que ε(h/a) est encore un ε(h))
1
1+(h/a)= 1 + (h/a)+(h/a)2+. . . + (h/a)n+ (h/a)nε(h).
Finalement (noter que (1)n1
an+1 ε(h) est encore un ε(h))
1
a+h=1
ah
a2+h2
a3+. . . + (1)nhn
an+1 +hnε(h).
On a donc trouv´e le DLn(0) de la fonction h1
a+h. Finalement on remplace hpar xaet on
obtient 1
x=1
axa
a2+(xa)2
a3+. . . + (1)n(xa)n
an+1 + (xa)nε(xa).
Remarque. Le DLn(0) de la fonction 1 1
1xest un d´eveloppement limit´e usuel qu’il faudra
connaˆıtre par coeur.
Proposition. Si fadmet un DLn(x0), celui-ci est unique.
Preuve. Si f(x)=a0+a1(xx0) + . . . +an(xx0)n+ (xx0)nε1(xx0) et f(x)=b0+b1(xx0) +
. . .+bn(xx0)n+(xx0)nε2(xx0), on obtient par soustraction 0=a0b0+(a1b1)(xx0)+. . .+
(anbn)(xx0)n+(xx0)nε(xx0) avec ε(xx0) := ε1(xx0)ε2(xx0) qui a une limite nulle
2
quand xx0. Supposons par l’absurde que l’un des (aibi) soit non nul, et notons kle plus petit
indice tel que akbk6= 0. Alors 0=(akbk)(xx0)k+. . . +(anbn)(xx0)n+ (xx0)nε(xx0),
et en divisant par (xx0)k,
0=(akbk) + . . . + (anbn)(xx0)nk+ (xx0)nkε(xx0).
On remarque que la limite du terme de droite est akbkquand xx0, et la limite du terme de
gauche est 0. Par unicit´e de la limite, on a donc 0 = akbk, contradiction.
Application. Soit f:RRune fonction admettant un DLn(0) qui s’´ecrit f(x)=a0+a1x+
. . . +anxn+xnε(x). Si fest paire, alors a1=a3=a5=. . . = 0. Si fest impaire, alors
a0=a2=a4=. . . = 0.
Exercice. 1)Si f(x)=1 x+x2+x2ε(x) et g(x)=1 + 4x2+x2ε(x), donner le DL2(0) de f+get
f.g.
2) Donner le DL3(0) de la fonction 1
1xx2.
2 Formules de Taylor
On donne d’abord un r´esultat pr´eliminaire qui peut s’aerer utile. Il dit que l’on a le droit
”d’int´egrer” un d´eveloppement limit´e.
Proposition. Soit Iun intervalle, x0Iet f:IRune fonction. Si fest d´erivable sur I, et
si sa d´eriv´ee f0admet un DLn(x0)
f0(x) = c0+c1(xx0) + . . . +cn(xx0)n+ (xx0)nε(xx0),
alors fadmet un DLn+1(x0)et
f(x) = f(x0) + c0(xx0) + c1
(xx0)2
2+. . . +cn
(xx0)n+1
(n+ 1)! + (xx0)n+1ε(xx0).
Preuve. Soit g(x) := f(x)(f(x0) +c0(xx0)+ c1(xx0)2
2+. . .+cn(xx0)n+1
(n+1)! ). On doit montrer
que g(x)=(xx0)n+1ε(xx0). On a
g0(x) = f0(x)(c0+c1(xx0) + . . . +cn(xx0)n+ (xx0)n)=(xx0)nε(xx0)
par hypoth`ese. Soit x>x0. Comme gest continue sur [x0, x] et d´erivable sur ]x0, x[, le th´eor`eme
des accroissements finis dit qu’on peut trouver c(x)]x0, x[ (on note c=c(x) car cd´epend de x)
tel que g0(c) = g(x)g(x0)
xx0, ce que l’on r´e´ecrit, comme g(x0) = 0,
g(x)=(xx0)g0(c) = (c(x)x0)n+1ε(c(x)x0)=(xx0)n+1 c(x)x0
xx0n+1
ε(c(x)x0).
On remarque que limxx0c(x) = x0. Donc limxx0ε(c(x)x0) = 0. Puisque c(x)]x0, x[, on a
|c(x)x0|≤|xx0|. Donc |c(x)x0
xx0| ≤ 1, et c(x)x0
xx0ε(c(x)x0) est une fonction qui tend vers 0
quand xtend vers x0. Ainsi on peut r´ecrire
g(x) = (xx0)n+1ε(xx0).
3
On raisonne de mˆeme pour montrer que si x<x0, alors on a g(x) = (xx0)n+1ε(xx0). Cela
termine la preuve.
Exemple. On a vu que 1
1+x= 1 x+x2+. . . + (1)nxn+xnε(x) pour tout n0. Donc
ln(1 + x) = xx2
2+x3
3+. . . +(1)n+1
nxn+xnε(x) pour tout n1.
Le th´eor`eme suivant permet de calculer n’importe quel d´eveloppement limit´e d’une fonction
suffisamment r´eguli`ere.
Th´eor`eme. (Formule de Taylor-Young) Soit Iun intervalle, x0I. Soit nun entier et f:IR
une fonction nfois d´erivable sur I. Alors, fadmet un DLn(x0)donn´e par
f(x) = f(x0)+(xx0)f0(x0) + (xx0)2
2f00(x0) + . . . +(xx0)n
n!f(n)(x0)+(xx0)nε(xx0).
Remarque. On appelle la quantit´e Tn(x) := f(x0) + (xx0)f0(x0) + (xx0)2
2f00(x0) + . . . +
(xx0)n
n!f(n)(x0) le polynˆome de Taylor d’ordre nde fen x0. Le th´eor`eme de Taylor-Young dit que
f(x) est proche de Tn(x).
Remarque. On peut avoir fqui admet un DLn(x0) sans avoir f n fois d´erivable. (Ce n’est une
´equivalence que si n= 1). Par exemple, soit f(x) = cos(x) +x3sin 1
xet x0= 0. On remarque que
x3sin 1
x=x2ε(x), donc (cf ci-dessous le DL de cos), f(x)=1x2
4+x2ε(x). On a n´ecessairement
f(0) = 1 (cad fprolongeable par continuit´e en 0 en posant f(0) = 1) et f0(0) = 0. Mais fn’est
pas d´erivable 2 fois en 0. En effet , f0(x)f0(0)
x0=sin(x)
xcos(1/x) + 3xsin(1/x) et: sin(x)
xtend
vers 1, 3xsin(1/x) tend vers 0 tandis que cos(1/x) n’a pas de limite. Donc leur somme n’a pas
de limite (par l’absurde si elle avait une limite, alors cos(1/x) aurait une limite par les th´eor`emes
d’op´eration-somme et soustraction-).
Preuve du th´eor`eme. C’est une preuve par r´ecurrence. On doit donc montrer (Hn): pour toute
fonction f n fois d´erivable sur I, on a f(x) = Tn(x0)+(xx0)nε(xx0).
Pour n= 1: on a f(x) = f(x0) + f0(x0)(xx0)+(xx0)ε(xx0) (voir cours 5). Donc H1est
vraie.
Supposons (Hn) vraie et montrons (Hn+1): Soit fune fonction n+ 1 fois erivable. Comme f0est
nfois d´erivable, on peut appliquer (Hn) qui dit que
f0(x) = f0(x0)+(xx0)f00 (x0)+ (xx0)2
2f(3)(x0)+. . .+(xx0)n
n!f(n+1)(x0)+(xx0)nε(xx0).
Par la proposition pr´ec´edente, fadmet donc un DLn(x0) et
f(x) = f(x0)+(xx0)f0(x0)+ (xx0)2
2f00(x0)+. . .+(xx0)n+1
(n+ 1)! f(n+1)(x0)+(xx0)n+1ε(xx0)
ce qui termine la preuve de la r´ecurrence.
La formule de Taylor-Lagrange est une g´en´eralisation du th´eor`eme des accroissements finis. Il
permet d’avoir une repr´esentation du terme d’erreur dans la formule de Taylor-Young.
4
Th´eor`eme. (Formule de Taylor-Lagrange) Soit nun entier et f: [a, b]Rune fonction n+ 1
fois d´erivable sur ]a, b[et telle que f(n)soit continue sur [a, b]. Alors, il existe c]a, b[tel que
f(b) = f(a)+(ba)f0(a) + (ba)2
2f00(a) + . . . +(ba)n
n!f(n)(a) + (ba)n+1
(n+ 1)! f(n+1)(c).
Preuve. Soit g(x) := f(b)Pn
k=0
f(k)(x)
k!(bx)kA
(n+1)! (bx)n+1. On a g(b) = 0 et on choisit
Atel que g(a) = 0. Comme gest continue sur [a, b] et d´erivable sur ]a, b[, et comme g(a) = g(b), le
th´eor`eme de Rolle implique qu’il existe c]a, b[ tel que g0(c) = 0. Or on remarque que
g0(x) =
n
X
k=0
f(k+1)(x)
k!(bx)k+
n
X
k=1
f(k)(x)
(k1)!(bx)k1+A
n!(bx)nA
(n+ 1)! =(bx)n
n!(Af(n+1)(x)).
De l’´egalit´e g0(c) = 0, on d´eduit donc que A=f(n+1)(c), ce qui termine la preuve du th´eor`eme.
Exercice. Soit fla fonction d´efinie sur Rpar:
f(x) = ex(sin(x) + cos(x)) 1
1) Calculer f0,f00 et f000.
2) En utilisant la formule de Taylor-Lagrange, montrer que pour tout x[π
6,π
6], on a
|f(x)(2x+x2)| ≤ |x3|
3) D´eterminer le plus grand intervalle Isur lequel fest croissante, d´eterminer J=f(I) et montrer
que fest une bijection de Isur J.
4) Soit f1:JIl’application r´eciproque de f. Calculer (f1)0(0).
3 D´eveloppements limit´es usuels
Le th´eor`eme de Taylor-Young permet de trouver les d´eveloppements limit´es de fonctions de classe
C.
Fonction exponentielle
La d´eriv´ee n-i`eme de exp(x) est exp(x). Le DLn(0) de exp(x) s’´ecrit donc
ex= 1 + x+x2
2+. . . +xn
n!+xnε(x).
Pour avoir le DLn(x0) de exp, on ´ecrit h=xx0puis ex=ex0+h=ex0eh. On utilise le DLn(0)
de ehet finalement on remplace hpar (xx0) ce qui donne
ex=ex0+ex0(xx0) + ex0
2(xx0)2+ex0
3! (xx0)3+. . . +ex0
n!(xx0)n+ (xx0)nε(xx0).
On aurait pu aussi utiliser le th´eor`eme de Taylor-Young en remarquant que (exp)(n)(x0) = exp(x0).
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