Fiche à détacher et à archiver
N°5
Le Courrier des addictions (1) n° 5, décembre 1999
Fiche
Évaluer un usager de cocaïne ou de crack
Éric Mangon, Marc Auriacombe*
Il faut s’intéresser dans un premier temps au mode de consommation de la cocaïne, nombre de prises dans la
journée, combien de jours dans la semaine, utilisation d’autres substances. Contrairement à l’héroïne, cette
consommation peut être discontinue malgré une dépendance avérée. En effet il existe souvent une alternance
de phase de consommation et de phase d’abstinence. Durant la prise le sujet perd rapidement le contrôle : “le
crack est démoniaque. Quand il vous tient, il ne vous lâche plus, il est plus fort que quiconque. Il vous demande
un dévouement constant et total” (commentaire typique d’un consultant).
Il est nécessaire d’interroger le patient sur la forme de cocaïne et la voie d’administration. Cela permettra de
mieux évaluer le risque addictif et de repérer les comportements à risque. Il existe deux formes principales :
le chlorhydrate de cocaïne et la cocaine base (crack). Le chlorhydrate de cocaïne, communément désignée
cocaïne, ou “poudre blanche”, est sniffé ou injecté. C’est une drogue représentée socialement comme récréative,
intégrative, synonyme de réussite. La cocaïne base, dénommée crack ou freebase suivant le mode de prépara-
tion, est inhalée. Le crack est représenté comme une drogue diabolisante, au fort pouvoir addictif. C’est la
drogue des pauvres, synonyme de violence et de désocialisation.
C’est la perte de contrôle, la prise compulsive de cocaïne qui vont caractériser la dépendance, comme pour les
autres substances. À noter que la consommation de chlorhydrate de cocaïne par IV et l’inhalation de cocaïne
base sont à l’origine de dépendance plus sévère que l’usage de chlorhydrate de cocaïne en sniff du fait d’un
délai d’action plus court et d’effets plus intenses.
Les patients uniquement dépendant à la cocaïne sont encore peu présents en France métropolitaine à l’heure
actuelle. Par contre c’est la drogue principale dans certains départements français d’Outre-Mer, à la Martinique
par exemple. La codépendance est fréquente : alcool, héroïne, cannabis et doit être systématiquement recher-
chée et prise en compte.
Différent des tableaux cliniques classiques rencontrés chez les patients alcooliques ou héroïnomanes, on ne
retrouve pas de symptomatologie physique prégnante mais des manifestations essentiellement psychiques asso-
ciant anxiété, apathie, anhédonie, désintérêt, ennui. Cet état est émaillé d’envies obsédantes de cocaïne déclen-
chées souvent par la présence de circonstances qui ont été associées à la consommation : personnes, lieux,
musique, objets.
Diverses complications sont décrites dans la littérature. Un interrogatoire précis ainsi qu’un examen clinique
complet doivent être réalisés. En pratique il semble que nous sous-évaluons ce retentissement somatique.
Les complications cardiaques sont les plus fréquentes et les plus dangereuses sur le plan vital : HTA, angor,
infarctus du myocarde, dissection aortique, trouble du rythme, cardiomyopathie, myocardite, insuffisance
cardiaque. Face à une douleur thoracique qui est le symptôme le plus fréquent, il faut éliminer en premier lieu
un angor ou un infarctus du myocarde. Une douleur thoracique chez un sujet jeune sans antécédent doit faire
évoquer une prise de cocaïne.
Les complications pulmonaires notamment lors d’un usage de crack sont l’asthme, les barotraumatismes
(pneumothorax, pneumomédiastin), l’œdème pulmonaire.
Les complications neurologiques sont dominées en terme de fréquence par les crises convulsives et en terme
de gravité par les accidents vasculaires cérébraux.
Sur le plan dermatologique de véritable Syndrome Ekbaum (délire de parasitose) sont repérés.
Il faut rechercher deux complications spécifiques d’un usage chronique de cocaïne survenant dans les suites
d’une prise : d’une part l’état paranoïaque transitoire (“la parano”). C’est une idée délirante à théme de persé-
cution et mécanisme interprétatif avec risque de développer ultérieurement une psychose et d’autre part le
comportement de recherche stéréotypé (“chasser les fantômes”). C’est la recherche compulsive de morceaux
de cocaïne qui auraient pu être égarés.
I
Sous la responsabilité de leurs auteurs
Mode de
consommation
Différentes formes et
voies d’administration
thérapeutique
Dépendance
Polydépendance
Syndrome de manque
* Unité de soins pour addictions, service universitaire de psychiatrie (Pr. Tignol), CH Charles Perrens et CHU de Bordeaux
Évaluation de l’état
somatique
Évaluation de l’état
psychiatrique